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Jean-Charles Taugourdeau
Question N° 76259 au Secrétariat d'état aux anciens combattants


Question soumise le 24 mars 2015

M. Jean-Charles Taugourdeau attire l'attention de M. le secrétaire d'État, auprès du ministre de la défense, chargé des anciens combattants et de la mémoire sur la demande de reconnaissance exprimée par les associations de pupilles de la Nation et orphelins de guerre ou du devoir. En effet, depuis plus de 10 ans ces associations mènent un combat sans relâche pour que les enfants de soldats morts à la guerre bénéficient de la même réparation que celle créée par les décrets n° 2000-657 du 13 juillet 2000 et n° 2004-751 du 27 juillet 2004. Ces deux textes ont créé une juste reconnaissance du préjudice des pupilles de la Nation, des orphelins de guerre, dont les parents ont été victimes d'actes antisémites et de barbaries nazies pour des actes de résistance ou pour des faits politiques. Néanmoins cela a créé une profonde inégalité de traitement. Les pupilles de la Nation, dont au moins un des parents est décédé pour fait de guerre (reconnu par la mention portée sur les registres d'État civil : « Mort pour la France », ont été complètement oubliés. C'est une rupture d'égalité de traitement entre tous les pupilles de la Nation. Involontairement ces textes engendrent une hiérarchisation du malheur entre des enfants victimes de la même guerre. Aussi, il souhaiterait connaître les mesures qui pourraient être apportées par le Gouvernement, au droit existant afin d'étendre le dispositif d'indemnisation et de reconnaître au nom du devoir de mémoire la souffrance de celles et ceux que la guerre a privés de leurs parents.

Réponse émise le 7 avril 2015

Très attaché au devoir de mémoire et comprenant la détresse et la souffrance de celles et ceux que la guerre a privés de leurs parents, le secrétaire d'Etat chargé des anciens combattants et de la mémoire accorde une attention toute particulière à la demande d'extension des dispositifs mis en place par les décrets n° 2000-657 du 13 juillet 2000 instituant une mesure de réparation pour les orphelins dont les parents ont été victimes de persécutions antisémites et n° 2004-751 du 27 juillet 2004 instituant une aide financière en reconnaissance des souffrances endurées par les orphelins dont les parents ont été victimes d'actes de barbarie durant la Deuxième Guerre mondiale. Ainsi que le prévoit le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre (CPMIVG), tout orphelin de guerre peut percevoir, ou a pu percevoir, une pension spécifique jusqu'à son 21e anniversaire. En revanche, l'indemnisation mise en place par les décrets de 2000 et 2004 est plus particulièrement destinée aux victimes de l'extrême barbarie nazie, qui renvoie à une douleur tout à fait spécifique, celle d'avoir perdu un père ou une mère, ou parfois les deux, dans un camp d'extermination. En effet, c'est fondamentalement le caractère particulièrement insoutenable d'extrême barbarie nazie propre à ces disparitions spécifiques à la Seconde Guerre mondiale, le traumatisme dépassant le strict cadre d'un conflit entre États, qui est à l'origine de ce dispositif réservé aux enfants dont les parents, résistants ou ayant fait l'objet de persécutions antisémites ou raciales, sont décédés en déportation ou ont été exécutés dans les circonstances définies aux articles L. 274 et L. 290 du CPMIVG. Ce dispositif doit rester fidèle à sa justification essentielle qui est de consacrer solennellement le souvenir des victimes de la barbarie nazie, à travers leurs enfants mineurs au moment des faits. C'est pourquoi le Gouvernement a décidé de maintenir cette spécificité pour ne pas porter atteinte à la cohérence de ces décrets. S'agissant de l'établissement d'un rapport sur l'application de ces deux textes, il convient de rappeler que lors de l'examen du projet de budget pour 2014 par l'Assemblée nationale, un amendement parlementaire a été adopté, prévoyant le dépôt d'un rapport au Parlement pour le 1er juin 2014 sur l'indemnisation des orphelins, sous forme, d'une part, d'un bilan des indemnisations déjà effectuées et des modalités d'instruction des dossiers par rapport à l'appréciation de la notion « d'actes de barbarie », d'autre part, d'une évaluation du coût que représenterait l'indemnisation de tous les orphelins de la Seconde Guerre mondiale. Ces dispositions ont été reprises dans l'article 116 de la loi de finances pour 2014. Cependant, cet article a été annulé par le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2013-685 DC du 29 décembre 2013. En effet, la haute juridiction a considéré que ces dispositions étaient étrangères au domaine des lois de finances et donc avaient été adoptées selon une procédure contraire à la Constitution. Si ce rapport n'a donc pu être établi pour les motifs qui précèdent, le secrétaire d'Etat chargé des anciens combattants et de la mémoire est en mesure de préciser toutefois qu'à la date du 31 décembre 2014, les mesures de réparation instituées par les décrets des 13 juillet 2000 et 27 juillet 2004 ont bénéficié respectivement à 13 578 et 22 499 personnes depuis leur entrée en vigueur. De nouvelles demandes continuent d'être formulées au titre de ces dispositions pour lesquelles aucune forclusion n'a été prononcée. Par ailleurs, le coût d'une extension de l'indemnisation à tous les orphelins de la Seconde Guerre mondiale s'élèverait, la première année, entre 0,5 et 1,3 milliard d'euros, sous la forme de rentes viagères et d'indemnités en capital, puis entre 60 et 150 millions d'euros les années suivantes, sous la forme de rentes viagères. L'extension de l'indemnisation à l'ensemble des orphelins de guerre et pupilles de la Nation, tous conflits confondus, atteindrait un montant total de 2,5 milliards d'euros. Au-delà de cette analyse, il a été constaté que l'examen de plusieurs dossiers a laissé apparaître la difficulté d'appliquer des critères stricts à des situations extrêmement diverses. La mise en oeuvre de ces critères doit donc s'opérer de manière éclairée, afin de donner aux deux décrets leur pleine portée, dans le respect de leur ambition initiale d'indemniser la souffrance des orphelins dont les parents ont été frappés par cette barbarie. Aussi, et comme l'ont rappelé le secrétaire d'Etat chargé des anciens combattants et de la mémoire et son prédécesseur, lors des débats au Parlement sur le projet de loi de finances pour 2015, le Gouvernement s'est engagé en faveur d'un réexamen au cas par cas des dossiers en cause, afin de garantir une égalité de traitement entre les situations les plus proches, tout en confirmant la nécessité de préserver le caractère spécifique de cette indemnisation dont l'extension à tous les orphelins de guerre ne saurait être envisagée tant sur le plan symbolique que financier.

3 commentaires :

Le 12/04/2015 à 18:07, michele castel suchet a dit :

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L'argument disant que les orphelins de guerre ont reçu une pension jusqu'à leur majorité est un peu fallacieux dans la mesure où les orphelins indemnisés par les décrets de 2000 et 2004 avaient eux aussi "bénéficié" de cette pension lorsqu'ils étaient jeunes.

D'autre part, qui peut dire avec précision le nombre exact d'orphelins pupilles de la Nation encore vivants à ce jour qui pourraient prétendre à indemnisation (2e guerre mondiale) ? Donc comment chiffrer alors que les associations de pupilles auraient admis le principe du versement d'une rente (pour ne pas trop impacter le budget de l'Etat) (70.000 pupilles encore en vie x 6000 €/an = 420.000.000 €) qui irait naturellement chaque année décroissant au rythme du décès des "enfants" orphelins.

On nous dit examen au cas par cas, encore faudrait-il présenter un dossier. Et si tous les oubliés de l'Etat envoyaient leur dossier au Ministère en même temps... jusqu'où va l'incohérence de nos dirigeants qui renient leur prise de position antérieure lorsqu'ils n'étaient pas ministres ou Président, mais simples députés ou sénateurs (tous gouvernements confondus).

Concernant la notion de "barbarie", que penser du cas d'un résistant FFI grièvement blessé lors d'une attaque contre un détachement allemand pour l'empêcher de remonter sur la Normandie en juin 44, mort après 8 jours d'agonie, sans aucun soin. Un autre camarade, lui aussi blessé, a été pris par les Allemands qui après l'avoir torturé l'ont fusillé.

J'ajoute que 4 autres FFI sont "morts les armes à la main" au cours de cette même opération.

Si je comprends bien, pour ce fait d'arme, seuls les enfants du camarade blessé et fusillé peuvent être indemnisés.

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Le 14/04/2015 à 13:23, KIRMANN a dit :

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D’exceptionnelles commémorations ont marqué l’année 2014 et notamment le 70ème anniversaire du débarquement.

De vibrants hommages ont également été rendus aux résistants.

Tout ceci pour que la France n’oublie pas, à l’heure où les canons résonnent à nouveau à la porte de l’Europe (Syrie, Ukraine).

Et que des journalistes sont assassinés parce qu’ils ont défendu notre Liberté du bout de leur crayon.

Hélas, il n’en est pas de même en coulisses. Hypocrisie ? Sans aucun doute.

Mon père, résistant de la première heure, donne sa vie pour la Liberté le 26 novembre 1944. Il laisse une veuve et deux orphelins.

Six décennies plus tard un décret signé L. Jospin assure une mesure de réparation pour les orphelins des juifs morts en déportation suivi, 4 ans plus tard, d’un autre décret signé J.P. Raffarin qui indemnise les orphelins de parents victimes de la barbarie nazie. Les résistants morts les armes à la main en sont exclus. Ces derniers ne sont que des victimes de la « glorieuse malchance des armes », selon Philippe Dechartre ancien ministre de De Gaulle, président de la commission ayant conduit à l’écriture de ce décret. En 2005 une loi indemnise les pupilles de la nation de harkis. En 2010 : nouvelle offense. Une recommandation de la commission mise en place par N. Sarkozy demande à inclure les dossiers proches du périmètre et notamment les résistants morts au combat, mais à la condition de faire la preuve qu’ils n’avaient aucune chance d’en réchapper. Ils ont tous oublié qu’à cette époque, le moyen le plus sûr d’échapper à la mort était de rester chez soi, ou de collaborer soit avec l’ennemi soit avec le gouvernement de Vichy. Avec du recul il est certain qu’il était préférable d’être fils de collabo qu’orphelin de résistant.

Mon père a choisi de s’engager et deviendra, 60 ans plus tard, un bâtard de la résistance mort pour rien au détour d’un chemin.

Les pèlerinages annuels de N. Sarkozy au plateau des Glières, la lecture de la lettre de Guy Môcquet dans les écoles. La confirmation par F. Hollande de l’entrée au Panthéon de quatre figures de la résistance. La référence aux valeurs du maquis de M. Valls dans son discours de politique générale.

Hypocrisie ? Sans aucun doute également.

Depuis plus de 10 ans je me bats pour que cesse cette forfaiture. Je me heurte à une administration bornée, des politiques sourds et une justice administrative à plusieurs vitesses suivant les juridictions.

Même si la discrimination est flagrante, un recours devant la cour européenne des droits de l’homme, au titre de l’article 14 de la convention traitant des discriminations, serait irrecevable car la France n’a pas ratifié le protocole n°12 relatif à cet article. De même si l’article 1 de la constitution française est clairement violé une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) devant le conseil constitutionnel est impossible car elle ne peut viser qu’une disposition législative. Un décret ne rentre pas dans ce cadre. L’État fait ce qu’il veut et discrimine qui il veut sans vergogne et surtout sans aucun risque.

Voila ce qu’est devenue la France, patrie des droits de l’homme, pour laquelle mon père s’est sacrifié.

La jeunesse n’a plus de repères, la France a perdu ses valeurs. Je me sentais de moins en moins français, mais la mobilisation du peuple de France le 11 janvier me rend à nouveau fier de l’être. Néanmoins je suis très sceptique quant à la réelle motivation des politiques qui sont toujours aussi prompts à figurer en première ligne sur la photo. L’union nationale au palais Bourbon ? Oui, mais il faut savoir que depuis juillet 2000, puis juillet 2004 c’est l’union nationale pour insulter la Résistance. Ils se disent défenseurs des droits : alors qu’ils rétablissent l’Égalité entre toutes les victimes de la barbarie des guerres et notamment ceux qui ont subi ou combattu l’idéologie nazie qui, hélas aujourd’hui, renaît sous d’autres formes.

Nos élites ne montrent pas l’exemple : un ministre qui planque son fric en Suisse et ment effrontément devant l’assemblée nationale, un autre qui ne paie pas ses impôts, le parti d’un ex-président enferré dans des affaires de fausses factures, un avionneur, qui plus est sénateur, distribue à ses concitoyens de l’argent planqué en Suisse. Etc.…. Etc.….

Je ne suis plus à ma place dans les commémorations aux côtés des autorités et des élus qui, pour la plupart, ne semblent être là que par obligation ou pour des raisons purement électorales. C’est pourquoi j’ai pris la décision d’écrire au maire de la commune d’Anould (Vosges), là où mon père est né et inhumé.

Je lui demande de retirer la stèle érigée en souvenir de mon père et de débaptiser la place qui porte son nom.

On ne peut pas honorer le sacrifice suprême d’un résistant et en même temps assassiner sa mémoire.

J’ai également adressé un courrier au procureur de la république pour lui demander d’annuler la décision du tribunal civil de Saint-Dié-des-Vosges de m’accorder en 1945 le statut de pupille de la nation qui m’est devenu insupportable.

Mon frère âgé de 11 ans lors de l’événement tragique vénérait notre père. Il vient de disparaître la rage au ventre.

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Le 14/04/2015 à 15:51, keg44 a dit :

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écrire, ici serait un peu long, mais par contre réponse est données en ces deux demandes de suppression de mentions marginales devenues infamantes :

https://launedekeg.wordpress.com/2015/04/14/suppression-de-mentions-honteuses-sur-actes-detat-civil/

cordialement

keg

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