Intervention de Michaël Foessel

Réunion du 17 avril 2015 à 9h00
Groupe de travail sur l'avenir des institutions

Michaël Foessel :

Je n'ai pas de religion particulière sur le Sénat ni sur sa nécessité, mais s'interroger sur le bicamérisme implique, me semble-t-il, de poser la question de la nature démocratique de cette institution. Il a été beaucoup question dans nos débats d'élargir la représentativité du Sénat au-delà des territoires, mais la seconde chambre a-t-elle vocation à être une institution démocratique ? Je rappelle que, chez les Romains, le Sénat incarnait l'autorité plus que le pouvoir et que les sénateurs agissaient au nom de l'expérience et non au nom de la volonté populaire. On a beaucoup évoqué l'âge des sénateurs, mais sur quoi peut se fonder aujourd'hui leur autorité dès lors qu'on ne peut plus considérer que leur âge garantit ipso facto leur sagesse ?

Cela nous amène à la distinction qu'il faut nécessairement établir entre pouvoir et autorité : il existe aujourd'hui en France et dans les autres démocraties de plus en plus d'autorités sans pouvoir et de plus en plus de pouvoirs sans autorité. Or il me semble que le Sénat doit être envisagé comme une chambre sans pouvoir législatif, mais incarnant une autorité fondée sur une forme de savoir qui est politiquement efficiente sans être antidémocratique.

La question du temps me paraît ici centrale et, dans la mesure où la modernité réfute aujourd'hui ce qui a été longtemps admis, à savoir que le passé, l'expérience et la tradition constituaient autant de sources – non démocratiques – de la légitimité, ne pourrait-on pas envisager de s'en remettre à l'avenir, de concevoir, en d'autres termes, une chambre à l'intérieur de laquelle la temporalité politique ne soit plus celle des événements à court terme, mais dans laquelle soit inscrite la préservation de l'avenir, y compris dans le domaine écologique ?

Sans avoir d'idée précise sur la manière d'institutionnaliser cette proposition, j'attire votre attention sur le fait que deux chambres impliquent nécessairement, du moins sous un angle philosophique, deux sources de légitimité. Ainsi le Sénat est-il là pour battre en brèche l'idée que la seule et unique source de légitimité réside dans la volonté populaire. Il incarne une autre forme de légitimité et, si l'on ne veut plus admettre qu'elle émane de l'expérience ou de la tradition, elle peut procéder d'une temporalité longue, orientée vers l'avenir, ce qui, d'un point de vue institutionnel, implique que le Sénat perde son pouvoir d'initiative législatif.

1 commentaire :

Le 27/12/2016 à 14:44, Laïc1 a dit :

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"j'attire votre attention sur le fait que deux chambres impliquent nécessairement, du moins sous un angle philosophique, deux sources de légitimité. Ainsi le Sénat est-il là pour battre en brèche l'idée que la seule et unique source de légitimité réside dans la volonté populaire. "

Remarque très pertinente. Le Sénat met en évidence le fait que la République se méfie de la volonté populaire, et que le système social a en effet une autre source de légitimité plus réaliste : celui des corps constitués, des corporations établies, tout ce qui éloigne en fait de l'idée que l'on se fait du "simple citoyen", base de la République et de la démocratie, être pensant et agissant, mais dans lequel on peut trouver de tout, y compris des chômeurs, des gens qui n'ont comme base sociale que leur identité "française", et qui, las de ne pas être considérés comme il se devrait, finissent par se tourner vers les extrêmes. En cela le Sénat, par sa vision rigide et conservatrice de la société, participe à la déconstruction politique du citoyen, il le relègue dans son silence et son inutilité sociale, il achève de détruire l'idée républicaine que le citoyen est représenté, que son vote a du poids ou un sens, puisque son vote pour un député est tempéré par un Sénat sur lequel il n'a aucune prise. Le Sénat, qui est l'équivalent de la chambre des Lords en Angleterre, c'est-à-dire celle de la noblesse, est la garantie que le tiers État réactualisé à notre époque n'aura pas trop de pouvoir, il est l'anti 1789, il est le symbole de la survivance de l'Ancien régime parmi nous.

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