Intervention de Estelle Grelier

Séance en hémicycle du 9 mars 2016 à 15h00
Droit individuel à la formation pour les élus locaux — Présentation

Estelle Grelier, secrétaire d’état chargée des collectivités territoriales :

Monsieur le président, monsieur le rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, mesdames, messieurs les députés, le texte que vous examinez aujourd’hui apporte des corrections importantes à deux lois adoptées en 2015 et qui visent à améliorer les conditions d’exercice des mandats locaux : la loi du 31 mars 2015 visant à faciliter l’exercice, par les élus locaux, de leur mandat, dite loi Sueur-Gourault, d’une part, et la loi du 7 août dernier portant nouvelle organisation territoriale de la République, dite loi NOTRe, d’autre part.

Favoriser l’accès de tous les citoyens aux fonctions électives est essentiel pour améliorer la représentativité et la vitalité de la vie démocratique de notre pays. Or cet accès dépend notamment de possibles allers et retours entre l’exercice d’un mandat électif et la poursuite d’une activité professionnelle.

De fait, un certain nombre de candidats potentiels hésitent à se présenter à une élection ou à briguer une fonction exécutive par crainte de l’avenir, faute de pouvoir préparer par exemple leur reconversion professionnelle. Il existe aujourd’hui encore trop d’obstacles qui contraignent nombre de nos concitoyens à renoncer à s’engager. Cela contribue à la sous-représentation de certaines catégories, socio-professionnelles ou d’âge, dont toutes les études sur le profil et le parcours des élus témoignent.

Quelque 550 000 élus, hommes et femmes, font le choix de se mettre au service de leurs concitoyens. Dans leur majorité, ils sont bénévoles et beaucoup perçoivent de très petites indemnités. La tâche qu’ils accomplissent au quotidien, au plus près des Français, est pourtant considérable. Ils sont en première ligne dans le développement des territoires, des services publics, et dans le maintien du lien social. Ils incarnent la République, partout.

Pour celles et ceux qui embrassent cet engagement de proximité, la loi du 31 mars 2015 est un texte essentiel et attendu. Je tiens, à ce titre, à saluer le travail conjoint effectué par les deux chambres. Portée par les sénateurs Jacqueline Gourault et Jean-Pierre Sueur, cette proposition de loi a été enrichie par les travaux des députés, notamment ceux de Philippe Gosselin et Philippe Doucet, auteurs en 2013 d’un rapport sur ce sujet.

Ce texte institue un droit individuel à la formation, un DIF, pour les élus locaux, droit qui était censé entrer en vigueur le 1erjanvier 2016. D’une durée annuelle de vingt heures, cumulable sur toute la durée du mandat, il est financé par une cotisation obligatoire dont le taux ne peut être inférieur à 1 % du montant des indemnités de fonction versées par la collectivité. La cotisation est collectée par un organisme national.

Toutefois, la loi du 31 mars 2015 n’a pas défini de fonds, ni désigné d’organisme chargé de sa gestion. Une telle modification est de niveau législatif, et ne relève pas d’une loi de finances. Il fallait donc qu’elle emprunte un véhicule législatif adapté. La présente proposition de loi en fait office. Eu égard à la nécessité d’aller vite, le Gouvernement a décidé d’engager la procédure accélérée sur ce texte.

Le nombre de bénéficiaires potentiels est constitué des 550 000 élus locaux de tous les niveaux de collectivités. Parmi eux, les 190 000 conseillers qui perçoivent une indemnité de fonction seraient assujettis au versement de la cotisation. Le montant total ainsi collecté au taux plancher de 1 % est estimé à 14 millions d’euros par an. La mise en oeuvre du DIF relèvera de l’initiative de chacun des élus concernés. Il peut aussi être utilisé pour des formations sans lien avec l’exercice du mandat, dans la perspective de la réorientation professionnelle de l’élu après la fin de son mandat.

La proposition de loi crée donc un fonds dédié à la mise en oeuvre de ce nouveau droit. Sa gestion administrative, technique et financière est confiée à la Caisse des dépôts et consignations, qui assurera également l’instruction technique des demandes de formation. Ce dispositif garantira la transparence qui a parfois manqué avant l’application des textes relatifs à la transparence de la vie politique.

En outre, il est prévu que les élus puissent exercer un suivi global de l’utilisation de ce fonds. Il s’agit d’une demande forte exprimée par les associations qui les représentent. Le comité des finances locales procédera donc à une information annuelle.

L’article 3 de la proposition de loi procède, quant à lui, à une autre rectification, qui porte sur la loi NOTRe. Je salue l’excellent travail d’Olivier Dussopt, qui en fut un rapporteur formidable et engagé et qui fait, de nouveau, démonstration de son goût de la précision et de la perfection en apportant, comme rapporteur de cette présente proposition de loi, les dernières pièces manquantes à la bonne application de la loi NOTRe, à laquelle nous sommes attachés.

Ainsi, la loi NOTRe prévoit, en son article 42, de supprimer les indemnités perçues par les présidents et vice-présidents des syndicats dont le périmètre est inférieur à celui des communautés de communes. Cette disposition est d’application immédiate. Or l’intention du législateur n’était, à l’évidence, pas celle-ci. En effet, la rationalisation du maquis syndical doit s’opérer avec efficacité mais également cohérence d’ensemble.

S’agissant par exemple de l’exercice de la présidence de certains syndicats par des personnalités qualifiées non élues, le législateur a prévu d’y mettre un terme en 2020. C’est la raison pour laquelle le Gouvernement a souhaité, lors de l’examen du projet de loi de finances rectificative, remédier à cette situation par le report de la date d’entrée en vigueur de ce point du texte pour permettre aux élus concernés de s’organiser en conséquence, de manière à assurer une continuité juridique et une préservation de leurs droits individuels.

Cependant, le Conseil constitutionnel a censuré la disposition que le Parlement avait votée, estimant qu’elle constituait un « cavalier ». Le Gouvernement a donc présenté à nouveau un amendement dans le cadre de cette proposition de loi. Tel qu’adopté par les sénateurs, celui-ci prolonge les indemnités jusqu’en 2020, soit l’année de renouvellement général des mandats du bloc communal.

Il ne s’agit certainement pas de remettre en cause l’objectif de rationalisation des syndicats intercommunaux : les 13 000 syndicats mixtes et intercommunaux représentent un budget de 17 milliards d’euros et emploient aujourd’hui 65 000 agents, soit plus du tiers des personnels des établissements publics de coopération intercommunale – EPCI. Avec la nouvelle carte de l’intercommunalité, dessinée grâce à la loi NOTRe, et les nouveaux schémas départementaux de coopération intercommunale, cet exercice de rationalisation doit être accompli, ce qui favorisera les mutualisations et améliorera la lisibilité de l’action publique territoriale pour les citoyens.

Il s’agit simplement de trouver une date d’entrée en vigueur de cette disposition qui soit cohérente et protectrice des situations individuelles. Nous vous proposons donc de choisir, comme les sénateurs, le 1er janvier 2020 pour la fin des indemnités de présidents de syndicats mixtes ou intercommunaux d’une taille inférieure à celle des EPCI à fiscalité propre.

Je veux souligner devant vous à quel point il est important que les dispositions du texte adoptées par le Sénat fassent l’objet d’un vote conforme afin d’entrer en vigueur rapidement. Aujourd’hui en effet, les comptables continuent à indemniser les présidents de syndicat, mais uniquement sur le fondement d’un courrier du secrétaire d’État chargé du budget, Christian Eckert, qui leur a demandé de continuer à honorer ces demandes d’indemnisation, en s’engageant à ce que cette disposition figure dans le plus proche véhicule législatif adapté, lequel se trouve être cette proposition de loi. C’est pourquoi il faut aller très vite.

Aussi, sans vouloir brider ou contraindre le droit constitutionnel d’amendement des parlementaires, le Gouvernement souhaite un vote conforme de ce texte aujourd’hui, qui permette une promulgation de la loi dans les plus brefs délais. Je sais que cette requête est partagée dans vos rangs. En conséquence, l’avis du Gouvernement sur les différents amendements présentés aujourd’hui sera défavorable.

Évidemment, nos échanges ne sauraient clore les discussions relatives au statut de l’élu ou à l’exercice de leurs fonctions, ni celles relatives aux sujets qui font aujourd’hui l’objet d’amendements. Mais, c’est le choix de la sécurité juridique et de l’efficacité que nous vous suggérons aujourd’hui. Je souhaite donc qu’aboutisse, par nos débats de ce jour, l’inscription dans la loi de ces deux dispositions nécessaires.

Après l’adoption, ces dernières années, d’importants textes de réforme de notre organisation territoriale, nous oeuvrons, à ce stade de la mandature, à faciliter l’application des lois, par des retouches chirurgicales s’il est besoin, mais surtout en mettant du liant, de la souplesse dans la mise en oeuvre elle-même quand c’est nécessaire, en nous nourrissant des retours du terrain.

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