Intervention de Patrick Hetzel

Séance en hémicycle du 19 février 2014 à 21h30
Développement et encadrement des stages — Motion de rejet préalable

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPatrick Hetzel :

Revenons un peu sur l’histoire récente concernant la législation des stages. Force est de constater que le domaine a fait l’objet d’une accumulation de réformes sans précédent : plusieurs lois et mesures réglementaires ont été adoptées en 2006, en 2009, en 2010, puis en 2011, ensuite en 2012 et enfin en 2013. La moindre des choses serait de disposer de mesures d’impact préalables ainsi que d’évaluations a posteriori. Hélas, il n’en est rien. J’estime que c’est très grave.

Rappelons que les partenaires sociaux ont conclu le 7 juin 2011 un accord national interprofessionnel pour développer le nombre de jeunes en contrat d’alternance et mieux encadrer les stages en entreprise. Les dispositions de cet accord ont été rendues obligatoires à la suite de son extension par arrêté du 22 octobre 2012 : délai de carence entre deux stages, limitation de la durée des stages, gratification, tenue d’une liste des conventions de stage, embauche à l’issue d’un stage. Les droits des stagiaires ont été largement renforcés ces dernières années et l’on a veillé à conserver son caractère formatif au stage.

Une nouvelle réforme sur le sujet est déstabilisante et anxiogène pour les acteurs susceptibles de prendre des stagiaires, sans compter qu’elle se heurte à l’idée si souvent évoquée par le Président de la République du choc de simplification. Avec un tel texte, la simplification attendra.

Je voudrais insister sur le fait qu’au moment où je vous parle, et sans prendre en compte les éventuelles mesures de cette proposition de loi, l’encadrement du stage en France est déjà très important. Faisons un rapide état des lieux.

Premièrement, les stages hors cursus sont déjà interdits. Ils font obligatoirement l’objet d’une convention entre l’établissement d’enseignement, l’entreprise et l’élève ou l’étudiant, qui doit préciser les dates, lieux et horaires du stage, les activités confiées au stagiaire et les indemnités et avantages offerts. Elle est consignée dans un registre des conventions de stages dans l’entreprise. Le stagiaire ne peut être utilisé par l’entreprise pour remplacer un salarié absent. Il se voit confier une ou des missions conformes au projet pédagogique défini par son établissement d’enseignement et approuvées par l’organisme d’accueil. Le stagiaire effectue une évaluation du stage qu’il transmet ensuite à son établissement d’enseignement.

Deuxièmement, il existe déjà une gratification à partir du troisième mois : lorsque le stage dépasse deux mois, il fait l’objet d’une gratification, calculée selon des critères précis. Déjà appliquée dans les entreprises, les associations et la fonction publique d’État, elle a été étendue aux fonctions publiques territoriale et hospitalière. Le stagiaire a aussi droit à des tickets restaurant et au remboursement de la moitié de son titre de transport. Tout ceci existe déjà et ne nécessite aucune modification de la législation.

Troisièmement, la règle générale est déjà de ne pas avoir de stages de plus de six mois. En effet, les textes actuellement en vigueur, notamment l’excellente loi Cherpion, prévoient que la durée du ou des stages effectués par un même stagiaire dans une même entreprise ne peut excéder six mois par année d’enseignement, sauf dérogations.

On peut donc légitimement s’interroger sur les raisons qui poussent aujourd’hui la majorité à vouloir légiférer sur le sujet. Je n’en vois qu’une seule : faire plaisir au lobby Génération précaire et privilégier une vision post-soixante-huitarde en créant un statut de travailleur intellectuel pour les élèves et les étudiants.

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