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Monique Rabin
Question N° 99588 au Ministère de l'économie


Question soumise le 4 octobre 2016

Mme Monique Rabin interroge M. le ministre de l'économie et des finances sur l'opportunité d'intégrer le travail domestique dans les calculs du produit intérieur brut (PIB) effectués par l'Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE). À ce jour, la comptabilité nationale prend en compte la production marchande de même que les biens produits par les ménages. On estime ainsi la valeur des services et produits achetés tout autant que la valeur, par exemple, des légumes et fruits que les Français produisent eux-mêmes. Il est donc étonnant que l'on n'inclut pas les services que produisent les ménages eux-mêmes comme le repassage, la garde d'enfant ou l'entretien du jardin. Si des raisons historiques d'après-guerre ont pu expliquer ce choix, mesurer la production dans une optique de reconstruction et de planification, elles n'ont plus raison d'être aujourd'hui et ce, à l'heure où les citoyens français eux-mêmes souhaitent que les pouvoirs publics prennent davantage en compte des statistiques qui touchent au bien-être. La valeur de ce travail domestique est par ailleurs tout à fait fondamentale. En moyenne, il représente 15 heures 30 par semaine, 38 milliards d'heures par an, soit 17 % du PIB, en partant sur la base du salaire minimum de croissance brut. Des chiffres qui pourraient avoir des conséquences importantes sur les politiques économiques et qui permettraient de valoriser et reconnaître un travail effectué à 77 % par les femmes. Aussi elle lui demande ses intentions sur cette question.

Réponse émise le 7 février 2017

La question de la quantification du travail domestique est pertinente et a fait depuis longtemps l'objet de travaux au sein de l'institut national de la statistique et des études économiques (INSEE), à preuve l'article pionnier publié en 1981 par Mmes Ann Chadeau et Annie Fouquet (1). L'INSEE a tout récemment proposé de nouvelles évaluations de la valeur de ce travail domestique, en 2013, dans sa publication annuelle sur l'économie française (2). Cette étude a valorisé les heures de travail domestique au coût des services marchands équivalents. Elle a retenu trois variantes sur le champ des activités domestiques couvertes, avec des résultats s'étageant de 704 à 1 323 Mds€ de valeur ajoutée, pour l'année 2010. Il existe des évaluations monétaires du travail domestique. C'est leur systématisation et leur intégration au coeur des comptes nationaux qui est en débat. La question à cette réponse dépend des objectifs qu'on affecte au produit intérieur brut (PIB). En l'état, le calcul annuel et trimestriel du PIB répond d'abord à deux besoins pour lesquels l'ajout d'une mesure du travail domestique ne se justifie pas : - le pilotage macro-économique conjoncturel. Ajouter au PIB une évaluation du travail domestique n'aiderait pas à ce premier objectif : pour favoriser l'emploi et le pouvoir d'achat des ménages, ce qu'il convient de réguler à court terme est bien l'activité définie au sens du PIB ; - un usage « finances publiques ». En donnant le montant de l'ensemble des flux nets de production donnant lieu à transactions monétaires, le PIB est un indicateur de notre capacité à financer les dépenses collectives ou à honorer les engagements financiers des administrations publiques. C'est à ce titre qu'on calcule et suit attentivement les ratios dette publique/PIB et déficit public/PIB. Ce type de calcul aurait bien moins de sens avec un PIB augmenté du travail domestique, sauf à prétendre taxer ce dernier. La prise en compte du travail domestique se justifie plutôt par rapport à un troisième objectif, celui de donner une vue aussi complète que possible des conditions de vie des ménages. Mais, si tel est le but, on peut considérer que c'est à d'autres indicateurs de la comptabilité nationale qu'il convient d'ajouter cette évaluation, par exemple le revenu disponible brut des ménages (RDB), qui est un concept différent du PIB : c'est ce qui était proposé dans l'étude de 2014 susmentionnée. De plus, le volume du travail domestique étant une variable à évolution lente et difficile à mesurer, l'exercice ne peut s'envisager qu'à intervalles assez espacés. La source de bases de ces chiffrages est l'enquête « emploi du temps ». Cette enquête est complexe et coûteuse car les ménages doivent renseigner de manière très détaillée leurs emplois du temps quotidiens. Elle n'est donc conduite que tous les 10 ans environ, ce qui correspond aux préconisations internationales. Des périodicités plus rapprochées sont toujours envisageables, mais ce serait au détriment d'autres besoins de collecte statistique auprès des ménages. (1) Mmes Ann Chadeau et Annie Fouquet (1981) « peut-on mesurer le travail domestique ? », Économie et Statistique, no 136, INSEE (2) M. Aurélien Poissonnier et Mme Delphine Roy (2013) « la consommation faite maison », L'Économie Française, comptes et dossiers, coll. INSEE Références. http://www.insee.fr/fr/themes/document.asp ? reg_id=0&ref_id=ECOFRA13e_D3_maison

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