Commission de la défense nationale et des forces armées

Réunion du 10 octobre 2012 à 17h00

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

  • bâtiment
  • défense
  • marine

La réunion

Source

La séance est ouverte à dix-sept heures.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Les universités d'été de septembre dernier ont mis à l'honneur un thème qui vous est cher, Amiral : la maritimisation du monde. Beaucoup dans nos rangs partagent cette volonté de voir cette question émerger dans le débat public et trouver sa place dans le prochain Livre blanc.

C'est dans ce cadre que vous allez nous présenter le projet de budget de la marine pour 2013.

Permalien
l'amiral Bernard Rogel, chef d'état-major de la marine

Madame la Présidente, Mesdames et Messieurs les députés, je suis heureux de me retrouver une deuxième fois devant vous depuis le renouvellement de l'Assemblée et vous remercie de me recevoir dans le cadre de l'examen du projet de loi de finances. En cette période de réduction des dépenses publiques, je sais les choix difficiles auxquels vous êtes confrontés et vais essayer de vous apporter le meilleur éclairage possible sur les enjeux qui concernent la marine.

Je crois, Mesdames et Messieurs, que la marine vit aujourd'hui une période charnière de son histoire, car elle est confrontée à trois facteurs concomitants.

D'une part, elle est, comme les autres armées, suspendue à la fois aux conclusions du futur Livre blanc et à la trajectoire budgétaire probablement très contrainte de la prochaine loi de programmation militaire (LPM).

D'autre part, elle est confrontée à une montée sans précédent des enjeux maritimes dans le monde : la maritimisation, liée à la mondialisation, qui fait aujourd'hui l'objet de toutes les attentions, et dont nous avons largement débattu.

Enfin, elle amorce un renouvellement désormais urgent de la majorité de ses moyens. J'y reviendrai.

À titre préliminaire, je souhaiterais apporter une précision qui m'est chère : la marine n'est pas désincarnée. Ce n'est pas une succession de moyens ou d'organigrammes, ni un alignement de lignes budgétaires. Ce sont des hommes et des femmes qui se sont engagés pour défendre leur pays – et je profite de cette occasion pour leur rendre hommage. Ce qu'ils font tous les jours n'est pas ordinaire et nécessite un sens exemplaire de l'engagement, un don de soi pouvant aller jusqu'au sacrifice suprême, une disponibilité hors du commun ainsi que la volonté de servir leur pays au détriment parfois de leur propre famille. Ces femmes et ces hommes sont une ressource rare. Nous devons les protéger. Tout conflit est confrontation de volontés : préserver la défense, c'est d'abord préserver la volonté de défendre. Telle est la clé d'une défense efficace, donc la toile de fond de nos débats aujourd'hui.

Avant d'aborder le budget de l'année prochaine, je souhaiterais revenir sur les caractéristiques de l'année écoulée, que j'aborderai en quatre points.

Premier point : cette année aura été celle de la régénération du potentiel après une année 2011 particulièrement dense.

Par régénération, j'entends la reconstitution du potentiel technique mais aussi la reprise de l'entraînement dans toutes ses composantes. En un mot, le maintien de la polyvalence. La mission Harmattan, au large de la Libye, avait monopolisé une grande partie de nos moyens avec le succès que l'on sait, mais dans un contexte tactique particulier et selon des modes opératoires propres. Or l'expérience montre qu'il nous faut être prêt à réagir à tout type de mission avec un faible préavis. Des exercices dédiés ont donc été menés en Atlantique et en Méditerranée, afin de maintenir cette indispensable polyvalence d'emploi.

La reprise de l'entraînement a également concerné les pilotes de chasse du porte-avions, notamment la formation des jeunes pilotes. Les manoeuvres de catapultage et d'appontage demandent une expertise très particulière et très difficile à acquérir et à maintenir. C'est une compétence unique en Europe, partagée seulement avec les États-Unis. Nous y accordons donc une grande attention.

Enfin, les crises actuelles se résolvent la plupart du temps en coalition. Il est donc nécessaire de poursuivre notre entraînement mutuel avec nos alliés – ce que nous avons fait par exemple au printemps 2012 sur la côte Est des États-Unis avec l'exercice Bold Alligator. Le savoir-faire acquis à partir des enseignements de la mission Harmattan a d'ailleurs suscité un vif intérêt de la part des Américains. À la fin du mois, nous aurons l'exercice Corsican Lion, dans le cadre du traité de Lancaster House, pour tester le volet maritime du concept d'emploi rédigé en 2012.

Deuxième point : cette régénération a été menée tout en remplissant nos missions permanentes, à un rythme toujours plus soutenu. Ces engagements se poursuivent selon ce que j'appelle le trépied de nos missions.

Premier pied : les missions permanentes des fonctions stratégiques. Avec, d'abord, la dissuasion, maintenue depuis maintenant 41 ans pour la force océanique stratégique avec un sous-marin nucléaire déployé en permanence, mais aussi des frégates et avions d'accompagnement. Il s'agit aussi de la connaissance-anticipation, qui repose sur des pré-positionnements, avec notamment la mission Corymbe, assurée depuis 22 ans sans discontinuer au large de l'Afrique de l'Ouest – la 118e relève de bâtiment a d'ailleurs été effectuée avant-hier. Ces pré-positionnements, qui ont également lieu dans l'océan Indien, le Golfe arabo-persique ou en Méditerranée orientale, sont souvent déterminants pour traiter à temps des événements avant qu'ils ne se dégradent.

Deuxième pied : les opérations extérieures (OPEX). La mission Atalanta de lutte contre la piraterie en océan Indien s'est poursuivie. La France en a d'ailleurs assumé le commandement d'avril à août 2012. C'est un succès : avec 70 navires par jour transitant dans le Golfe d'Aden, auxquels s'ajoute la présence d'une flotte française exposée de thoniers senneurs au large des Seychelles, le taux d'attaques réussies de pirates a été divisé par trois en trois ans. Nous maintenons, avec nos alliés, la pression sur ces derniers afin de garantir la sécurité de la navigation sur cet axe d'approvisionnement majeur – sachant que ce phénomène s'étend désormais au Golfe de Guinée selon des modes d'action plus violents.

Par ailleurs, le déploiement d'avions de patrouille maritime sur les différents théâtres d'opérations s'est opéré avec une efficacité toujours remarquée. C'est la polyvalence de cet outil, le seul des armées capable d'intervenir dans tous les milieux – dans l'air, sur terre, sur mer et sous la mer –, et d'effectuer des missions de renseignement, de coordination tactique, de désignation d'objectif, de sauvetage en mer ou de lutte anti-sous-marine, qui permet d'obtenir ces résultats. Il s'agit en quelque sorte du « couteau suisse » des airs.

Enfin, la mission au large de la Libye ne s'est pas terminée avec la fin de la crise : il a fallu poursuivre les opérations de sécurisation de la côte et des ports, réalisées par nos chasseurs de mine et nos plongeurs démineurs.

Troisième pied : l'action de l'État en mer. C'est le volet sécurité de notre action. Ainsi, en un an, la marine a permis le sauvetage de 235 personnes, l'interception de 2 208 migrants clandestins et de leurs 128 passeurs, le déroutement de 32 pêcheurs frauduleux, la saisie de plus de 10 tonnes de drogue, le déminage de 2 238 engins explosifs et l'assistance à 19 navires en difficulté. Sans compter notre participation aux opérations anti-pollution comme celle réalisée sur le Flaminia en juillet dernier : repérages aériens réguliers par des avions de patrouille maritime, investigation à bord et accompagnement.

Toutes les composantes y participent, à l'endroit où elles sont déployées, partout dans le monde. Je citerai pour exemple le cas du groupe aéronaval. Très récemment, le sous-marin nucléaire d'attaque d'accompagnement a repéré au cours d'un déploiement un bâtiment au comportement suspect. Cela s'est traduit par l'arraisonnement de narcotrafiquants. Ainsi se poursuit, 365 jours par an, 24 heures sur 24, l'activité de la marine. Aujourd'hui, par exemple, plus de 6 000 marins et 48 bâtiments, soit près de la moitié de la flotte, sont déployés, sans rentrer pour la plupart dans le compte des OPEX.

Troisième point : la modernisation de notre outil est amorcée.

Elle constitue la réponse à une urgence : les réductions, temporaires ou non, de capacité – rappelons que nous avons désarmé 20 bâtiments depuis 2009, et que cela continue – et l'âge de nos outils – près de 40 ans pour la frégate De Grasse, 34 ans en moyenne pour les frégates Georges Leygues, Montalm et Dupleix ou l'aviso lieutenant de vaisseau Le Hénaff – nous placent au bord d'une rupture franche. Seules deux frégates ont été livrées au cours des dix dernières années. Quant aux forces outre-mer, elles auront perdu leur capacité en patrouille et en bâtiments de transport léger (Batral) en 2016 si elles ne sont pas remplacées. Ne resteront plus que 6 frégates de surveillance et deux patrouilleurs pour 10 millions de km2 de zone économique exclusive (ZEE). Il n'est plus possible de retarder le renouvellement de la flotte.

Cette année, est arrivé le Dixmude, troisième bâtiment de projection et de commandement (BPC), dont l'emploi ne fait que croître. Avant même qu'il ne soit déclaré opérationnel, il menait simultanément pendant sa phase d'essai une triple mission : mission opérationnelle, en participant aux opérations Atalanta et Corymbe ; mission école pour la formation des officiers de marine – à savoir la mission « Jeanne d'Arc », du nom de l'ancien porte-hélicoptères désormais désarmé – ; mission de soutien aux partenariats stratégiques en Afrique du Sud et au Brésil. C'est dire s'il était attendu.

En fin d'année, la première frégate multimissions (FREMM) devrait être livrée, première d'une série également particulièrement attendue pour remplacer les frégates anti-sous-marines à bout de souffle, dont je vous ai parlé plus tôt.

La pertinence de ces deux types de bâtiments a été confirmée par des commandes à l'export, avec les retombées économiques que cela implique. Par ailleurs, ils représentent des gains substantiels en personnel pour la marine, avec moins de 100 personnes sur une FREMM contre près de 330 sur les anciennes frégates de type Tourville.

Pour ce qui est de l'aéronautique navale, il est prévu la livraison cette année de 4 avions Rafale Marine. La course contre la montre est lancée, les vieux mais toujours fidèles Super Étendard devant être retirés du service actif en 2016. La trajectoire nous emmène juste en dessous du contrat capacitaire en 2016 avec 38 avions pour un contrat de 40.

Il est également prévu la livraison de 4 hélicoptères Caïman-NH90, aujourd'hui au nombre de 7. Ces hélicoptères, prévus à 27 en 2021, remplacent les 10 Super Frelon, retirés du service depuis trois ans, et les 32 Lynx, dont le plan de réduction a déjà débuté. Ces retraits ont donné lieu à l'acquisition en urgence de 2 appareils EC225 pour assurer l'alerte sauvetage en Atlantique. Le respect de la cadence de livraison actuellement prévue est désormais vital. Rappelons que c'est un NH90 qui, une semaine après la recréation de la flottille, a sauvé les 15 membres d'équipage du TK Bremen.

Pour ce qui est de la composante sous-marine, le programme Barracuda se poursuit avec une vigilance particulière, car la livraison du premier sous-marin en 2017 conduira à maintenir le Rubis en service pendant 35 ans. La composante des sous-marins nucléaires lanceurs d'engins (SNLE), quant à elle, se modernise avec la première adaptation d'un sous-marin au nouveau missile M51 en 2013. Le Président de la République a rappelé le caractère central de la dissuasion dans notre stratégie de défense : elle reste en effet le meilleur rempart face à la surprise stratégique.

Enfin, l'arrivée de nouvelles unités impose un investissement important et durable dans les infrastructures portuaires, qui conditionnent l'emploi de ces unités.

Quatrième point : ces activités sont concomitantes à la mise en oeuvre des réformes du ministère.

Concernant le personnel, il s'agit de la poursuite de la déflation de 6 000 postes jusqu'à 2015, avec un résultat de 3 900 suppressions fin 2012. Ces suppressions nécessitent un effort considérable, car la marine avait déjà, avant la révision générale des politiques publiques (RGPP), recentré ses unités sur un nombre réduit d'implantations. 2 100 postes restent donc à supprimer d'ici trois ans.

En termes d'organisation, la mise en place des bases de défense a été conduite dans des délais réduits de façon à ne pas pénaliser le fonctionnement des unités pendant la phase transitoire. Aujourd'hui, il faut remédier à certaines imperfections de jeunesse, 2012 ayant été une année de rodage. Mais il faut surtout mener résolument cette réforme à son terme.

Au plan financier, la fin de l'année 2012 appelle une vigilance particulière. La levée de la réserve et du gel des crédits relatifs au fonds « État exemplaire », la concrétisation de l'abondement des crédits au titre des OPEX et de celui attendu au titre de la clause de sauvegarde sur les carburants opérationnels sont indispensables pour permettre une fin de gestion satisfaisante. Dans le cas contraire, ce déficit de ressources conduirait à hypothéquer dès le début de gestion le budget 2013 et provoquerait un effet de rupture dans certains marchés avec un impact inévitable sur l'entretien programmé des matériels, les stocks de rechanges, donc le potentiel d'emploi et la disponibilité de nos bateaux et aéronefs.

Pour conclure sur cette année écoulée, Mesdames et Messieurs les députés, vous avez donc pour servir le pays une marine dont les résultats sont quotidiens, qui a régénéré son potentiel, dont les équipements ont entamé aujourd'hui un renouvellement devenu urgent, et qui poursuit ses réformes sous forte contrainte financière. Pour résumer : pendant les travaux, l'activité ne faiblit pas, mais sans les travaux, elle serait clairement menacée, à court terme !

Venons-en maintenant au projet de loi de finance pour l'année à venir.

Il s'inscrit dans un effort sans précédent de redressement des finances publiques, dans l'attente des orientations du prochain Livre blanc, et reflète la contribution de la défense à l'effort financier avant les grands choix de la prochaine LPM.

C'est à cette aune que je l'analyse pour la marine nationale, au travers des cinq grands agrégats : la masse salariale, l'entretien programmé du matériel, l'activité, les équipements et le fonctionnement.

Les ressources en matière de masse salariale ont été réajustées au besoin, sur la base des effectifs prévisionnels et en tenant compte de la déflation de 729 postes l'an prochain. La gestion des ressources humaines prendra désormais en considération le principe d'auto-assurance, interdisant tout dépassement de l'enveloppe sur le Titre 2.

Les crédits d'entretien programmé du matériel sont préservés par rapport à leur niveau de 2012. Si cela constitue déjà en soi un effort en période de contrainte budgétaire, cela ne lève pas un certain nombre de difficultés ayant un impact direct sur l'activité opérationnelle. Le coût d'entretien des flottes augmente du fait, pour les nouveaux matériels, de leur sophistication et, pour les anciens, de leur plus grande fragilité. C'est la conséquence de la transition que nous vivons. D'expérience, nous savons que l'entretien d'une flotte connaît deux pics de coût : en début et en fin de vie.

Si la disponibilité des bâtiments est satisfaisante, les crédits prévus ne permettent pas d'atteindre les objectifs de la LPM, avec, pour la flotte de surface notamment, une prévision de réalisation des heures de mer de l'ordre de 12 % en dessous de l'objectif de la loi de programmation militaire (LPM) 20092014. Par ailleurs, nous sommes contraints d'immobiliser les sous-marins nucléaires d'attaque (SNA) neuf mois avant leur période d'entretien majeur afin de respecter l'enveloppe allouée à leur maintenance. Afin d'optimiser la disponibilité, nous menons aujourd'hui une réforme importante d'organisation sur l'entretien de la flotte, nommée Dispoflotte 2015, pour gagner toutes les marges possibles.

Celle de l'aéronautique est quant à elle préoccupante. Elle a conduit à réduire de 9 % l'activité au 2e semestre 2012. C'est la conséquence d'un déficit de financement d'environ 20 %. Le risque est, au-delà d'un taux de disponibilité en retrait, d'affaiblir le potentiel des flottes car les stocks de rechange ne sont plus recomplétés. Là encore, toutes les solutions d'optimisation sont recherchées avec la structure intégrée de maintien en condition opérationnelle des matériels aéronautiques de la défense (SIMMAD) pour limiter les conséquences des contraintes budgétaires.

Les crédits d'activité intègrent l'augmentation du prix des carburants opérationnels. Si ces crédits sont préservés en 2013, ils impliquent toutefois une réduction a minima des prestations d'externalisation dans le cadre de la préparation opérationnelle des forces.

Ces déficits expliquent les faibles marges de manoeuvre sur l'activité et les arbitrages auxquels les décideurs sont contraints lorsque des engagements opérationnels non planifiés s'ajoutent aux missions permanentes et à l'entraînement.

Les crédits d'équipements d'accompagnement font l'objet d'une forte contrainte financière, qui pèsera en grande partie sur les munitions, repoussant d'une année la perspective de reconstituer les stocks. 2012 aura déjà été une année de forte réduction en matière de munitions d'infanterie et aéronautiques : cette situation doit être comprise comme une solution transitoire dans l'attente d'une nouvelle LPM, qui permettra par ses arbitrages de lever, ou tout au moins de mieux cibler, les efforts d'économies.

Enfin, en cohérence avec les directives du Gouvernement, les crédits de fonctionnement de la marine ont été réduits de 7 %. Cet effort s'ajoute à celui de 10 % introduit par la programmation budgétaire triennale de 2011-2013 et à l'optimisation résultant des gains de la RGPP déjà pris en compte en amont par la LPM. Or la plupart des crédits de fonctionnement restant au sein de la marine après les transferts vers les bases de défense correspondent à des dépenses difficilement compressibles : ce sont notamment pour 77 % des crédits de recrutement, de formation et de mutation. Toute réduction a donc un impact immédiat sur le moral mais aussi sur les compétences de nos marins ; il est probable que nous soyons obligés de puiser dans les crédits d'entretien pour compenser ce déficit.

Pour conclure, si ce projet de loi préserve a minima l'activité immédiate des forces, il nous oblige aussi à des concessions qui commencent à engager les prochaines années. C'est bien un budget d'attente, mais qui pose des questions sur les choix à faire à court terme, à l'heure où le volume de nos missions ne faiblit pas et où nos moyens commencent à faire défaut, soit par leur nombre, soit par leur disponibilité.

Je voudrais enfin terminer en vous disant que, dans le monde où nous vivons, la marine n'est pas une dépense, c'est un investissement !

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Les réductions d'effectifs prévues sont-elles compensées par les gains en personnel sur les nouveaux bâtiments que vous avez évoqués ?

Permalien
l'amiral Bernard Rogel, chef d'état-major de la marine

La réduction des effectifs est par nature compliquée car notre armée est très spécialisée et nous devons gérer beaucoup de micro-populations – atomiciens, personnels du pont d'envol du porte-avions, personnel naviguant de l'aéronautique navale, etc. Or s'il manque une des spécialités sur un bâtiment, son activité est remise en cause. Nous sommes donc très vigilants.

Une partie de l'effectif que nous devons réduire fait partie du soutien, qui est en dehors de la marine, et une autre correspond en effet aux gains sur les futurs équipages embarqués – je rappelle que nous passons d'équipages de 330 personnes avec une frégate de type De Grasse à 95 sur la frégate Aquitaine. Cela permet plus largement d'obtenir des gains en rémunérations et charges sociales (RCS) dans la mesure où l'on divise le coût humain par deux et les coûts de formation par trois.

Nous parviendrons donc à absorber la baisse des effectifs mais cela n'est pas sans nous poser des difficultés.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Les questions que j'ai adressées, dans le cadre du questionnaire budgétaire annuel, au ministère sur le budget de la marine ont fait l'objet de réponses satisfaisantes, tant en taux qu'en qualité, mais si je peux comprendre qu'un certain nombre soit classifié « confidentiel défense », la « diffusion restreinte » me paraît trop largement utilisée au regard des informations figurant déjà dans le domaine public. Je souhaiterais que celle-ci soit limitée.

Permalien
l'amiral Bernard Rogel, chef d'état-major de la marine

Je suis tout à fait de votre avis.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

J'ai pu mesurer la difficulté que représentaient les coupes dans le budget du maintien en condition opérationnelle (MCO) de la marine : à force de décaler dans le temps les périodes d'entretien, on entame véritablement le capital des bâtiments et on obère ainsi leur capacité d'action future.

S'agissant des bases de défense, j'ai constaté également les imperfections de jeunesse dont vous parlez : les circuits sont plus longs, plus complexes, les interlocuteurs se sont multipliés… Mais s'agit-il seulement d'imperfections ou d'un problème structurel justifiant une nouvelle organisation avec, par exemple, un point d'entrée unique ?

Par ailleurs, j'aimerais que vous nous précisiez les besoins en équipements que vous jugez les plus urgents : les pétroliers ravitailleurs, les patrouilleurs, les avions de patrouille maritime, les hélicoptères légers ?

Enfin, quel est votre sentiment sur le programme Adroit développé par DCNS ? Comment s'est passée cette année de test pour la marine ? Ce type de bâtiment répond-il à un réel besoin capacitaire ? Préfigure-t-il le bâtiment de surveillance et d'intervention maritime Batsimar ?

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Quelles sont les conséquences des réductions temporaires de capacité (RTC), notamment outre-mer ? Par ailleurs, est-il vraiment indispensable de disposer d'équipements d'un tel niveau de sophistication pour parer aux menaces auxquelles nous devons faire face ?

Permalien
l'amiral Bernard Rogel, chef d'état-major de la marine

Le MCO me pose un véritable problème pour l'aéronautique navale. Si c'est le cas aussi pour la flotte en termes de régénération de potentiel, la flotte de surface a un taux de disponibilité plutôt satisfaisant, de l'ordre de 70 % –au sens de disponibilité générale des bateaux.

Les principales difficultés tiennent aux retards, aux changements d'activité opérationnelle et aux modifications de contrat qui s'ensuivent, qui sont en général coûteuses. Il y a 30 ans, le système était plus souple – on s'adressait à notre service d'entretien étatique – alors qu'aujourd'hui, on doit faire appel au service de soutien de la flotte – lequel me donne, cela dit, toute satisfaction – qui contractualise les opérations d'entretien. Les coups de rabot budgétaires créent des complications supplémentaires et nous devons être très vigilants. Mais je ne crois pas que nous en soyons encore à entamer le capital.

Concernant les bases de défense, je lis tous les rapports de mes commandants sur le moral de la marine et j'y réponds personnellement. Je ne méconnais aucune des difficultés quotidiennes engendrées par l'ampleur des réformes : réductions d'effectifs, réorganisation territoriale, changement du mode de soutien, qui ont créé une révolution historique dans le fonctionnement traditionnel de la marine. Nous sommes, je le répète, dans la phase de jeunesse ; on ne peut donc tirer de bilan définitif. D'autant que tous les personnels de la marine font le maximum pour que la réforme réussisse et que l'on obtient déjà des résultats positifs : à Toulon, la gestion des carburants, par exemple, qui est passé de la marine vers le service des essences des armées, a été bénéfique.

Le soutien de proximité est, certes, plus compliqué car les nouvelles habitudes ne sont pas prises et certains marins ont le sentiment que le service est moins rapide. On a créé un fonctionnement en tuyaux d'orgues, avec beaucoup de responsables mais pas d'autorité de coordination : nous sommes en train de résoudre ce problème avec le secrétariat général pour l'administration (SGA) et un groupe de travail devrait apporter des solutions dans les semaines à venir. Le cas du contrôle des huiles, important pour l'entretien programmé du matériel, est révélateur : auparavant on venait récupérer les échantillons à bord alors que maintenant, les unités doivent les apporter à Marseille : cela est plus compliqué mais a permis de gagner des effectifs. Je rappelle à cet égard que la réforme des bases est issue de la RGPP.

Nous sommes donc en période de rodage : tout n'est pas réglé, loin de là, mais nous sommes sur la bonne voie.

S'agissant des équipements, nous avons besoin de l'ensemble des composantes pour remplir les missions qui nous incombent. Pour prendre une image, votre question équivaut à demander à un bricoleur de choisir, dans la composition de sa caisse à outil, entre le marteau et le tournevis pour intervenir sur une panne qu'il ne connaît pas encore. C'est un choix impossible ! Nous sommes dans une phase de renouvellement urgent, mais qui était prévu dans la loi de programmation militaire (LPM). C'est le cas notamment pour les frégates de premier rang et les patrouilleurs. Encore une fois, si nous ne faisons rien, il ne nous restera plus que 6 frégates de surveillance outre-mer : comme ces patrouilleurs n'étaient pas considérés prioritaires dans le dernier Livre blanc, on a assisté à une réduction temporaire de capacité (RTC), qui nous conduit aujourd'hui à désarmer tous les P 400 – lesquels ne pourront être prolongés – et les Batral, sans les remplacer tout de suite. Le programme Batsimar tend à y remédier, sachant que nous avons dû avoir recours à des moyens palliatifs avec le déploiement de l'Arago et du Malin – simple chalutier transformé en garde-côtes. Nous essayons aussi de trouver un financement interministériel pour l'acquisition de bâtiments multimissions (B2M), c'est-à-dire des navires de soutien civils, pour remplacer les Batral. On ne peut simultanément considérer la zone économique exclusive (ZEE) comme importante et laisser la situation en l'état.

Je rappelle que la marine n'avait plus d'hélicoptères lourds sur ses deux façades maritimes depuis la disparition des Super Frelons : quand on voit les opérations de sauvetage que nous avons à mener, je suis heureux et soulagé d'avoir recréé la semaine dernière la flottille 31F dans le Sud après avoir recréé la 33F en Bretagne.

En ce qui concerne l'Adroit, j'ai été très intéressé par le partenariat avec DCNS : le bateau est mis à disposition pour trois ans, ce qui nous procure un patrouilleur de haute mer supplémentaire ; nous en profitons, nous, marins, pour affiner notre besoin sur les patrouilleurs de haute-mer (BATSIMAR). Nous avons en effet des adversaires de mieux en mieux équipés : on ne rattrapera pas un « go-fast » de trafiquant de drogue avec un patrouilleur de 12 noeuds, sachant qu'il est souvent trop tard quand la drogue est arrivée sur la plage. Il en est de même pour l'immigration illégale : il ne faut pas attendre que les bateaux viennent s'échouer dans les bouches de Bonifacio pour réagir ! L'avantage pour l'industriel de cette expérimentation est de certifier le bateau – ce qui est important en termes d'export – et de permettre de l'améliorer : le partenariat est donc gagnant-gagnant.

Quant aux RTC, elles touchent non seulement les patrouilleurs outre-mer, mais aussi les frégates anti-sous-marines. Nous avons désarmé le Tourville en 2011, nous allons désarmer le De Grasse dans l'année, ainsi que, l'année prochaine, le Montcalm, et nous n'aurons, pour les remplacer, qu'une frégate Aquitaine.

Monsieur Dhuicq, la marine n'a pas attendu pour tirer les conséquences de la sur-sophistication : le BPC a été construit selon des normes civiles, mais avec pour inconvénient d'être faiblement protégé. Il convient pour accomplir des missions humanitaires dans un pays n'ayant pas d'armement naval lourd, mais lorsqu'on l'a envoyé au large du Liban pour évacuer 13 000 compatriotes, il a fallu l'entourer de frégates anti-sous-marine et antiaérienne. On peut donc trouver des équipements moins sophistiqués pour certaines missions mais on aura toujours besoin de bâtiments lourds pour d'autres.

Quant aux frégates de surveillance, elles ont été construites à Saint-Nazaire selon des normes civiles. Les frégates légères furtives, quant à elles, qui sont intégrées dans les 18 frégates de premier rang, n'ont pas de sonar et une autodéfense limitée au missile Crotale.

Je précise aussi qu'on a supprimé les remorqueurs de la marine pour louer les services d'une société de remorquage.

Enfin, pour les bâtiments de soutien et d'assistance hauturiers (BSAH), le but est d'avoir des navires aux normes civiles, armés par des civils ou des militaires.

Les équipements les plus complexes sont le porte-avions, les sous-marins, les frégates de défense aérienne et les frégates de lutte anti-sous-marine, pour lesquels la sophistication est inévitable.

Si l'on devait demain rétablir la liberté de circulation dans un détroit, il faudrait envoyer des bâtiments capables de faire de la lutte anti-sous-marine et des frégates de défense antiaérienne – sachant que dès qu'on approche d'une côte, on peut être confronté à des missiles sol-mer, de l'aviation de chasse ou des sous-marins.

Il est prévu à l'avenir 9 frégates de défense anti-sous-marine – dont nous avons aussi besoin pour sécuriser, en particulier mais pas seulement, les approches de Brest – et 4 frégates de défense antiaérienne, ce qui est loin d'être excessif. Il faut donc éviter de descendre en dessous du « socle » nécessaire et de faire croire qu'on peut réaliser toutes les missions avec des bâtiments aux normes civiles. Je rappelle que nous sommes passés en dix ans de 41 bâtiments porteurs de sonar à 20 !

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Ce matin, le chef d'état-major des armées (CEMA) nous a dit que certains bâtiments avaient moins d'1 millimètre d'épaisseur de coque métallique et qu'ils tenaient essentiellement par les couches de peinture successives – ce qui est révélateur des difficultés auxquelles nous sommes confrontés !

Par ailleurs, vous avez déclaré que tout bâtiment, que l'on s'en serve ou non, s'usait…

Permalien
l'amiral Bernard Rogel, chef d'état-major de la marine

Un navire de la marine sert tout le temps, dès qu'il est à la mer.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Nous sommes, pour l'accomplissement des missions de souveraineté outre-mer et dans la ZEE, confrontés à une impasse capacitaire grave : ne peut-on redéployer des moyens de métropole pour au moins renforcer un point d'appui dans l'océan Indien et dans le Pacifique, ce qui nous donnerait en plus une capacité de projection dans certaines régions sensibles du globe ?

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Alors que nous avons de magnifiques bâtiments comme le porte-avions, les BPC, les FREMM, les SNLE ou les SNA, nous avons paradoxalement plus de difficultés à financer des équipements moins onéreux tels que des bateaux hauturiers ou des patrouilleurs.

Dans les commandes prévues en 2013, figurent 3 patrouilleurs pour la protection-sauvegarde : quand seront-ils livrés ?

S'agissant des BSAH, le ministère indique qu'est envisagé un partenariat dont la notification est prévue en 2013, avec une contractualisation de service pour une flotte de 8 bâtiments et une durée de 15 ans à partir de 2014 : ceux-ci seront-ils effectivement livrés dès 2014 ? Quel est le calendrier précis de cette opération ?

Enfin, où en est la coopération avec les Britanniques, notamment concernant des porte-aéronefs communs ?

Permalien
l'amiral Bernard Rogel, chef d'état-major de la marine

Monsieur Folliot, tous les P 400 et les Batral sont aujourd'hui en cours de retrait. On a donc commandé trois B2M en remplacement – sachant que les Batral, avaient des capacités amphibies, utiles par exemple pour le débarquement de fret humanitaire comme ils l'ont fait à Haïti. Si le contrat est passé l'année prochaine, comme je l'espère, nous pourrons avoir ces navires de soutien en 2015.

Monsieur Vitel, la commande des frégates ou des Batsimar faisait partie de la LPM : une marine ne se bâtit pas sur deux ou trois ans, mais sur une quinzaine d'années. Or avec l'arrivée de l'Aquitaine, le renouvellement est enclenché. La difficulté est de poursuivre celui-ci dans le contexte budgétaire que nous connaissons. Il n'y a donc rien d'étonnant : le paradoxe serait au contraire de ne pas respecter la LPM.

Sur les BSAH, l'idée est de constituer un partenariat public-privé (PPP), sachant que nous avions en 2008 sept bâtiments de soutien et d'assistance militaires auxquels s'ajoutent 4 bâtiments civils affrétés (bâtiments de soutien, d'assistance et de dépollution - BSAD). Nous achèterons un service sur la période 2015-2030, les bâtiments étant financés et entretenus par l'industriel, qui en livrera 4 à équipage militaire et 4 civils. Ils permettront de faire de la lutte anti-pollution ou des missions d'entraînement.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Quand est prévu l'appel d'offres ? À quelle date ces appareils seront disponibles, sachant que le PPP risque d'entraîner un décalage supplémentaire ?

Permalien
l'amiral Bernard Rogel, chef d'état-major de la marine

Le PPP ne provoquera, je l'espère, pas de décalage car les sociétés intéressées sont déjà bien informées, mais il ne faut pas, en effet, prendre de retard : nous aurons besoin de ce service en 2015. Leur décalage d'un an nous oblige à affréter plus longtemps et à prolonger quelques bateaux, ce qui a aussi un coût. L'appel d'offres devra être réalisé en 2013.

Monsieur Folliot, pour les missions de souveraineté outre-mer, nous avons prévu, outre les B2M, les deux patrouilleurs de Guyane en raison de l'arrivée des plates-formes pétrolières et de la pêche illégale dans la région.

Permalien
l'amiral Bernard Rogel, chef d'état-major de la marine

Oui, mais également pour l'action de l'État en mer. On espère combler partiellement le trou capacitaire avec les B2M et les patrouilleurs en Guyane, mais il faudra ensuite avoir les Batsimar.

Nous avons déjà redéployé deux patrouilleurs : Le Malin – bateau saisi pour pêche illégale aux Kerguelen, que nous avons racheté – vers la Réunion – et l'Arago vers la Polynésie. Mais les Batsimar vont aussi remplacer certains moyens métropolitains, tels que les bâtiments de surveillance des pêches : le redéploiement a donc ses limites.

Et si on met des bateaux plus gros sur les points d'appui que vous évoquez, on risque d'augmenter substantiellement le MCO.

Permalien
l'amiral Bernard Rogel, chef d'état-major de la marine

C'est le même problème, mais on pourra y réfléchir lorsque nous aurons les 11 à flot !

Monsieur Vitel, la coopération avec les Britanniques marche bien : nous aurons d'ailleurs l'exercice Corsican Lion à la fin du mois. Dans la situation budgétaire actuelle, je me vois mal avoir un deuxième porte-avions : il faut donc essayer de voir avec eux – voire aussi avec les Italiens – comment avoir un groupe aéronaval commun permanent, sachant que nous n'avons pas les mêmes avions. Nous sommes en bonne voie sur ce point, sous réserve de l'accord des autorités politiques. Nous pourrions ainsi disposer, sur le porte-aéronefs de l'un, d'un état-major mixte avec une escorte mixte en cas de besoin. C'est la version minimale pour l'Europe.

Nous réfléchissons à des programmes communs comme le missile anti-navire léger (ANL), pour lequel une décision sera prise avant la fin de l'année, et sur nos capacités dans le domaine de la guerre des mines. Il faut bien distinguer à cet égard ce dont nous avons besoin de façon souveraine de ce que nous pouvons partager – ce qui n'est pas facile, d'autant que les contraintes budgétaires sont souvent de court terme alors que la construction d'outils maritimes s'inscrit dans le long terme. On n'aura donc pas d'économies dans les trois ans qui viennent, mais plutôt vers 2020 ou 2025.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Les opérateurs pétroliers participent-ils au coût de la sécurité des plate-formes pétrolières ?

Beaucoup des bâtiments qui vont être démantelés contiennent de l'amiante : a-t-on prévu une filière industrielle à cet effet ?

Le ministre de la défense a évoqué le report de la modernisation de l'Atlantique 2 (ATL2) : pouvez-vous nous confirmer qu'il ne s'agit pas d'une annulation ?

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Quel bilan peut-on tirer du programme d'entraînement « Noble Mariner 2012 » qui vient de se terminer ?

Permalien
l'amiral Bernard Rogel, chef d'état-major de la marine

Il n'est pas question de mettre des personnels de la marine sur les plates-formes pétrolières. Mais quand on met des objets nouveaux à la mer, comme ces plates-formes ou les parcs éoliens, on ne peut éviter le risque que des bateaux les heurtent, ce qui crée de nouveaux problèmes. Le fait de savoir si les missions de sécurité devront être payées par les opérateurs pétroliers relève de l'autorité politique. Lorsqu'on déploie des équipes de protection embarquées sur les thoniers senneurs, les bateaux câbliers ou les navires de recherche sismiques, ceux-ci payent le service.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Qu'en est-il de la protection des plates-formes pétrolières contre les menaces terroristes ?

Permalien
l'amiral Bernard Rogel, chef d'état-major de la marine

Il faut aussi prendre en compte ces menaces, mais plusieurs réponses sont possibles, de la protection par l'Etat où se trouvent ces plates-formes aux équipes de sociétés de sécurité privées (ESSP) si elles sont autorisées.

Pour le démantèlement des navires, nous avons un grand programme qui porte sur 100 coques – soit 95 000 tonnes –, comportant effectivement de l'amiante et d'autres produits dangereux. Certaines opérations sont urgentes. Chacune d'entre elles passe aujourd'hui par l'obtention préalable du passeport vert, ce qui engendre un coût supplémentaire. Nous devons trouver un équilibre entre la nécessaire dépollution des coques et la vente de l'acier que nous pouvons en tirer.

À cet égard, monsieur Folliot, je n'ai pas le moindre doute sur la solidité des coques de mes bateaux, mais il est vrai que sur certains d'entre eux, dans la superstructure, il y a parfois des mélanges de fer, de rouille et de peinture – qui ne remettent pas en cause la sécurité des bâtiments.

Je précise que l'ex Bouvet vient de quitter Lorient pour être démantelé.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Avez-vous réfléchi à la création d'une filière industrielle en France pour la déconstruction ?

Permalien
l'amiral Bernard Rogel, chef d'état-major de la marine

Je serais ravi qu'elle existe, car cela serait plus simple pour moi : encore faudrait-il qu'on m'autorise à y recourir, car nous sommes soumis au code des marchés publics. Nous faisons donc des appels d'offres internationaux, comme pour la Jeanne d'Arc, actuellement à Brest et dont il faudrait éventuellement gérer le démantèlement en Grande-Bretagne si ce pays était retenu.

Cela étant, je ne suis pas sûr que tous les ports français soient disposés à recevoir une telle filière, compte tenu des problèmes de recyclage qu'elle pose.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Les appels d'offres sont-ils lancés par navire ou par série ? Une filière pourrait en effet se développer pour le démantèlement d'un nombre important de bâtiments.

Permalien
l'amiral Bernard Rogel, chef d'état-major de la marine

Nous faisons les deux. Les gros bâtiments sont généralement vendus un par un, pour compenser les frais de dépollution, et les petits, par séries.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Pourquoi ne pas réfléchir avec la direction générale de l'armement (DGA) à un appel à manifestation d'intérêt sur la constitution d'un groupement industriel permettant de structurer une filière capable de répondre à vos besoins à des prix corrects ? Je pense que votre ministre devrait y être favorable.

Permalien
l'amiral Bernard Rogel, chef d'état-major de la marine

Nous pouvons le lui proposer.

S'agissant de la modernisation des ATL 2, elle devient aussi une nécessité en raison de l'obsolescence de leurs consoles tactiques. Je n'ai pour l'instant pas entendu parler d'annulation de la modernisation de l'ATL 2, qui constitue un « couteau suisse », pouvant être utilisé tantôt au-dessus de la terre, comme on l'a vu en Libye, ou pour des opérations de sauvetage ou des opérations de lutte antinavire et anti-sous-marine. Cela signifierait, sinon, que nous perdrions notre capacité pour les avions de patrouille maritime, comme l'ont fait les Britanniques, qui le regrettent, je crois, aujourd'hui.

Quant au programme d'entraînement « Noble Mariner 2012 », qui a été conduit par la France, il s'est très bien passé : il a prouvé que nous étions au niveau attendu. Ces exercices sont vitaux dans la mesure où ils nous permettent de nous confronter aux autres et de vérifier que nous sommes au rendez-vous de l'interopérabilité pour le travail en coalition.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Pouvez-vous nous préciser ce que vous entendez par groupe aéronaval ?

S'agissant de l'ANL, nous n'avons pas eu des informations concordantes, le directeur général de l'armement (DGA) nous laissant entendre que le projet serait enterré alors que, pour le CEMA, la décision n'était pas prise : pouvez-vous nous en dire un peu plus et nous indiquer l'importance pour vous de ce programme ?

Enfin, si nous ne voulons pas être absents de nos zones d'intérêt maritimes, ne faut-il pas envisager de recourir à des bâtiments civils militarisés, même si cette solution n'est pas idéale ?

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Que vous inspire le contexte financier extrêmement difficile des prochaines années au regard, notamment, du futur Livre blanc ?

Permalien
l'amiral Bernard Rogel, chef d'état-major de la marine

Monsieur Fromion, un groupe aéronaval est un porte-avions ou porte-aéronefs entouré d'une escorte et doté d'un état-major. Le fait d'avoir un porte-avions à catapulte nous permet d'employer des avions de chasse à long rayon d'action, contrairement aux Britanniques et aux Italiens, qui ont choisi l'avion à décollage court et appontage vertical. L'idée est d'avoir un groupe aéronaval disponible en permanence donc de mettre en place sur le porte-avions disponible un état-major tactique commun avec une escorte commune. C'est la raison pour laquelle nous faisons cela avec les Britanniques, dans l'esprit des accords de Lancaster House – lesquels supposent des décisions communes sur notre avenir et l'enchevêtrement de nos intérêts. Il s'agit donc d'une sorte de mariage.

Sur l'ANL, la décision n'est pas encore prise. Je ne peux donner qu'un avis à cet égard, le programme 146 « Équipement des forces » étant piloté par le CEMA et le DGA. Cet équipement devra faire l'objet d'arbitrages dans le cadre du futur Livre blanc. Mais la marine le demande depuis longtemps : ce missile peut être embarqué sur hélicoptère et a vocation à viser les petites embarcations rapides, ou à supprimer l'aptitude à gouverner d'un grand navire.

Concernant le contrôle de nos zones d'intérêt maritime, je rappelle qu'on a proposé de recourir aux B2M, qui sont des bâtiments civils ravitailleurs de plate-formes. Le fait d'avoir mis en place des équipes de protection embarquées nous a donné une certaine expérience sur l'armement léger – au moins en autodéfense – de bâtiments civils. Quant aux Batsimar, je souhaite qu'ils soient sous MCO civil, ce qui permettrait de les faire entretenir partout dans le monde.

Compte tenu des contraintes budgétaires, cette question devra faire l'objet d'une priorité à court terme.

Mais je ne vais pas demander des FREMM pour surveiller la ZEE. Cela étant, on ne peut non plus envoyer n'importe quel bâtiment pour faire de la surveillance de zone dans la mesure où les pêcheurs illégaux, par exemple, autour de l'île de Clipperton emploient des moyens très rapides.

Monsieur Meslot, le contexte financier rend les choses difficiles : nous devons réduire la dette, qui est un enjeu majeur, faute de quoi la défense pourrait être la première touchée. La question est de savoir combien de temps va demander l'effort demandé à la défense, ce qui déterminera les réponses capacitaires. Si cet effort dure trois ou quatre ans, on retardera des programmes et on continuera à réaliser des trous capacitaires, mais on pourra garder une dynamique positive avec l'espoir de réinvestir ensuite. S'il devait au contraire prolonger une dizaine d'années, nous serions obligés de faire des choix capacitaires, qui impliqueraient d'établir des priorités entre les missions.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Vous nous dites donc que la contrainte financière est bien un facteur majeur de la révision du Livre blanc.

Permalien
l'amiral Bernard Rogel, chef d'état-major de la marine

Un Livre blanc est la mise en regard des ambitions et des contraintes budgétaires. Cela veut dire que si celles-ci s'inscrivent sur le long terme, il faudra revoir les ambitions de notre pays.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Réenchanter le rêve français ne sera alors pas suffisant…

La séance est levée à 18 heures 45.