Intervention de Élisabeth Guigou

Séance en hémicycle du 24 septembre 2014 à 15h00
Déclaration du gouvernement sur l'intervention des forces armées en irak et débat sur cette déclaration

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaÉlisabeth Guigou, présidente de la commission des affaires étrangères :

Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mesdames et messieurs les ministres, mes chers collègues, nous menons en Irak une action responsable et courageuse qui mérite d’être largement soutenue par notre Assemblée, particulièrement au moment où un chantage odieux s’exerce sur notre pays depuis l’enlèvement de notre compatriote Hervé Gourdel. Ni la nécessité de notre intervention, ni sa légitimité politique, ni sa légalité au regard du droit international ne peuvent être sérieusement mises en doute.

Daech ne recule devant aucun crime, aucune atrocité, pour soumettre les populations à la barbarie, pour persécuter et chasser les minorités confessionnelles et ethniques, notamment chrétiennes, yézidies ou encore turkmènes, et pour étendre son emprise territoriale. Cette organisation terroriste est parvenue à accumuler des capacités militaires et des ressources financières sans précédent, en grande partie prélevées sur l’État irakien en déroute. Daech a réussi à prendre le contrôle de vastes territoires en Irak et en Syrie, à l’issue d’avancées foudroyantes.

Daech fait peser un péril mortel sur les Irakiens, mais aussi sur les pays voisins, tout en menaçant nos compatriotes à l’étranger. L’enlèvement d’Hervé Gourdel en est, hélas, un témoignage poignant. Jamais la menace terroriste n’a été aussi élevée pour notre pays.

Devant la gravité extrême de cette menace, le Président de la République et le Gouvernement ont décidé immédiatement que notre pays devait prendre ses responsabilités, en apportant d’abord, à l’initiative du ministre des affaires étrangères, Laurent Fabius, un secours humanitaire aux populations civiles, puis en fournissant des armes aux forces irakiennes et aux peshmerga kurdes sur le point d’être submergés. Par la suite, à la demande de l’État irakien, en coordination avec nos alliés et pour appuyer les combattants sur le terrain, la France a procédé à ses premières frappes aériennes en Irak le 19 septembre dernier.

Aucune comparaison ne peut être établie avec l’intervention américaine de 2003. Cette dernière avait été justifiée par un mensonge, menée contre les autorités irakiennes de l’époque et sans l’accord du Conseil de sécurité des Nations unies. Aujourd’hui, la menace est avérée. La légalité de notre intervention se fonde sur l’article 51 de la Charte des Nations unies et ce sont les autorités irakiennes qui nous ont appelés à l’aide.

Notre intervention est très clairement délimitée. Comme le Président de la République l’a annoncé, notre action militaire ne concerne que l’Irak et ne comporte pas l’envoi de troupes au sol. Elle a pour but d’aider l’Irak à affaiblir Daech ; elle passe par un appui aérien aux combats menés par l’armée irakienne pour contenir Daech puis, espérons-le, pour reconquérir les territoires perdus. Je salue à cet égard l’action du ministre de la défense, ainsi que la compétence et le courage de nos militaires.

En Syrie, où la situation est politiquement et juridiquement très différente, même si Daech est présent des deux côtés de la frontière, nous refusons toute coopération avec Bachar al Assad. Nous soutenons très concrètement l’opposition syrienne modérée qui se bat sur deux fronts, contre Daech et contre les forces de Bachar al Assad.

En Syrie comme en Irak, nous concevons surtout l’intervention militaire comme un soutien à une solution politique, car nous savons qu’une solution durable ne peut être que politique. Nous avons ainsi veillé à soutenir la formation, en Irak, d’un gouvernement qui inclue les principales composantes de la société irakienne, notamment les chiites, les sunnites et les kurdes. Le nouveau premier ministre, issu de la communauté chiite, s’est engagé à mettre un terme à la politique d’exclusion des sunnites que menait son prédécesseur et qui a provoqué le ralliement de tribus sunnites à Daech. La solution politique viendra d’abord des Irakiens, mais aussi des États de la région.

Les principaux États sunnites voisins de l’Irak ont annoncé leur participation à la coalition internationale. Certains d’entre eux ont contribué ces jours derniers aux opérations militaires. Leur concours est en effet indispensable dans la lutte globale et de longue haleine qui s’est engagée contre Daech pour tarir ses sources de financement, pour entraver l’action des filières de combattants étrangers qui viennent grossir ses rangs, pour mener le combat sur le terrain idéologique en dissociant l’islam et ses valeurs des actes barbares commis par Daech, et pour apporter une réponse humanitaire à l’afflux des réfugiés.

Pour notre part, nous devons à chaque instant refuser tout amalgame entre l’islam et le terrorisme, saluer les prises de position des responsables des musulmans de France, et mener chez nous des actions répressives, mais aussi préventives, à l’égard de tous ceux, de plus en plus nombreux, qui se radicalisent. Je salue à cet égard l’action du ministre de l’intérieur et de ses services, qui ont déjà empêché des dizaines de départs et livré à la justice de nombreux candidats djihadistes à leur retour de Syrie.

Je termine en remerciant le Gouvernement des précisions qu’il pourra nous apporter quant à la nature de la contribution des pays voisins de l’Irak. L’Iran a aussi un rôle à jouer dans la lutte contre Daech. Il serait évidemment souhaitable que nous puissions coopérer avec l’Iran en Irak, mais aussi en Syrie. Le Président Hollande vient de rencontrer M. Rohani à New-York. Une porte est-elle en train de s’ouvrir ? Là aussi, je vous remercie, monsieur le Premier ministre, pour les indications complémentaires que le Gouvernement pourra nous apporter sur ce sujet.

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