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Marion Maréchal-Le Pen
Question N° 99059 au Secrétariat d'état au commerce extérieur


Question soumise le 20 septembre 2016

Mme Marion Maréchal-Le Pen interroge M. le secrétaire d'État, auprès du ministre des affaires étrangères et du développement international, chargé du commerce extérieur, de la promotion du tourisme et des Français de l'étranger sur l'application de l'accord de libre-échange avec le Canada (CETA). L'accord de libre-échange conclu le 26 septembre 2014, entre l'Union européenne et le Canada, institue des mesures qui modifient en profondeur les normes alimentaires, sociales et environnementales encadrant la société française, bouleversent de nombreux secteurs d'activités à l'instar de l'agriculture, fragilisent les indications géographiques, remettent en cause la souveraineté des États via les tribunaux spéciaux avec arbitrages privés pour juger les différends entre États et investisseurs. Au préalable, la Commission européenne souhaitait qualifier l'accord de « non-mixte », dans l'optique de simplifier et d'accélérer le processus de ratification en excluant les parlements nationaux de la procédure. Sous la pression croissante de l'opposition vis-à-vis de ce traité similaire au TAFTA, les instances européennes ont admis, début juillet 2016, le caractère « mixte » de l'accord, requérant la décision des parlements nationaux et fédéraux dans la phase de ratification du CETA. Cependant, pour éviter une entrée en vigueur trop tardive, la Commission a décidé d'une application provisoire de l'ensemble de l'accord dès la décision du Conseil de l'Union européenne avant que ne soient intervenus les votes des parlements de chaque État membre. Ce procédé, usité dans le cadre d'accords mineurs avec le Pérou ou la Corée du Sud notamment, contrevient au respect des souverainetés nationales exprimées à travers le vote de chacun des parlements. D'autant qu'une application provisoire du CETA entraînerait la mise en place de certaines réglementations, et ce malgré la suspension immédiate de l'accord en cas de son rejet par un parlement national. L'exécutif français ayant milité en faveur de l' « accord mixte », elle souhaite savoir s'il entend faire respecter la souveraineté du Parlement français en exigeant que l'entrée en vigueur du CETA soit subordonnée aux procédures de ratification nationales. Elle demande si le Gouvernement envisage de faire pression sur le Conseil de l'Union européenne en conditionnant son vote sur le CETA à l'abandon de son application provisoire.

Réponse émise le 17 janvier 2017

Le CETA est un accord de commerce équilibré avec un partenaire important. Les demandes de la France ont été prises en compte. Les résultats de la négociation sont satisfaisants tant sur les aspects tarifaires (droits de douane), que sur un accès amélioré aux marchés publics, la reconnaissance d'indications géographiques supplémentaires ainsi que la rupture entérinée avec le mécanisme d'arbitrage privé Investisseurs/Etats, remplacée par une Cour de justice publique des investissements. Cet accord pourra bénéficier à nos entreprises, notamment nos PME et PMI, qui représentent 75 % de nos entreprises exportatrices au Canada. Sur ce point, la reprise par le gouvernement de Justin Trudeau de la proposition européenne de cour permanente publique, portée par Matthias FEKL au nom de la France depuis 2015, rompt avec les tribunaux privés et garantit le droit à réguler des Etats. En effet, ce nouveau modèle rappelle de manière explicite qu'un simple changement de législation ne saurait en aucun cas constituer, à lui seul, un motif suffisant pour qu'une entreprise se prévale des clauses liées à la protection des investissements, notamment dans les secteurs de la protection de l'environnement, de la santé, des consommateurs, de leurs normes sociales ou de la diversité culturelle et linguistique. Il met clairement l'accent sur l'indépendance et l'impartialité des juges qui siégeront au sein de la cour publique, par la mise en place d'un code déontologique contraignant. En matière agricole, le CETA ouvre largement le marché canadien à nos produits agricoles et agroalimentaires, ce qui permettra aux entreprises européennes et françaises du secteur de se développer. Les droits de douane canadiens seront supprimés pour 92 % des produits. Sur les fromages, le Canada a accepté l'importation d'un quota de 18 500 tonnes de fromages européens par an exempts de droits de douane, alors que ces produits font aujourd'hui l'objet de droits de douane très élevés. C'est un acquis majeur. De plus, le CETA entérine la reconnaissance et la protection de 173 indications géographiques (IG) européennes dont 42 dénominations françaises, ce qui constitue une garantie pour la protection de nos savoir- faire et le développement de nos filières agricoles. Certains dénoncent le fait que toutes nos IG ne sont pas protégées par l'accord : auparavant, aucune IG n'était reconnue et toute usurpation était possible. Aujourd'hui, les IG les plus exposées à l'usurpation sont protégées dans le CETA. De plus, l'accord CETA prévoit la possibilité d'ajouter de nouvelles IG dans le futur à l'article 20.22. Concernant le processus de ratification, la position de la France portée par le secrétaire d'Etat chargé du commerce extérieur a toujours été que le CETA est un accord "mixte", c'est-à-dire qu'il couvre des domaines relevant des compétences communautaires et nationales. En conséquence, les Parlement nationaux doivent impérativement être saisis. Grâce à la mobilisation de la France notamment, la Commission européenne a finalement, conformément à son annonce du 5 juillet dernier, soumis au Conseil une proposition de signature du CETA en tant qu'accord mixte, confirmant la nécessité pour les Parlement nationaux de ratifier l'accord. Suite à la signature de l'accord à l'occasion du Sommet UE-Canada le 30 octobre, l'accord doit désormais être approuvé par le Parlement européen, condition nécessaire à une entrée en vigueur provisoire. La politique commerciale est une politique communautaire ce qui signifie que l'échelon européen est compétent dans ce domaine, conformément aux engagements internationaux de la France. Le Parlement européen, démocratiquement élu, et le Conseil de l'UE, qui rassemble les Etats membres, sont sur un pied d'égalité : aucune des deux institutions ne peut adopter de législation sans l'accord de l'autre. Sur la question de l'application provisoire, elle concerne les seules dispositions relevant de la compétence de l'UE et le Parlement européen, qui se prononcera en toute transparence dans le cadre d'un débat démocratique, dispose d'un droit de veto. Les dispositions relevant du périmètre national ne pourront quant à elles entrer en vigueur que si les Parlements nationaux, ratifient l'accord. Enfin, l'accord prévoit un mécanisme de suivi précis qui permettra à tous les Etats membres, et à la représentation nationale française, d'être informés de ses effets et d'en débattre. Au-delà du processus de ratification, le Gouvernement est attaché au contrôle démocratique sur la politique commerciale. Depuis sa nomination, Matthias FEKL a dénoncé le manque de transparence des négociations commerciales et s'est engagé pour une transparence approfondie : dialogue renforcé avec l'ensemble des élus et de la société civile au sein du Comité de suivi stratégique (CSS) de la politique commerciale, information continue du Parlement, multiplication des débats publics, politique de mise en ligne de documents, lancement de groupes de travail.

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