Intervention de Chaynesse Khirouni

Séance en hémicycle du 19 février 2014 à 21h30
Développement et encadrement des stages — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaChaynesse Khirouni, rapporteure de la commission des affaires sociales :

Monsieur le président, madame la ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche, mesdames les présidentes de la commission des affaires sociales et de la commission des affaires européennes, monsieur le rapporteur pour observations, chers collègues, au moment où j’accède à cette tribune, je souhaite vous dire toute la fierté qui est la mienne en vous présentant cette proposition de loi tendant au développement, à l’encadrement des stages et l’amélioration du statut des stagiaires.

Elle est le fruit de longs mois d’auditions et de concertation avec l’ensemble des parties : entreprises, établissements d’enseignement, organisations syndicales ou collectifs d’étudiants. Je souhaite remercier Geneviève Fioraso, ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche, et Michel Sapin, ministre du travail, de l’emploi et du dialogue social, qui ont donné un signe fort à nos jeunes en soutenant activement cette proposition de loi et en déclarant l’urgence sur ce texte.

Si cette initiative parlementaire est adoptée, nous allons mettre en oeuvre l’engagement présidentiel visant à l’encadrement des stages pour empêcher les abus. L’emploi des jeunes est pour notre majorité un enjeu prioritaire. En effet, depuis le début de la crise économique, le chômage des jeunes a augmenté de 50 % dans l’Union européenne. Bien que la dégradation ne soit pas aussi spectaculaire dans notre pays, il n’est pas épargné.

Dans son rapport de septembre 2012, le Conseil économique, social et environnemental a estimé le nombre de stages en milieu professionnel à environ 1,6 million par an, contre 600 000 en 2006. Par ailleurs, force est de constater que, contrairement à certaines idées reçues, la France se distingue en Europe par l’importance qu’elle accorde à l’ancrage professionnel de ses cursus d’enseignement, notamment universitaires. Les stages et périodes de formation en milieu professionnel demeurent, la plupart du temps, de belles occasions pour les jeunes d’acquérir des compétences, de mettre en pratique leur formation, de tester leur projet professionnel et d’affiner leurs choix d’orientation. Ils permettent également aux entreprises de bénéficier de compétences nouvelles et de se constituer un vivier de recrutement potentiel.

Il convient de souligner également que de nombreux jeunes éprouvent des difficultés à trouver des stages, en l’absence d’un réseau personnel et familial, du fait de la méconnaissance du monde du travail ou en raison de discriminations similaires à celles qui ont été identifiées pour l’accès à l’emploi. Nous le savons, la situation actuelle du marché du travail conduit certains jeunes ayant terminé leur formation à accepter des stages faute de trouver un premier emploi. Aujourd’hui, une grande partie des diplômés doit enchaîner des périodes de stage pendant des années, avant de décrocher un CDD, et enfin un CDI. Ainsi, trop souvent, les périodes de stage deviennent un véritable sas d’entrée dans la vie active et conduisent à la précarisation des jeunes. Cette réalité est largement partagée au sein de l’Union européenne, comme pourra le rappeler Philip Cordery, rapporteur pour observations.

Dans certains cas, les stages peuvent être détournés de leur vocation première et se substituer à des emplois qui devraient être occupés par de jeunes diplômés. Oui, il faut le dire, certaines entreprises ont parfois recours aux stages de manière abusive, en recrutant des stagiaires à la place de salariés ou en leur imposant des conditions d’activité défavorables.

Qu’en est-il exactement de ces « abus » ? C’est simple. Par exemple, il ne faut pas chercher bien loin pour voir des annonces de ce type : « Vous êtes doté d’une bonne capacité de travail et animé par la volonté de dépasser les objectifs du chef de service… » Voilà les qualités requises pour postuler non pas à un CDI de cadre, mais à un stage de plus de six mois ! Ou encore : « Groupe publicitaire de dimension internationale recherche un(e) stagiaire assistant(e) chef de projet digital pendant une durée de six mois à un an pour le suivi et l’avancement de projets de grandes marques au sein du pôle spécialisé en marketing interactif. Profil exigé : formation en école de commerce, école multimédia ou école de communication, bon niveau d’anglais, esprit d’équipe et force de propositions. Rien que cela !

Devons-nous nous contenter de faire le constat de ces abus sans réagir ? Ma réponse est non. J’estime qu’en apportant des éléments de régulation au recours aux stages, nous confortons les entreprises vertueuses, celles qui voient dans le stage un investissement d’avenir, face à la concurrence déloyale de celles qui ont des pratiques douteuses. De même, il existe des écoles dont l’unique objectif est de fournir des conventions de stages contre paiement, sans aucun cours, sans aucune formation.

Notre proposition de loi vise donc à rappeler que le stage n’est pas une fin en soi, mais doit rester un outil au service d’un cursus de formation. Depuis dix ans, les mobilisations des collectifs étudiants ou des organisations syndicales ont amené le législateur à préciser le droit encadrant le recours aux stages. Toutefois, des failles demeurent. Certaines mesures réglementaires prévues par la loi n’ont jamais été prises par l’ancienne majorité, comme par exemple la création d’un registre spécifique pour les stagiaires dans les entreprises. Celui-ci me paraît d’ailleurs être une source de difficultés et une contrainte pour les entreprises. C’est pourquoi nous avons choisi la solution plus simple, moins complexe et plus lisible de l’inscription au registre unique du personnel.

Plus récemment, la loi relative à la recherche et à l’enseignement supérieur du 22 juillet 2013 a modifié le cadre législatif en vigueur. Elle a étendu le champ d’application des mesures au-delà des seules entreprises et rappelé que le stage est une période pédagogique qui s’intègre nécessairement à un cursus.

Notre proposition de loi est à la fois un texte de synthèse et un texte d’équilibre. Dans un souci de clarification du droit applicable, tant à l’attention des stagiaires que des entreprises, elle tend à recodifier les dispositions du code de l’éducation relatives aux stages et aux formations en milieu professionnel. Dans un souci de simplification, un chapitre spécifique leur sera dédié. Il rassemblera des dispositions existantes.

L’article 1er fixe les missions de l’établissement d’enseignement. Celui-ci doit appuyer et accompagner l’élève ou l’étudiant dans sa recherche de stage ; définir le parcours pédagogique dans lequel s’insère le stage, en précisant les compétences à acquérir ou à développer ; et enfin désigner un enseignant-référent chargé du suivi du stage, ce qui constitue un gage de qualité.

L’article 1er crée également des outils de lutte contre le recours abusif aux stages. En particulier, il prévoit de limiter leur durée à six mois et de mettre fin, à l’issue d’une période de transition de deux ans, aux régimes dérogatoires actuellement en vigueur. Cela permettra de bien distinguer les formations relevant du stage de celles qui s’apparentent à l’alternance. Le texte rappelle que, par définition, aucun stage ne saurait se substituer à un emploi, qu’il soit permanent ou temporaire. Comme je l’indiquais, ces mesures n’impacteront pas la très grande majorité des entreprises, qui sont vertueuses.

Oui, mes chers collègues, nous avons également prévu un dispositif de contrôle, voire, dans certains cas, de sanction. J’entends déjà certains dire que nous allons tarir l’offre de stages. Je voudrais simplement leur rappeler que les avancées précédentes n’ont jamais restreint l’offre de stages, dont le nombre a plus que doublé en dix ans, et également que ces mesures n’ont pas permis d’endiguer les abus. Devons-nous offrir à notre jeunesse pour seule perspective celle d’obtenir un sous-emploi, sous-payé ? Non, je ne le crois pas.

C’est pourquoi, pour lutter contre ces abus, nous posons le principe de la limitation, par voie réglementaire, du nombre de stagiaires rapporté à l’effectif global de l’organisme d’accueil. Je souhaite que le décret tienne compte de la diversité des situations et notamment de celle des TPE et PME, surtout innovantes. La limitation du nombre de stagiaires répond à un impératif de qualité. Au sein de l’organisme d’accueil, un même tuteur ne pourra encadrer qu’un nombre limité de stagiaires.

La proposition de loi trace les contours d’un véritable statut du stagiaire, qui lui confère notamment des droits nouveaux. Elle vise à lui appliquer les dispositions du code du travail relatives aux autorisations d’absence en cas de grossesse, de paternité ou d’adoption, ainsi que les protections relatives aux durées maximales de présence et aux périodes de repos. Enfin, nous prévoyons d’exonérer d’impôt sur le revenu les gratifications versées aux stagiaires. Cette mesure leur bénéficiera directement, à eux et à leurs parents lorsqu’ils sont rattachés à leur foyer fiscal.

Pour conclure, cette proposition de loi a le mérite d’apporter une clarification législative et de contenir de nouvelles dispositions qui constituent de réelles avancées pour les stagiaires, tout en préservant un équilibre. Nous veillons, d’une part, à éviter toute confusion entre le statut de stagiaire et celui de salarié et, d’autre part, à ne pas tarir l’offre de stages.

Ce texte sécurise les jeunes et replace le stage dans un véritable parcours de formation et d’insertion professionnelle. Surtout, et c’est le plus important pour moi, avec ce texte, nous confirmons la mobilisation de tous pour les jeunes, en leur signifiant notre confiance en leurs compétences, en leurs capacités d’innovation, en leurs qualités, et ce, quels que soient leur formation, leur parcours ou leurs origines.

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