Intervention de Pierre Lellouche

Réunion du 27 novembre 2013 à 9h45
Commission des affaires étrangères

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPierre Lellouche :

Je voudrais simplement partager quelques réflexions sur un sujet qui préoccupe l'Europe depuis le début de l'histoire de l'Union européenne. Tout commença à l'Assemblée nationale, en août 1954, lorsque celle-ci rejeta le projet de la CED. Cela fut suivi par la création du commandement intégré de l'Alliance et la remilitarisation de l'Allemagne au sein de l'Alliance. Puis vint le plan Fouchet imaginé par le général de Gaulle pour créer l'Union politique, projet rejeté par le Bundestag lorsqu'il adopta le fameux traité de l'Elysée. Puis nous avons eu la querelle franco-américaine à propos de l'OTAN et notre retrait de l'organisation intégrée en 1966.

Le projet de défense européenne a donc été gelé par la Guerre froide et le veto implicite des Etats-Unis doublé de l'attitude de l'Allemagne qui entre la France et les Etats-Unis ont toujours choisi ces derniers. Cette situation était valable jusqu'à la chute du mur de Berlin.

Vingt-cinq ans après la chute du mur, l'Europe est réunifiée mais nous faisons face à un nombre de crises sans précédent dans l'histoire européenne. Aujourd'hui, la conjonction stratégique que nous vivons est probablement la plus dangereuse depuis la première guerre mondiale. L'heure est grave, car nous avons une Europe caractérisée par trois choses : la dénucléarisation du continent européen, le désarmement budgétaire unilatéral, et une forte tendance à la neutralisation.

L'ambition de l'Europe est de devenir une grande Suisse grasse et confortable très peu ouverte aux problèmes du monde. En dépit des efforts de la France et des plaidoyers que nous avons les uns et les autres multipliés, l'Europe de la défense n'intéresse personne à part nous et nous sommes les seuls à gérer les crises.

Alors en effet Mme la Présidente, votre rapport est excellent car il présente toutes les difficultés de l'entreprise et il est vrai que nous n'avions besoin de personne au Mali. Les contributions de nos partenaires se sont limitées à la mise à disposition de quelques avions de transport, guère plus, et nous allons à nouveau nous engager seuls en République centrafricaine.

Mais, au-delà des déclarations qui seront lues lors de ce Conseil européen, il faut que nous tirions des leçons politiques.

Nous disons à l'UMP que la défense européenne commence à la maison par une politique de défense sérieuse. Je ne reprendrai pas le discours de François Fillon qui a fait un long réquisitoire contre la loi de programmation militaire hier soir. Je crains que les réductions de nos crédits ne permettent ni de répondre aux défis actuels, ni de lancer un embryon de défense européenne.

Il convient bien entendu de préserver notre outil industriel sans nous faire d'illusions quant aux perspectives d'intégration, car, comme vous le releviez Mme la Présidente, en période de restriction budgétaire, le réflexe est plutôt le repli national. La piste des mutualisations doit être suivie et, à ce titre, le succès de l'EATC est aussi une bonne nouvelle.

Nous faisons une proposition simple : puisqu'il est impossible de demander le moindre sacrifice en Europe et qu'à chaque fois qu'il y a une crise, c'est la France qui s'en occupe alors que nous avons de plus en plus de difficultés à financer ces opérations, qu'il y ait au moins un partage du fardeau à travers une caisse commune alimentée par chaque Etat au prorata de son PNB. Nous proposons donc la création d'un fond européen OPEX.

En conclusion, faisons notre travail à la maison, essayons de mutualiser certains moyens et essayons d'avancer sur une mutualisation des financements. Pour moi, l'Europe ne fera pas de défense commune parce que c'est comme ça, sauf si une catastrophe fait office de déclencheur. Nous sommes pour l'instant dans cette logique : dénucléarisation, désarmement budgétaire et tentation de la neutralisation.

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