Intervention de Françoise Descamps-Crosnier

Séance en hémicycle du 9 mars 2016 à 15h00
Droit individuel à la formation pour les élus locaux — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrançoise Descamps-Crosnier :

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, monsieur le vice-président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, chers collègues, c’est un texte court, mais c’est un beau sujet dont nous sommes saisis aujourd’hui. Au rebours de la mode qui consiste à pratiquer envers les élus, comme envers les fonctionnaires d’ailleurs, le « bashing » et, de manière générale, à remettre en cause l’action publique, nous nous apprêtons à légiférer pour fortifier notre démocratie locale – ce qui, comme l’a rappelé Mme la secrétaire d’État, est indispensable –, en renforçant les outils et compétences des élus.

Parce que c’est le rôle du Parlement, il est bon que nous puissions ancrer cette action publique dans le temps long en donnant à ses acteurs, qu’ils soient agents ou élus, les outils nécessaires à la légitimation et à l’efficacité de l’action publique.

Indéniablement, la formation est l’un d’entre eux, essentiel. J’en sais quelque chose pour avoir suivi de près, ces derniers mois, la question de la formation des agents. Nombre des raisons qui conduisent à appuyer la formation de ceux-ci amènent à plaider pour un renforcement et une sécurisation de la formation des élus – d’autant plus que ce sont eux les décideurs, ce sont eux qui décident in fine de l’action publique à mener et selon quelles modalités. Il nous faut donc donner aux élus les moyens de bien appréhender les cadres législatifs et réglementaires mis en place ces dernières années : nouvelle organisation territoriale de la République, urbanisme, transition énergétique, transparence de la vie publique, etc. C’est aussi un enjeu pour nos territoires.

La capacité à construire des avis informés est la condition sine qua non pour que l’action publique soit légitimée, crédibilisée et mieux acceptée par nos concitoyens. Il s’agit donc d’un élément important pour le fonctionnement de la démocratie locale. J’irai même plus loin en estimant que la formation est une condition indispensable au principe de continuité du service public et de son corollaire, le principe de mutabilitéadaptabilité. Elle est en outre indissociable de la qualité du service public.

Pour toutes ces raisons, il est indispensable de prévoir une disposition pour que les membres du conseil municipal bénéficient chaque année d’un droit individuel à la formation, comme le prévoit l’article 15 de la loi du 31 mars 2015 visant à faciliter l’exercice, par les élus locaux, de leur mandat. D’une durée de vingt heures, financé par une cotisation obligatoire, ce droit à la formation relève de l’initiative de chaque élu pour sa mise en oeuvre. La mesure est importante puisque, comme cela a été souligné, elle concerne un public potentiel de 550 000 personnes.

Depuis la loi du 3 février 1992, le code général des collectivités territoriales reconnaît le « droit à une formation adaptée à l’exercice de leurs fonctions » pour l’ensemble des élus locaux. Ce n’est donc pas une nouveauté. Ce qui est nouveau, c’est qu’on prend acte du fait que ce droit à la formation n’est pas toujours mis en oeuvre et qu’il y a lieu de le soutenir.

Cette disposition est inspirée de plusieurs rapports qui ont formulé des recommandations du même type, dont le rapport d’information du sénateur Antoine Lefèvre et les travaux de nos collègues Philippe Doucet et Philippe Gosselin au nom de la mission d’information sur le statut de l’élu, dont le rapport a été rendu en juin 2013.

Le rapporteur a eu l’occasion de le dire : Jean-Pierre Sueur a souhaité déposer une proposition de loi afin que ce droit individuel à la formation soit mis en oeuvre de manière concrète puisque, si sur le papier il est en application depuis le 1er janvier de cette année, le décret d’application prévu à l’article 15 de la loi du 31 mars 2015 n’a pas encore été pris. Je le regrette, même si je tiens à souligner que ce problème – l’application des lois par le pouvoir réglementaire – se pose, durant cette législature, de manière moins aiguë qu’auparavant. Le Gouvernement présente désormais un bilan semestriel de l’application des lois. Le dernier a été publié le 31 décembre 2015 ; il nous apprenait que le taux d’application des lois avait atteint à cette date 87 %, soit une hausse de vingt-huit points par rapport au 31 décembre 2014 et de quinze points par rapport au 30 juin 2015. Le Parlement reste vigilant sur l’application des lois qu’il vote, mais il note avec satisfaction les progrès réalisés sur ce point par l’exécutif ces derniers mois.

Concrètement, que propose le texte soumis à notre examen ?

L’article 1er crée un fonds pour le financement du droit individuel à la formation pour les élus locaux. Il en confie l’administration à la Caisse des dépôts et consignations et prévoit l’information annuelle du Comité des finances locales.

L’article 2, qui constituait le gage du dispositif, a été supprimé par un amendement gouvernemental, l’exécutif ayant décidé de soutenir ce texte, comme l’a rappelé Mme la secrétaire d’État – dont je salue la présence parmi nous, ainsi que la qualité de l’intervention.

Les apports et précisions du Sénat sur la première partie de la proposition de loi ont été estimés, notamment par notre excellent rapporteur Olivier Dussopt – qui est un fin connaisseur des collectivités territoriales, des établissements publics de coopération intercommunale et des élus locaux –, d’une qualité suffisante pour que la commission des lois n’ait pas eu besoin de remettre l’ouvrage sur le métier lorsqu’elle a examiné le texte la semaine dernière. C’est un avis que je partage, à l’instar du reste du groupe socialiste, républicain et citoyen, comme l’a expliqué notre collègue Anne-Yvonne Le Dain.

Lors de l’examen par le Sénat, le Gouvernement a pris une initiative bienvenue afin de résoudre une difficulté qui se pose de manière aiguë depuis le mois d’août dernier pour les présidents et vice-président des syndicats de communes, des syndicats mixtes ouverts et des syndicats mixtes fermés dont le périmètre est inclus ou identique au périmètre d’un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre. Nous sommes plusieurs sur ces bancs à avoir été directement informés par les élus locaux des conséquences d’une omission malheureuse lors de l’examen de la loi NOTRe : la suppression des indemnités, prévue de manière concomitante à la montée en puissance des nouvelles intercommunalités et à l’extinction progressive des syndicats correspondants, est en effet entrée en application depuis le mois d’août dernier, et cela pose un réel problème pour de nombreux élus dont l’activité syndicale occupe un temps conséquent et qui ne se voient plus compenser les charges que celle-ci induit. Il y a lieu d’y remédier.

Cela a été rappelé : dès l’identification du problème, le Gouvernement a agi, via une circulaire du ministère des finances, dont la base légale apparaît toutefois pour le moins ténue. Une tentative d’amendement du projet de loi de finances rectificative pour 2015 n’a pas abouti, le Conseil constitutionnel ayant analysé cet article additionnel comme un cavalier législatif et l’ayant par conséquent censuré.

La présente proposition de loi offrait donc un vecteur législatif possible, que le Gouvernement – et c’est heureux – a saisi.

La seule question qui pouvait valablement se poser est celle de la date d’application de l’article 42 de la loi NOTRe, qui se retrouvera ainsi décalée avec l’entrée en vigueur des dispositions de cette proposition de loi. Le Gouvernement avait initialement proposé un délai de deux ans, mais les travaux au Sénat ont fixé l’échéance au 1er janvier 2020, puisque c’est à cette date que certaines compétences supplémentaires – telles que l’eau et l’assainissement – seront transférées de plein droit aux intercommunalités. À titre personnel, je partage cependant l’appréciation que M. le rapporteur a exposée dans son rapport : il aurait été plus logique de retenir la date du prochain renouvellement des conseils municipaux et intercommunaux, qui sont prévus pour le mois de mars 2020.

Cependant, étant donné le caractère urgent des deux questions qui sont posées dans la proposition de loi – aussi bien celle de la formation des élus locaux que celle des indemnités des exécutifs syndicaux – il me semble préférable de ne pas rouvrir ce débat, afin de privilégier un vote conforme. Il ne me paraît donc pas opportun d’adopter les amendements qui ont été déposés sur ce texte, puisque cela conduirait immanquablement à prolonger le délai de la navette parlementaire. Cela ne nous aiderait pas à résoudre rapidement et efficacement les problèmes dont nous sommes aujourd’hui saisis.

J’invite l’opposition à suivre le même raisonnement si elle ne veut pas mettre dans l’embarras les élus locaux, puisqu’elle prétend avoir leurs préoccupations à coeur. La majorité veut être à l’écoute des élus locaux, sur des bases pragmatiques ; en l’occurrence, sur ce texte, nous suivrons l’exemple donné par le Sénat, et plus particulièrement par notre collègue Jean-Pierre Sueur, qui a été à l’initiative de ce texte.

Pour toutes ces raisons, compte tenu du caractère urgent de ce texte et de la qualité du travail réalisé par nos collègues sénateurs, je vous appelle à l’adopter conforme, afin que ses dispositions entrent en vigueur le plus rapidement possible.

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