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François Loncle
Question N° 24390 au Ministère des sports


Question soumise le 16 avril 2013

M. François Loncle attire l'attention de Mme la ministre des sports, de la jeunesse, de l'éducation populaire et de la vie associative sur la marchandisation accrue du sport, ce qui ternit l'image publique de cette activité physique, engendre des dérives néfastes, pervertit les valeurs que le sport est censé véhiculer. Plus qu'aucun autre sport, le football est affecté par ce phénomène destructeur, même si le cyclisme, le nautisme, la course automobile et d'autres disciplines ne sont pas épargnés. En raison de sa dimension planétaire, le football est devenu la proie de financiers voraces - milliardaires, oligarques, pétromonarques, actionnaires de sociétés anonymes, gestionnaires de fonds de pension... - dont l'unique préoccupation réside dans la rentabilisation maximale d'une affaire juteuse. L'imagination de ces spéculateurs semble aussi débordante que leur soif d'argent est inextinguible. Pour satisfaire leur appétit, qui apparaît pourtant insatiable, ils ont transformé le football en une vaste industrie mercantile. Les joueurs sont devenus une main-d'oeuvre échangeable et de vulgaires hommes-sandwichs. Ils sont soit des mercenaires monnayant leurs services au mieux de leurs intérêts, soit des serfs du ballon rond que leur club vend au plus offrant. Comme leur corps, leur apparence ne leur appartient pas. Ils sont une colonne Morris ambulante, ayant l'obligation d'arborer, des crampons au col du maillot, une kyrielle de marques. L'abondance publicitaire a fini par saturer et dénaturer le football. À cause de leur agressivité lumineuse et de leur défilement incessant, les réclames électroniques, qui cernent la pelouse, perturbent la vision du jeu, voire parasitent le spectacle sportif. En tribune ou à domicile, l'amateur de football est seulement considéré comme un consommateur soumis à un gavage publicitaire permanent. Depuis quelques années, ce mercantilisme se développe sous la forme du « naming ». Cet anglicisme, signifiant nommage, dissimule la pratique commerciale consistant à attribuer à une enceinte sportive le nom d'une marque ou d'une société. En vogue en Angleterre et en Allemagne, cette opération de marketing s'est à présent répandue en France. À Rennes, au Mans, à Lyon, à Montpellier, à Rouen et ailleurs, les stades se réfèrent désormais à une compagnie d'assurances, une chaîne hôtelière, une firme chocolatière ou tout autre produit publicitaire. Cette tendance ne fait que se renforcer, au point que l'on peut se demander si le PSG ne jouera pas à l'avenir au parc des Émirs. Or le « naming » présente de graves défauts, dans la mesure où il entraîne la privatisation de l'espace public et la modification de la toponymie locale. Virtuellement, un lieu appartenant à tous devient la propriété d'une seule marque. Et le plus surprenant est que cela intervient avec l'agrément, voire la sollicitation, des collectivités locales. Si ce phénomène se généralise, ce seront bientôt les rues, les places, les ponts, les monuments, les écoles, les cours d'eau qui seront vendus à l'encan : rien qu'à Paris, la rue des Maraîchers pourrait, par exemple, être rebaptisée rue Bonduelle, la cité Champagne pourrait devenir la cité Bollinger, la rue des Cendriers pourrait être remplacée par la rue Philip-Morris, la rue Couche par la rue Pampers, le quai de l'Horloge par le quai Rollex, la rue Malus par la rue Axa, la rue des Canettes par la rue Coca-Cola. Quant à la rue de la Grande-Truanderie, elle susciterait, sans nul doute, une concurrence féroce. Face à cette déferlante publicitaire, il est plus que temps de réagir. Il faut mettre un terme à l'asservissement exclusif du football par ce mercantilisme rapace. C'est pourquoi il souhaiterait qu'elle lui expose les mesures qu'elle envisage de préconiser, tant sur le plan national qu'au niveau européen, pour protéger la « spécificité du sport », qui a été particulièrement mise en valeur par l'UE. Il voudrait notamment savoir comment elle compte réduire l'envahissement publicitaire dans le football et chasser les marchands du stade.

Réponse émise le 23 juillet 2013

Les spécialistes considèrent que le mouvement de marchandisation du sport s'est accéléré dans les années 1995, après l'arrêt « Bosman ». Cet arrêt, s'il a eu le mérite de libérer les joueurs en leur offrant une mobilité internationale et en réglant des situations absurdes, a également dérégulé le marché des transferts du football professionnel. De nombreux clubs ont ainsi fait le choix d'investir lourdement afin de recruter des joueurs qui leur permettaient d'obtenir rapidement des résultats sportifs, une visibilité médiatique et des retombées financières importantes. La mobilité des joueurs est alors devenue vite incontrôlable et a abouti à une très grande libéralisation des échanges de sportifs au sein d'un système favorisant les clubs les plus riches. La ministre chargée des sports, consciente de ces excès et dérives soutient auprès de la commission européenne des initiatives comme celle du fair-play financier mis en oeuvre par l'UEFA et qui devrait conduire les clubs européens de football à respecter un ensemble de règles visant à garantir une éthique financière pour le football. Elle a en outre, dans le cadre de l'évaluation des politiques publiques lancée par le gouvernement, proposé la mise en place d'une mission d'évaluation relative au soutien du sport professionnel et à la solidarité avec le sport amateur. Les pistes d'action qui seront proposées par cette mission qui rendra son rapport en juin 2013 conduiront certainement la ministre chargée des sports à proposer au plan national des mesures concernant le sport professionnel, son financement et sa régulation. Certaines de ces mesures pourront également être portées au plan européen.

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