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Jean Lassalle
Question N° 95155 au Ministère de la justice


Question soumise le 19 avril 2016

M. Jean Lassalle attire l'attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice sur l'article 689-11 du code de procédure pénale relatif à la compétence territoriale du juge français concernant les infractions visées par le statut de la Cour pénale internationale. Par cet article, introduit par la loi du 9 août 2010, la France a assorti la mise en œuvre du principe de compétence universelle de quatre conditions restrictives rendant son activation extrêmement difficile. En février 2013, le Sénat a déposé une proposition de loi visant à modifier cet article afin de lever ces conditions et de permettre plus facilement aux juges français de sanctionner les crimes de guerre, les crimes contre l'humanité et les génocides. Cette modification permettrait notamment de ne plus limiter la saisine du juge au seul ministère public, mais de donner la possibilité aux victimes de déclencher directement des poursuites contre les criminels en portant plainte et se constituant partie civile. Il lui demande donc d'examiner les possibilités d'inscription de ce texte à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale dans les meilleurs délais.

Réponse émise le 29 novembre 2016

La proposition de loi adoptée le 26 février 2013 par le Sénat a été soumise par le Sénateur Jean-Pierre Sueur. Son rapport indique que le monopole des poursuites confié au ministère public a pour effet de supprimer la possibilité pour toute partie civile, personne physique ou morale, de mettre en mouvement l'action publique pour des crimes contre l'humanité, crimes de guerre ou génocides. Il se réfère à la loi du 5 mars 2007 relative à l'équilibre de la procédure pénale qui a maintenu le principe de la mise en mouvement de l'action publique par la partie civile devant un juge d'instruction, à l'issue d'un délai de trois mois destiné à recueillir l'avis du parquet sur l'opportunité d'engager des poursuites pour en conclure que l'accès au juge pénal apparaît paradoxalement plus restreint pour les crimes contre l'humanité que pour les infractions de droit commun. Cette présentation doit être relativisée. En effet, la France connait de nombreux mécanismes de compétence extraterritoriale : la compétence dite « active », liée à la nationalité de l'auteur (article 113-6 du code pénal), la compétence dite « passive » liée à la nationalité de la victime (article 113-7 du code pénal), la compétence liée à un refus d'extradition résultant de l'article 113-8-1 du code pénal, la compétence liée à une dénonciation officielle, mais aussi la compétence quasi-universelle résultant de conventions internationales (ex : Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, adoptée à New York le 10 décembre 1984 ; Convention internationale pour la répression des attentats terroristes, ouverte à la signature à New York le 12 janvier 1998 ; Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées, adoptée à New York, le 20 décembre 2006…). Ainsi, les restrictions légales apportées à la mise en mouvement de l'action publique trouvent leur cohérence dans le champ déjà très restreint de la mise en œuvre des dispositions de l'article 689-11. En effet, celles-ci ne sont susceptibles d'être actionnées que pour des faits commis à l'étranger par un auteur étranger, au préjudice de victimes dont aucune n'est française, en l'absence de demande d'extradition, de dénonciation officielle, de poursuite par la Cour pénale internationale et d'applicabilité d'autres cas de compétence quasi universelle. Dans ces conditions, en vue notamment d'assurer une cohérence de la politique pénale et de l'action des autorités judiciaires, confier le monopole des poursuites au seul ministère public apparaît nécessaire et équilibré.

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