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Marc Le Fur
Question N° 99847 au Ministère de l'agriculture


Question soumise le 11 octobre 2016

M. Marc Le Fur attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement sur le défaut d'affiliation par l'État aux organismes de retraite et la régularisation des cotisations arriérées au profit des vétérinaires ayant exercé sous mandat sanitaire avant le 1er janvier 1990 au titre de l'exercice de missions de prophylaxie et la prescription qui leur est opposée. Ces vétérinaires ont participé au cours des années 1955 à 1990 à l'éradication des grandes épizooties qui ont frappé le bétail français (tuberculose, fièvre aphteuse, brucellose, leucose). À cette fin, ils intervenaient en tant que salariés de l'État, via les directions départementales des services vétérinaires sous la conduite du ministère de l'agriculture. À ce titre, leur employeur devait les affilier aux organismes sociaux (sécurité sociale et IRCANTEC), ce qui n'a pas été fait. Il en résulte que les intéressés sont aujourd'hui privés de leurs droits à la retraite. Le Conseil d'État, saisi par des vétérinaires de demandes d'indemnisation au titre du préjudice subi dans le cadre du régime de responsabilité de l'État a reconnu par deux arrêts rendus le 14 novembre 2011, l'entière responsabilité de celui-ci ainsi et l'a condamné à réparer le préjudice. À la suite de cet arrêt de la haute juridiction administrative, un processus de décision amiable avait été mis en place avec le ministère de l'agriculture. Il apparaît toutefois que ce processus n'est pas applicable aux vétérinaires ayant fait leur demande plus de quatre années après la liquidation de la pension, leur demande étant par conséquent prescrite. L'opposabilité de cette prescription quadriennale a été confirmée par le Conseil d'État dans un arrêt en date du 27 juillet 2016, décision qui porte un grave préjudice à ces vétérinaires retraités, alors même qu'ils ont eu connaissance de la faute commise par l'État et donc de leur droit à l'affiliation, par les arrêts du 14 novembre 2011. Il lui rappelle que l'alinéa 2 de l'article 6 de la loi du 31 décembre 1968 dispose que « par décision des autorités administratives compétentes, les créanciers de l'État peuvent être relevés en tout ou partie de la prescription, à raison de circonstances particulières et notamment de la situation du créancier ». Dans cette perspective, il semblerait logique et équitable que le ministère de l'agriculture applique cette procédure aux vétérinaires ayant menée une véritable mission de service public pour son propre compte. Il lui demande par conséquent s'il entend appliquer cette disposition afin de ne pas opposer cette prescription quadriennale et ainsi permettre à ces vétérinaires retraités de percevoir le montant de la pension correspondant aux périodes de mise sous mandat.

Réponse émise le 1er novembre 2016

La procédure de traitement amiable des demandes d'indemnisation des vétérinaires sanitaires pour préjudice subi du fait de leur défaut d'affiliation aux régimes général et complémentaire de sécurité sociale pour les activités exercées avant 1990 dans le cadre du mandat sanitaire est opérationnelle depuis le dernier trimestre 2012. Elle est ouverte tant aux vétérinaires sanitaires déjà en retraite qu'à ceux encore en activité. A ce jour, 1 273 dossiers recevables sont parvenus au ministère. 1 067 ont été complètement instruits. Cette instruction est effectuée au cas par cas, l'activité sanitaire des vétérinaires étant très variable d'un vétérinaire à l'autre et ceci quel que soit le département d'exercice. Cette instruction est toutefois réalisée sur la base de règles harmonisées concernant par exemple les types de justificatifs documentaires admis comme preuves de détention d'un mandat sanitaire ou des rémunérations perçues au titre de l'exercice de ce mandat. Cette procédure a permis l'envoi de trois séries de protocoles en 2014, 2015 et 2016. A ce jour 467 protocoles ont été signés. Près de 80 % des vétérinaires en retraite ayant accepté la proposition d'assiette qui leur a été faite ont été indemnisés. L'article 1er de la loi no 68-1250 du 31 décembre 1968 dispose que « sont prescrites au profit de l'État… toutes créances qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis ». L'article 3 prévoit que : « La prescription ne court, ni contre le créancier qui ne peut agir, soit par lui-même ou par l'intermédiaire de son représentant légal, soit pour une cause de force majeure, ni contre celui qui peut être légitimement regardé comme ignorant l'existence de sa créance ou de la créance de celui qu'il représente légalement ». Le Conseil d'État a confirmé, dans sa décision no 388199 « Affaire Molin » du 27 juillet 2016, que le délai de prescription de la demande d'indemnisation courrait à partir du 1er janvier suivant le jour de la liquidation de la retraite. Il a aussi souligné que la nature de salaires des sommes correspondant à la rémunération des missions effectuées par un vétérinaire dans le cadre d'un mandat sanitaire avait été clairement établies par ses décisions du 12 juillet 1969 et du 12 juin 1974 qui ont donné lieu à diffusion et à retranscription dans plusieurs instructions de la direction générale des impôts. Ce n'était qu'à compter du 1er janvier 1990, date d'entrée en vigueur de la loi du 22 juin 1989 modifiant et complétant certaines dispositions du livre deuxième du code rural que les rémunérations perçues au titre des actes accomplis dans le cadre du mandat sanitaire avaient été « assimilées », pour l'application du code général des impôts et du code de la sécurité sociale, à des revenus tirés de l'exercice d'une profession libérale. Ainsi le Conseil d'État a-t-il jugé que les vétérinaires ne pouvaient être légitimement regardés comme ignorants de leur créance au moment où ils ont liquidé leur droit à pension. Le Conseil d'État, dans une décision du 10 janvier 2007 (Mme Martinez, no 280217), avait d'ailleurs déjà jugé que l'erreur de l'administration était sans incidence sur la légalité de la décision par laquelle l'administration opposait la prescription quadriennale à la réclamation d'un administré. L'article 6 de la loi précitée dispose également que « les autorités administratives ne peuvent renoncer à opposer la prescription qui découle de la présente loi ». Si l'article 6 de la loi no 68-1250 du 31 décembre 1968 prévoit aussi que les créanciers de l'État peuvent être relevés en tout ou partie de la prescription, ce n'est qu'en raison de circonstances particulières, notamment de la situation du créancier. Cette possibilité ne peut être qu'exceptionnelle, au risque, dans le cas contraire si cela était généralisé, de remettre en cause toute sécurité juridique et toute égalité des citoyens devant la loi.

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