Intervention de Véronique Massonneau

Séance en hémicycle du 19 février 2014 à 21h30
Développement et encadrement des stages — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaVéronique Massonneau :

Cette tendance se caractérise aussi par l’inflation de la création d’établissements qui n’ont pour seule raison d’exister que la délivrance de conventions de stage. Pour 500 euros, un jeune peut ainsi s’acheter un nouveau stage. Il convient de lutter contre cet effet d’aubaine pour ces fausses formations.

Il est donc nécessaire d’encadrer davantage les stages, qui doivent rester une étape dans le parcours de formation des étudiants, en remettant à plat les prérogatives des établissements d’enseignement et des tuteurs, en définissant un véritable statut du stagiaire.

C’est à ces objectifs que tente de répondre cette proposition de loi. Cette démarche s’inscrit dans la ligne directrice des précédents textes sur le sujet : la loi sur l’égalité des chances de 2006, les lois de notre collègue Cherpion de 2009 et 2011 et, plus récemment, la loi sur l’enseignement supérieur et la recherche de juillet 2013. Ces différentes lois ont permis des avancées, au-delà de clivages partisans, en faveur des étudiants et des stagiaires, comme la gratification obligatoire pour les stages d’une durée supérieure à trois mois, puis à deux mois, par exemple.

La proposition de loi que nous examinons aujourd’hui, quant à elle, présente de nouvelles avancées. Mais avant de m’y attarder, je tenais à saluer sincèrement l’excellent travail mené par Mme la rapporteure Chaynesse Khirouni, un travail d’audition très intéressant, de concertation et de discussion. Elle a qui plus est prêté une oreille attentive aux interrogations : cela n’est pas systématique et je l’en remercie.

Concernant le fond du texte, de nombreuses dispositions sont à souligner. Les missions de l’établissement d’enseignement sont redéfinies et précisées. Ainsi, on vise à s’assurer que les stages s’inscrivent dans un projet pédagogique clair et formateur pour l’étudiant, afin que ce dernier acquière de véritables connaissances et compétences professionnelles. Je le disais dans mon introduction, trop souvent désormais les stages sortent de leur véritable domaine, qui est la confrontation au terrain de la formation théorique dispensée au sein de l’université ou de l’école.

Ces stages ne doivent pas, ne doivent plus être des emplois déguisés. Les stagiaires ne sont pas une main d’oeuvre à bas prix dont les entreprises peuvent se servir aisément. C’est pourquoi des outils de lutte contre le recours abusif aux stages et contre ces emplois déguisés sont instaurés par cette proposition de loi. On peut citer la limitation dans le temps des stages. Une telle disposition existait déjà, mais avec un système dérogatoire trop important, si bien que, dans les faits, il était aisé de la contourner. Désormais, il faudra une raison valide pour effectuer un stage de plus de six mois au sein du même organisme.

Dans le même sens, il est prévu une limitation du nombre de stagiaires par entreprise. Je salue encore une fois à ce sujet les précisions apportées par la rapporteure, qui a bien expliqué que cette limitation se ferait par seuils. Ainsi, les TPE, PME et grandes entreprises ne seront pas soumises aux mêmes limitations. Il était important de prendre en considération ces différences.

Pour lutter efficacement contre les emplois déguisés, la mesure présentée à l’article 2 va dans le bon sens. En effet, l’inscription des stagiaires au registre unique du personnel est une proposition que les écologistes ont faite par voie d’amendement à de nombreuses reprises. À chaque fois, cela avait été renvoyé à texte ultérieur. Je suis donc très satisfaite que cette proposition de loi reprenne cette mesure. Cela apportera une plus grande transparence au sein des entreprises et organismes d’accueil.

Le registre unique du personnel pourra se montrer précieux pour l’inspection du travail, dont les prérogatives en matière de lutte contre les emplois déguisés sont renforcées, ce qui est une excellente nouvelle. À de trop nombreuses reprises, de grandes annonces ne sont pas suivies d’effets. Ici, l’objectif annoncé est clair : lutter contre le recours abusif aux stages et combattre les emplois déguisés. Et les moyens suivent. Nous nous en félicitons donc.

Outre la lutte contre le recours abusif, le statut des stagiaires est amélioré. De nouveaux droits, fondés enfin sur le code du travail, leur sont ouverts. Les stagiaires bénéficieront désormais des dispositions relatives aux autorisations d’absence en cas de grossesse, de paternité ou d’adoption, ainsi que les protections relatives aux durées maximales de présence et aux périodes de repos.

Enfin, l’article 6 prévoit un dispositif d’exonération d’impôt sur le revenu pour les gratifications de stage. Cela semble être une mesure intéressante dans le cadre de structures au sein desquelles la gratification est supérieure au minimum légal. Il conviendra toutefois de veiller à ne pas créer un effet d’aubaine pour les entreprises qui préféreraient proposer un stage moins bien rémunéré qu’un CDD, mais dont la gratification serait exonérée d’impôt sur le revenu.

Toutes ces mesures vont donc dans le bon sens et les écologistes les soutiennent pleinement. Toutefois, nous pensons que d’autres améliorations seraient encore souhaitables, qu’on aurait pu aller encore plus loin. Je pense notamment à la question des gratifications. Le minimum légal actuel est de 436 euros mensuels environ. Si, dans certaines structures d’accueil, le budget est très serré – et cela, on peut l’entendre – il n’en reste pas moins que cette somme est réellement trop faible. Je vais prendre trois illustrations.

Songez à l’étudiant qui, faute d’emploi, est contraint d’enchaîner les stages et va alors avoir recours à ces fameuses fausses formations qui délivrent les conventions moyennant quelques euros. Leur prix est généralement supérieur à la gratification mensuelle minimale. On pourra m’objecter que, justement, cela donne un caractère rédhibitoire à cette pratique, mais ne soyons pas aveugles, nous savons pertinemment que ce n’est pas le cas.

Et que dire du deuxième étudiant, de celui qui, pour payer ses études, est obligé d’avoir un petit boulot à côté ? Comment fait-il lorsqu’il entre en période de stage ? Il se retrouve moins payé et dans l’impossibilité de compléter, faute de temps. Essayez de vivre avec un revenu mensuel de 436 euros : payez votre loyer et vous êtes d’ores et déjà à découvert.

Enfin, le troisième étudiant est celui qui décide de bénéficier de la réforme des retraites et de s’acheter ses trimestres de stage. Il va donc devoir amputer sa gratification, déjà très faible, pour s’offrir un droit. Madame la ministre, ne faudrait-il pas revoir rapidement le montant de ces gratifications, afin de sortir plus d’un étudiant d’une précarité imposée ?

Par ailleurs, on a pu constater des dysfonctionnements au sujet de la durée minimale ouvrant droit obligatoirement à une gratification. Actuellement, tout stage de deux mois consécutifs oblige la structure d’accueil à rémunérer le stagiaire. Mais deux problèmes se retrouvent fréquemment : les stages d’un mois et vingt-neuf jours, et les gratifications versées à partir du troisième mois. Ne serait-il donc pas opportun d’abaisser le seuil garantissant aux stagiaires une gratification ?

Pour en finir avec la gratification, madame la ministre, je souhaitais vous interroger sur un sujet qui, en commission, a soulevé des questions de la part de plusieurs parlementaires et de Mme la présidente de la commission en particulier. Il s’agit de la fonction publique et des stages dans le secteur médico-social. Entre pénurie de stages et absence de gratification, la gronde des étudiants et professionnels concernés est légitime. Pouvez-vous, madame la ministre, nous rassurer sur les évolutions législatives et réglementaires à venir pour assurer une plus grande équité entre les secteurs ?

Enfin, au-delà de la gratification, et toujours pour lutter contre la précarité étudiante, il semblerait intéressant d’ouvrir aux stagiaires les droits dont bénéficient les salariés, tels que les titres de transport et les titres restaurant.

Je soulève ces interrogations, qui seront débattues via nos amendements, mais je réitère le soutien absolu des écologistes à cette proposition de loi qui va indéniablement dans le bon sens et pose de nouvelles et réelles avancées pour nos étudiants.

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