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Bérengère Poletti
Question N° 79827 au Secrétariat d'état aux personnes handicapées


Question soumise le 19 mai 2015

Mme Bérengère Poletti attire l'attention de Mme la secrétaire d'État, auprès de la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion au sujet de l'arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) en date du 26 mars 2015, se prononçant sur le statut de travailleur handicapé. La CJUE a jugé que tout travailleur handicapé en établissement ou service d'aide par le travail (ESAT), est un travailleur au sens du droit communautaire du travail. Cette décision a été rendue dans le cadre d'un contentieux opposant un travailleur handicapé d'ESAT, à l'association gestionnaire de ce dernier à propos du paiement d'une indemnité compensatrice de congés payés non pris. L'ESAT est une institution sociale et médico-sociale qui relève pour l'essentiel des dispositions figurant dans le code de l'action sociale et des familles, elle est financée par l'État, et non une entreprise. À ce titre, les travailleurs handicapés ne peuvent être assimilés à des salariés de droit commun, soumis au code du travail. En effet, ils sont avant tous les usagers d'une structure sociale et médico-sociale. Ainsi l'admission en ESAT ne relève pas d'un recrutement au sens propre du terme, comme le rappelle la circulaire 60 AS du 8 décembre 1978 « il n'y a pas de contrat de travail ni d'embauche au sens où l'entend le code du travail ». Il s'agit, en effet, d'une admission prononcée suite à une décision de la MDPH. Les ESAT offrent aux personnes handicapées des activités diverses à caractère professionnel et un soutien médico-social et éducatif en vue de favoriser leur épanouissement personnel et social. La personne handicapée au sein d'un ESAT n'est pas liée par un contrat de travail, mais par un contrat de soutien et d'aide par le travail. Avec cette décision qui assimile le travailleur handicapé en ESAT à un travailleur en milieu ordinaire, c'est un véritable changement de statut qui s'opère. À terme cela pourrait également signifier la fin des ESAT. C'est pourquoi elle lui demande si le Gouvernement envisage de définir un nouveau statut spécifique, en harmonie avec les instances européennes, pour les travailleurs en ESAT.

Réponse émise le 8 décembre 2015

Dans l’arrêt Fenoll rendu le 26 mars 2015, la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a jugé que tout travailleur handicapé en établissement et service d’aide par le travail (ESAT) pouvait être considéré comme un travailleur au sens du droit de l’Union européenne. Pour mémoire, cet arrêt a été rendu en réponse à une série de questions préjudicielles posées par la Chambre sociale de la Cour de cassation en juin 2013, à propos d’un litige entre un travailleur handicapé d’ESAT et l’organisme gestionnaire de cet établissement (APEI du Vaucluse) portant sur le droit à congés payés, la revendication de M. Fenoll au regard de ses congés payés concernant deux périodes allant de juin 2003 à mai 2004 et une période allant de juin 2004 au mois de mai 2005. A cet égard, il convient de noter que la CJUE a jugé que si le droit national n’était pas susceptible d’une interprétation conforme au droit communautaire (ce qu’il incombe à la juridiction de renvoi de vérifier), en tout état de cause les dispositions de la directive 2003/88/CE ne pouvaient être utilement invoquées dans un litige en particulier. En outre, s’agissant du droit national, il convient de noter que le droit à congé en ESAT a été institué par décret de juin 2006 entrée en vigueur le 1er décembre 2007 (n° 2006-703 du 16 juin 2006 relatif aux établissements ou services d’aide par le travail et à la prestation de compensation et modifiant le code de l’action sociale et des familles), soit postérieurement à la période sur laquelle porte la revendication de M. Fenoll. La solution retenue par la Cour imposera d’abord de s’assurer de la conformité du droit national applicable aux personnes handicapées admises dans les ESAT aux dispositions du droit de l’Union européenne. Pour ce qui concerne les effets de la décision de la Cour de justice de l’Union européenne, il convient de souligner les points suivants : - la Cour rappelle qu’elle a déjà jugé que la nature juridique sui generis d’une relation d’emploi au regard du droit national (qui concerne ici les travailleurs d’ESAT) est sans conséquence sur la qualité de travailleur au sens du droit de l’Union ; - la Cour constate également que l’activité du travailleur handicapé, indépendamment des soutiens médico-sociaux dont il bénéficie, est utile économiquement à l’ESAT ; - enfin, la Cour européenne voit dans l’activité professionnelle du travailleur handicapé d’ESAT une activité économique réelle et effective qui ne permet pas de soutenir qu’elle a un caractère marginal et accessoire. Il reste maintenant à la Cour de cassation, auteure de la question préjudicielle, à tirer dans les mois à venir les conséquences de cet arrêt de la CJUE, étant cependant rappelé que la décision de la Cour de cassation aura pour seul objet de régler le litige opposant le requérant au gestionnaire de l’établissement pour ce qui concerne les congés payés.

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