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Bruno Nestor Azerot
Question N° 92663 au Ministère des outre-mer


Question soumise le 26 janvier 2016

M. Bruno Nestor Azerot interroge Mme la ministre des outre-mer sur la politique de coopération régionale outre-mer. L'Agence française de développement a publié en novembre 2011 un rapport, à la demande d'un comité interministériel de novembre 2009, sur la stratégie de coopération régionale destinée à mieux prendre en compte les intérêts régionaux des départements et collectivités d'outre-mer. Ce rapport intitulé « Stratégie de coopération ultramarine » définit trois objectifs : favoriser les échanges économiques comme vecteur de développement, promouvoir les biens publics mondiaux à l'échelle régionale, et enfin intégrer une déclinaison spécifique ultramarine dans la promotion de l'influence française. L'AFD préconise notamment un « désarmement tarifaire » avec les pays ACP, et un développement accéléré des infrastructures portuaires, aériennes, et de télécommunications. Quatre années plus tard, force est de constater que cette stratégie reste lettre morte malgré l'urgence... Au contraire, alors que l'accord transfrontalier conclu avec notre principal voisin transfrontalier, le Brésil, aurait pu constituer une bonne opportunité, il exclut toutes les activités commerciales ! De même des normes... Il lui demande en conséquence quelles mesures elle compte prendre pour redynamiser la coopération régionale outre-mer, et s'il ne lui paraît pas utile aujourd'hui de désigner une mission parlementaire qui, avec le concours des ministères concernés, procéderait à un inventaire exhaustif des freins à la coopération régionale et surtout proposerait des solutions immédiates et concrètes pouvant relancer cette stratégie dans les faits.

Réponse émise le 29 mars 2016

Le développement de la coopération régionale outre-mer constitue une préoccupation constante du Gouvernement. Elle s'inscrit dans les pas du rapport remis sur la coopération régionale caraïbe en 1990 par Bernard de Gouttes. Celui-ci rappelait déjà l'importance des intérêts communs à la région caraïbe, l'intérêt d'une meilleure coordination des acteurs institutionnels impliqués dans celle-ci et les freins économiques structurels au développement de cette coopération. Les étapes successives de la décentralisation ont considérablement étendu le champ des compétences des collectivités territoriales, métropolitaines comme ultra-marines, dans le domaine de la coopération régionale. La loi du 2 mars 1982 autorisait le conseil régional à « décider, avec l'autorisation du gouvernement, d'organiser (…) des contacts réguliers avec des collectivités décentralisées étrangères ». La loi relative à l'administration territoriale de la République élaborée en 1992 sous le gouvernement d'Edith Cresson et la loi d'orientation pour l'outre-mer élaborée en 2000 sous le gouvernement de Lionel Jospin ont ouvert de nouvelles possibilités en matière de coopération régionale. Les fonds de coopération régionale ont permis d'amorcer le financement de projets. Le renforcement des moyens mis à disposition des régions par l'Union européenne dans le cadre des programmes opérationnels de coopération territoriale offre un levier budgétaire considérable aux initiatives locales. Au final, les finalités et les obstacles à la coopération régionale ayant été identifiés, les compétences des collectivités territoriales ayant été étendues et leurs moyens renforcés, la concrétisation opérationnelle de la coopération régionale relève désormais de la volonté politique, de la créativité dans les projets et de la mobilisation collective. L'AFD y joue un rôle primordial. Le rapport remis en novembre 2011 sur une « Stratégie de coopération régionale ultramarine » s'inscrit dans cette démarche. Pour mettre en œuvre la stratégie qu'il préconise, des déclinaisons propres à chaque zone géographique ont été définies en concertation avec les acteurs locaux concernés et ont été présentées en juillet 2012 au conseil d'administration. Cela s'est traduit dans le cadre d'intervention de l'AFD pour 2014-2016 au point 3.4 « Encourager l'intégration régionale ». Ce point 3.4 recouvre trois grands types d'actions de l'AFD : - Le soutien au développement à l'international des entreprises ultramarines par le financement de filières (tourisme, pêche, forêt…) et des infrastructures de transport (maritime, aérien, énergie…). A ce titre, en 2014, l'AFD a versé 34 millions d'euros pour le grand port maritime de la Réunion et 38 millions d'euros pour le grand port maritime de la Guadeloupe. En 2015, elle a versé 30 millions d'euros à la société de l'aéroport Martinique Aimé Césaire et 5 millions d'euros au port de Longoni à Mayotte. - La promotion de la coopération régionale sur des enjeux d'intérêt commun (climat, biodiversité, enjeux épidémiologiques etc.). Outre les enjeux environnementaux qui s'inscrivent dans le cadre de la COP21, d'importants enjeux sociaux - par exemple les problématiques migratoires ou de santé publique - requièrent une coopération régionale renforcée, propre à déployer une réponse adaptée et concertée. Par exemple, les projets régionaux de développement économique et sanitaire menés par l'AFD, dans l'Océan Indien et sur le plateau des Guyanes. - L'intégration d'une déclinaison ultramarine spécifique dans la promotion de l'influence française. Par exemple, le partenariat entre le Syndicat intercommunal du centre sud Martinique (SICSM) et Water and Sewerage Company (Wasco) à Sainte-Lucie sur l'eau et l'assainissement. Soucieux de la définition de stratégies adossées aux besoins des territoires, le ministère des outre-mer a également porté au cours des six derniers mois d'importantes initiatives. L'organisation du IVème Sommet France-Océanie a permis de remettre la France, et singulièrement ses collectivités du Pacifique, au cœur du jeu régional. Le rôle de nos collectivités du Pacifique dans le succès de la COP 21 doit être à nouveau souligné. Le ministère des outre-mer s'est également fortement investi pour faciliter le raccordement de Wallis-et-Futuna au câble sous-marin reliant les Fidji aux Samoa. Dans la Caraïbe, le ministère des outre-mer s'est fortement investi pour appuyer le retour de la France au capital de la Banque de développement des Caraïbes, qui reste en discussion. La coopération transfrontalière avec le Brésil avance. Deux accords concernant le transport de marchandises et de voyageurs et les biens de subsistance sont en cours de ratification au Parlement. Ils posent le cadre juridique nécessaire à l'ouverture du pont sur l'Oyapock et au développement des échanges économiques de part et d'autre du fleuve. Le régime des visas auquel sont soumis les touristes, hommes d'affaires et chercheurs brésiliens a été assoupli. Le ministère de l'outre-mer a porté dans le cadre de l'Association des Etats de la Caraïbe une initiative régionale de lutte contre les sargasses. Le renforcement de la relation entre l'UE et les PTOM par une mobilisation effective du FED thématique et la garantie d'un accès aux programmes horizontaux de l'UE est également une priorité du ministère des outre-mer. De ce point de vue, l'avancement conjoint des réflexions sur l'avenir de la relation UE – ACP et sur celui de la relation UE – PTOM est crucial. D'autres initiatives, en matière notamment de co-développement, sont en cours d'élaboration. La proposition de loi de Serge Letchimy, qui sera prochainement examinée par la commission des lois de l'Assemblée nationale, conforte cette stratégie. Elaborée en très étroite concertation avec le ministère des outre-mer, elle devrait permettre aux régions de mettre en œuvre des programmes-cadre de coopération régionale. Comme à l'époque du rapport de Gouttes, l'intégration commerciale des territoires ultra-marins dans leur environnement régional et leur développement économique constituent à la fois l'une des finalités et le frein principal de la coopération régionale. Le député Jean-Jacques Vlody s'est vu confier le 29 janvier par le Premier ministre une mission auprès de la ministre des outre-mer sur ce thème. Les premiers échanges sont très prometteurs. Les recommandations que formulera le député Vlody permettront d'enrichir l'agenda de coopération régionale porté par le ministère des outre-mer, en lien avec le ministère des affaires étrangères, et les collectivités territoriales ultra-marines. L'ensemble de ces démarches illustre la volonté forte des acteurs concernés par ce dossier important pour les outre-mer.

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