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François Asensi
Question N° 20539 au Ministère des affaires étrangères


Question soumise le 5 mars 2013

M. François Asensi interroge M. le ministre des affaires étrangères sur les incidences préoccupantes de l'accord franco-turc portant coopération en matière de sécurité intérieure du 7 octobre 2011. Destiné à faciliter la coopération policière et l'échange de renseignement, cet accord s'inscrit dans un contexte de sévère répression des libertés par le pouvoir turc. La lutte politique de la minorité kurde pour ses droits tombe systématiquement sous le chef d'inculpation de terrorisme et subit une répression féroce. Le Conseil d'État a d'ailleurs refusé en 2010 l'inscription de la Turquie sur la liste des « pays sûrs » en raison « des violences dont sont souvent victimes les ressortissants turcs d'origine kurde ainsi que des limitations à la liberté d'expression en vigueur en Turquie ». Cette répression s'abat désormais sur l'ensemble de défenseurs des libertés et des opposants politiques. En 2012, selon la Fédération international des droits de l'Homme, on dénombre 105 journalistes, 44 avocats et 41 syndicalistes emprisonnés, le plus souvent pour terrorisme ou dénigrement de l'identité turque. La Cour européenne des droits de l'Homme a prononcé 159 condamnations contre la Turquie en 2011, ce qui en fait le pays le plus condamné, devant la Russie de Poutine. Par ailleurs, cet accord signé par Claude Guéant comporte certaines dispositions controversées. L'échange de renseignement n'est assorti d'aucun garde-fou et ne restreint pas la définition très large du terrorisme donnée par la loi turque. Enfin, la coopération dans la « gestion démocratique des foules », expression désignant les manifestations, rappelle douloureusement l'aide proposée par Michèle Alliot-Marie au régime dictatorial de Ben Ali en butte à la contestation populaire. La France, attachée à la liberté de conscience, ne peut prêter un quelconque concours à la répression contre les défenseurs des droits. Elle doit approfondir ses relations avec le peuple turc par un soutien aux progressistes de ce pays. Il lui demande si le Gouvernement entend reporter le vote de cet accord par le Parlement afin de le renégocier.

Réponse émise le 16 avril 2013

L'accord franco-turc de coopération en matière de sécurité intérieure, signé à Ankara le 7 octobre 2011 par les ministres de l'intérieur turc et français, est le fruit de longues négociations qui ont débuté en 1998. Afin de veiller au respect scrupuleux de nos exigences en matière de droits de l'Homme, cet accord stipule expressément, dans son article 2, que la France est libre de refuser toute demande de coopération « si elle estime, qu'en vertu de sa législation, son acceptation serait susceptible de porter atteinte aux droits fondamentaux de la personne, à la souveraineté, à la sécurité, à l'ordre public ». S'agissant de la gestion démocratique des foules, cette expression désigne les techniques de maintien et de rétablissement de l'ordre qui permettent de maîtriser des individus armés sans faire usage d'armes létales. Il s'agit d'une terminologie consacrée couramment utilisée par la France comme par nos partenaires, y compris les instances internationales et en particulier les Nations unies. Un paraallèle avec le régime Ben Ali en Tunisie est difficile à soutenir tant les conditions politiques et le contexte de cet accord diffèrent. L'objectif de la France est d'améliorer une coopération relancée depuis 2007 avec la police et la gendarmerie turques. Compte tenu de sa position charnière entre l'Europe et l'Asie, la Turquie est en effet un partenaire incontournable dans le domaine de la sécurité intérieure. Outre la lutte contre le terrorisme, le trafic de stupéfiants et l'immigration illégale, un nouveau domaine de coopération sera ouvert par l'accord : la lutte contre la criminalité organisée et notamment contre le blanchiment d'argent. La France est profondément attachée au respect de la liberté d'expression des mouvements politiques et à la défense des droits de l'Homme. A cet égard, elle appuie sans réserve l'action menée par le Conseil de l'Europe pour assurer un meilleur respect des dispositions de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales par la Turquie.

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