Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Lionel Tardy
Question N° 97822 au Ministère de l'intérieur


Question soumise le 19 juillet 2016

M. Lionel Tardy interroge M. le ministre de l'intérieur sur la lutte contre le trafic d'héroïne. Depuis plusieurs années, dans certaines villes, se met en place un trafic très organisé de cette drogue, dont les bénéficiaires sont des réseaux mafieux d'Europe de l'Est. Les brigades de sûreté urbaine sont à pied d'œuvre, mais leurs moyens sont souvent insuffisants face à un phénomène en plein essor. Il souhaite connaître les mesures qu'il compte prendre pour renforcer la recherche de preuves, la surveillance des trafiquants, leur interpellation et, par conséquent, la protection des populations. Il souhaite également connaître, en lien avec le garde des sceaux, les mesures du Gouvernement allant dans le sens d'un renforcement de la politique pénale en matière de stupéfiants.

Réponse émise le 10 janvier 2017

La drogue constitue un problème économique, sanitaire et sécuritaire grave. Sur le plan de la répression, le combat contre ce phénomène est mené, en concertation avec les parquets, par l'ensemble des acteurs concernés : préfets, forces de police et de gendarmerie, douanes… La répression des trafics de produits stupéfiants contribue, en particulier, à la lutte contre la criminalité organisée et l'économie souterraine. Ce combat porte notamment sur le trafic d'héroïne, qui constitue le troisième marché de produits stupéfiants en France, après le cannabis et la cocaïne et devant les drogues de synthèse. Malgré son niveau de toxicité et ses très fortes propriétés addictives, cette substance connaît un regain d'intérêt en raison d'une baisse de son prix de vente et du développement d'un nouveau mode de consommation consistant à la fumer ou la "sniffer". Ces modes de consommation, perçus moins négativement que l'injection (associée aux risques de transmission du VIH et d'hépatites), contribuent à la diffusion de ce produit auprès d'usagers socialement insérés, notamment dans le "monde de la nuit". Cette évolution est aussi en relation directe avec le développement du trafic. L'héroïne consommée en France provient d'Afghanistan, où sa production est en nette hausse. La diversification et la consolidation des filières d'importation implantées en France jouent également un rôle dans l'augmentation de l'offre. L'implantation de "têtes de pont"en France par certaines organisations criminelles albanophones et turcophones contrôlant une grande partie des importations d'héroïne vers l'Europe contribue à accroître la disponibilité de cette substance. Pour autant, le trafic demeure très morcelé et repose dans une majorité des cas sur des réseaux de distribution secondaires, composés de trafiquants d'envergure locale s'approvisionnant dans certains pays limitrophes (Pays-Bas, Belgique…) et se livrant à des trafics dits de"fourmis", ainsi que l'illustre le niveau limité des quantités d'héroïne saisies en France (67 % des saisies d'héroïne réalisées en 2015 portaient sur des quantités inférieures à 5 gr et 99 % des saisies sur des quantités inférieures à 5 kg). Face à cette situation, les forces de l'ordre s'adaptent et poursuivent avec détermination leur action. Dans un contexte de professionnalisation croissante des réseaux, l'identification et la surveillance des individus impliqués dans les trafics imposent un renforcement des moyens matériels dont disposent les services de police et de gendarmerie, complément indispensable aux sources humaines de renseignement. Dans cette perspective, la direction centrale de la police judiciaire (DCPJ) et la direction centrale de la sécurité publique (DCSP) ont décidé de mutualiser les moyens techniques d'observation et de surveillance au sein de "cellules zonales d'assistance technique"afin de permettre à leurs services de bénéficier plus largement de moyens de haute technologie (jumelles de vision nocturne, caméras discrètes, dispositifs d'analyse de téléphones portables…). Plusieurs cellules ont déjà été mises en place, par exemple à Marseille et Lyon, et d'autres le seront prochainement. Ces"cellules zonales d'assistance technique", de même que les unités de gendarmerie nationale engagées dans la lutte contre les trafics de produits stupéfiants (brigades et sections de recherches, groupes d'observation et de surveillance), bénéficient de l'apport des crédits du fonds de concours "drogue"provenant de la confiscation définitive des avoirs criminels des trafiquants. Ces crédits, qui contribuent au financement de l'achat de matériels techniques d'investigation, sont gérés au sein du ministère de l'intérieur par la Mission de lutte anti-drogue (MiLAD), structure mixte police-gendarmerie placée sous la double tutelle des directeurs généraux de la police nationale et de la gendarmerie nationale. En 2016, la police et la gendarmerie engageront respectivement des budgets de plus de 4,3 M€ et de près de 3,5 M€ pour financer le renforcement de leurs capacités. Il convient à cet égard de noter que la saisie des avoirs criminels détenus par les trafiquants de produits stupéfiants constitue un axe fort de l'action engagée. 55,3 M€ ont ainsi été saisis en 2015, soit une progression de 14,3 % par rapport à 2014. Le renforcement des moyens matériels s'accompagne du développement d'un outil d'analyse criminelle visant à mieux appréhender l'ampleur et la physionomie des différents types de trafics. A cette fin, la base de données OSIRIS administrée par l'Office central pour la répression du trafic illicite des stupéfiants (OCRTIS), placé au sein de la DCPJ, est en cours de modernisation pour renforcer ses capacités d'analyse, en fonction notamment des types de produits et du profil des trafiquants. Compte tenu du dynamisme particulier du trafic d'héroïne dans les zones frontalières du nord-est du territoire national, la coopération policière internationale constitue également une priorité. Dans le cadre de la coopération dite"Hazeldonk", mise en place en 1994 entre la France et les Etats du Benelux afin de tarir le mouvement des consommateurs-revendeurs de stupéfiants se rendant aux Pays-Bas pour s'y approvisionner, un dispositif périodique international de contrôle et d'interception des rabatteurs (drug-runners) ainsi que des "narcotouristes" est déployé plusieurs fois par an sur les axes routiers, autoroutiers et ferroviaires reliant les Pays-Bas aux trois autres pays. Prolongeant le travail opérationnel des centres de coopération policière et douanière dans l'ensemble des pays limitrophes, le réseau des attachés de sécurité intérieure français en poste aux Pays-Bas, en Espagne, en Italie, en Suisse et en Allemagne (secondés, aux Pays-Bas, en Espagne et en Allemagne, par des officiers de liaison spécialisés en criminalité organisée et trafic de produits stupéfiants) contribue à la qualité des échanges d'informations. Plusieurs accords de coopération entre la France et ses partenaires européens permettent aussi d'améliorer la coopération judiciaire, notamment pour l'exécution des demandes d'entraide pénale relatives aux trafics de produits stupéfiants.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette question.

Inscription
ou
Connexion