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Bérengère Poletti
Question N° 93079 au Ministère de l'agriculture


Question soumise le 9 février 2016

Mme Bérengère Poletti alerte M. le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement sur la réalité des pesticides et des intrants chimiques présents dans notre alimentation et dans notre environnement en France. Le reportage Cash Investigation du 2 février 2016 fait en effet un triste bilan de ces phénomènes, dont on ne mesure pas encore l'ampleur exacte. Les chiffres sont révélateurs : en moyenne, ce sont près de 65 000 tonnes de pesticides purs qui sont épandus chaque année sur notre territoire, au nom de l'agriculture productiviste ; aujourd'hui, l'hexagone est le premier consommateur de produits phytosanitaires en Europe. Il ne peut plus être dit que le danger est ignoré, et les effets des pesticides sur la santé augmentent à grande vitesse : tumeurs cérébrales, cancers, autisme, malformations congénitales, retards de développement, etc. Depuis 1980, les cancers infantiles augmentent de 1 % par an en France, soit environ 2 500 cas supplémentaires chaque année. Des alternatives existent pourtant à l'utilisation des pesticides, comme la mise en place au niveau local de formations et d'informations auprès des agriculteurs. Beaucoup de travail reste à faire dans la réglementation de ces intrants et la préservation de notre santé environnementale : la pollution de l'air par les pesticides n'est ainsi pas encore réglementée, et certains insecticides, herbicides, fongicides sont très persistants, même une fois interdits. Ils contaminent encore pendant des années, voire des siècles, l'air, la terre, l'eau, jusque dans les nappes phréatiques : c'est notamment le cas de l'atrazine. Aussi, elle souhaite connaître les réactions du Gouvernement face à ce dangereux constat, et les actions prévues pour aider les agriculteurs à produire plus sain en limitant leur utilisation d'intrants.

Réponse émise le 21 juin 2016

La loi d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt du 13 octobre 2014 a inscrit dans le code rural et de la pêche maritime, les principes du projet agro-écologique porté par le ministre chargé de l'agriculture depuis décembre 2012 et qui vise à faciliter des mutations profondes de l'agriculture pour produire autrement. Le plan Ecophyto, pris en application de la directive 2009/128/CE sur l'utilisation des pesticides compatible avec le développement durable, et révisé récemment, a pour objectif d'accompagner l'agriculture dans l'évolution des systèmes culturaux et, notamment, vers des pratiques plus économes en produits phytopharmaceutiques. Limiter les impacts négatifs de la protection des cultures sur l'environnement et la santé tout en maintenant, voire en augmentant, les niveaux de production agricole, la qualité des produits, et la rentabilité économique des exploitations et des filières agricoles est un défi de grande ampleur. Le succès passera nécessairement par le recours à des combinaisons et intégrations de nombreux leviers, allant de la sélection variétale aux changements de pratiques et de systèmes agricoles. Pour ce faire, le ministre chargé de l'agriculture a décidé la mise en place d'un dispositif innovant prévu dans la loi d'avenir, de certificats d'économie de produits phytopharmaceutiques (CEPP). Il s'agit, pour les vendeurs de ces produits, de mettre en oeuvre des actions réduisant le recours à ces produits. Chaque action génère un nombre de certificats. Au bout de cinq ans, tous les distributeurs devront avoir acquis un nombre déterminé de certificats. Le dispositif permet donc d'agir directement au niveau du vendeur et plus uniquement au niveau des utilisateurs. Par ailleurs, les recettes supplémentaires issues de la redevance pour pollutions diffuses cibleront notamment les investissements innovants, dans les exploitations agricoles et les projets de groupe, en particulier les groupements d'intérêt économique et environnemental (GIEE), qui contribuent à diminuer le recours aux produits phytosanitaires. De plus, le biocontrôle et son intégration dans les programmes de protection constituent une priorité pour limiter le recours aux produits phytosanitaires. A cet effet, la loi d'avenir porte des mesures pour favoriser le développement des produits de biocontrôle. Enfin, concernant la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques, la réglementation fixe le cadre de leur évaluation et leur utilisation pour s'assurer de l'absence de risques inacceptables pour la santé humaine, animale et pour l'environnement, en l'état des données scientifiques. Les décisions d'approbation des substances actives contenues dans les produits relèvent de la compétence européenne alors que celles concernant les produits formulés sont de la compétence nationale. En France, l'agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses) est en charge de l'évaluation des risques, ainsi que de la délivrance des autorisations de mise en marché des produits (AMM) depuis la loi d'avenir. L'Anses et le ministère chargé de l'agriculture mettent en place des mesures de gestion lors de l'utilisation des produits (zones non traitées, protection des personnes vulnérables, …). La loi visant à mieux encadrer l'utilisation des produits phytopharmaceutiques sur le territoire national, dite « loi Labbé », modifiée par la loi relative la transition énergétique pour la croissance verte, interdit l'utilisation de ces produits destinés à l'entretien des espaces verts publics et à un usage non professionnel à compter respectivement de 2017 et 2019, à l‘exception des produits de biocontrôle ou à faible risque. La réduction des risques et des impacts des produits phytopharmaceutiques sur la santé humaine et sur l'environnement passe aussi par le renforcement du dispositif de suivi des effets non intentionnels liés à l'utilisation de ces produits, appelé « phytopharmacovigilance » mis en place à l'Anses en application de la loi d'avenir, ainsi que par l'adaptation en conséquence des procédures d'évaluation et des AMM délivrées.

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