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Bernard Debré
Question N° 92697 au Ministère des affaires sociales


Question soumise le 26 janvier 2016

M. Bernard Debré interroge Mme la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes sur l'accident grave qui est survenu à Rennes, le 15 janvier 2016 lors d'une étude phase I d'un médicament. Un des volontaires est mort, d'autres ont été atteints avec vraisemblablement des séquelles neurologiques importantes. Il est donc tout à fait légitime de savoir si des erreurs ont été commises. Il signale à la ministre un certain nombre d'informations. Cet essai a été autorisé par l'ANSM et le CPP (comité de protection des personnes). Un des membres du CPP est membre du conseil d'administration de Biotral et des personnalités de Biotral sont membres du CPP. Cela est déjà une anomalie frisant le conflit d'intérêts. Il est vrai que cet essai a été autorisé par le CPP de Brest et non pas de Rennes. Cela dit, il est très surprenant que cet essai n'ait pas été recensé sur le site de l'ANSM, ce qui est parfaitement illégal. Le médicament utilisé pour cet essai provient du laboratoire BIAL, il s'agit du BIA-102464, or il ne figure pas sur la liste des 81 brevets BIAL déposés à la Commission européenne et le brevet ne figure pas non plus, comme il l'a indiqué, sur le site de l'ANSM. Il s'agit d'une fattty acide amine hydrolase ou FAAH. Cette FAAH interagit fortement avec les récepteurs du cannabis des cellules neurologiques, en particulier cérébrales, mais aussi au niveau d'autres cellules du corps. Or il est curieux que cette étude ait été acceptée aussi rapidement car cette molécule est à rapprocher du Rimonabant, synthétisé et expérimenté dès 1994 par Sanofi et commercialisé sous le nom d'Acomplia. Ce médicament a été lancé officiellement comme coupe faim, anti-tabagique, antidiabétique, etc. mais dès 2006 la revue Prescrire présentait ce médicament comme un gros « bluff ». Il a été interdit aux États-Unis et finalement retiré par Sanofi après avoir été déremboursé. Il est curieux aussi que le laboratoire BIAL, portugais, ait pu effectuer les tests précliniques qui demandent une infrastructure importante alors que ce laboratoire n'a que 75 employés au Portugal, 4 en Côte d'Ivoire, et vraisemblablement 1 aux États-Unis. BIAL n'a certainement pas l'envergure pour pratiquer tous ces examens. D'ailleurs il ne possède en propre qu'une seule molécule antiépileptique de seconde zone et le chiffre d'affaires de BIAL est infinitésimal, dépassant à peine 10 millions d'euros. Il est 4 000 fois moins important que celui de Sanofi ou de Pfizer. Il est encore trop tôt pour connaître les causes qui ont provoqué ces accidents mais il serait quand même bon de vérifier ces informations, car il n'est pas admissible que l'ANSM ait été tenue à l'écart ou n'ait pas voulu inscrire cet essai comme elle aurait dû le faire. Il est aussi surprenant qu'on ait autorisé ce type de molécule.

Réponse émise le 5 juillet 2016

Le 10 janvier 2016 s'est produit un accident dans le cadre d'un essai clinique de phase 1 réalisé par la société Biotrial à Rennes. Cet évènement d'une exceptionnelle gravité, et sans précédent dans notre pays, a entraîné le décès d'un homme, et l'hospitalisation de cinq autres volontaires. Le Gouvernement est très attentif aux suites de cet accident afin de prendre toutes les dispositions nécessaires pour que ce type d'accident ne se reproduise pas. L'Inspection générale des affaires sociales (IGAS) a été missionnée le 15 janvier 2016 afin d'analyser les causes de l'accident. Bien que certains manquements aient été constatés, l'IGAS, dans son rapport définitif de mai 2016, ne considère pas qu'ils justifient la suspension, à titre conservatoire, de l'autorisation de conduire des essais accordés au laboratoire Biotrial. Afin de prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer la sécurité des volontaires participant à des recherches et pour qu'un tel évènement ne puisse pas se reproduire, la ministre chargée de la santé a demandé que Biotrial lui remette dans un délai d'un mois à compter de la parution du rapport de l'IGAS un plan d'action, faute de quoi son autorisation de lieux lui sera retirée. La ministre des affaires sociales et de la santé a adressé une circulaire le 1er mars 2016 à l'ensemble des directeurs généraux d'agences régionales de santé (ARS) leur demandant de rappeler aux promoteurs et aux titulaires d'autorisations de lieux de recherche leurs obligations en matière de prises de décisions immédiates (par exemple, l'interruption de l'essai en cause) et de respect des délais de notification des effets et évènements indésirables au cours des essais cliniques. Elle a demandé, s'agissant des essais sur un volontaire sain, que tout effet indésirable grave conduisant à une hospitalisation soit considéré comme un « fait nouveau » au sens de l'article L. 2310 du code de la santé publique et soit déclaré sans délai à l'agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) et au comité de protection des personnes (CPP) et qu'un tel événement conduise à la suspension immédiate de l'essai. Par ailleurs, suite à la remise du rapport de l'IGAS, une instruction à l'attention des directeurs généraux d'agences régionales de santé leur imposera d'inspecter avant la fin de l'année l'ensemble des lieux qu'ils ont autorisés. L'ANSM devra, quant à elle, inspecter les recherches en cours dans ces lieux. La ministre a également saisi le Commissaire européen et ses homologues européens de ce sujet. L'ANSM a mis en place un comité scientifique spécialisé temporaire (CSST) qui s'est réuni deux fois les 16 février et 31 mars 2016. Lors de sa dernière réunion, le CSST a confirmé que le mécanisme à l'origine de l'accident de Rennes dépasse la seule inhibition de la Fatty Acid Amide Hydrolase (FAAH) (neuromédiateur du système endocannabinoïde) et implique très vraisemblablement la molécule BIA 10-2474 elle-même, soit par une action directe, soit par l'intermédiaire d'un métabolite. Les études menées chez l'animal ont été à nouveau examinées en détail y compris sur la base de pièces complémentaires mais n'apportent pas d'éléments nouveaux notamment sur le plan de la toxicité. Ces conclusions sont cependant encore provisoires, certains éléments essentiels n'ayant pas encore été communiqués. Suite à sa conférence de presse du 23 mai dernier, la ministre chargée de la santé a indiqué que le CSST devra procéder à une expertise sanitaire des dossiers médicaux des 90 volontaires enrôlés dans l'essai de Rennes. Sans attendre une éventuelle mise à jour des recommandations européennes (commission, agence européenne du médicament), l'ANSM a par ailleurs élaboré un plan d'actions visant à améliorer la sécurité des essais cliniques "first in man" chez des volontaires sains sur le territoire national. Ces mesures concernent les processus internes d'instruction des autorisations de ces essais, mais aussi l'analyse des données en cours de déroulement de l'essai par les promoteurs, les processus d'information de l'agence en cas d'incident et d'autres mesures détaillées dans le plan qui a été mis en œuvre fin mars 2016. Une cellule dédiée aux essais cliniques de phase I et II sera mise en place dès la fin de l'année à l'ANSM. Cette cellule sera responsable de l'instruction, de l'évaluation finale et de la décision sur ces essais. En outre, d'autres investigations effectuées par le pôle de santé publique du parquet de Paris sont actuellement en cours.

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