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Bernard Gérard
Question N° 97461 au Ministère de la justice


Question soumise le 5 juillet 2016

M. Bernard Gérard attire l'attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice sur la décision n° 375426 du Conseil d'État du 10 février 2016, d'annuler le refus du garde des sceaux, ministre de la justice, d'abroger les dispositions de l'article D. 332 du code de procédure pénale. Pour mémoire, l'article D. 332 du code de procédure pénale prévoit la possibilité d'opérer des retenues sur la part disponible du compte nominatif des personnes détenues, soit en réparation de dégradations causées par elles, soit lorsqu'elles détiennent des sommes irrégulièrement, ces retenues étant versées dans les deux cas au Trésor public. Le Conseil d'État a en effet considéré que le pouvoir réglementaire n'était pas compétent, ni habilité par une quelconque disposition législative, pour autoriser, par ces dispositions, une privatisation du droit de propriété des personnes détenues. Aussi, un projet de décret est en cours tendant à l'abrogation des dispositions de l'article précité. Ainsi, il est demandé au sein des établissements pénitentiaires de ne plus mettre en œuvre le mécanisme de retenue au profit du Trésor en cas de dégradation ou lorsqu'une personne détenue est trouvée en possession irrégulière de sommes d'argent. L'administration pénitentiaire du ministère de la justice n'a donc plus la faculté de récupérer sur le pécule de la personne placée sous main de justice les sommes correspondantes aux dégradations et dommages causés aux biens matériels. Certains contentieux ayant déjà été enregistrés depuis la lecture de la décision du Conseil d'État, les conséquences financières de ces contentieux dépasseront la seule restitution des sommes car, en cas de procédure menée à son terme devant une juridiction administrative, cette dernière pourra mettre à la charge de l'État les frais de justice. Seule la faculté de saisir l'autorité judiciaire demeure, en application des dispositions de l'article 40 du code de procédure pénale, lorsque sont trouvées des sommes en possession irrégulière sur des personnes détenues. Or il est évident que les magistrats, débordés, ne pourront se saisir de ces dossiers. Cette décision est hautement préoccupante puisqu'elle va dans le sens d'un laxisme absolu. Il est en effet à craindre que ce vide juridique ne renforce le sentiment d'impunité dans les lieux de détention ainsi qu'une escalade des dégradations matérielles et du trafic. Il semblerait que le cumul de ces prélèvements d'office représente une somme globale de 20 millions d'euros, somme astronomique qui va être donc être à présent demandée aux contribuables. Le personnel pénitentiaire demande au garde des sceaux de prendre des mesures rapidement pour mettre fin à cette situation de non-droit. Il lui demande donc de prendre des dispositions pour que soient réinstaurées ces saisies sur les pécules pour que l'autorité et la discipline puissent demeurer en prison.

Réponse émise le 31 janvier 2017

Par une décision du 10 février 2016, le Conseil d'Etat a annulé le refus du garde des sceaux, ministre de la justice, d'abroger les dispositions de l'article D. 332 du code de procédure pénale qui prévoyait, d'une part, la possibilité d'opérer des retenues sur la part disponible du compte nominatif des personnes détenues en réparation de dégradations causées par elles, ces retenues étant versées au Trésor public, d'autre part que soient également versées au Trésor public les sommes trouvées en possession irrégulière des personnes détenues.  Pour estimer que le refus d'abroger ces dispositions était entaché d'une erreur de droit, le Conseil d'Etat a considéré que le pouvoir réglementaire n'était ni compétent, ni habilité par une quelconque disposition législative, pour autoriser, par ces dispositions, une privation du droit de propriété des personnes détenues. L'article 105 de la loi du 3 juin 2016 renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement, et améliorant l'efficacité et les garanties de la procédure pénale a modifié l'article 728-1 du code de procédure pénale qui dispose désormais dans ses alinéas 2 et 3 que « l'administration pénitentiaire a la faculté d'opérer d'office sur la part disponible des détenus des retenues en réparation de dommages matériels causés, sans préjudice de poursuites disciplinaires et pénales, s'il y a lieu. Sont, de même, versées au Trésor les sommes trouvées en possession irrégulière des détenus, à moins qu'elles ne soient saisies par ordre de l'autorité judiciaire. Les modalités de ces retenues sont précisées par décret. »  Tel est l'objet du décret du 28 octobre 2016 relatif aux retenues sur la part disponible du compte nominatif des personnes détenues et versements au profit du Trésor public des sommes trouvées en possession irrégulière des personnes détenues. Ce décret a été publié au journal officiel de la République française le 3 novembre 2016. Il modifie les dispositions de l'article D. 332 du code de procédure pénale et créé un article D. 332-1 au sein de ce même code. Ce décret entre en vigueur le lendemain du jour de sa publication au journal officiel de la République française, soit à compter du 4 novembre 2016.  Le nouvel article D. 332 du code de procédure pénale prévoit désormais que « les retenues de valeurs pécuniaires en réparation de dommages matériels causés en détention, mentionnées au deuxième alinéa du I de l'article 728-1, sont prononcées par décision du chef d'établissement. Cette décision mentionne le montant de la retenue et en précise les bases de liquidation. Le montant de la retenue est strictement nécessaire à la réparation du dommage constaté. La décision est notifiée à la personne détenue et au régisseur des comptes nominatifs. Ce dernier procède à la retenue sur la part disponible du compte nominatif de la somme mentionnée dans la décision du chef d'établissement. Il verse au Trésor public les sommes retenues. »  L'article D. 332-1 du code de procédure pénale dispose que « les sommes d'argent trouvées en possession irrégulière des personnes détenues, mentionnées au deuxième alinéa du I de l'article 728-1, acquises ou introduites irrégulièrement, sont transmises, sur décision du chef d'établissement, au régisseur des comptes nominatifs qui procède au versement des sommes au Trésor public. La décision est notifiée à la personne détenue. »  Ainsi, la loi ayant été modifiée et le décret d'application étant paru, les retenues sur la part disponible des personnes détenues peuvent être mises en œuvre dans un cadre juridique sécurisé, sans aucun laxisme.

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