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René Rouquet
Question N° 92321 au Ministère de l'intérieur


Question soumise le 12 janvier 2016

M. René Rouquet interroge M. le ministre de l'intérieur sur le déroulement de la séance d'installation de l'Assemblée territoriale de Corse élue dans le cadre des dernières élections régionales. Le 17 décembre 2015, le nouveau Président de l'Assemblée territoriale de Corse a prononcé un discours en langue corse, dans lequel il revendique notamment l'indépendance de l'île et qui se termine par les termes suivants : Evviva a nazione, Evviva a Corsica !. Au cours de cette séance, il s'est également déclaré dirigeant du « premier gouvernement national depuis le XVIIIe siècle » et a appelé à « une relation repensée et reformulée avec l'État », avant que neuf élus de la République ne concluent les travaux de l'assemblée territoriale en prêtant un serment que certains observateurs ont qualifié de « serment du Jeu de paume nationaliste ». Ces différents évènements contreviennent selon toute vraisemblance aux lois de la République française, et notamment à plusieurs articles de la Constitution du 4 octobre 1958, parmi lesquels l'article 1er, selon lequel « la France est une République indivisible » ; l'article 2, qui dispose que « la langue de la République est le français » ; et l'article 3, qui prévoit qu' « aucune section du peuple ni aucun individu ne peut s'attribuer l'exercice de la souveraineté nationale ». En outre, cette pratique illégale bafoue le principe central de la démocratie qui est celui de l'isonomie et selon lequel tous les citoyens sont égaux en droits et devant la loi puisque seuls les locuteurs d'une langue régionale ont eu la possibilité de comprendre le discours du nouveau Président. Il lui demande donc quelles sont les mesures que le Gouvernement entend prendre pour enjoindre les membres de cette assemblée à respecter les lois de la République française à l'avenir, à l'heure où la défense des valeurs républicaines doit être érigée en principe cardinal de l'action publique.

Réponse émise le 20 septembre 2016

Le Conseil d'État a rappelé en 2006 que les élus, dans le cadre institutionnel, n'ont le droit de s'exprimer qu'en français, en annulant le règlement intérieur de l'assemblée de Polynésie qui conférait aux élus le droit de s'exprimer en séance plénière de cette assemblée dans une autre langue que la langue française (CE, 29 mars 2006, no 282335). S'agissant de la séance d'installation de l'Assemblée de Corse, l'article L. 4422-8 du code général des collectivités territoriales (CGCT) prévoit que, lors de sa première réunion, l'Assemblée, présidée par son doyen d'âge, les deux plus jeunes membres faisant fonction de secrétaires, élit en son sein au scrutin secret son président. Si ce vote se déroule après des débats ayant eu lieu en français, la légalité de l'acte ne serait pas remise en cause, quand bien même le discours de remerciement du président élu de l'assemblée de Corse, postérieur à l'acte juridique et donc non susceptible d'avoir influencé le vote, se tiendrait dans une autre langue que le français. De même, l'article L. 4422-9 du même code dispose qu'aussitôt après l'élection du président et sous sa présidence, l'Assemblée procède à l'élection des membres de la commission permanente sous la même condition de quorum que celle prévue à l'article L. 4422-8 du CGCT. Si cette élection est réalisée en langue française, elle ne devrait pas pouvoir être rattachée au discours de remerciement et de prise de fonctions du président, qui n'est, en tout état de cause, pas prévu par les textes, et ne constitue pas en tant que tel un acte susceptible d'être déféré au juge administratif. Dans de telles conditions, le discours de remerciement n'intervient pas dans le processus d'élaboration et d'adoption des délibérations, processus qui doit avoir lieu en français. A l'inverse, si une part significative des débats préalables au vote, permettant d'éclairer le scrutin, avait lieu en langue corse, alors, en cas de déféré devant la juridiction administrative, le juge pourrait annuler ces décisions sur le fondement d'un raisonnement analogue à celui du Conseil d'État dans la décision précitée.

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