Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Cécile Untermaier
Question N° 65301 au Ministère de l'agriculture


Question soumise le 30 septembre 2014

Mme Cécile Untermaier appelle l'attention de M. le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement, sur la vente de médicaments vétérinaires. La loi n° 75-409 du 29 mai 1975 a instauré un système de monopole partagé entre les pharmaciens, les groupements agréés d'éleveurs et les vétérinaires, à condition pour ces derniers de ne pas tenir officine ouverte et de délivrer des médicaments aux seuls animaux auxquels ils donnent personnellement leurs soins ou dont la surveillance sanitaire et les soins leurs sont régulièrement confiés. Si cette réglementation n'a pas évolué depuis, les pratiques ont elles bien changé, laissant apparaître depuis longtemps déjà sur ce marché spécifique un monopole dit de fait des vétérinaires, notamment évoqué par le dernier rapport de l'inspection générale des finances (IGF) sur les professions réglementées. Une telle situation pose un certain nombre de difficultés, tant sur le plan de la nécessaire loyauté de la concurrence que sur le plan moral. En effet, les pharmaciens se sentent lésés, mis à l'écart par les effets pervers d'une loi au demeurant non appliquée et dénoncent par ailleurs des pratiques qu'ils considèrent déloyales. La « fausse » libre concurrence qu'ils évoquent résulterait d'un déséquilibre de fait entre les deux ayants droit de plein exercice que sont les vétérinaires et les pharmaciens, car si le choix du dispensateur est censé être libre, il ne serait en réalité que très relatif à raison d'un processus de délivrance du médicament qui finalement ne dépasserait jamais les murs du cabinet vétérinaire. L'explication donnée révèle l'existence d'enjeux financiers d'une telle importance que les vétérinaires auraient tout intérêt à délivrer eux-mêmes les médicaments. Un précédent rapport de l'IGF daté de mai 2013 évoque à ce sujet l'existence de contrats de coopération commerciale qui permettraient aux vétérinaires de se dégager une marge arrière très importante grâce aux remises accordées par les laboratoires pharmaceutiques. Au total, toutes marges confondues, presque 75 % du prix de vente reviendraient à ces prescripteurs-vendeurs qui, se prêtant malgré eux au jeu préjudiciable à tous points de vue de l'incitation à prescrire, réussissent à capter 80 % du marché contre 5 % pour les pharmaciens. Il y a dans ce système un conflit d'intérêts manifeste et très contestable, qui pose corollairement une importante question de santé publique. Mais à ce jour, aucun état des lieux sur la situation permettant de mettre en lumière les mauvaises pratiques n'a été effectué, sans compter que les contrôles sont très rares et leur nombre méconnu. C'est ainsi que ces mauvaises pratiques se pérennisent, en marge de la loi, et ce au détriment des autres ayants droits de plein exercice, les pharmaciens, forcés d'admettre leur impuissance. Face à ce constat, nombreux sont ceux qui réclament la mise en place du système dit de découplage entre prescripteur et dispensateur. Cette question a d'ailleurs été évoquée dernièrement à l'occasion du projet de loi d'avenir pour l'agriculture, sans que cette option ne soit retenue. Pourtant, le Parlement européen, dans la recommandation n° 16 de sa résolution du 11 décembre 2012 visant à lutter contre l'antibiorésistance, exhorte à établir cette distinction. Aussi, elle lui demande dans un premier temps si le Gouvernement prévoit d'effectuer un état des lieux des pratiques de sorte, le cas échéant, de rétablir un système de monopole partagé conforme à l'esprit de la loi, équitable et juste. Dans un second temps, elle souhaiterait connaître ses intentions s'agissant de la mise en place du système de découplage préconisé dans notre pays.

Réponse émise le 6 janvier 2015

Il faut d'abord rappeler que les vétérinaires assurent au quotidien, parfois dans des situations d'urgence, un service de proximité apprécié des citoyens, propriétaires d'animaux de compagnie et éleveurs, à savoir des actes de diagnostic, de soins et de délivrance des médicaments nécessaires au recouvrement de l'état de santé des animaux. À ce sujet il convient de souligner leur efficacité, car elle a permis au cours des décennies précédentes, de contenir, prévenir voire éradiquer de grandes maladies animales (rage, brucellose, tuberculose, influenza aviaire...) qui peuvent être préjudiciables à l'économie des filières animales et à la santé publique, et ce, grâce au réseau de vétérinaires qui maille le territoire et qu'il convient de préserver pour éviter des déserts sanitaires. Les vétérinaires ne peuvent pas tenir officine ouverte et ils ne peuvent donc délivrer des médicaments vétérinaires que pour les seuls animaux auxquels ils donnent personnellement leurs soins ou dont la surveillance sanitaire leur est confiée. Le ministre chargé de l'agriculture tient à souligner qu'après avoir effectué leur diagnostic, les vétérinaires ont l'obligation de ne prescrire que les seules quantités nécessaires au traitement et de remettre une ordonnance. Ces importantes restrictions en matière de prescription et de délivrance ne sauraient être interprétées comme la source d'une concurrence déséquilibrée au détriment des pharmaciens qui ont eux la possibilité de tenir officine ouverte. S'agissant du découplage, cette perspective a été envisagée lors des travaux préparatoires à la loi d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt, et a fait l'objet d'un examen approfondi. Il en ressort que le découplage n'a pas apporté la preuve de son efficacité en matière de réduction des consommations de médicaments vétérinaires notamment dans le domaine de lutte contre l'antibiorésistance. En effet, les ventes d'antibiotiques vétérinaires en Espagne et en Italie sont parmi les plus élevées de l'Union européenne, bien au-delà de la situation française, alors même que le découplage y est la règle. Enfin, la loi d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt a mis un terme aux pratiques commerciales qui pouvaient influencer la prescription d'antibiotiques car ces médicaments doivent être utilisés de façon raisonnée et prudente du fait du risque d'antibiorésistance.

3 commentaires :

Le 19/01/2015 à 01:10, vétérinaire praticien a dit :

Avatar par défaut

Chère Mme Untermaier, je ne sais pas d'où diable vous vient cette idée que "75% du prix de vente revient aux prescripteurs-vendeurs", ce qui, une fois les 20% de TVA retirés, laisserait environ 7% aux laboratoires, circuits de distribution, etc... ce chiffre est absolument mensonger. Etant moi-même Dr vétérinaire praticien, je peux vous assurer que nous sommes malheureusement fort loin de ces marges ! Vous avez été trompée, cela arrive, j'en conviens, mais votre chiffre est erroné.

Au lieu de chercher comment achever une profession vétérinaire déjà agonisante au profit des pharmaciens friands de n'importe quel moyen qui leur permettrait de sauver leur peau face aux attaques de la grande distribution, E. Leclerc en tête, je vous invite à considérer ce complément à la réponse fort bien éclairée de notre ministère.

Les médicaments sont vendus par les vétérinaires à la fois pour des raisons de commodités logistiques (seule la voiture du vétérinaire se trouve à 2H du matin dans les fermes et seul le vétérinaire est au chevet de l'animal pour administrer immédiatement le bon traitement, ce qui lui procure effectivement un avantage sur la distribution) mais surtout pour des raisons de conseil. En effet, SEULS spécialistes de la santé animale, malgré les concurrences déloyales des techniciens de tous horizons dépassant trop souvent largement le cadre de leurs compétences, les vétérinaires valorisent péniblement leurs compétences par ce moyen tout à fait discutable : le conseil est gratuit (nous ne savons pas et ne pouvons pas valoriser nos actes, notamment de conseil, c'est un des problèmes humains de notre profession), la rémunération se fait donc sur la vente de médicaments. Et de fait, les vétérinaires sont les seuls à disposer du bagage scientifique permettant la prescription à bon escient, eux seuls connaissent suffisamment bien la pharmacie vétérinaire et ses spécificités, grâce à leurs études adaptées (Grandes Ecoles) très différentes des facultés de pharmacie recueillant les étudiants ayant échoué en médecine, eux-même parfois refoulés au Concours d'Entrée aux Ecoles Nationales Vétérinaires. Ce point peut sembler querelleur, mais il est un des fondements historiques de la regrettable rancoeur que quelques pharmaciens agitateurs nourrissent à l'encontre de la profession Vétérinaire.

J'ajoute enfin que, contrairement à ce que vous pouvez imaginer, nous travaillons une moyenne de 60 H hebdomadaires, auxquelles s'ajoutent les gardes au rythme de 2 à 3 nuits par semaine et 1 à 2 WE par mois (voire parfois beaucoup plus) avec des vacances annuelles inférieures à 5 semaines/an (j'ai personnellement pris 2 semaines en 3 ans). Cela ne mériterait-il pas un peu plus de considération de la part des députés, d'autant que notre rémunération horaire flirte bien souvent avec le SMIC, malgré des études de très haut niveau (2 voire 3 ans de Classes préparatoires puis 5 ans minimum en Grandes Ecoles) ?

Comme l'a souligné notre ministère, l'amputation d'une partie de nos revenus amènerait immanquablement des licenciements, qui se traduiraient également par un arrêt des soins que les vétérinaires apportent aux animaux d'élevage en milieu rural sur TOUT le territoire national, et cette disparition progressive (malheureusement déjà amorcée dans certaines régions) du maillage territorial ne serait que néfaste, à la fois pour le monde agricole et rural, mais surtout pour le consommateur final, les conséquences en termes d'hygiène alimentaire pouvant être désastreuses !

Vous trouvez ce commentaire constructif : non neutre oui

Le 19/01/2015 à 11:07, PhilippeMalherbe a dit :

Avatar par défaut

J'appuie les dires de mon confrère.

Et j'en rajoute: les dérives légales existent, le marché du médicament vétérinaire dérive de plus en plus entre importations illégales et groupements affairistes de vente en gros. Les vétérinaires assistent impuissant à une consommation de masse parfois au détriment de la santé publique(résistance aux antibiotiques et plus récent aux antiparasitaires). En découplant le médicaments, on impactera surtout les petites structures mixtes de proximité qui ont encore un certain controle sur leur prescription et qui, surtout, sont les premiers acteurs d'un maillage sanitaire efficace. La nature ayant horreur du vide, ce marché sera repris par groupement et autre intégrations industrielles diverses. La santé publique en serait réellement altérée, les preuves de l'inefficacité du découplage sur la maitrise de l'antibiorésistance sont maintenant nombreuses.

Si ordre doit être appliqué dans ce marché, il doit passer par un partenaire indépendant des grands groupes économiques.

Alors le vétérinaire praticien que je suis se pose une question. Pourquoi vouloir déconstruire une profession qui est tellement altruiste qu'elle travaille là ou personne ne voudrait à un tarif dont un avocat m'a dit il n'y a pas longtemps: "A ce prix la, je ne me lève pas!"

Donnez nous plutôt les moyens d'accomplir nos missions sans craintes normatives. Définissez une fois pour toute la notion de vétérinaire traitant et les champs d'application des bilans sanitaires d'élevage. Avant de légiférer, ne serait il pas plus avisé de peaufiner les outils existant?

Cordialement

Vous trouvez ce commentaire constructif : non neutre oui

Le 26/01/2015 à 17:07, UNVPO a dit :

Avatar par défaut

le profession vétérinaire n'agonise pas: mensonge ! Les pharmaciens vendent moins de 5% des médicaments vétérinaires, 1% des antibiotiques. Les dérives viennent donc de la profession vétérinaire en position dominante et en très gros conflit d'intérêt Prescripteur=vendeur pour plus de la moitié des antibiotiques en France, 70% en Allemagne.Que les vétérinaires fasse payer leur acte intellectuel ou chirurgique au lieu de vivre d'une marge qu'ils influencent par le volume de leurs propres prescriptions, la santé des européens sera enfin préservée de ce ministère occulte, spécialiste des mensonges d'Etat et du lobbying. Confions tout ça au Ministère de la Santé pour faire du propre, enfin

Vous trouvez ce commentaire constructif : non neutre oui

Inscription
ou
Connexion