Intervention de Bernard Accoyer

Réunion du 2 octobre 2015 à 10h00
Groupe de travail sur l'avenir des institutions

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBernard Accoyer :

Au moins aurai-je l'avantage, monsieur le président, d'exprimer des opinions différentes de celles des orateurs précédents, ce qui ne me paraît pas inutile dans une institution qui symbolise la démocratie.

Nous avons passé ensemble des moments sympathiques, messieurs les présidents. Il est toujours agréable de pratiquer la gymnastique intellectuelle. Toutefois, les problèmes d'une nation, d'un peuple dépassent largement ce genre de passe-temps.

La France n'a pas besoin de réviser une vingt-cinquième fois sa constitution, elle a surtout besoin de courage politique. Nos institutions fonctionnent, personne ne peut le contester. Et ce n'est pas la faute de la Constitution si les gouvernements n'ont pas eu ou n'ont pas le courage d'engager les réformes indispensables. Je dirai même que ces gouvernements n'ont que trop rarement recouru aux outils existants pour faire adopter ou faire passer dans notre pays les mesures qui apparaissent à tous plus nécessaires que jamais.

Nos institutions ont été bâties pour qu'une volonté politique forte puisse s'exprimer et être soutenue. Si cette volonté n'existe pas, rien ne peut être fait, quelle que soit la nature des institutions. Or y a-t-il conjoncture qui justifie plus que celle d'aujourd'hui la manifestation d'une volonté politique forte ? Les préoccupations des Français sont d'abord le chômage, l'avenir collectif économique et social de notre pays, notre incapacité à maîtriser les déficits publics et à leur inspirer confiance et sentiment de sécurité face aux mutations du monde, y compris face aux dramatiques migrations actuelles.

Ne jouons pas les apprentis sorciers avec nos institutions. Je n'adhère pas à la proposition d'un septennat non renouvelable si largement partagée dans le groupe de travail. Souvenons-nous qu'en 2000, lorsqu'il a été décidé de passer au quinquennat, l'enjeu était de mettre un terme aux cohabitations où le Président de la République devient le premier opposant de France. Seulement deux quinquennats entiers se sont déroulés – celui de Jacques Chirac et celui de Nicolas Sarkozy – et voilà que nous voudrions revenir sur cette disposition sans en avoir véritablement évalué les conséquences. Quant à prévoir le non-renouvellement de mandat, c'est se substituer à la souveraineté du peuple.

L'architecture institutionnelle proposée dans le rapport – d'une extraordinaire qualité de rédaction dont je félicite les fonctionnaires de l'Assemblée – signe, avec l'introduction d'une dose de proportionnelle, la fin du parlementarisme rationalisé. C'est le retour garanti à l'instabilité gouvernementale. L'implosion progressive de la majorité à partir de 2012 illustre bien la nécessité de disposer d'outils tels que le 49-3, dont la réforme de 2008 a encadré le recours. Le Gouvernement a dû ainsi y recourir à l'occasion de la loi. La proportionnelle amplifierait tous les problèmes liés aux majorités relatives et marquerait le retour de la primauté des partis charnières et des combinaisons de couloir au Palais Bourbon.

Conduire le Président de la République à venir s'expliquer lui-même devant le Parlement avant les sommets européens serait un retour aux pratiques de la IVe République dont on connaît les résultats exécrables.

Quant à la remise en cause du bicamérisme, je vous invite à en mesurer les conséquences en vous rappelant ce que les Français eux-mêmes en avaient pensé en 1969. D'une certaine façon, nous revenons à ce qui s'est passé avec le Traité de Lisbonne : refusé par le peuple en tant que traité constitutionnel, il a été adopté par les parlementaires, sous le nom de Traité de Lisbonne. En toutes circonstances, le peuple doit être l'arbitre. Et tel est le rôle qui lui est dévolu dans les institutions de la Ve République même si nous pouvons regretter qu'il ne puisse le jouer que lors des consultations politiques essentielles que sont l'élection présidentielle et les élections législatives, comme l'architecture même de nos institutions le veut.

Des aménagements sont toutefois possibles, je dirai même nécessaires, pour notre pratique parlementaire. Il n'y a pas de nécessité de toucher à la Constitution. Le but est de légiférer moins, de légiférer mieux et de contrôler davantage l'action publique. Les études d'impact sur les amendements du Gouvernement paraissent évidemment indispensables, comme elles le sont pour les propositions de loi. Quand on voit que des pans entiers de notre droit concernant des domaines aussi importants que la politique de santé ou les contentieux devant les prud'hommes ont été réécrits nuitamment par des amendements gouvernementaux, on ne peut qu'être persuadé de leur nécessité.

L'évaluation scientifique de textes concernant des prolongements d'évolutions technologiques est indispensable. Nous devenons un Parlement obscurantiste qui ne tient pas compte de l'objectivité scientifique alors même qu'il compte en son sein un Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques. Nous ne le consultons même pas.

Mettre en oeuvre les dispositions relatives au temps législatif programmé de notre règlement répondrait à l'agacement du Président de la République devant la durée des débats sur la loi Macron. Mais il suffit d'appliquer le règlement qui prévoit d'ores et déjà une maîtrise du temps.

Limiter le recours à la procédure accélérée est une exigence. Le Gouvernement en use et en abuse. C'est le plus sûr moyen de mal légiférer : de manière expéditive. En outre, en multipliant les normes, nous contribuons à nourrir l'inquiétude devant la défaillance de nos dispositions législatives qui fait renoncer à entreprendre et à développer notre économie, ce qui empêche de remédier aux pires maux de notre pays.

Écarter les dispositions de nature réglementaire dans les lois est une autre exigence. La loi est devenue verbeuse, nous nous sommes tous accordés sur ce point.

Mieux coordonner le travail en commission et en séance est une simple question de pratique.

Mieux utiliser tous les dispositifs de contrôle issus de la révision de 2008 et de la réforme du règlement de 2009 dépend simplement d'une décision, monsieur le président de l'Assemblée nationale.

Le comité d'évaluation et de contrôle de l'Assemblée dispose de pouvoirs très importants. On n'y a pas suffisamment recours, et c'est bien dommage. Tout comme nous n'utilisons pas assez notre pouvoir de créer des commissions d'enquête. Là encore, c'est une question de volonté politique.

Renforcer le contrôle et l'évaluation de toutes les dispositions européennes est encore une exigence.

Enfin, ouvrir aux internautes la possibilité de rédiger des amendements serait une forme de participation de tous au travail législatif.

Vous l'aurez compris, messieurs les présidents, chers amis : je ne voterai pas le rapport.

1 commentaire :

Le 12/12/2016 à 16:36, Laïc1 a dit :

Avatar par défaut

" Nous devenons un Parlement obscurantiste qui ne tient pas compte de l'objectivité scientifique alors même qu'il compte en son sein un Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques. Nous ne le consultons même pas."

Et pour les conséquences écologiques et pour la santé humaine de l'exploitation des gaz de schiste, a-t-il été consulté ?

Vous trouvez ce commentaire constructif : non neutre oui

Inscription
ou
Connexion