Intervention de Denis Baranger

Réunion du 22 mai 2015 à 9h00
Groupe de travail sur l'avenir des institutions

Denis Baranger :

Certes, la représentation ne s'épuise pas dans la représentativité, mais, lorsque les représentants manquent vraiment de représentativité, leur capacité à représenter s'en trouve amoindrie. Telle est l'idée qui se dégage de l'excellente note préparatoire qui nous a été soumise. En d'autres termes, si l'on ne peut ni ne doit attendre d'un régime représentatif que ses assemblées soient le miroir de la société dans toutes ses composantes et dans sa diversité, car ce ne serait ni possible ni souhaitable, un sérieux problème se pose lorsque l'écart devient trop marqué entre l'appartenance sociologique des représentants et la composition de la société qu'ils représentent.

À cet égard, il convient de distinguer le problème de la représentation des jeunes, important mais non crucial, de celui, beaucoup plus grave, de la représentation des minorités issues de la diversité.

En cette matière, quelle méthode adopter lorsque la question se pose de modifier la Constitution ou les pratiques ? En ce qui concerne les minorités issues de la diversité, n'est-ce pas aux partis politiques de résoudre le problème plutôt qu'à une révision constitutionnelle ou à une modification de la loi ? Peut-être est-ce faute de compétence mais, comme juriste, la discrimination positive me cause quelque embarras, que j'exposerai en tentant de répondre à certaines des questions que soulève la note.

Premièrement, faut-il étendre le mécanisme de retenue financière de la première fraction de l'aide publique, applicable en matière de parité entre les hommes et les femmes, à d'autres catégories de personnes victimes de discriminations ? En l'espèce, voici ce qui me gêne : comment choisirait-on les catégories protégées, les cibles de la non-discrimination ? Si un groupe de travail comme le nôtre peut être utile en touchant aux rouages de la mécanique constitutionnelle qui sont à sa portée, il me semble que ce n'est pas à propos de la discrimination selon la race, la religion ou l'origine géographique : si importants que soient ces problèmes, je ne vois pas comment y remédier par des modifications constitutionnelles, en instaurant des quotas ou d'autres mécanismes de discrimination positive.

Il n'en va pas de même de la parité entre hommes et femmes, à laquelle j'aimerais que nous réfléchissions en termes plus opérationnels. Sur ce point, j'ai lu avec un grand intérêt le rapport publié en février 2015 par le Haut Conseil à l'égalité entre les femmes et les hommes, dont j'aurais aimé que nous puissions entendre ici l'un des représentants. Cette parité étant un problème universel puisque l'on est soit homme, soit femme, il est possible d'y veiller de manière consensuelle par la Constitution ou par la modification du droit positif. Le rapport met l'accent sur le problème des élections locales et de l'absence de parité au sein des exécutifs et des organes représentatifs à cet échelon ; il me semble qu'en la matière des avancées sont possibles. Alors que la Constitution a déjà été revue à deux reprises à cette fin, en 1999 et en 2008, le bilan statistique établi par le Haut Conseil n'est guère satisfaisant. Peut-être devrions-nous donc réfléchir à des modifications au niveau infraconstitutionnel, dans la loi organique – où s'exerce aujourd'hui un pouvoir quasi-constituant – ou ordinaire.

Je suggère en somme que nous nous concentrions sur ce qui suscite le consensus et qui est sinon facile, du moins à notre portée : la parité entre les hommes et les femmes. Il s'agit plus précisément de généraliser celle-ci, autant que possible, mais aussi de résoudre le problème de la continuité des mandats puisque, selon le même rapport, les femmes, une fois élues, ont tendance à quitter leurs fonctions, où elles sont remplacées par des hommes.

Ensuite, faut-il permettre aux citoyens d'affecter directement une partie des donations publiques aux partis politiques au moyen de l'impôt ? Je plaiderais plutôt pour que cette proposition ne soit pas appliquée, ou seulement, comme disait Montesquieu, d'une main tremblante. En effet, ce serait aller vers une privatisation du financement des partis, laquelle me paraît périlleuse à la lumière de l'exemple américain. D'une manière générale, je me méfie des affectations d'impôt. Notre culture n'est pas celle de l'Allemagne et ce qui s'y pratique en matière de financement des institutions religieuses ne me paraît pas devoir nous servir de modèle pour les partis politiques – ni, a fortiori, pour les institutions religieuses !

S'agissant enfin d'un problème qui ne figure pas dans la note, le contournement des dispositions relatives au financement des partis, je proposerai que l'on supprime les micro-partis.

2 commentaires :

Le 08/03/2017 à 17:20, Laïc1 a dit :

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"En d'autres termes, si l'on ne peut ni ne doit attendre d'un régime représentatif que ses assemblées soient le miroir de la société dans toutes ses composantes et dans sa diversité, car ce ne serait ni possible ni souhaitable, un sérieux problème se pose lorsque l'écart devient trop marqué entre l'appartenance sociologique des représentants et la composition de la société qu'ils représentent."

Ils sont censés représenter des idées, pas leur type physique...

Vous trouvez ce commentaire constructif : non neutre oui

Le 08/03/2017 à 17:21, Laïc1 a dit :

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"Il s'agit plus précisément de généraliser celle-ci, autant que possible, mais aussi de résoudre le problème de la continuité des mandats puisque, selon le même rapport, les femmes, une fois élues, ont tendance à quitter leurs fonctions, où elles sont remplacées par des hommes."

Bizarre, subiraient-elles des pressions ?

Vous trouvez ce commentaire constructif : non neutre oui

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