Intervention de Jean-Marie Tetart

Séance en hémicycle du 28 octobre 2015 à 15h00
Projet de loi de finances pour 2016 — Aide publique au développement – prêts à des États étrangers

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Marie Tetart :

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, madame la présidente de la commission des affaires étrangères, monsieur le rapporteur spécial, monsieur le rapporteur pour avis, à Addis Abeba, vous aviez engagé, madame la secrétaire d’État, la communauté internationale sur la voie des financements innovants ; à New York, le Président de la République avait annoncé une France exemplaire, qui allait accroître de 4 milliards son effort à l’horizon 2020 ; or, pendant ce temps, le Gouvernement préparait un budget d’aide publique au développement en baisse pour la cinquième année consécutive ! Cette baisse atteignait 6,3 % en 2015, soit 177 millions d’euros, affectant principalement les pays les plus pauvres, puisque c’est la partie consacrée aux dons, en particulier la fraction affectée à la santé, qui était la plus durement frappée.

Cette situation n’était guère tenable à la veille de la COP 21, à l’occasion de laquelle la France souhaite entraîner le monde sur le chemin du « zéro carbone, zéro pauvreté ». Alors, une fois n’est pas coutume, je salue l’éclair de lucidité du Gouvernement, qui – sans doute sous votre impulsion, madame la secrétaire d’État – a revu sa copie et trouvé 150 millions supplémentaires, stabilisant en apparence la dégradation de l’aide publique au développement française, alors qu’au Royaume-Uni et en Allemagne, les crédits qui y sont consacrés sont en constante progression. La représentation nationale a considéré que ce n’était pas suffisant et a voté l’attribution de 25 % du produit de la taxe sur les transactions financières à l’Agence française de développement, en dépit de l’opposition du Gouvernement. Nous savons combien cet acquis est fragile et nous resterons vigilants, d’une part pour qu’il ne disparaisse pas dans la suite de l’examen budgétaire, d’autre part pour qu’une fois acquis il soit effectivement engagé. Je prends donc acte d’un début d’inversion de la courbe de dégradation de l’aide publique au développement française – suivant la formule consacrée pour mesurer les résultats de la politique gouvernementale dans notre pays.

En sortant de l’Assemblée, le projet de loi de finances pour 2016 consacrera l’aide publique au développement en lui accordant un budget supérieur à celui de 2015. Toutefois, cette appréciation doit être relativisée, car, comme dans toute maison sérieuse et bien gérée, il conviendrait de commencer par payer ses dettes : dette de 27,5 millions à Gavi, l’Alliance du vaccin ; incertitude de 40 millions concernant la contribution pour 2015 de la France au Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme. La consultation du « bleu » budgétaire ne permet pas de se rassurer sur ce versement, ni sur l’engagement de 360 millions au bénéfice du Fonds mondial en 2016. Et que dire des reculs touchant l’Initiative santé solidarité Sahel et les engagements de Muskoka, que nous ne tenons pas ?

Rassurez-nous, madame la secrétaire d’État : dites-nous que nous réglerons bien nos dettes et que nous tiendrons nos engagements ! L’inversion de la courbe de dégradation de notre aide publique au développement et l’accroissement de la proportion de dons pour les pays prioritaires deviendraient alors effectifs. Nous soutiendrons par conséquent les amendements tendant à transférer, cette année encore, des crédits du programme 110 au programme 209, et nous veillerons à leur mise en oeuvre effective.

En l’absence de résultats de la politique du Gouvernement, qui ne permet pas de dégager des ressources pour l’aide publique au développement, c’est bien vers les financements innovants qu’il convient de se tourner si l’on veut relever les défis soulevés par la situation du monde, le climat, la pauvreté, la santé ou les réfugiés. Qu’importe s’ils viennent en addition ou en substitution : c’est l’extrême urgence de l’aide au développement qu’il faut traiter.

Financements innovants – mais pas ceux qui consistent à faire des prêts à Gavi et à les faire rembourser par la Fondation Gates… Non, plutôt des financements comme la taxe « Chirac » ou la taxe sur les transactions financières, en affectant progressivement la totalité de leur produit à l’aide au développement. Je suis heureux qu’une fois encore contre l’avis du Gouvernement, la représentation nationale ait adopté l’extension de la taxe sur les transactions financières aux opérations intra-journalières. Et si j’ai voté en faveur de cette mesure, c’est, non pas parce que je serais, comme certains de mes collègues, l’ennemi de la finance, mais parce que je crois que le secteur bancaire, comme les autres secteurs, doit contribuer à la réparation des désordres et préjudices qu’il peut provoquer.

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