Intervention de Danielle Auroi

Réunion du 11 décembre 2013 à 17h15
Commission des affaires européennes

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDanielle Auroi, Présidente :

Monsieur le ministre, nous sommes heureux de vous recevoir, pour la première fois, à propos du sujet crucial et délicat qu'est la pêche. Nous vous remercions de nous accorder un peu de votre temps quelques jours avant un important Conseil des ministres européens de la pêche.

Notre commission est très engagée en matière de politique européenne de la pêche, laquelle constitue, avec la politique agricole commune, la politique de la concurrence et la politique monétaire, l'une des quelques politiques intégrées de l'Union. En d'autres termes, dans ce domaine, c'est au niveau européen que les choix politiques doivent être faits, d'autant que la ressource halieutique ne connaît pas de frontières et que sa préservation doit être compatible avec les exigences sociales. En effet, le sujet est à l'articulation de problématiques environnementales, sociales et économiques ; la table ronde sur la pêche en eaux profondes que nous avons organisée il y a peu avec la commission du développement durable l'a d'ailleurs confirmé.

La présente audition vise à faire le point sur la politique commune de la pêche, la PCP, dans la perspective du Conseil agriculture et pêche de la semaine prochaine. Nous aimerions tout d'abord disposer d'informations précises sur les répartitions de totaux admissibles de captures – TAC – et de quotas qui sont négociées depuis plusieurs mois, et notamment sur le projet de règlement en discussion à propos de l'Atlantique et de la mer du Nord. Quels sont les principaux enjeux de ces négociations pour la pêche française ? En 2011, 54 % des stocks d'Atlantique Nord-Est évalués étaient considérés comme surexploités. La négociation s'engage-t-elle aujourd'hui sous des auspices plus favorables ? Les nouveaux TAC proposés garantiront-ils une pêche européenne durable ?

Le Parlement européen a approuvé hier le règlement de base réformant la PCP et le règlement portant organisation commune des marchés dans le secteur des produits de la pêche et de l'aquaculture. Notre commission avait adopté en avril, à l'occasion de la réforme, un rapport et une proposition de résolution européenne sur le sujet. Quel bilan peut-on dresser de la réforme ? Comment celle-ci sera-t-elle mise en oeuvre en pratique, s'agissant notamment de l'interdiction progressive des rejets, sujet également sensible ?

Les dispositions relatives au Fonds européen pour les affaires maritimes et la pêche, le FEAMP, sont aussi en cours de négociation. Selon quelles priorités le Gouvernement emploiera-t-il ce fonds ? De quelle marge de manoeuvre disposera-t-on pour l'utiliser au niveau local, notamment pour déterminer les mesures qu'il finance ? Dans sa proposition de résolution d'avril dernier, notre commission contestait la clé de répartition entre les États membres des enveloppes du fonds, laquelle dépend du seul critère historique qui désavantage nettement la France. Sur quel taux de retour cette dernière peut-elle compter ?

Le problème de la pêche en eaux profondes me tient à coeur comme écologiste et importe à mes collègues pour des raisons sociales ; la table ronde à laquelle j'ai fait référence en a défini les enjeux. Les scientifiques ont rappelé le danger que représente la pêche des espèces vulnérables, dont la croissance est lente et la reproduction très fragile, ainsi que les rejets très importants qu'elle entraîne. M. Philippe Cury, chercheur à l'Institut de recherche pour le développement, a même souligné que le potentiel des ressources profondes résidait « davantage dans l'incroyable potentiel de biodiversité et de génétique qu'elles recèlent que dans les quelques tonnes de protéines qu'elles fournissent ».

Hier, le Parlement européen a approuvé le principe d'une limitation de la pêche profonde – 91 voix seulement se prononçant contre –, mais a rejeté par 342 voix contre 326 l'amendement visant à interdire le chalutage ; ce faible écart montre combien le sujet est, lui aussi, sensible. Nous le savons, deux États sont plus concernés que les autres : l'Espagne et la France. Des représentants de la pêche espagnole se sont d'ailleurs invités in extremis à notre table ronde au côté de leurs homologues français. Il serait regrettable que cette question fasse l'objet d'une opposition frontale sans dialogue possible. Dans ce dossier, les écologistes ont le sentiment que le Gouvernement soutient surtout l'industrie de la pêche au motif que celle-ci fournit des emplois immédiats, mais nous espérons qu'il trouvera une solution de compromis en poursuivant le dialogue.

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