Intervention de Olivier Falorni

Séance en hémicycle du 28 octobre 2015 à 15h00
Projet de loi de finances pour 2016 — Justice

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaOlivier Falorni :

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous constatons avec satisfaction l’augmentation des dotations de la mission « Justice », portant le budget pour 2016 à plus de 8 milliards d’euros en autorisations d’engagement pour le ministère de la justice, regroupant les budgets affectés aux juridictions, à la protection judiciaire de la jeunesse et aussi aux services pénitentiaires.

Nous ne pouvons que saluer cet effort, dans un contexte budgétaire contraint. Il répond à certaines critiques émises par le rapporteur spécial de la mission, Etienne Blanc, qui, s’appuyant sur un rapport de la Cour des comptes, a pu faire part du manque de soutenabilité du budget de la justice, dont les dépenses sont en augmentation constante. Le rapporteur s’inquiète du sous-calibrage de la masse salariale, d’autant plus que le glissement vieillesse-technicité en constitue un élément structurant.

Cette priorité fait également partie des objectifs de modernisation et d’amélioration de la justice, plus proche et protectrice des droits des justiciables, conformément au projet de loi pour la justice pour le XXIe siècle, présenté par la garde des sceaux, dont l’examen débute au Sénat. Ainsi, garantir un égal accès, dans des délais raisonnables et à des coûts acceptables pour l’ensemble des justiciables, constitue un objectif nécessaire et doit être encouragé.

Ce budget consacre également la création de vingt-sept emplois de magistrat et de 200 ETPT pour les services pénitentiaires d’insertion et de probation, à quoi s’ajoute le renforcement de la politique d’aide aux victimes, avec une augmentation de 18 % du budget, accompagné d’une ambition éducative pour la justice des mineurs, renforcée par la pérennisation de son budget pour 2016.

Enfin, au titre de la lutte contre la radicalisation en milieu carcéral, sujet auquel je suis sensible, et parce qu’il est de notre devoir de lutter contre ce phénomène, le projet de budget pour 2016 prévoit de faire bénéficier le ministère de la justice de crédits supplémentaires permettant la création de 333 emplois et de 50,2 millions d’euros complémentaires de crédits de paiement, hors dépenses de personnels.

Pour autant, nous pouvons nous interroger sérieusement sur les moyens dont disposent les établissements pénitentiaires pour fonctionner. Nous déplorons à ce titre la dégradation progressive des conditions de sécurité en prison, soulignée par de multiples acteurs.

Les prisons ne peuvent demeurer des lieux de radicalisation, et il apparaît déterminant de renforcer la lutte contre la création de filières, notamment au sein des établissements pénitentiaires. Les prisons ne peuvent pas, ne doivent pas être des pépinières de djihadistes. Au-delà des 253 emplois créés pour l’ouverture de nouveaux établissements, ce sont 172 créations d’emplois, auxquels s’ajoutent trente aumôniers, qui sont prévues en 2016 dans le cadre du plan de lutte antiterrorisme.

Il ne faut pas oublier les aumôniers. Leur rôle est primordial dans la lutte contre la radicalisation. Pour déconstruire cette idéologie, il faut aussi lui opposer des arguments théologiques et intellectuels. Il faut donc des aumôniers formés, compétents, républicains, et assurant une présence régulière toute la semaine.

À défaut d’un véritable service de renseignement pénitentiaire, que je préconise, avec des personnels formés permettant le recueil et l’analyse des données en milieu carcéral, les crédits du plan de lutte antiterrorisme permettent de structurer le renseignement pénitentiaire avec des officiers dédiés à plein temps dans les prisons. C’est un premier pas, qui doit faire ses preuves rapidement et c’est pourquoi il est urgent que les délégués locaux soient nommés rapidement.

Le projet de loi de finances prévoit 2,5 millions d’euros en autorisations d’engagement et 9 millions en crédits de paiement pour des travaux permettant une prise en charge spécifique des personnes radicalisées dans cinq unités spécialisées dites de déradicalisation. Il est nécessaire d’accompagner les détenus en voie de radicalisation ou les détenus les plus modérés, mais il est aussi impérieux d’isoler les détenus recruteurs pour mettre fin au prosélytisme et je regrette que ce programme ne prévoie pas la généralisation de l’expérience menée actuellement à Fresnes.

Néanmoins je tiens à souligner que ce dispositif peut être insuffisant pour lutter contre la radicalisation quand il s’agit du regroupement des détenus déclarés très dangereux. Le risque serait que cela permette à des détenus de communiquer entre eux, ce qui n’aboutirait qu’à déplacer la problématique. Il convient donc de placer en régime d’isolement total les individus identifiés comme islamistes radicaux recruteurs. Il y va de la sécurité des Français car le terrorisme se combat aussi en prison, d’abord en prison, dirais-je même. Pour cela, il faut aider les agents pénitentiaires à accomplir leur lourde tâche, rendue plus complexe encore par la montée de l’islamisme radical. Je tiens, pour ma part, à leur rendre un hommage particulièrement appuyé.

Pour toutes ces raisons et parce que le budget de la justice est en augmentation et va dans le bon sens, le groupe RRDP votera les crédits de cette mission.

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