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Christophe Bouillon
Question N° 77508 au Ministère de l'intérieur


Question soumise le 7 avril 2015

M. Christophe Bouillon interroge M. le ministre de l'intérieur sur la situation des ressortissants turcs vivant régulièrement en France et ayant l'obligation de s'acquitter de droits aux fins d'un renouvellement de carte de séjour. Ces ressortissants étrangers paient, en moyenne, 106 euros de frais pour le renouvellement de carte de séjour, tous les ans, et 260 euros pour leur carte de résident. Or une jurisprudence constante de la Cour de justice de l'Union européenne dispose que l'application aux ressortissants turcs de droits d'un montant disproportionné pour l'obtention de permis de séjour ou la prorogation de ceux-ci par rapport aux droits appliqués aux citoyens de l'Union européenne pour des documents similaires, a un caractère discriminatoire en vertu de l'article 9 de l'accord d'association CEE-Turquie, de l'article 41, paragraphe 1, du protocole additionnel à l'accord d'association, ainsi que des articles 10, paragraphe 1, et 13 de la décision n° 1-80 adoptée le 19 septembre 1980 par le Conseil d'association, institué par l'accord d'association. Le tribunal administratif de Saint-Denis a considéré, le 27 novembre 2014 (n° 1201124), que ces dispositions avaient vocation à s'appliquer en France. Aussi, devant ces éléments et au vu du risque d'un contentieux généralisé devant les juridictions administratives, il lui demande si des mesures sont envisagées afin que les préfectures exonèrent les ressortissants turcs de ces taxes.

Réponse émise le 29 septembre 2015

La Cour de justice de l'Union européenne, notamment dans ses arrêts du 17 septembre 2009 (affaire C-242/06) et du 29 avril 2010 (affaire C-92/07), a posé le principe selon lequel l'accord d'association entre la Communauté économique européenne et la Turquie du 12 septembre 1963 et les textes subséquents, notamment la décision n° 1/80 du 19 septembre 1980, en inscrivant l'interdiction de toute discrimination fondée sur la nationalité entre travailleurs turcs et communautaires, ont pour effet de prohiber l'application de droits fiscaux sur les titres de séjour délivrés aux ressortissants turcs lorsqu'ils revêtent un caractère disproportionné par rapport à ceux qui sont exigés des ressortissants des États membres de l'Union européenne (UE) pour la délivrance de documents similaires. Le régime français de taxes ne crée pas de discriminations entre les ressortissants turcs et les citoyens de l'UE. Ces populations étant soumises à des régimes juridiques distincts, il doit être pris en compte les dispositions spécifiques, non applicables aux ressortissants de l'Union, dont bénéficient les ressortissants turcs en matière d'aide à l'intégration. Les taxes prévues par le régime français permettent, en effet, de financer les dépenses du contrôle médical obligatoire ainsi que celles liées aux prestations et formations prévues dans le cadre de la signature par l'étranger arrivant en France d'un contrat d'accueil et d'intégration. Ces différentes mesures sont mises en oeuvre par l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) au profit des ressortissants étrangers, dont les ressortissants turcs. Ainsi, les étrangers obtenant leur premier titre de séjour bénéficient à cette occasion d'un contrôle médical obligatoire. Ce contrôle comporte un examen clinique général effectué par un médecin, comprenant notamment une radiographie des poumons, qui peut s'entourer d'avis de spécialistes et demander des examens complémentaires. Cet examen médical, effectué par les médecins appartenant au service de santé publique de l'OFII ou, à défaut, par des médecins agréés par cet office, est entièrement gratuit pour les intéressés. Il permet, outre la protection de la santé publique, de faire bénéficier chaque étranger d'un bilan de santé complet pouvant déboucher sur des préconisations et des orientations pour un suivi médical adapté. Quant au contrat d'accueil et d'intégration, il permet à chacun de ses signataires de bénéficier d'une formation civique (présentation des institutions françaises et des valeurs de la République), d'une formation linguistique (lorsque le test d'évaluation du niveau de connaissance du français en a fait apparaître le besoin, elle peut atteindre jusqu'à 400 heures), d'une session d'information sur la vie en France (portant sur les démarches de la vie quotidienne et l'accès aux services publics), d'un bilan de compétences professionnelles et d'une formation sur les droits et les devoirs des parents. Ces prestations sont également totalement gratuites pour les intéressés. Ces mesures, en aidant de façon concrète les étrangers concernés à acquérir ou améliorer les connaissances sur la langue française et les éléments fondamentaux de la vie sociale en France et en assurant leur contrôle sanitaire, participent pleinement à la réalisation des buts fixés par l'accord d'association, qui visent à une meilleure intégration des ressortissants turcs et des membres de leur famille sur le marché du travail, et donc dans la vie économique et sociale du pays d'accueil. En contribuant au financement de l'ensemble de ces prestations et formations individualisées au profit notamment des ressortissants turcs, ces taxes permettent donc la mise en oeuvre de mesures concrètes qui constituent un outil privilégié de l'intégration de ces populations et, partant, du maintien de la cohésion sociale. Ainsi, de telles mesures répondent également à des nécessités liées à l'intérêt général et à des objectifs d'ordre public, dont la prise en compte est autorisée par l'article 14-1 de la décision n° 1/80. En conséquence, au regard de l'objectif et des réalisations qu'elles portent en matière d'insertion et de cohésion sociale, les taxes auxquelles sont assujettis les ressortissants turcs ne sont ni disproportionnées ni discriminatoires. Pour ces raisons, il a été interjeté appel du jugement du tribunal administratif de Saint-Denis de la Réunion du 11 décembre 2014.

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