Intervention de Geneviève Fioraso

Séance en hémicycle du 19 février 2014 à 21h30
Développement et encadrement des stages — Présentation

Geneviève Fioraso, ministre :

Il faut se féliciter qu’une prise de conscience collective ait entraîné, depuis 2006, un encadrement législatif et réglementaire progressif des stages, le plus souvent suite à l’interpellation des jeunes eux-mêmes. Après l’adoption d’une charte des stages non contraignante en 2006, l’évolution vers une réelle réglementation a été engagée : obligation de conventionnement dès 2006, obligation de gratification des stages de plus de trois mois dans le secteur privé en 2008, étendue aux stages de plus de deux mois et aux stages de la fonction publique d’État en 2009, interdiction des stages hors cursus en 2010, avec cependant beaucoup d’exceptions qui rendent son application très aléatoire, accès aux avantages du comité d’entreprise et prise en compte de l’ancienneté dans l’entreprise en cas d’embauche suite à la négociation des partenaires sociaux en 2011, et enfin extension des gratifications dans la loi du 22 juillet 2013 relative à l’enseignement supérieure et à la recherche, qui inscrit définitivement le stage dans un cursus de formation.

Malgré ses insuffisances, l’état de la réglementation française fait figure d’exemple au niveau européen, et ses principes sont aujourd’hui au coeur des échanges dans le cadre de l’élaboration d’une recommandation du Conseil de l’Union européenne pour l’encadrement des stages des jeunes. Pour autant, si toutes les dispositions prises au fil de l’eau allaient dans le bon sens, leur caractère parcellaire, leur élaboration au coup par coup et dans certains cas l’absence de décrets d’application nécessitaient de clarifier, compléter et simplifier le cadre législatif. Certaines exceptions empêchent aussi de lutter efficacement contre les abus, et les dispositifs de contrôle nécessaires n’avaient pas été prévus. Il reste enfin de nombreux vides juridiques dans les protections dont doivent bénéficier les stagiaires.

Si le texte dont nous allons débattre est utile, c’est aussi parce qu’il procède à la simplification du dispositif, répondant enfin à une demande forte des établissements et des entreprises d’accueil. La situation actuelle est en effet complexe. Il y a eu trois vagues législatives successives, en 2006, 2009 et 2011, accompagnées d’une demi-douzaine de textes réglementaires. Il manque de nombreuses dispositions d’application. La codification s’est faite pour partie dans le code de l’éducation et pour partie dans le code du travail. Cette instabilité juridique a posé des difficultés d’appropriation aux acteurs de terrain. La proposition de loi procède donc à un regroupement des dispositions relatives aux stages et à une recodification dans une partie spécifique du code de l’éducation, commune aux enseignements secondaire et supérieur. L’intention initiale du législateur était en effet d’accompagner dans les mêmes conditions les élèves, en particulier les lycéens de l’enseignement professionnel, les plus concernés, et les étudiants.

La proposition de loi que nous examinons aujourd’hui est donc tout à fait pertinente, et le contexte est favorable pour avancer. Contrairement à ce que certains craignaient, la réglementation des stages mise en place depuis 2006 n’a pas diminué l’offre globale de stages. Bien au contraire, leur nombre a plus que doublé depuis cette date, avec 1,2 million de stages proposés aujourd’hui.

Le texte équilibré qui vous est proposé vise un double objectif : le développement de stages de qualité dans les cursus, et leur encadrement pour limiter les abus et améliorer les droits des stagiaires. Je le redis clairement : faire un stage est une bonne chose dans un parcours de formation. Les stages facilitent l’accès au premier emploi : un tiers des jeunes diplômés déclarent avoir reçu une proposition d’embauche suite à un stage, et la moitié de ceux qui ont accepté ont signé un CDI. Les stages constituent une première expérience professionnelle appréciée par les employeurs et peuvent aider les étudiants de premier cycle à affiner leurs choix d’orientation. En outre, ils s’inscrivent dans la volonté d’ouverture des universités au monde du travail et aux partenariats avec les entreprises, ce qui favorise l’insertion professionnelle et l’adaptation des formations aux besoins socio-économiques.

Cependant, malgré les progrès indéniables que je viens de mentionner, les stages demeurent encore répartis de façon déséquilibrée selon les niveaux d’études et les filières. En moyenne, 32 % des étudiants à l’université ont suivi un stage, mais seulement 3 % en première année de licence, contre 61 % en deuxième année de master. Or un stage en premier cycle est très utile pour confronter son projet à la réalité, grâce à l’immersion dans le monde professionnel réel. Par ailleurs, le déséquilibre porte aussi sur la nature des filières de formation. Si 90 % des étudiants en licence professionnelle ou en DUT ont accompli un stage, ils sont encore trop peu nombreux dans les formations générales. Il faut donc agir de façon plus volontariste pour les développer dans toutes les formations. C’est pourquoi la loi du 22 juillet 2013 relative à l’enseignement supérieur et à la recherche a fait de la place des stages et de la professionnalisation des cursus un critère pour l’accréditation des établissements et l’évaluation des formations dispensées.

Pour développer les stages, la présente proposition de loi vient préciser utilement les missions de l’établissement d’enseignement chargé d’accompagner l’étudiant dans sa recherche de stage. En effet, comme cela vient d’être dit, nombre de jeunes rencontrent encore de grandes difficultés en l’absence de réseau personnel ou familial.

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