Séance en hémicycle du 25 mai 2016 à 15h00

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La séance

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La séance est ouverte à quinze heures.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

L’ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

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La parole est à M. Edouard Philippe, pour le groupe Les Républicains.

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Monsieur le Premier ministre, je ne sais pas si ça va mieux. Peu de nos concitoyens le pensent et personne au Havre ne me l’a dit. Le Havre, poumon économique de la Normandie, risque l’asphyxie. Sa zone industrialo-portuaire, qui compte 32 000 salariés, a été bloquée plusieurs jours et peut l’être encore. Son port, le deuxième de France par le tonnage mais le premier pour le commerce extérieur, se bat depuis des années pour survivre dans un environnement international où la concurrence est féroce : soixante-dix escales ont été déroutées au profit de ses concurrents depuis le début du conflit.

Je ne souhaite pas appeler votre attention seulement sur une situation locale : derrière Le Havre, c’est l’économie de la vallée de la Seine, du Bassin parisien et du pays qui est menacée. Partout la tension est palpable, dans les files d’attentes des stations-service et sur les barrages. Partout monte l’exaspération, qu’il s’agisse de ceux qui se sentent trahis par rapport aux promesses de la campagne présidentielle, de ceux qui n’acceptent pas les atteintes à la liberté du travail ou de ceux qui en ont assez de devoir supporter dans leur vie quotidienne les conséquences des surenchères électorales ou des débats internes à la gauche.

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Comme s’il n’y avait pas de débats internes à la droite !

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J’ignore, monsieur le Premier ministre, ce que vous ferez du projet de loi travail. Personne, pas même la représentation nationale qui a été privée de débat, ne sait plus ce qu’il contiendra en définitive ni dans quel état il sortira d’un processus législatif qui ne nous fait pas honneur. Je sais en revanche que vous vous êtes engagé dans un rapport de force. J’observe que vous avez procédé à quelques déblocages. J’espère que force restera à la loi.

Ce que je vous demande, c’est de ne pas faire payer à notre économie, à nos entreprises et à nos emplois vos difficultés à dialoguer et votre incapacité à entretenir un dialogue social apaisé.

Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.

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Ce que je vous demande, monsieur le Premier ministre, ce sont les décisions que vous comptez prendre dans les heures qui viennent pour sortir notre pays des blocages. Comment comptez-vous concilier l’exercice du droit de grève, qui est constitutionnel et que tous ici respectent, avec la liberté de circuler et de travailler, qui est constitutionnelle, elle aussi, et qui est bafouée ? Avez-vous la volonté, monsieur le Premier ministre, de rétablir la confiance dans notre pays ?

Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains et sur les bancs du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, Premier ministre

Monsieur le député, je vais, en répondant à votre question, vous dire mon sentiment profond sur ce que nous vivons actuellement et sur ce que nous avons engagé, parce qu’il y a des moments, dans la vie publique, dans la vie politique, où il faut savoir prendre des décisions et être particulièrement clair devant la représentation nationale et devant les Français – si possible toujours.

Tout d’abord, il faut lever les blocages des sites pétroliers, des dépôts et, le cas échéant, des ports : onze dépôts ont déjà été débloqués, dont un encore ce matin. Nous le faisons parce que nous considérons que les Français doivent pouvoir s’approvisionner, se déplacer et aller travailler sans avoir à attendre des heures devant leur station-service.

Nous agissons pour les Français et pour notre économie, afin qu’elle ne soit pas asphyxiée par les agissements de quelques-uns. Nous continuerons d’agir avec détermination et tout sera mis en oeuvre pour assurer l’approvisionnement. Aucune option ne sera écartée. Les forces de l’ordre interviennent depuis vendredi et continueront de le faire. Je veux saluer leur travail et leur sang-froid. Elles interviennent dans le contexte que chacun connaît et qui les met à rude épreuve.

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, Premier ministre

Je veux – cela a déjà été fait hier, ici, à l’Assemblée nationale – leur rendre de nouveau hommage. Une fois encore, les policiers et les gendarmes sont les gardiens exigeants de notre vie en collectivité. Ils prennent des risques et sont victimes de violences intolérables.

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, Premier ministre

Être clair, c’est dire que c’est une organisation minoritaire qui veut faire plier le Gouvernement et qui veut tordre, tout simplement, l’intérêt général. C’est parce que cette organisation, la CGT, a échoué, et qu’elle n’a pas su prendre ses responsabilités dans le dialogue que nous avons engagé, qu’elle essaie de bloquer le pays.

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Dites-leur merci : vous êtes là grâce à eux !

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, Premier ministre

Je respecte cette organisation, son histoire, ses militants et ses dirigeants. Ma porte est toujours ouverte pour le dialogue.

Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains.

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, Premier ministre

Mais la CGT ne fait pas la loi dans ce pays.

Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, Premier ministre

Le droit de grève et celui de manifester sont des droits absolus. Mais cette radicalité, qui va jusqu’à s’en prendre aux permanences des élus de la République, est inacceptable.

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, Premier ministre

Ceux qui voudraient nous faire croire, par exemple, qu’il est possible d’arrêter une centrale nucléaire, jouent un jeu étrange : celui de vouloir faire peur aux Français. Ce qui se joue actuellement, monsieur le député, c’est bien une conception de la démocratie et du dialogue social ; c’est le choix de la négociation sociale dans l’entreprise plutôt que celui du blocage ou de la violence dans la rue. Aujourd’hui, je le rappelle, ceux qui bloquent les sites pétroliers ne sont pas concernés par le projet de loi travail. La décentralisation et le dialogue social sont des concepts modernes. La décentralisation est un concept que nos concitoyens apprécient dans les collectivités territoriales. Elle les met aux plus près des décisions. Pourquoi cette décentralisation ne vaudrait-elle pas aussi dans les entreprises en faisant confiance aux acteurs de terrain que sont les entrepreneurs et les salariés ?

Être très clair, c’est dire qu’il n’y aura, mesdames et messieurs les députés, ni retrait du texte ni remise en cause de l’article 2, car il est le coeur de la philosophie du texte.

Debut de section - Permalien
Plusieurs députés du groupe Les Républicains

Vous entendez, monsieur Le Roux ?

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, Premier ministre

Revenir sur ses dispositions, « ce serait porter un coup dur aux salariés car ils perdraient le bénéfice des nouveaux droits que ce texte leur accorde ». Ces mots, monsieur le député, ce sont ceux du secrétaire général de la CFDT, Laurent Berger. Lorsqu’il affirme que défendre les salariés, c’est défendre ce projet de loi, il faut l’entendre.

Notre but est que les Français ne subissent pas les chantages, qu’ils retrouvent leur quotidien, que ces accès de violence cessent et qu’on puisse, en effet, débattre calmement et sereinement,…

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, Premier ministre

…dans un esprit de responsabilité, pour réformer notre pays.

Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain et du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.

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La parole est à M. Sébastien Denaja, pour le groupe socialiste, écologiste et républicain.

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Ma question s’adresse au ministre des finances. J’y associe mes collègues Romain Colas et Dominique Potier.

Monsieur le ministre, l’examen du projet de loi relatif à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, que vous portez, a débuté ce matin en commission des lois. Ce texte, le projet de loi Sapin 2, s’inscrit dans la cohérence d’une action menée avec constance par la majorité depuis 2012, dans le prolongement d’un discours désormais célèbre prononcé par Français Hollande au Bourget.

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Il est célèbre pour vous, mais pas pour les Français !

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Ce discours ciblait un adversaire : la finance – pas celle qui irrigue l’économie réelle, mais la finance dévoyée, cet argent sale qui corrompt jusqu’au pacte républicain et ruine la confiance des citoyens.

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Cette action cohérente, c’est la gauche qui la mène. Nous avons porté la loi de séparation et de régulation des activités bancaires, la loi relative à la transparence de la vie publique, la loi relative à la lutte contre la fraude fiscale.

Exclamations sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains.

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Nous avons créé un parquet national financier.

Ce texte nous permettra de disposer d’outils supplémentaires. Je pense notamment à l’agence française anticorruption.

Mêmes mouvements.

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Elle sera dotée de soixante-dix agents, alors qu’en 2012, la droite n’avait laissé au Service central de prévention de la corruption que 4,75 équivalents temps pleins.

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Ce n’est pas la peine d’en faire des tonnes, vous ne serez pas ministre !

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Je pense aussi au cadre général que nous allons offrir aux lanceurs d’alerte, sous la protection du Défenseur des droits, dont l’indépendance est garantie par la Constitution. Je pense encore à l’encadrement du processus décisionnel,…

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Arrêtez de penser, ce sera mieux pour les Français !

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…à l’encadrement de l’action des lobbies et des représentants d’intérêts.

Ce texte sera également enrichi, notamment par l’amendement que je porte, avec le soutien du groupe socialiste et de son président, Bruno Le Roux, sur la rémunération des patrons des grandes entreprises.

Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.

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Enfin, je pense également au reporting.

Sur ces sujets, monsieur le ministre, pouvez-vous nous préciser la position du Gouvernement ?

Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain. – « Allô ? » et exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.

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La parole est à M. le ministre des finances et des comptes publics.

Debut de section - Permalien
Michel Sapin, ministre des finances et des comptes publics

Monsieur le député, monsieur le rapporteur, les premiers contacts que nous avons eus avec les commissions concernées montrent que ce projet de loi intéressera l’ensemble des bancs de votre assemblée.

Vous avez posé les bonnes questions. Ce n’est pas un texte qui arrive comme cela : il vient après beaucoup d’autres. Depuis 2012, toute une série de textes ont accru la transparence dans la vie publique et dans le patrimoine des élus,

« Thévenoud ! » « Cahuzac ! » sur les bancs du groupe Les Républicains

Debut de section - Permalien
Michel Sapin, ministre des finances et des comptes publics

ainsi que notre capacité à lutter contre la fraude fiscale et à orienter l’épargne des Français et l’investissement vers le financement des entreprises.

Debut de section - Permalien
Michel Sapin, ministre des finances et des comptes publics

C’est ce que nous voulons amplifier encore dans le cadre de ce projet de loi relatif à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, avec votre concours et le travail de l’ensemble des groupes de l’Assemblée nationale et du Sénat.

Nous avons besoin de plus de transparence, par exemple, vous l’avez dit, dans les modalités de fixation des rémunérations des hauts dirigeants des grandes entreprises françaises. Nous avons besoin de plus de transparence aussi dans l’activité des représentants d’intérêts, dans le lobbyisme. Cette activité est parfaitement légitime, mais elle doit s’exercer en pleine transparence, afin d’éviter toute influence occulte qui serait mauvaise pour la démocratie.

Nous avons aussi besoin de lutter contre la corruption à l’étranger. Aujourd’hui, nous n’avons pas suffisamment d’outils permettant de protéger nos entreprises en punissant éventuellement celles qui s’adonnent à la corruption.

C’est tout ce travail qui est encore devant nous. Mesdames et messieurs les députés, je souhaite que ce texte nous rassemble…

Debut de section - Permalien
Michel Sapin, ministre des finances et des comptes publics

…autour des valeurs portées par le côté gauche votre hémicycle, mais qui peuvent être aussi partagées par le côté droit. Je souhaite que ce texte soit efficace et utile à la France.

Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain et quelques bancs du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.

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La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.

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Monsieur le Premier ministre, l’inquiétude et la colère des Français grandissent. Je sais que votre tâche n’est pas facile en ce moment, mais la vie est encore plus difficile pour nos concitoyens, ce dont le Président de la République ne semble pas se rendre compte.

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Depuis plusieurs semaines, nous assistons à des manifestations, à des scènes de pillage menées par des casseurs, à des agressions de policiers dont les juges viennent malheureusement de relâcher les auteurs présumés.

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Monsieur le Premier ministre, il faut que vous expliquiez au Président de la République que cela ne va pas mieux ! Alors que votre secrétaire d’État chargé des transports explique qu’il n’y a pas de pénurie d’essence, bien que l’on voie se multiplier, hélas, comme Édouard Philippe le disait tout à l’heure, les files d’attente devant les stations-service, il faut lui faire comprendre, monsieur le Premier ministre, que cela ne va pas mieux !

Alors que nous avons subi des blocages routiers et qu’on annonce maintenant des grèves reconductibles à la RATP et à la SNCF, menées par les jusqu’au-boutistes que vous décriviez tout à l’heure, il faut que le Président de la République revienne sur terre et se rende compte que cela ne va pas mieux !

On nous menace maintenant de coupures d’électricité – vous y avez fait allusion – et la rupture du dialogue social avec la CGT ressemble aujourd’hui à une lutte à mort contre le Gouvernement : on ne peut pas dire que cela va mieux ! Et nous apprenions hier que l’attractivité de la France reculait face à la Grande-Bretagne et à l’Allemagne : ce n’est pas ce que nous appelons aller mieux !

Hier encore, s’exprimant à la radio, le Président de la République s’est rêvé en Clemenceau, un homme qui vous est cher, ou en Churchill. Je pense que tout le monde peut constater que c’est à l’Élysée que, décidément, cela ne va pas mieux.

Si, encore, c’était le prix à payer pour une réforme qui en vaille la peine… Mais vous avez été contraint, à contrecoeur, j’en suis sûr, de vider une large partie de cette réforme d’une réelle substance. En réalité, les Français paient les pots cassés d’une campagne présidentielle et de mensonges présidentiels qui n’ont cessé.

Alors qu’il reste encore un an avant les échéances électorales, la question qui se pose aujourd’hui est la suivante, monsieur le Premier ministre : avez-vous encore les moyens de gouverner pendant un an, coincé entre un président candidat et une majorité qui vous a déjà lâché dans cet hémicycle ?

Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union des démocrates et indépendants et sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains.

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, Premier ministre

Monsieur le président Lagarde, oui, la vie est difficile – pas pour le Gouvernement, pas pour les parlementaires, mais pour les Français qui sont au chômage, qui connaissent la précarité et qui craignent pour l’avenir. C’est évidemment vers eux que nous sommes tournés. C’est pour cela que nous avons mis en place la prime d’activité et augmenté le RSA.

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, Premier ministre

C’est pour cela aussi, puisque vous avez fait référence au bilan du Gouvernement et aux prochaines échéances électorales, que nous faisons tout pour améliorer la compétitivité de nos entreprises.

Debut de section - Permalien
Un député du groupe Les Républicains

Quel succès !

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, Premier ministre

C’est le sens du CICE et de la baisse du coût du travail.

Voilà ce que le Président de la République a voulu dire. Il y a, d’un côté, les indices économiques, et de l’autre, la réalité que vivent les Français. Mais quand les indices vont dans le bon sens, reconnaissons que cela signifie que les perspectives s’améliorent ! Nous le constatons en matière de consommation, en matière d’investissement, dans le secteur du bâtiment…

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, Premier ministre

Nous le constatons aussi en matière d’emploi – toutes les catégories de chômeurs sont concernées – et aussi, bien sûr, en matière de croissance. C’est évidemment insuffisant au regard de ce qui est nécessaire pour faire baisser le chômage de manière très significative, mais les chiffres du mois dernier allaient dans le bon sens. Nous devons continuer sur cette voie.

Monsieur le député, les chiffres et les indices permettent de dire qu’en effet, les choses sont en train de s’améliorer. Le Gouvernement n’a qu’une seule responsabilité, un seul défi : celui de continuer pour que la situation de nos compatriotes s’améliore.

Réformer, cela veut dire mettre en oeuvre la loi qu’a portée avec courage Myriam El Khomri.

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, Premier ministre

Vous dites que le projet de loi a été vidé de sa substance : il faut l’expliquer aujourd’hui à ceux qui manifestent !

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, Premier ministre

Mais je pense que vous vous trompez. Le secrétaire général de la CFDT dit que ce texte comporte des droits nouveaux pour les salariés, qu’il réalise ce qui n’avait jamais été fait jusqu’à présent, y compris, monsieur Lagarde, lorsque vous apparteniez à la majorité : donner davantage de moyens aux syndicats et aux salariés et, surtout, favoriser la discussion au sein de l’entreprise.

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Tournez-vous vers les vôtres ! C’est à cause d’eux, pas de nous, que vous avez utilisé le 49.3 !

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, Premier ministre

Les syndicats réformistes que sont la CFDT, l’UNSA et la CFTC disent que ce texte va dans le bon sens et soutiennent un certain nombre de mesures qu’il contient. L’organisation qui est sans doute le premier syndicat de ce pays dit que ce projet de loi est utile pour les entreprises et pour les salariés. Moi, cela m’encourage à continuer.

Exclamations sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains.

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, Premier ministre

Qu’il y ait des oppositions, je l’ai constaté ici, monsieur Lagarde, à l’Assemblée nationale. Qu’il y ait un débat dans le pays, c’est normal, c’est la démocratie. Mais qu’il y ait des blocages qui perturbent la vie quotidienne des Français qui vont travailler, et que ces blocages ne visent pas seulement à faire tomber le Gouvernement, mais aussi à paralyser le pays, ça, c’est inacceptable.

Il y a un débat dans le pays…

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Il y a surtout un débat au sein de votre majorité !

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, Premier ministre

…où s’opposent deux conceptions de la manière de gouverner,…

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, Premier ministre

…deux conceptions du syndicalisme, deux conceptions du dialogue social. Je souhaite que ce débat aille jusqu’au bout.

Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, Premier ministre

Je ne suis pas dans une confrontation personnelle avec la CGT. C’est la CGT qui a décidé, notamment lors de son dernier congrès, de se lancer dans un processus de radicalisation qui peut conduire à la violence. Je le regrette, compte tenu de l’histoire de cette organisation. Mais la ligne du Gouvernement ne déviera pas : nous soutenons la réforme et nous mettrons en oeuvre ce projet de loi.

Mêmes mouvements.

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, Premier ministre

Je le répète : ce texte est bon pour les entrepreneurs et pour les salariés.

Il y aura d’autres débats que vous n’avez pas évoqués, monsieur Lagarde. Dans quelques semaines, le texte défendu par Myriam El Khomri reviendra ici, à l’Assemblée nationale.

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, Premier ministre

Il aura été amendé, sans aucun doute, par le Sénat, c’est-à-dire par les Républicains et l’UDI. À cette occasion, chacun – y compris la CGT et ceux qui ne voulaient pas voter le texte et qui nous ont contraints au 49.3 – pourra constater nos différences de conception du modèle social.

Debut de section - Permalien
Plusieurs députés du groupe Les Républicains et du groupe de l’Union des démocrates et indépendants

Tournez-vous vers la gauche quand vous dites cela !

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, Premier ministre

Nous aurons alors le vrai débat dont notre pays a besoin.

Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.

Situation sociale

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La parole est à M. Jean-Charles Taugourdeau, pour le groupe Les Républicains.

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Comment allez-vous, monsieur le Premier ministre ? Mieux j’imagine, comme la France n’est-ce pas ? Monsieur le Premier ministre, ce ne sont pas les syndicats, qui ne représentent qu’eux-mêmes, qui prennent les Français en otage mais vous, avec vos promesses sans lendemain qui sont des affirmations indignes d’un Premier ministre.

« Très juste ! » sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains. – Murmures sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.

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Avez-vous demandé au salarié si ça va mieux quand il est prisonnier de son entreprise parce qu’en la quittant il sait qu’il ne retrouvera pas de travail ? L’agriculteur va-t-il mieux face à la volatilité des prix ? Sans parler de la volatilité de sa retraite !

Avez-vous demandé au chef d’entreprise – TPE, PME, ETI – qui espérait un code du travail intelligent si ça va mieux maintenant ?

Avez-vous interrogé les artisans, les commerçants, les professionnels libéraux alors qu’ils n’ont pas les moyens d’embaucher par peur de ne pouvoir licencier face à une baisse d’activité ?

Et les policiers, les gendarmes vont-ils mieux quand on libère les casseurs qui veulent les tuer ? La mère de famille, en panne de carburant, va-t-elle mieux quand elle ne peut pas aller chercher ses enfants à l’école ?

« Eh oui ! » sur les bancs du groupe Les Républicains. – Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.

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Avez-vous demandé aux lycéens s’ils iront mieux quand ils ne pourront pas passer le Bac à cause des grèves de transports ?

Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.

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Les retraités, qui n’ont pas les moyens d’aider leurs enfants et leurs petits-enfants, vont-ils mieux ?

Monsieur le Premier ministre, avez-vous demandé aux Français s’ils vont mieux et se sentent en sécurité quand sous état d’urgence, vous autorisez les manifestations, les occupations de locaux et de zones de non droit alors que vous-même dites que, et je vous cite, « la menace est toujours extrêmement élevée et n’a sans doute jamais été aussi élevée. » ?

Les Français sont découragés, ils sont inquiets. Vous les clivez en opposant ceux qui travaillent à ceux qui vivent du système. Et franchement, vous vous décrédibilisez quand vous leur dites, depuis l’étranger, que ça va mieux !

Quand vous aurez mis tous les Français en colère, en les prenant pour des idiots, pensez-vous que la France ira mieux ? Dites-nous enfin la vérité, monsieur le Premier ministre !

Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, Premier ministre

Hier, monsieur le député, il pleuvait ; le défenseur de l’équipe de France Raphaël Varane s’est blessé : cela doit sans doute être à cause du Gouvernement, mais ous avez oublié de le rappeler dans votre question.

Applaudissements et rires sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, Premier ministre

Plus sérieusement, essayons de mettre dans le débat public un tant soit peu d’ordre et, surtout, de raison.

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, Premier ministre

Vous parlez des policiers et des gendarmes qui ont été blessés et qui se sont retrouvés dans cette voiture et qui, sans leur sang-froid et leur courage auraient pu mourir, monsieur Jacob. Plutôt que de polémiquer sur un tel sujet, plutôt que de mettre, une nouvelle fois, en cause le Gouvernement, suite à une décision de justice…

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, Premier ministre

…vous auriez pu rappeler que le parquet a fait appel,…

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, Premier ministre

…vous auriez pu rappeler que pour donner la force nécessaire aux policiers et aux gendarmes, il leur faut des moyens de fonctionnement, ces moyens que vous avez baissés lorsque vous étiez au pouvoir.

Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain. – Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.

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Cela fait quatre ans que vous êtes au pouvoir !

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, Premier ministre

Il faut plus d’hommes sur le terrain, mais lorsque vous étiez dans la majorité, vous avez supprimé des milliers de postes.

Mêmes mouvements.

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, Premier ministre

On peut continuer ainsi pendant des mois, des années avec ce type de débat inutile qui n’intéresse pas les Français. Ce qui est intéressant dans votre question, c’est de constater qu’il y a deux conceptions lesquelles doivent faire l’objet d’un débat dans les mois qui viennent devant le pays.

Vous avez parlé de ces syndicats qui ne servent à rien.

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, Premier ministre

À ceux qui aujourd’hui, dans la rue, veulent faire tomber le Gouvernement, veulent bloquer le pays…

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, Premier ministre

…et qui n’auraient alors comme majorité alternative que la droite que vous représentez – une droite dure –, je dis qu’ils doivent pouvoir choisir.

Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, Premier ministre

Il n’y a pas d’alternative à gauche,…

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, Premier ministre

…il n’y a que la gauche qui réforme.

Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, Premier ministre

La seule alternative, c’est vous qui la représentez. C’est-à-dire ceux qui veulent mettre en cause le paritarisme, le dialogue social, le rôle et la place des syndicats. Dites-le au pays !

Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, Premier ministre

La deuxième conception est bien étrange par rapport à l’histoire de notre pays. C’est toujours les mêmes phrases que vous employez en dénonçant l’assistanat, ceux qui vivent du système.

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, Premier ministre

Mais continuez ainsi, monsieur le député. Ce type de discours ne fait qu’alimenter le populisme, le rejet des uns et des autres, l’extrême droite.

Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains. – Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.

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Le Front national n’a jamais été aussi haut que depuis que vous êtes au pouvoir. C’est vous qui le faites monter !

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, Premier ministre

Continuez ainsi ! Il n’y a pas d’un côté ceux qui travaillent et ceux qui vivent du système. Il y a ceux qui sont dans le travail et ceux qui sont au chômage. Il y a d’un côté ceux qui méritent la solidarité et ceux qui sont en difficulté.

Voilà deux conceptions des choses. Au moins, votre question aura eu le mérite, monsieur le député, de montrer à quel point nos conceptions du modèle social étaient différentes !

Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.

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C’est absolument faux. Quelle caricature !

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La parole est à Mme Monique Rabin, pour le groupe socialiste, écologiste et républicain.

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Ma question s’adresse à madame la ministre des affaires sociales et de la santé. Contrairement à M. Philippe et à M. Taugourdeau, je crois que ça va mieux !

Rires et exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.

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Depuis 2012, des lois essentielles ont modifié positivement notre système de santé.

Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.

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Nous, nous travaillons sur le temps long. Nous avons adopté des lois de financement de la Sécurité sociale, une loi relative au vieillissement ou encore la loi de modernisation de santé.

Mêmes mouvements.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Le système de santé que tout le monde envie à la France se trouve préservé, le déficit de la Sécurité sociale réduit de plusieurs milliards.

Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

La restructuration de notre système de santé est en marche.

Debut de section - Permalien
Plusieurs députés du groupe Les Républicains

Qui est en marche ?

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

L’hôpital public, au coeur de notre système de santé, est un atout aussi bien sur la recherche, sur la formation des personnels de santé, que sur l’accès aux soins. Nous devons lui préparer un avenir, non pas de manière bureaucratique, ou comptable, mais en prenant en compte les besoins de chacun et de chaque territoire.

Je vous avais interpellée l’année dernière sur les hôpitaux de proximité, sur les moyens à leur attribuer dans le respect des personnels et des patients. Je suis heureuse de constater que vous avez décidé de créer les groupements hospitaliers de territoires, pour renforcer les mutualisations, rationaliser les achats, simplifier.

Vous avez décidé d’un dispositif de financement sur mesure, c’est une excellente nouvelle.

Madame la ministre, en 2016, le budget des hôpitaux a augmenté de 1,6 milliard d’euros. Pour soutenir la grande réforme de l’hôpital, vous venez en outre d’annoncer un investissement massif de 2 milliards d’euros.

Debut de section - Permalien
Un député du groupe Les Républicains

Avec quoi ?

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Nous sommes très fiers de l’hôpital public, lui donner les moyens de préparer l’avenir est une très bonne nouvelle. Je vous remercie, madame la ministre, de dire à la représentation nationale, comment vous comptez engager cette réforme.

Applaudissements sur quelques les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Inutile de répondre, la réponse était dans la question ! En tout état de cause, tout va bien…

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

La parole est à Mme la ministre des affaires sociales et de la santé.

Debut de section - Permalien
Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé

Madame la députée, je vous remercie de saluer le rôle et la place des hôpitaux dans notre système de santé qui, et nous devons nous en réjouir, a été salué au plan international par un numéro spécial de la revue de référence The Lancet qui a manifesté son admiration face à l’excellence de nos hôpitaux et de notre système de santé.

Cet hôpital public, nous le soutenons et nous le modernisons depuis 2012. D’abord, en faisant évoluer son financement. Et, puisque vous évoquez la place des hôpitaux de proximité – et je sais qu’avec d’autres vous y êtes attachée –, je veux vous dire que, depuis deux ans, j’ai engagé une réforme du financement qui permet de déconnecter le financement de certains hôpitaux de leur activité.

Debut de section - Permalien
Un député du groupe Les Républicains

On n’a rien vu !

Debut de section - Permalien
Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé

Hier, a été publié le décret qui permet à 250 hôpitaux de proximité, soit un quart de nos hôpitaux, de bénéficier de financements spécifiques déconnectés de leur activité. Ces ressources complémentaires s’ajoutent à 2 milliards d’euros investis depuis 2012 pour restructurer les hôpitaux, et 400 millions d’euros qui sont allés faciliter la mise en place des systèmes d’information.

Avec le défi de la coopération et de la mise en place des groupements hospitaliers de territoire, j’ai décidé d’engagerun plan de financement de 2 milliards d’euros qui doit permettre à nos hôpitaux de se réorganiser, de se restructurer et de s’équiper en termes de systèmes d’information. Nous le savons, la clé de la réorganisation à venir repose sur les échanges d’information et c’est pour cela que j’ai annoncé ce plan d’investissement majeur pour les prochaines années.

Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.

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La parole est à M. Gaby Charroux, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

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Monsieur le Premier ministre, la question des rémunérations des hauts dirigeants des entreprises privés nous interpelle. Comment, en effet, un dirigeant d’entreprise tel que le PDG de Renault-Nissan peut-il percevoir une rémunération totale de 43 000 euros par jour, 365 jours par an, soit plus de 15 millions d’euros ? Cela représente une échelle de salaire de 1 à 860 !

Tandis que le SMIC a augmenté de 68 euros seulement en quatre ans, les rémunérations des plus hauts dirigeants d’entreprise n’ont cessé de croître, dans des proportions inacceptables, alors qu’ils mènent souvent des politiques sociales et salariales qui ne font que réduire l’emploi et contenir les salaires. Cela n’a plus aucun sens, ni sur le plan économique, ni sur le plan écologique, et encore moins sur le plan social.

Ce phénomène ne concerne qu’une infime minorité des dirigeants, pendant que des millions de patrons de PME pratiquent, de fait, une échelle salariale moyenne de 1 à 4.

J’ai déposé, avec les députés de mon groupe, une proposition de loi visant à encadrer les rémunérations dans les entreprises par une échelle de salaires de 1 à 20. Si cette proposition fait autant parler d’elle, c’est avant tout parce qu’elle est attendue par une grande majorité de Français. Elle inclut la restriction de cinq à deux du nombre de mandats d’administrateurs qu’un même dirigeant peut détenir et rend le « say on pay » contraignant.

La limitation à 450 000 euros de la rémunération des dirigeants d’entreprises publiques en 2012 est un premier pas, qui en appelle d’autres.

Passés les faux arguments constitutionnels ou l’éternelle menace de la fuite des sièges sociaux ou des dirigeants d’entreprises, légiférer en encadrant les rémunérations revêt un caractère économique et social fort, puisque l’augmentation des salaires du haut entraînerait l’augmentation des salaires du bas, tout en réduisant les inégalités.

Je défendrai demain cette proposition de loi…

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Merci, monsieur Charroux.

La parole est à M. le ministre des finances et des comptes publics.

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Sur cette question, c’est M. Macron qui doit répondre !

Debut de section - Permalien
Michel Sapin, ministre des finances et des comptes publics

Monsieur le député, vous êtes l’auteur, avec d’autres membres de votre groupe, d’une proposition de loi bienvenue, qui répond évidemment à une incompréhension totale de presque tous les Français face au niveau de rémunération, incompréhensible pour le sens commun, de quelques grands patrons dans quelques grandes entreprises.

Debut de section - Permalien
Plusieurs députés du groupe Les Républicains

Macron !

Debut de section - Permalien
Michel Sapin, ministre des finances et des comptes publics

Depuis 2012, comme vous l’avez évoqué, s’agissant du plafonnement de la rémunération dans les entreprises publiques, cette majorité a agi – et je pense que vous l’avez soutenue sur ces points. Elle a mis un peu d’ordre dans ces rémunérations.

D’abord, le plafonnement des rémunérations dans les entreprises publiques dépend évidemment du seul choix de l’État et nous l’imposons aux dirigeants de ces entreprises. Nous avons aussi réformé le fonctionnement des stock-options ou des retraites chapeaux, manières déguisées, en quelque sorte, de rémunérer à des très hauts niveaux ces dirigeants du privé.

Nous avons ensuite voulu, pour le domaine privé, faire confiance à la mise en oeuvre de codes de bonne conduite – c’est-à-dire, au fond, faire appel à la responsabilité des dirigeants eux-mêmes. Un code de bonne conduite a ainsi été élaboré, mais nous avons vu voilà quelques semaines, en particulier à propos de la rémunération de M. Carlos Ghosn, que cela ne suffisait pas. Il faut donc légiférer.

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Ce que Moscovici n’a pas voulu faire : il y a du progrès !

Debut de section - Permalien
Michel Sapin, ministre des finances et des comptes publics

Vous le proposez et les rapporteurs du texte relatif à la transparence et à la lutte contre la corruption souhaitent également le faire. Attention cependant, car dans ce domaine, il n’existe pas que de faux arguments constitutionnels. J’aime, pour ma part, les textes qui tiennent le coup, non seulement en séance mais aussi ensuite, dans la réalité.

Nous souhaitons avec vous que les assemblées générales d’actionnaires aient la capacité d’encadrer, de connaître et de fixer ces rémunérations et de faire en sorte que ces décisions s’imposent effectivement au patronat.

Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.

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La parole est à Mme Marie-Jo Zimmermann, pour le groupe Les Républicains.

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Madame la ministre de l’éducation nationale, depuis près d’un an, nous vous interrogeons régulièrement sur le bien-fondé de la réforme des collèges et les critiques qu’elle suscite, qu’il s’agisse de la suppression des sections européennes ou de la restriction des classes bilangues. Face à toutes les questions posées par mes collègues, vous esquivez la réponse.

Aujourd’hui à trois mois de la rentrée, il serait plus que nécessaire que, face aux inquiétudes des parents et des enseignants, nous ayons des réponses précises sur la pertinence de vos choix. Vous avez souhaité que les recteurs fassent de la pédagogie, mais l’incompréhension domine encore.

Je soulignerai en particulier les problèmes que suscite la réforme de l’enseignement de l’histoire. Au moment où les grandes valeurs nationales sont remises en cause par l’émergence des communautarismes, il est plus que nécessaire de respecter l’histoire en tant que récit national.

Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains et du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.

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Ce qui est reproché, c’est que l’enseignement se focalise sur le thématique et le moralisateur, alors que jamais, dans l’histoire de France, on n’a eu autant besoin de remettre du chronologique, de l’enchaînement et du linéaire.

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Le mélange des deux sans ligne directrice pose un réel problème.

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Pourquoi, alors, vouloir supprimer l’unité des programmes d’histoire au profit de thèmes facultatifs à la discrétion de chacun des enseignants ? Ayant moi-même été professeur d’histoire et géographie, je leur fais confiance. Encore faut-il qu’il y ait, de votre côté, un arbitrage sur un tronc commun, de façon à ce que tous les collégiens bénéficient du même enseignement sur les grands événements de leur histoire.

En effet, madame la ministre, la connaissance de l’histoire joue un rôle-clé dans la formation d’un individu. Personne ne peut savoir où il va s’il ne sait pas d’où il vient. Un enfant qui a vocation à devenir un citoyen français, participant à la vie de la cité et s’exprimant démocratiquement, doit donc connaître l’histoire de son pays. Quelle réponse pouvez-vous apporter à ces questionnements ?

Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains et plusieurs bancs du groupe de l’Union des démocrates et indépendants, et sur quelques bancs du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.

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La parole est à Mme la ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche.

Debut de section - Permalien
Najat Vallaud-Belkacem, ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche

Madame la députée, vous avez raison : comprendre l’histoire et la mémoire de son pays, les grands événements qui ont forgé l’âme de notre nation, est essentiel dans la construction du citoyen et, parce que l’école est au coeur de la République, c’est en effet l’une de ses missions fondamentales.

Mais je nous alerte collectivement : l’histoire qui doit permettre de nous fédérer n’est pas celle qui, au contraire, nous divise.

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Vous avez une certaine capacité à la réécrire !

Debut de section - Permalien
Najat Vallaud-Belkacem, ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche

Si je vous dis cela, c’est parce qu’on a bien pu sentir, dans les débats qui ont entouré la réforme de l’enseignement de l’histoire, ces derniers mois, que se cachait trop souvent cette tentation de fabriquer une histoire qui serve des idéologies ou des conflits politiques.

Vives exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains et du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.

Debut de section - Permalien
Najat Vallaud-Belkacem, ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche

C’est la raison pour laquelle le choix que nous avons fait, qui était du reste inscrit dans la loi de refondation de l’école, en 2013, n’a pas consisté à ce que le pouvoir politique écrive l’enseignement de l’histoire, mais à confier cette mission fondamentale à une commission d’experts : le Conseil supérieur des programmes, des experts, des intellectuels, des membres de la représentation nationale qui, en toute indépendance, ont rédigé ce programme d’histoire, comme l’ensemble des programmes de la scolarité obligatoire.

Les exclamations perdurent.

Debut de section - Permalien
Najat Vallaud-Belkacem, ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche

Venons-en maintenant au contenu de ces nouveaux programmes, puisque vous les avez mis en accusation. Pour ce qui concerne, d’abord, l’école primaire, notre histoire nationale est absolument centrale dans ce qu’on apprend aux enfants. Pour le collège, l’histoire nationale est toujours le fil conducteur de l’enseignement d’histoire, mais vous comprendrez aussi qu’à ce stade de la scolarité, on veuille apprendre aux élèves ce que sont les histoires d’autres sociétés et d’autres pays, en particulier de ceux avec lesquels la France nourrit des relations étroites.

Debut de section - Permalien
Najat Vallaud-Belkacem, ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche

Pour finir, madame Zimmermann, puisque vous êtes ancienne professeure d’histoire et géographie, vous aurez certainement noté avec un grand intérêt qu’enfin, grâce à ces nouveaux programmes, nous avons remis en place la chronologie, si importante pour bien comprendre cette histoire, et que les programmes…

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La parole est à M. Philippe Kemel, pour le groupe socialiste, écologiste et républicain.

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Madame la ministre du travail, depuis 2012, les gouvernements de notre majorité ont donné la priorité à la jeunesse. De nombreuses mesures ont été adoptées : emplois d’avenir, augmentation des bourses étudiantes, effort important en faveur de l’apprentissage, garantie des loyers – je n’ai pas suffisamment de temps pour en développer la liste.

Exclamations sur quelques bancs du groupe Les Républicains.

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S’y ajoute la garantie jeunes, décidée par le comité interministériel de lutte contre l’exclusion en 2013, en application des recommandations de l’Union européenne.

Ici, en France, cette garantie jeunes concerne celles et ceux âgés de 18 à 25 ans qui, au sortir de leur formation, n’ont pas de qualification ni métier et sont souvent qualifiés de « décrocheurs ».

L’innovation de ce programme repose sur deux points. Premier point : l’accompagnement individualisé. Le principe du dispositif consiste en un repérage des jeunes les plus motivés et un signalement auprès des missions locales qui organisent des collectifs de formation et d’immersion en entreprise – quatre-vingts jours au minimum sur les douze mois d’accompagnement et de suivi des situations individuelles.

Deuxième point : la garantie, en contrepartie, d’une allocation financière d’un montant minimum de 483 euros : 50 000 jeunes en ont bénéficié depuis 2013 ; 320 missions locales, soit 80 % du réseau national, conduisent cette insertion.

La loi travail prévoit la généralisation à l’ensemble des jeunes dans tout le territoire national. À ce stade, madame la ministre, combien de jeunes ont-ils bénéficié de ce dispositif ? Quel est le nombre d’entrées dans l’emploi de long terme ? Enfin, quels perfectionnements envisagez-vous d’apporter pour que cette généralisation soit encore plus efficace ?

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La parole est à Mme la ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.

Debut de section - Permalien
Myriam El Khomri, ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social

Monsieur le député, vous m’interrogez à juste titre sur la garantie jeunes, en souhaitant des précisions sur le nombre de jeunes concernés.

À ce jour, près de 60 000 jeunes sont entrés en garantie jeunes et nous évaluons à 100 000 le nombre de jeunes qui, à la fin de l’année 2016, en bénéficieront.

De quels jeunes parlons-nous ? C’est le sujet le plus important. Bien souvent, ces jeunes étaient invisibles et nos politiques publiques ne leur parlaient plus. Nous parlons des jeunes les plus éloignés de l’emploi,…

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Le sujet, c’est le marché de l’emploi, pas les politiques publiques !

Debut de section - Permalien
Myriam El Khomri, ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social

…ceux qui, à 80 %, n’ont pas eu accès à un niveau de qualification et qui n’avaient aucun diplôme. Nous parlons de jeunes qui, à 21 %, sont issus des quartiers de la politique de la ville. Nous parlons aussi de jeunes qui, à 18 %, ont été signalés par l’aide sociale à l’enfance ou la protection judiciaire de la jeunesse et qui n’étaient pas connus des missions locales.

Ce point est essentiel car il s’agit non pas d’une simple allocation donnée à ces jeunes, mais d’un vrai dispositif d’accompagnement englobant, qui ne peut se faire que grâce à la mobilisation des conseillers des missions locales. Nous les aidons de façon personnalisée.

Dans votre département, le Pas-de-Calais, la garantie jeunes concerne 2 793 jeunes, et 286 pour la seule mission locale d’Hénin-Carvin, dont 54 ont d’ores et déjà trouvé un emploi, les autres étant en cours de parcours ou en formation.

Au niveau national, près de 25 000 jeunes ont retrouvé un emploi ou une formation qualifiante : c’est un point essentiel.

Comment améliorer ce dispositif ? Par des simplifications administratives et grâce au comité d’évaluation scientifique qui nous permettra d’aborder la question des freins périphériques à l’emploi, comme l’accès au logement et l’accès à la santé.

La généralisation de la garantie jeunes a été demandée par des organisations de jeunesse, par des élus locaux : c’est pourquoi nous devons être fiers de la porter dans le cadre de la loi travail.

Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.

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La parole est à Mme Annie Genevard, pour le groupe Les Républicains.

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Conçus dans les années 1970 pour maintenir le lien des populations immigrées avec leur pays, les enseignements de langues et cultures d’origine – les ELCO – ont progressivement dérivé. Ils sont aujourd’hui un outil de repli identitaire et parfois même, comme le dit le Haut conseil à l’intégration, de véritables « catéchismes islamiques ».

Au lieu de travailler à leur suppression, vous avez fait le choix de les introduire dans les programmes scolaires dès la rentrée prochaine, mais selon les mêmes modalités et avec les mêmes professeurs étrangers : cela ne résoudra donc rien !

Dans le même temps, vous introduisez officiellement l’étude de la langue arabe dans le programme national et vous réduisez par votre réforme du collège la place du français, celle des langues anciennes qui sont nos racines ou des langues européennes comme l’allemand, qui prospéraient dans les classes bilangues.

Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain, du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Cela, à coup sûr, divisera les Français. Pourquoi n’avez-vous pas le courage de dire aux familles que la réussite de leurs enfants passe d’abord par la maîtrise de la langue française,

Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

…qui n’est pas, comme le dit votre circulaire de la prochaine rentrée, un langage parmi d’autres ?

Exclamations sur quelques bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

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Toutes les langues ont une égale dignité, mais le sujet n’est pas là. Monsieur le Premier ministre, vous le savez, la politique suppose des choix et des priorités. L’urgence commande que notre culture, pour être mieux partagée, s’affirme avec son mode de vie, son histoire et sa langue.

Ne croyez-vous pas que l’introduction des langues communautaires dans les programmes scolaires encouragera le communautarisme qui mine la cohésion nationale ?

Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.

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Parce que l’arabe est une langue communautaire ? N’importe quoi !

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La parole est à Mme la ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche.

Debut de section - Permalien
Najat Vallaud-Belkacem, ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche

Madame la députée, je vous dois vraiment des remerciements pour cette question, par laquelle vous avez démontré à une grande partie de nos concitoyens – j’espère qu’ils nous écoutent ! – la conception que vous vous faites de la langue arabe.

Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain, sur les bancs du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste et sur plusieurs bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

Debut de section - Permalien
Najat Vallaud-Belkacem, ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche

Selon vous, celle-ci est donc en concurrence avec l’allemand, par exemple, et doit, si je vous suis, être moins bien traitée et être considérée comme une langue communautaire. Nous ne serons jamais d’accord, madame la députée !

Mêmes mouvements.

Debut de section - Permalien
Najat Vallaud-Belkacem, ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche

Pour ma part, j’estime que s’il y a bien une chose à faire dans notre pays, c’est diversifier les langues que les élèves apprennent à l’école car toutes ces langues ont leur légitimité et leur intérêt.

C’est la raison pour laquelle, dans la stratégie pour les langues vivantes que je développe à l’école, je fais en sorte qu’au-delà de l’anglais, nos élèves puissent avoir véritablement accès à l’allemand, à l’espagnol, à l’italien, mais aussi à l’arabe et au chinois – et j’en suis fière !

Mêmes mouvements.

Debut de section - Permalien
Najat Vallaud-Belkacem, ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche

Mais j’en viens à votre question, qui concerne les ELCO. Vous devriez au contraire vous réjouir de ce que nous nous apprêtons à faire des ELCO, puisque nous sommes globalement tous d’accord sur ces bancs pour dire qu’ils appartiennent à un temps révolu : les années 1970, lorsque notre pays signait des conventions avec les pays dont provenaient les populations immigrées avec leurs enfants. Dans le cadre de ces conventions, on offrait à ces enfants des enseignements tant de langue que de culture, destinés à leur permettre de retourner chez eux un jour.

Aujourd’hui, tout cela n’a plus cours, évidemment, et l’apprentissage de l’arabe, du turc ou du portugais doit se faire dans un cadre scolaire, banalisé, normalisé, comme toutes les autres langues.

C’est ce que je prépare pour quelques langues dès la rentrée prochaine, et d’ici trois ans pour l’ensemble d’entre elles.

Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.

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La parole est à M. François André, pour le groupe socialiste, écologiste et républicain.

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Monsieur le ministre des finances et des comptes publics, il y a quelques jours, le Fonds monétaire international a revu à la hausse les prévisions de croissance de la France en 2016, l’estimant désormais à 1,75 %, soit nettement au-dessus de sa dernière prévision qui était de 1,1 %. Ce faisant, le FMI s’aligne sur la prévision de croissance initiale du Gouvernement, validant ainsi vos hypothèses et leur sincérité.

L’amélioration de ces indicateurs illustre, si besoin en était, le bien-fondé de la politique économique que vous conduisez, avec notre soutien, depuis 2012.

L’amélioration des marges de nos entreprises, à travers le CICE, prolongé et amplifié par le pacte de responsabilité ; la réduction tendancielle de nos déficits, comptes sociaux inclus ; les mesures fortes en faveur de l’emploi et en particulier de l’emploi des jeunes : autant d’éléments qui convergent pour que la France retrouve durablement le chemin de la croissance.

Mais le FMI indique également que notre pays ne doit pas s’arrêter sur le chemin des réformes structurelles. C’est indispensable si l’on veut qu’au-delà de la baisse des déficits, déjà constatée, la courbe de la dette, elle aussi, s’inverse. C’est indispensable si l’on veut que puissent enfin accéder à l’emploi ceux qui en sont doublement exclus : c’est tout le sens, de mon point de vue, de la loi travail. C’est indispensable, enfin, si l’on veut que les entreprises françaises valorisent au mieux leurs atouts : je pense à la qualité de notre main-d’oeuvre ou encore à notre capacité d’innovation.

Monsieur le ministre, à l’heure où quelques organisations tentent, par jusqu’au-boutisme, de paralyser certaines fonctions essentielles de notre pays, il convient de tenir bon sur les objectifs de notre politique économique au service de l’emploi et du financement de la protection sociale. Quels enseignements tirez-vous de ces prévisions à la hausse du FMI sur les indicateurs de croissance de la France ?

Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.

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La parole est à M. le ministre des finances et des comptes publics.

Debut de section - Permalien
Michel Sapin, ministre des finances et des comptes publics

Monsieur le député, nous nous étions fixé comme objectif, pour cette année, 1,5 % de croissance. C’était plus que le niveau atteint l’année dernière : 1,2 % de croissance, et si nous comparons avec les années précédentes, c’est déjà beaucoup plus.

De ce point de vue, l’activité en France, de nos entreprises, de nos artisans, de nos commerçants, s’améliore. Il faut l’amplifier, mais elle s’améliore, c’est indiscutable.

« Méthode Coué ! » sur les bancs du groupe Les Républicains.

Debut de section - Permalien
Michel Sapin, ministre des finances et des comptes publics

Ce résultat est celui d’une politique. Regardons un chiffre qui n’est pas facile à comprendre, qui s’appelle la marge des entreprises : qu’est-ce qui reste, dans une entreprise, chez un artisan, pour investir, acheter des machines, embaucher ? Et bien aujourd’hui, la marge des entreprises est à la hausse, clairement à la hausse. C’est le fruit des réformes que vous avez votées, en particulier – vous les avez citées – du CICE et du pacte de responsabilité. Les mesures que vous avez votées portent leurs fruits.

Derrière cette capacité à investir, il y a aussi la capacité à embaucher. L’année dernière, 100 000 emplois ont été créés dans le secteur privé.

Debut de section - Permalien
Michel Sapin, ministre des finances et des comptes publics

C’est beaucoup plus que dans les années précédentes, ce n’est pas encore suffisant pour faire reculer le chômage.

Déjà, au début du premier trimestre de cette année, l’emploi a augmenté et je pense que nous sommes arrivés à ce niveau d’emploi qui va nous permettre de faire clairement baisser le chômage. Cela aussi, c’est le fruit de notre volonté. Le Fonds monétaire international n’a fait que reconnaître la réalité des choses en France. C’est ce que tout le monde devrait faire.

Pour amplifier, il faut continuer. Pour amplifier, il faut réformer. Pour amplifier, il faut encore voter un certain nombre de mesures nouvelles. C’est ainsi que nous ferons réussir la France.

Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.

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La parole est à M. Charles de La Verpillière, pour le groupe Les Républicains.

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Ma question s’adressait à M. Macron, ministre de l’économie. En son absence, je la pose à M. le Premier ministre.

Votre ministre de l’économie est un bon communicant. Il est « en marche » vers un destin qu’il imagine prestigieux. Il passe aussi beaucoup de temps, monsieur le Premier ministre, à saper votre autorité, déjà sérieusement entamée par les événements. Mais quels sont les résultats de M. Macron en tant que ministre de l’économie ?

Les meilleurs juges de son action, ou plutôt de son inaction, ce sont les investisseurs étrangers. En 2015, le nombre d’entreprises étrangères ayant investi chez nous a diminué de 2 % alors qu’il augmentait de 20 % en Grande-Bretagne et de 9 % en Allemagne. La baisse est encore plus grave en termes d’emplois créés par ces investisseurs étrangers : 217 000 en Europe, 13 000 en France, soit 6 % seulement du total.

La France attire donc de moins en moins les entreprises étrangères. Les causes sont connues : des impôts trop lourds, des charges sociales trop élevées, un code du travail trop rigide qui décourage l’embauche.

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À cela vont s’ajouter, monsieur le Premier ministre, en 2016, les violences, le manque de carburant, les grèves, le blocage du pays.

Monsieur le Premier ministre, la communication ne suffit plus, même celle de M. Macron. Il faut agir. Quels sont vos projets pour rétablir l’attractivité de la France aux yeux des investisseurs étrangers ?

Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.

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La parole est à M. le ministre des finances et des comptes publics.

Debut de section - Permalien
Michel Sapin, ministre des finances et des comptes publics

Monsieur Charles de La Verpillière, vous avez fréquenté les meilleures écoles de la République, où vous avez pu apprendre la rigueur intellectuelle et la justesse des mots. Vous y avez d’ailleurs appris, j’en suis persuadé, à ne pas faire trop d’attaques ad hominem sur des sujets aussi importants que l’attractivité de la France.

C’est donc sur ce point que je vais me permettre de vous répondre. Il existe une multitude de cabinets privés qui font des études dans un sens ou dans l’autre. Je pourrais vous citer ceux pour qui l’attractivité de la France a augmenté, vous citez celui qui dit exactement le contraire.

Quant à moi, j’essaie de regarder les choses clairement et en face. Est-ce que les investissements étrangers en France ont diminué ? La réponse est non : ils ont augmenté. Est-ce que globalement l’investissement a augmenté en France ?

Protestations sur les bancs du groupe Les Républicains.

Debut de section - Permalien
Michel Sapin, ministre des finances et des comptes publics

C’est tout de même très important, pour vous comme pour l’ensemble de cette assemblée ! Si les investissements augmentent, notre capacité de production augmente, ainsi que la richesse globale et l’emploi en France.

Est-ce que l’investissement des entreprises a repris en France ? La réponse est oui. Est-ce que les entreprises étrangères ont pris part à cette reprise ? La réponse est oui. Est-ce que les entreprises étrangères participent aujourd’hui à la création d’emplois ? La réponse est oui.

Debut de section - Permalien
Michel Sapin, ministre des finances et des comptes publics

Vous le savez, notre pays reste en Europe le deuxième pays le plus attractif pour les investissements étrangers.

Debut de section - Permalien
Michel Sapin, ministre des finances et des comptes publics

C’est le deuxième, vous regarderez les chiffres et vous verrez qu’il en est ainsi. C’est le résultat d’une volonté politique. Et moi je n’oublie pas, monsieur de La Verpillière, que cette réussite est aussi celle de l’ensemble des Français. J’aimerais que vous, comme nous, lorsque les choses vont mieux, vous puissiez vous en réjouir.

Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

La parole est à M. David Comet, pour le groupe socialiste, écologiste et républicain.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Madame la secrétaire d’État chargée de l’aide aux victimes, les attentats qui ont meurtri la France l’an passé ont fait de trop nombreuses victimes. Leur ampleur inédite a bouleversé la France ; le Congrès de Versailles a été un moment d’unité nationale où nous avons eu la certitude que l’État de droit ne serait jamais l’état de faiblesse. Je me réjouis que la société ouverte française ait pu se doter d’instruments juridiques lui permettant de se protéger plus efficacement tout en respectant les libertés publiques.

Pour certaines victimes, ce choc s’atténue, d’autres doivent en revanche continuer à vivre malgré l’absence d’un proche. L’État a le devoir d’accompagner ceux qui ont survécu, les proches des personnes décédées et les familles car, outre les citoyens, c’est l’État dans sa totalité qui doit se sentir solidaire des victimes du terrorisme. Votre secrétariat d’État a d’ailleurs été créé pour accompagner ces dernières. De nombreuses associations, déjà présentes ou qui se sont constituées, oeuvrent également chaque jour à leurs côtés.

Madame la secrétaire d’État, après les attaques qui ont bouleversé la vie des victimes du terrorisme, nous avons le devoir de manifester la solidarité nationale à leur égard, de faire en sorte que la société leur fasse une place à part entière. La simplification des démarches, la reconnaissance de chacun doit être notre ligne de conduite.

Des dispositifs ont été créés pour accompagner chacun, pour recevoir les victimes, pour les écouter, pour alléger des démarches administratives qui peuvent être particulièrement douloureuses pour les proches des personnes décédées.

Vous avez dû agir rapidement, vos engagements ont été pris et tenus pour éviter que les parents de certaines victimes doivent régler les impôts de leurs proches décédés dans des conditions extrêmement tragiques. Pouvez-vous nous en dire plus, notamment sur les modalités d’exonération et les victimes concernées ?

Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.

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La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée de l’aide aux victimes.

Debut de section - Permalien
Juliette Méadel, secrétaire d’état chargée de l’aide aux victimes

Monsieur le président, monsieur le député David Comet, les victimes d’attentats et leurs proches – qui sont aussi des victimes – ont besoin de la reconnaissance de la nation. Elle se concrétise à travers leur accompagnement dès la survenance du drame, comme vous le savez, mais aussi dans la durée : soutien matériel, psychologique, financier et aide aux démarches administratives. Telle est l’action de ce Gouvernement !

Avec le ministre Michel Sapin et le secrétaire d’État Christian Eckert, nous avons annoncé le 17 mai dernier une exonération fiscale de l’impôt sur le revenu des victimes décédées ainsi que de la taxe d’habitation. Les ayant-droits des victimes décédées lors des attentats terroristes de 2015 et 2016 n’auront ainsi pas à s’acquitter de l’impôt sur le revenu de leurs proches défunts ; ceux qui s’en sont déjà acquitté seront remboursés. Il s’agit des victimes des 7, 8, 9 janvier 2015 et du 13 novembre 2015 ainsi que des citoyens français victimes d’attaques terroristes à l’étranger – je parle, naturellement, des victimes du Bardo, des attaques de Grand-Bassam et de Ouagadougou, notamment.

J’ai également tenu à ce que la situation des blessés soit particulièrement prise en compte. L’administration fiscale accordera donc, au cas par cas, des facilités de paiement voire une exonération totale ou partielle de l’impôt sur le revenu. Je pense en particulier aux personnes qui ont perdu leur emploi à cause de leurs blessures et qui n’ont donc plus de revenus pour payer leurs impôts.

Nous avons également pris des mesures de simplification.

Les proches des victimes ne devront pas remplir leur déclaration de succession, ni celle de l’impôt sur le revenu des personnes décédées. Ces mesures seront applicables dès cette année. C’est ainsi que la nation exprime sa reconnaissance aux victimes du terrorisme.

Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.

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La parole est à M. David Douillet, pour le groupe Les Républicains.

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J’aurais aimé poser ma question au ministre de l’intérieur mais il n’est pas présent.

Au lendemain des tragiques événements du Bataclan, le ministre de l’intérieur a interpellé la Commission européenne pour renforcer la lutte contre le terrorisme, en particulier contre les trafics d’armes.

Comme les deux millions d’utilisateurs légaux d’armes en France – dont les chasseurs et les tireurs sportifs – je ne peux que souscrire à cette démarche.

Un problème se pose néanmoins. La révision de la directive européenne sur les armes entraîne une modification de la réglementation française, qui est pourtant la meilleure d’Europe et qui a été adoptée en 2012 à l’unanimité.

Les tireurs sportifs, par exemple, ne peuvent acquérir une arme de catégorie B qu’après enquête de police ou de gendarmerie et une autorisation préfectorale valable pour cinq ans, assortie d’un contrôle annuel au fichier des interdits d’armes. J’aurais pu prendre également l’exemple des chasseurs, sujets à des contraintes aussi fortes.

Le postulat qui consiste – à travers les déclarations des services du ministère de l’intérieur – à faire penser que ce sont les armes légalement détenues en France qui viendraient alimenter les trafics est donc totalement infondé et choquant.

Depuis huit ans, nous attendons que la Commission européenne se concentre sur les vrais enjeux de sécurité publique que sont la garantie de la traçabilité des armes à feu ou la mise en place de fichiers communs, notamment pour les interdits d’armes.

Notre réglementation actuelle devrait être un modèle pour les autres États membres et ne doit donc pas être remise en question afin de limiter le nombre d’armes légales en France.

Les kalachnikovs n’étant pas monnaie courante dans les armureries, pouvez-vous nous assurer que la réglementation relative à la détention de ces armes ne sera pas modifiée sous l’impulsion de la Commission européenne ou de celle des services du ministère de l’intérieur ?

Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains.

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La parole est à M. le secrétaire d’État chargé des affaires européennes.

Debut de section - Permalien
Harlem Désir, secrétaire d’état chargé des affaires européennes

Mesdames et messieurs les députés, monsieur le député David Douillet, je tiens tout d’abord à excuser M. le ministre de l’intérieur, retenu pour honorer la mémoire d’un militaire du GIGN.

Vous l’avez dit, après les attentats du 13 novembre, la Commission européenne a accepté de répondre à une demande que le ministre de l’intérieur avait formulée au nom de la France visant à réviser la directive de 1991 sur les armes à feu.

Cette proposition est désormais en cours de négociation sur le plan européen et nous espérons parvenir à un accord sur le texte d’ici la fin du mois de juin.

Les priorités fixées par la France figurent très nettement dans le texte de la Commission et visent en particulier à accroître le contrôle des transactions commerciales des armes à feu – notamment sur internet – à assurer une meilleure traçabilité de ces dernières sur le territoire européen jusqu’à leur destruction, à élargir le champ d’application de la directive en incluant les collectionneurs et les armes neutralisées, à une uniformisation du marquage, à une interopérabilité des systèmes d’information dans le flux des transferts d’armes au sein de l’Union européenne et à l’interdiction des armes semi-automatiques les plus dangereuses car la directive précédente visait essentiellement les armes automatiques.

Aujourd’hui, la législation de certains États membres est encore beaucoup trop souple, qui permet d’acquérir des armes à feu sans contrôle strict sur les personnes cherchant à les détenir. Des armes circulent dans l’espace européen et nourrissent donc les filières de la grande criminalité, voire le terrorisme.

Notre objectif est donc de renforcer l’encadrement des armes légales sur le plan européen. Sur ce point, monsieur le député, je tiens à lever toute ambiguïté : la France n’a pas pour objectif d’interdire la détention d’armes à feu à des publics tels que les chasseurs ou les tireurs sportifs que vous avez évoqués, pour autant que des contrôles soient effectifs et que les personnes concernées appartiennent à une fédération ou à une association reconnue par les pouvoirs publics – ce qui est déjà le cas en France.

Nous voulons lutter contre tout type de trafic d’armes pouvant être utilisées par les terroristes ou par des criminels au sein de l’Union européenne.

Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.

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La parole est à M. Joël Giraud, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.

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Madame la ministre de la fonction publique, il y a deux mois, je vous avais interrogée sur la mesure annoncée par le Gouvernement relative au dégel du point d’indice des fonctionnaires à hauteur de 1,2 % en année pleine. Je rappelle que le gel de leur salaire depuis 2010 a représenté une économie budgétaire de 7 milliards d’euros, ce qui constitue une contribution importante au redressement de nos finances publiques.

Le décret relatif à la mise en oeuvre de ces dispositions vient d’être adopté ce matin en conseil des ministres. Mais, au-delà de cette revalorisation du point d’indice, la fonction publique mérite un autre regard que celui de la surenchère électorale dont elle fait actuellement l’objet. « Moins 250 000 », « moins un million de fonctionnaires »… À ce jeu du Qui dit mieux, nous assistons aujourd’hui à la grande braderie des primaires de l’opposition.

Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

J’ai du mal à voir la cohérence de celle-ci lorsqu’elle prétend défendre, en même temps, ici une trésorerie menacée, là un hôpital public ou une école rurale, et ce malgré l’augmentation importante du nombre d’enseignants décidée par l’actuel gouvernement.

Bien évidemment, la fonction publique doit se moderniser, et le Gouvernement s’attache à le faire. Pour les députés du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste, cette revalorisation passe par des engagements forts : modernisation, exemplarité, ouverture, mais aussi et surtout, rajeunissement. C’est pourquoi j’aimerais connaître dans le détail, et ce sera ma première question, les conditions de mise en oeuvre de la nouvelle politique de formation professionnelle et d’apprentissage dans la fonction publique, mais aussi savoir la façon dont l’apprentissage va pouvoir se développer dans la fonction publique territoriale – enjeu primordial s’il en est.

Au-delà, si ces efforts sont entrepris, ils doivent s’assortir d’une totale exemplarité de la fonction publique, laquelle passe aussi par la transparence sur les chiffres du temps de travail des fonctionnaires. Philippe Laurent, maire UDI de Sceaux, président du Conseil supérieur de la fonction publique territoriale que nul ne pourra accuser de complaisance, a été chargé par le Premier ministre de la première réflexion sur ce sujet important depuis 2000.

Qu’en est-il de la remise de ce rapport que certains, sans doute les mêmes qui veulent brader la fonction publique, vous accusent déjà de vouloir occulter ?

Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste et du groupe socialiste, écologiste et républicain.

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La parole est à Mme la ministre de la fonction publique.

Debut de section - Permalien
Annick Girardin, ministre de la fonction publique

Monsieur le député, vous m’avez en effet interrogée, il y a deux mois, sur le dégel du point d’indice, cette revalorisation très attendue par l’ensemble des fonctionnaires. C’est aujourd’hui chose faite, puisque nous avons adopté ce matin en conseil des ministres le décret permettant une première augmentation de 0,6 % au 1er juillet 2016, et une seconde, identique, au 1er février 2017.

Il est vrai que nous assistons depuis plusieurs semaines à une attaque en règle des fonctionnaires de la part de l’opposition, et qu’il existe une vraie divergence entre la gauche et la droite s’agissant de la fonction publique. La droite, en mettant en oeuvre la révision générale des politiques publiques et en affaiblissant les salaires dans la fonction publique, avec le gel du point d’indice, a montré quelle était sa vision des choses. Pour notre part, nous mettons enfin un terme à des politiques injustes, et nous en sommes très fiers.

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Premièrement, les salaires n’ont pas baissé. Deuxièmement, comment financez-vous tout cela ?

Debut de section - Permalien
Annick Girardin, ministre de la fonction publique

Vous avez raison également quand vous soulignez, monsieur le député, que cette revalorisation doit aller de pair avec une fonction publique exemplaire.

Debut de section - Permalien
Annick Girardin, ministre de la fonction publique

C’est normal, et tout le monde ici réclame l’exemplarité. Cela consiste par exemple à ouvrir davantage la fonction publique à la jeunesse, à tous les jeunes, d’une manière très diversifiée.

Cela passe notamment par l’apprentissage, vous avez raison, et l’État s’engage à atteindre le chiffre de 10 000 apprentis dans la fonction publique d’État d’ici le mois de septembre, ce qui la rapprochera de la fonction publique territoriale, qui, avec 11 000 apprentis, est très en avance.

L’exemplarité, c’est aussi le temps de travail. Le rapport que vous évoquez sera remis dans les jours qui viennent, je peux vous le garantir, car une fonction publique exemplaire, c’est aussi une fonction publique transparente. Et permettez-moi de rappeler, pour finir, que ce sont les fonctionnaires qui travaillent le plus le dimanche, que ce sont les fonctionnaires qui travaillent le plus la nuit.

Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.

La séance, suspendue à seize heures cinq, est reprise à seize heures quinze, sous la présidence de Mme Laurence Dumont.

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L’ordre du jour appelle les questions sur la politique du Gouvernement concernant les négociations des traités TAFTA et TISA.

La Conférence des présidents a fixé à deux minutes la durée maximale de chaque question et de chaque réponse.

Nous commençons par les questions du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.

La parole est à M. Jean-Noël Carpentier.

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Le Transatlantic Free Trade Area – TAFTA –, le Comprehensive Economic and Trade Agreement – CETA –, le Trade in Services Agreement – TISA –, l’accord entre l’Union européenne et Singapour : tout cela, monsieur le secrétaire d’État chargé des affaires européennes, relève de la même logique ultralibérale, au service d’un libre-échange et d’une marchandisation généralisés et sans règle.

Comme le disait le chanteur, « On nous cache tout, on nous dit rien ». Les peuples s’inquiètent toujours plus de ce type de traités, à tel point que plusieurs parlements ont d’ores et déjà demandé à être consultés le plus tôt possible. Cette demande est légitime : on ne peut pas laisser les citoyens dans l’incertitude, comme l’a montré hier soir encore un reportage diffusé à la télévision. La transparence est fondamentale dans tous les États démocratiques. Cette Europe que l’on dit lointaine et qui inquiète les peuples ne doit pas pouvoir conclure d’accords sans les autorisations formelles des parlements nationaux.

Monsieur le secrétaire d’État, allez-vous demander formellement à la Commission européenne, qui souhaite accélérer les négociations, que le Parlement soit consulté le plus tôt possible, et avant même l’application provisoire de certaines dispositions ? Le peuple doit être complètement éclairé.

Applaudissements sur les bancs du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.

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Très bien ! On ne peut qu’être d’accord !

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

La parole est à M. le secrétaire d’État chargé des affaires européennes.

Debut de section - Permalien
Harlem Désir, secrétaire d’état chargé des affaires européennes

Monsieur le député, votre question porte sur deux points essentiels : d’une part, la transparence, de l’autre, ce que l’on appelle la « mixité » des accords de commerce, qui conditionne la consultation ou non des parlements nationaux en plus de celle du Parlement européen.

En ce qui concerne la transparence, M. le secrétaire d’État chargé du commerce extérieur, de la promotion du tourisme et des Français de l’étranger, Matthias Fekl, a eu l’occasion de rappeler à de nombreuses reprises devant l’Assemblée que le Gouvernement souhaitait qu’elle soit totale. Nous avons commencé par demander à la Commission européenne de rendre publics les mandats obtenus pour négocier le TTIP et le TISA au nom des vingt-huit États membres, afin que les parlementaires et les citoyens puissent y avoir accès.

S’agissant de la mixité des accords en question, nous considérons que le CETA, en particulier, est mixte car sa ratification emporte des conséquences sur notre législation interne. Par conséquent, il doit être ratifié non seulement par le Parlement européen, comme c’est le cas pour tous les accords de commerce, mais également par les parlements nationaux.

Debut de section - Permalien
Harlem Désir, secrétaire d’état chargé des affaires européennes

Le Parlement européen et la Commission européenne auront à se prononcer mais nous sommes fondés à demander une ratification par l’ensemble des parlements nationaux. Concernant le TTIP, qui est encore en cours de négociation et pour lequel nous sommes très loin d’aboutir à un accord, il est absolument évident qu’il devra être ratifié par l’ensemble des parlements nationaux, donc par l’Assemblée nationale.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Monsieur le secrétaire d’État, nous étions nombreux, hier, à nous féliciter de la position courageuse prise par le gouvernement français dans le cadre des négociations sur le partenariat transatlantique de commerce et d’investissement, ou PTCI – la traduction française de TAFTA. Par la voix de Matthias Fekl, la France apparaissait alors comme le porte-parole de ceux qui ne voulaient pas se soumettre à l’influence américaine et exigeaient un traité plus équitable et plus respectueux de nos spécificités, notamment pour ce qui concerne l’ouverture des marchés publics et des marchés agricoles et agroalimentaires, qui constitue, pour la France, un enjeu majeur.

M. le secrétaire d’État chargé du commerce extérieur était allé encore plus loin en s’opposant au mécanisme d’arbitrage Investor-State Dispute Settlement – ISDS – proposé par les États-Unis, tant que celui-ci ne permettait pas aux États de conserver leur pleine capacité à prendre des décisions souveraines et démocratiquement légitimes.

Mais aujourd’hui, la publication des révélations du réseau Seattle to Brussels nous force à nous interroger sur la véritable stratégie du Gouvernement dans ces négociations. Plusieurs organisations de la société civile ont ainsi révélé que la France faisait partie des cinq États membres de l’Union européenne à avoir proposé l’instauration d’une juridiction d’exception européenne au service des entreprises qui souhaiteraient attaquer les décisions des États. Il s’agirait ni plus ni moins que d’appliquer au sein de l’Union européenne un mécanisme d’arbitrage strictement identique à l’ISDS.

Monsieur le secrétaire d’État, vous le savez, ces fuites ont suscité de nouvelles craintes concernant la transparence des négociations sur les accords de libre-échange. Pouvez-vous préciser à la représentation nationale ce que contient réellement cette proposition et nous faire part de votre stratégie sur ce sujet ? Alors que Matthias Fekl avait qualifié le mécanisme d’ISDS de « ni utile ni nécessaire » dans le cadre des relations transatlantiques, pourquoi le promouvoir au sein de l’Union européenne ?

Applaudissements sur les bancs du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.

Debut de section - Permalien
Harlem Désir, secrétaire d’état chargé des affaires européennes

Madame la députée, votre question va me donner l’occasion de rectifier certaines informations diffusées au cours des dernières semaines. Je tiens d’abord à vous demander d’excuser l’absence de Matthias Fekl, secrétaire d’État chargé du commerce extérieur, qui est en déplacement à Hong Kong.

La Commission européenne a manifesté en 2015 son souhait de voir rapidement disparaître une centaine d’accords de protection des investissements qui avaient été conclus entre les États membres de l’Union européenne, à l’époque où celle-ci n’en comptait que quinze, et des pays d’Europe centrale et orientale. La France est partie à douze de ces accords dont la Commission considère qu’ils contreviennent au droit communautaire. La fin de ces accords est l’occasion d’appliquer, au sein même de l’Union européenne, les principes que la France, notamment par la voix de Matthias Fekl, a défendus de manière ambitieuse dans les négociations sur les accords de libre-échange, en prônant – avec succès, au demeurant – la rupture avec l’ISDS, c’est-à-dire avec l’arbitrage privé.

Les principes que nous souhaitons voir appliqués sont la transparence, la lutte contre les conflits d’intérêts, la possibilité d’un appel et la protection du droit à réguler des États. Je souligne d’ailleurs que la Cour de justice des investissements, l’Investment Court System – ICS –…

Debut de section - Permalien
Harlem Désir, secrétaire d’état chargé des affaires européennes

J’ai commencé par le dire en français !

L’ICS, disais-je, a été accepté par le Canada et le Vietnam. À terme, l’objectif est de fonder une cour multilatérale des investissements, qui fait cruellement défaut dans la mondialisation.

À l’occasion de la fin des accords de protection des investissements intracommunautaires, la France a soutenu, dans le cadre des groupes de travail techniques du Conseil européen, un document ouvrant plusieurs pistes pour créer un mécanisme transitoire conforme aux principes de l’ICS, en vue de l’établissement d’une cour de justice des investissements au sein de l’Union européenne.

Un mécanisme spécifique est nécessaire dans des circonstances particulières, comme la défaillance de la justice d’un État membre, que la Commission identifiera très précisément. Continuer d’appliquer le droit communautaire sans créer de mécanisme spécifique serait une occasion manquée. Pour l’heure, les principes régissant l’ICS sont absents du droit communautaire aujourd’hui.

Nous appliquons donc aux accords conclus au sein de l’Union européenne les principes que nous avons voulu appliquer dans le cadre des accords multilatéraux. Il s’agit, non pas d’un arbitrage privé, mais d’un arbitrage public.

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Nous en venons aux questions du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

La parole est à M. Jean-Jacques Candelier.

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Monsieur le secrétaire d’État, le treizième cycle de négociations du TAFTA s’est achevé fin avril et avec lui, d’après vous, toute probabilité que l’on parvienne à un accord. Nous en serions satisfaits si toutefois nous croyions en la sincérité de vos déclarations car la plus grande fermeté dans vos propos ne saurait être un gage de leur véracité.

Laissez-moi rappeler les déclarations du Président de la République, à propos du TAFTA, en février 2014 : « Nous avons tout à gagner à aller vite. Sinon, nous savons bien qu’il y aura une accumulation de peurs, de menaces, de crispations. » Depuis, plus de 3 millions de citoyens ont signé la pétition européenne, tandis que près de 650 collectivités territoriales ont fait acte de résistance en se déclarant « Hors TAFTA et CETA ».

Sous pression, le Gouvernement tente de se racheter une conduite en rejetant, du moins publiquement, un traité dont tous s’accordent à dire qu’il serait néfaste pour notre démocratie, notre économie et l’environnement. Il ne faudrait pas, en effet, apparaître comme les derniers défenseurs d’un projet mort-né. Personne n’est dupe de la manoeuvre politique, car toutes vos critiques à l’égard du TAFTA semblent solubles dans l’accord qui vient d’être signé avec le Canada, le CETA, et qui contient les mêmes dispositions.

Pire encore, une entrée en vigueur provisoire est envisagée, avant toute ratification par le parlement français, ce qui contrevient à notre système démocratique. Le TAFTA est mort, vive le CETA ! Plus de 80 % des entreprises américaines présentes en Europe possèdent également une filiale au Canada. Le CETA signé, plus besoin du TAFTA. Les multinationales pourraient, par l’intermédiaire de leurs succursales canadiennes, faire valoir en Europe les exigences qu’elles souhaitent. Vous ne pouvez pas vous opposer au TAFTA sans vous opposer au CETA.

Monsieur le secrétaire d’État, nous voudrions croire que le Gouvernement commence à entendre l’opinion de ses citoyens, mais le vrai test de votre bonne foi sera la signature ou non par la France du CETA, véritable cheval de Troie du TAFTA.

Debut de section - Permalien
Harlem Désir, secrétaire d’état chargé des affaires européennes

Monsieur le député, rassurez-vous : qu’il s’agisse du CETA, l’accord avec le Canada, ou du TAFTA, l’accord en cours de négociation avec les États-Unis, la France défend les mêmes principes et lignes rouges.

Concernant la négociation avec les États-Unis, que vous avez évoquée, nous avons plusieurs lignes rouges. Premièrement, l’offre américaine doit être beaucoup plus substantielle qu’elle ne l’est aujourd’hui. On ne peut pas, d’un côté, demander à l’Union européenne d’ouvrir de nombreux marchés quand, de l’autre, les États-Unis ne prennent aucun engagement pour ce qui est, par exemple, d’ouvrir les marchés publics subfédéraux. Deuxièmement, nous considérons que certaines règles européennes en matière de sécurité sanitaire des aliments, d’environnement, de services publics ou encore en matière sociale ne doivent pas être remises en cause par un accord de commerce. Troisièmement, nous souhaitons un engagement clair en faveur de la préservation des acquis d’autres négociations commerciales, comme la protection des indications géographiques, qui sont fondamentales pour notre agriculture.

Or, dans le cadre de la négociation du CETA, ces lignes rouges et ces engagements ont été respectés. Le CETA n’est donc pas le TAFTA, d’abord parce que celui-ci n’est aujourd’hui qu’un projet d’accord en cours de négociation et que, comme l’a dit M. le secrétaire d’État chargé du commerce extérieur à plusieurs reprises, nous sommes loin d’être parvenus à définir la base d’un accord. Ensuite, nous avons obtenu, dans le cadre du CETA, de modifier le projet initial de cour d’arbitrage privée.

Nous considérons donc – pour reprendre, en l’inversant, votre formule – que non seulement le CETA n’est pas le cheval de Troie du TAFTA, mais qu’il représente même un contre-modèle : l’accord économique et commercial global de l’Union européenne avec le Canada est plutôt positif, surtout comparé aux mesures défendues par certains dans le cadre de la négociation du TAFTA.

Nous souhaitons que le CETA soit reconnu comme un accord mixte ; il sera soumis à votre assemblée pour approbation. Nous souhaitons, dans le cadre de la négociation du TAFTA avec les États-Unis, obtenir les garanties que nous avons obtenues dans le cadre du CETA.

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Je vous rappelle, monsieur le secrétaire d’État, que le temps de parole est le même pour les parlementaires et pour le Gouvernement : deux minutes.

La parole est à M. Jean-Jacques Candelier, pour une seconde question.

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Monsieur le secrétaire d’État, depuis plusieurs semaines le gouvernement français tente de s’imposer publiquement comme le porte-étendard de la contestation anti-TAFTA. Début mai, les négociations – menées, rappelons-le, dans un cadre anti-démocratique – ont fait l’objet de fuites importantes relayées par la presse. Ces informations ont confirmé à quel point la discussion avec les États-Unis était déséquilibrée et les négociations « inacceptables » – pour reprendre vos mots.

Pourtant, l’image que le Gouvernement tente de renvoyer a été soudainement mise à mal par un document confidentiel, divulgué la semaine dernière. Ce document atteste l’ambition de cinq pays européens, dont la France, d’instaurer une juridiction d’exception européenne, au service des entreprises et des intérêts privés qui souhaiteraient attaquer les décisions de ces États souverains.

Ainsi, secrètement, vous promouvez l’arbitrage privé au sein de l’Europe, lors même que vous dénoncez publiquement les vices des tribunaux arbitraux dans le cadre du TAFTA. Mais avec le TAFTA, plus rien ne nous étonne ! Une fois de plus, vous jouez de la crédulité de nos concitoyens en cherchant à sauver, au niveau européen, l’un de ses volets les plus controversés.

Monsieur le secrétaire d’État, alors que vous dénoncez le manque de transparence des négociations, vous tentez – tel un contrebandier – de faire passer toutes les dispositions du TAFTA par petits paquets. Plutôt que de mettre un terme aux négociations, vous déambulez sur la corde raide, distribuant des gages ici ou là. Ce bricolage permanent, pour satisfaire les uns et les autres, est devenu insupportable.

Le Gouvernement mène un double jeu, mais personne n’est dupe. Cette fuite en avant pour défendre des dispositifs qui font l’unanimité contre eux doit cesser. Nous vous demandons donc, monsieur le secrétaire d’État, de clarifier votre position concernant le TAFTA : comptez-vous user encore longtemps de moyens détournés pour faire passer cet accord par la petite porte ?

Debut de section - Permalien
Harlem Désir, secrétaire d’état chargé des affaires européennes

Monsieur le député, je vous demande de considérer que nous défendons nos positions en toute bonne foi – c’est, du reste, ce que pensent nos partenaires dans ce débat au sein de l’Union européenne.

Les accords de protection des investissements – vous avez fait référence à des articles de presse à ce sujet – que j’ai évoqués tout à l’heure existaient dès avant que certains pays rejoignent l’Union européenne. Ces accords ont été conclus par l’Europe des Quinze et des pays d’Europe centrale et orientale qui ont à présent rejoint l’Union européenne. Ils ne sont pas conformes au droit communautaire : il faut donc les transformer pour leur donner une base juridiquement cohérente avec le fait que ces pays sont devenus membres de l’Union européenne.

Concernant l’arbitrage, nous ne soutenons absolument pas des dispositions que nous contestons par ailleurs. Nous voulons que les mécanismes d’arbitrage qui seront mis en place dans le cadre de ces nouveaux dispositifs de protection des investissements soient publics et non privés ; nous voulons qu’ils respectent les principes que nous défendons par ailleurs dans le cadre de la négociation avec les États-Unis, et que nous avons défendus dans le cadre de la négociation de l’accord avec le Canada, à savoir la transparence et l’absence de conflits d’intérêts.

C’est sur cette base que la France, avec un certain nombre d’autres États membres, a remis des propositions à la Commission européenne. Nous souhaitons notamment instaurer une institution qui pourrait, à terme, être une cour permanente d’arbitrage au sein de l’Union européenne.

En ce qui concerne les investissements, et pour ce qui est de l’Union européenne, nous voulons éviter que le règlement des conflits éventuels soit dérogatoire du droit public – en l’occurrence, de l’arbitrage public. C’est notre position, qu’il s’agisse des accords internationaux, ou de la protection des investissements à l’intérieur de l’Union européenne, c’est-à-dire dans le cas d’un litige entre un investisseur européen et un État membre de l’Union européenne.

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Nous en venons aux questions du groupe socialiste, écologiste et républicain.

La parole est à Mme Seybah Dagoma.

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Monsieur le secrétaire d’État, prenant acte de l’enlisement du cycle de Doha pour le développement, plusieurs pays membres de l’OMC regroupés dans le groupe dit « RGF », pour Really good friends of services – en français : « Très bons amis des services » –, ont décidé de lancer une négociation à haut niveau d’ambition en matière de services. Il s’agit de l’accord plurilatéral sur le commerce des services, plus connu sous l’acronyme TISA.

Moins médiatisée que celle autour du partenariat transatlantique de commerce et d’investissement, cette négociation, qui a débuté formellement en mars 2013, est très importante puisqu’elle a pour objet d’amplifier la libéralisation des services engagée par l’accord général sur le commerce des services. Avec un solide excédent en matière de services, qui s’élevait à 13,8 milliards d’euros en 2015, je comprends que notre pays soit favorable à cette initiative. Je salue le fait que nous ayons obtenu l’exclusion des services audiovisuels, conformément à notre tradition, et la préservation des services publics.

Toutefois, je suggère une approche prudente sur plusieurs sujets – j’aurai l’occasion de développer ce point de vue dans un autre cadre. C’est en effet sur l’opacité qui entoure cette négociation que je souhaite vous interroger, monsieur le secrétaire d’État. Les avancées obtenues dans le cadre des négociations du PTCI – plus connu par son acronyme anglais, TAFTA – ne sont pas encore assez satisfaisantes à mes yeux ; de plus, elles sont toujours rédigées en anglais, ce qui peut porter préjudice à de nombreux parlementaires.

Par ailleurs, ces avancées sont loin d’être acquises dans le cadre du TISA. À cet égard, le Parlement européen a adopté le 3 février dernier une série de recommandations, afin que la Commission européenne fournisse des fiches d’information pour le public, expliquant chaque partie de l’accord, et publie des rapports factuels pour chaque cycle de négociation. Je souscris à ces demandes car en tant que parlementaire nationale, je déplore le fait que nous n’ayons accès à aucun document de négociation, y compris les évaluations approfondies des offres présentées par les parties.

Monsieur le secrétaire d’État, ma question est simple : quelles actions notre pays mène-t-il pour garantir le niveau le plus élevé possible d’information aux citoyens européens, en particuliers aux Français et à leur représentation nationale ?

Debut de section - Permalien
Harlem Désir, secrétaire d’état chargé des affaires européennes

Madame la députée, vous avez raison de souligner à quel point les négociations sur le projet de traité appelé, en anglais, Trade in services agreement, c’est-à-dire « accord sur le commerce dans les services », sont importantes. Vingt-trois parties sont impliquées dans ces négociations – plus précisément, vingt-deux pays et l’Union européenne, c’est-à-dire l’ensemble de ses vingt-huit membres. C’est très important pour notre économie car l’expertise européenne – plus particulièrement française – excelle dans de nombreux domaines des services : les services financiers, les transports, la logistique, etc. Nos entreprises ont donc beaucoup à y gagner.

Dans le même temps, cette question est très sensible, comme vous l’avez dit, car lorsqu’on parle de services, on parle aussi de services publics. Des questions très sensibles liées à la souveraineté des États, ou à l’emploi, peuvent aussi se poser. Il faut donc de la transparence.

Nous avons demandé que certains documents, tels que le mandat de négociation, soient rendus publics : cela a été fait le 9 mars 2015. Vous demandez, à présent, que ces documents soient disponibles en français : nous relayons cette demande auprès de la Commission européenne. Ces textes sont déjà très techniques ; le fait de ne pouvoir y accéder dans sa propre langue complique encore le contrôle par les parlementaires, et par les parties intéressées dans le monde économique ou la société civile.

Pour nous, il ne doit pas y avoir de programme caché – cela n’aurait aucun sens. Il faut donc absolument que toutes les données de cette négociation soient rendues publiques. Certains points sont très sensibles : la protection des services audiovisuels, des services publics en général, et même du droit à réguler des États – ce dernier point est mentionné à la troisième page du mandat de négociation. Nous sommes donc tout à fait disposés – Matthias Fekl en particulier – à rendre compte, à chaque étape, devant l’Assemblée nationale, de chacun des éléments de cette négociation, de chacune des positions que nous défendons auprès de la Commission européenne et de nos partenaires, de chacune des garanties que nous voulons obtenir pour que cet accord sur les services soit bénéfique à notre économie, et ne mette pas en cause le droit à réguler de la France ni de l’Union européenne.

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Monsieur le secrétaire d’État, depuis 2013, la France s’efforce de faire valoir ses intérêts dans les négociations en vue de l’adoption du traité transatlantique, le très décrié TAFTA. Comme l’ont rappelé mes collègues, le treizième round de négociations, achevé à New York au mois d’avril, n’a pas permis d’apaiser nos inquiétudes sur un certain nombre de sujets.

Un point me préoccupe particulièrement : le sort qui sera réservé aux indications géographiques protégées au sein des négociations avec notre partenaire américain. Ces indications ont une importance fondamentale pour notre économie locale et l’attractivité de nos territoires. Je pense notamment aux abricots du Roussillon, dans mon département, les Pyrénées-Orientales.

Je sais que le gouvernement français soutient des revendications fortes pour la défense des appellations qui font la renommée de nos terroirs. Je salue le travail mené lors des négociations pour le traité CETA avec le Canada, ayant abouti à la reconnaissance de 175 indications géographiques agricoles, dont 42 françaises, soit un quart du total. Les États-Unis, eux, sont bien plus fermés à la négociation sur ce point ; ils s’arc-boutent sur leur système de marques commerciales.

Je m’inquiète par ailleurs, plus particulièrement, de ce que le processus devant aboutir à une législation commune au niveau européen sur les indications géographiques protégées non agricoles, qui sont les garantes de notre savoir-faire, semble aujourd’hui au point mort.

Le rapport de notre collègue députée européenne Virginie Rozière est resté sans effet depuis son adoption en septembre 2015, et la Commission européenne ne s’est toujours pas saisie du sujet. Retarder l’harmonisation européenne sur la question des produits manufacturés ne peut que porter atteinte à la cohérence de la position européenne dans les négociations sur les indications géographiques protégées, que ce soit dans le cadre du TAFTA ou d’autres négociations.

Monsieur le secrétaire d’État, je voudrais donc vous interroger sur deux points. Comment le gouvernement français entend-il continuer à défendre la voix de la France, au sujet des indications géographiques protégées agricoles, dans le cadre de la négociation du TAFTA ? Le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, a-t-il l’intention d’inscrire prochainement à l’agenda de la commission une proposition législative sur les indications protégées non agricoles ?

Debut de section - Permalien
Harlem Désir, secrétaire d’état chargé des affaires européennes

Monsieur le député, vous avez posé deux questions. La première porte sur les indications géographiques protégées agricoles, la seconde sur les indications géographiques protégées non agricoles.

Comme vous l’avez dit, la protection des indications géographiques est absolument décisive. Les traités sont importants pour cela, car ils améliorent cette protection. Ils protègent les appellations les plus exposées aux risques d’usurpation. Les indications géographiques sont un instrument de promotion et de valorisation des produits d’un terroir et de leur renommée. Leur enregistrement au niveau international permet de leur accorder une protection contre toutes les usurpations, et d’envisager leur exportation.

La France a obtenu des succès précieux, d’abord dans le cadre du CETA, comme vous l’avez dit, mais aussi avec la révision de l’arrangement de Lisbonne, qui étend la protection des indications géographiques dans vingt-huit États. Cet acte est modernisé, et plus ouvert ; il traduit l’intérêt de nombreux pays pour notre approche des savoir-faire et de la qualité.

Pour ce qui est du CETA, comme vous l’avez dit, 42 indications géographiques ont été reconnues, outre les vins et spiritueux – qui étaient déjà couverts depuis 2004. C’est un très grand progrès : appuyons-nous sur ce modèle pour mener la négociation avec les États-Unis. En ce domaine, en effet, il reste beaucoup de chemin à parcourir, et le Gouvernement restera ferme.

Deuxièmement, le Gouvernement soutient l’instauration, au niveau européen, d’un système unique de protection des indications géographiques pour les produits non agricoles. Cela permettrait de valoriser les productions industrielles et artisanales et de renforcer la confiance des consommateurs. La France avait accueilli favorablement la publication du Livre vert de la Commission européenne en 2014. Le Parlement européen – vous l’avez dit – a invité en octobre 2015 la Commission européenne à faire une proposition législative ; la France s’exprime régulièrement en faveur d’une relance de ces travaux. Malheureusement, il est vrai que pour l’instant la Commission européenne n’avance pas.

Nous sommes donc d’accord avec vous : cette législation serait tout à fait complémentaire et cohérente avec ce que nous avons obtenu jusqu’ici au sujet des indications géographiques ; les enjeux sont les mêmes en matière d’emploi et de défense des savoir-faire de nos territoires. Nous continuerons à plaider en ce sens.

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Nous en venons à une question du groupe Les Républicains.

La parole est à M. Jean-Frédéric Poisson.

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Monsieur le secrétaire d’État, une organisation non gouvernementale a publié il y a quelques semaines l’intégralité des documents concernant le dernier état de la négociation sur le TAFTA. Ces documents ont été mis en ligne sur le site internet d’un grand quotidien du matin, qui doit son nom à un personnage célèbre – je ne détaillerai pas plus. Ils sont donc disponibles, mais ils sont rédigés dans un anglais juridique difficilement compréhensible, même quand on pratique l’anglais couramment.

Je partage l’ensemble des inquiétudes qu’ont formulées jusqu’ici mes collègues. Je pense que les Français, eux aussi, les partagent. Elles portent sur les indications d’origine contrôlée, sur les services – notamment les services financiers et les services publics – ainsi que les investissements. Tous ces éléments ont un impact sur la vie quotidienne. J’ajoute qu’un certain nombre de dispositions du projet de traité, dans leur rédaction actuelle, pourraient avoir un impact sur notre santé.

Je reconnais, monsieur le secrétaire d’État, que le Gouvernement cherche à faire respecter les droits et les intérêts du peuple français – c’est la moindre des choses. Mais tout cela serait moins dangereux sans cette procédure d’arbitrage qui constitue en quelque sorte la clé de voûte du projet de traité. Avec cette procédure, toute décision réglementaire considérée comme contestable par une entreprise américaine pourrait être cassée dans le ressort judiciaire d’un tribunal situé à l’étranger, et qui serait probablement moins attentif que vous aux intérêts du peuple français.

C’est pourquoi j’ai deux questions à vous poser.

Premièrement, quel dispositif allez-vous mettre en place pour que le Parlement soit informé régulièrement, et pas seulement une fois par an comme c’est le cas en ce moment, du cours des négociations et de leur contenu, y compris éventuellement dans un cadre confidentiel, voire secret ?

Deuxièmement, avez-vous l’intention, oui ou non, de faire retirer du TAFTA cette affaire de procédure d’arbitrage qui pourrait remettre tout en cause, quels que soient par ailleurs les résultats que vous auriez obtenus sur tout le reste ?

Debut de section - Permalien
Harlem Désir, secrétaire d’état chargé des affaires européennes

Monsieur le député, vous avez tout d’abord évoqué des documents qui ont fuité, transmis par une ONG à la presse, lesquels relataient l’état des négociations entre l’Union européenne et les États-Unis. Mais ces documents ont simplement confirmé ce que le gouvernement français ne cesse de répéter, à savoir que celles-ci sont aujourd’hui déséquilibrées…

Debut de section - Permalien
Harlem Désir, secrétaire d’état chargé des affaires européennes

…car il y a, d’un côté, un mandat de négociation qui permet à l’Union européenne de s’engager dans de nombreux domaines et, de l’autre, une offre des États-Unis qui n’est pas à la hauteur de ce que nous attendions de la négociation.

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Eh bien, dans ce cas, il faut arrêter de négocier !

Debut de section - Permalien
Harlem Désir, secrétaire d’état chargé des affaires européennes

J’ajoute que rien dans ces informations qui ont fuité ne met en cause les lignes rouges que la France défend – qu’il s’agisse des services publics, des investissements ou encore des indications géographiques, c’est-à-dire tous les sujets que nous venons d’évoquer depuis le début de cette séance de questions.

Vous me demandez comment le Gouvernement entend informer et associer le Parlement à chaque étape de la négociation. D’une part, nous avons demandé que les documents de négociation puissent être consultés beaucoup plus facilement par les parlementaires. Vous savez qu’initialement étaient prévues des salles de consultation, à Bruxelles pour les députés européens, mais réservés à ceux d’entre eux qui avaient des responsabilités au sein de la commission du commerce international, et, pour les parlementaires français, il fallait se rendre à l’ambassade des États-Unis.

Debut de section - Permalien
Harlem Désir, secrétaire d’état chargé des affaires européennes

Nous avons dit que ce n’était pas convenable ni même concevable, et nous avons obtenu que les consultations soient désormais possibles dans des bâtiments du secrétariat général des affaires européenne, qui dépendent donc du gouvernement français.

D’autre part, Matthias Fekl a mis en place un comité associant les parlementaires. Il réunit régulièrement ce comité auquel participent nombre d’entre vous et de vos collègues ainsi que des représentants d’ONG, et devant lequel il rend compte régulièrement de l’état des négociations, des documents disponibles, des positions défendues par la France et de celles des autres États membres, et des difficultés que nous rencontrons dans cette négociation.

Je tiens donc vraiment à vous assurer que, pour nous, un accord commercial entre l’Union européenne et les États-Unis ne peut se négocier que dans la transparence et ne pourra de toute façon voir le jour qu’avec le soutien de l’Assemblée nationale.

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Mais qu’en est-il de l’arbitrage, monsieur le secrétaire d’État ?

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Nous en venons aux questions du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.

La parole est à M. Philippe Vigier.

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Monsieur le secrétaire d’État, ce sujet inquiète les Français ; lorsqu’on leur en parle, ils savent qu’une négociation importante est conduite actuellement entre les États-Unis et les pays de l’Union européenne. Vous avez vous-même déclaré, monsieur le secrétaire d’État, que c’était un sujet très important.

Celui-ci soulève, me semble-t-il, deux questions préalables : la première porte évidemment sur son contenu, et j’aurais pu reprendre à mon compte les propos tenus par mes collègues, tenant à rappeler qu’il y a pour nous des lignes rouges à ne pas franchir, notamment l’arbitrage privé entre les États et les entreprises car il pourrait constituer une vraie menace pour leur souveraineté ; la seconde porte sur la mise en cause des exigences européennes en matière de protections sanitaire et environnementale, sujets sur lesquels il faut être fermes, car on ne saurait brader les intérêts de la France.

Et puis, cette négociation nous amène à nous interroger sur l’amoindrissement des protections des données économiques ou personnelles, sachant qu’il risquerait d’y avoir des pillages, y compris intellectuels – je pense notamment aux entreprises.

Un quatrième point a été très bien abordé par mon collègue des Pyrénées-Orientales : tout ce qui est lié à la notion des appellations d’origine. Cela nous ramène aux questions agricoles, et le député sancerrois ici présent ne dira pas le contraire.

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Rappelez-vous l’affaire du Roquefort il y a trente ans, monsieur le secrétaire d’État. Moi, je ne l’ai pas oubliée.

Voilà pour ce qui est du contenu ; mais il y a aussi la forme.

S’agissant de la transparence, vous venez de dire, répondant à Jean-Frédéric Poisson qui évoquait à juste titre le fait que le parlement français n’était pas consulté et que c’était seulement par des voies détournées qu’on arrivait à disposer de quelques documents, que le Gouvernement a enfin pu obtenir que la consultation soit désormais possible dans des bâtiments dépendant d’un ministère français.

Je vous propose de prendre l’initiative suivante : constituer une délégation de députés et de sénateurs, composée évidemment de représentants de toutes les formations politiques, de manière à ce que l’on puisse être associés, à tous les points d’étape, à l’avancement de cette négociation car c’est un sujet important pour la France et dont la représentation nationale doit être saisie. Je vous demande vraiment de considérer ma proposition comme une opportunité à ne pas manquer.

Debut de section - Permalien
Harlem Désir, secrétaire d’état chargé des affaires européennes

Monsieur le député, vous avez raison de dire que, compte tenu de l’importance d’une telle négociation et des préoccupations qu’elle soulève tout à fait légitimement chez nos concitoyens et dans les secteurs économiques concernés, il ne peut y avoir que la plus grande clarté et la plus grande transparence en la matière.

Vous avez soulevé quatre questions.

La première concerne l’arbitrage. Vous savez que Matthias Fekl a défendu une position maintenant reprise par la Commission européenne : il ne peut y avoir de cour d’arbitrage privée. L’ancienne proposition, dite « ISDS », a donc été mise de côté, et c’est aujourd’hui la procédure de l’arbitrage public qui est défendue, non seulement par la France mais par l’ensemble de l’Union européenne.

Vous avez aussi soulevé la question des normes, entre autres sanitaires, normes protectrices pour lesquelles nous avons obtenu des garanties au sein de l’Union : pas de poulet chloré, pas de boeuf aux hormones. Les normes de ce type devront être respectées dans le cadre d’un accord de commerce international, d’autant plus que ce sera aussi un facteur de protection de nos productions de qualité – lesquelles impliquent évidemment des coûts supplémentaires –, en empêchant une concurrence déloyale du fait de l’autorisation de normes sanitaires au rabais.

Le sujet, très sensible, des données personnelles, n’avait pas encore été évoqué. Le numérique fait partie aujourd’hui en effet des échanges économiques et la protection de ces données ne relève pas exactement des mêmes modes de régulation aux États-Unis. C’est pourquoi l’Union européenne veut que les règles qu’elle adopte en ce domaine ne soient pas remises en cause par cet accord.

S’agissant des indications géographiques, nous nous rejoignons parfaitement. Je m’en suis d’ailleurs déjà expliqué.

Enfin, vous avez souligné un dernier point : l’association du Parlement. Outre le comité qu’il a créé, Matthias Fekl était, il y a encore quelques jours, devant la commission compétente, et il est prêt à se rendre autant que nécessaire devant toutes les commissions concernées de votre assemblée car le sujet ne concerne pas qu’une seule d’entre elles : il s’agit aussi d’agriculture et d’autres volets de l’économie, sans oublier, évidemment, les affaires étrangères.

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Et la commission des affaires européennes !

Debut de section - Permalien
Harlem Désir, secrétaire d’état chargé des affaires européennes

Tout à fait, monsieur le député.

Je vous assure, monsieur Vigier, que le Gouvernement associe le Parlement, et continuera à le faire, à chacune des décisions qu’il sera amené à prendre.

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Monsieur le secrétaire d’État, votre collègue M. Fekl a dit il y a quelques jours qu’il n’y aurait pas d’accord de libre-échange sans un effort côté américain. Comme l’a très bien rappelé Philippe Vigier, en l’état actuel des choses, notre groupe, comme je crois tous les autres groupes de l’Assemblée, est opposé au TAFTA, et nous demandons que soient remplies un certain nombre de conditions majeures pour qu’un tel accord voit le jour. Philippe Vigier a employé, à fort juste titre, la notion de ligne rouge à ne pas franchir pour défendre les intérêts de l’Europe et de la France.

Parmi les principes intangibles que l’Europe doit respecter scrupuleusement, je souhaite vous interroger, monsieur le secrétaire d’État, sur le mécanisme d’arbitrage privé des litiges entre les États et les entreprises, et j’attends de votre part une réponse précise car le Gouvernement n’est pas très clair sur ce point.

Selon nous, et nous ne sommes pas les seuls à le penser, ce dispositif constituerait une véritable menace pour la souveraineté des États, y compris le nôtre puisqu’il imposerait aux lois de la République celles du marché.

Il semble qu’un document de travail confidentiel sur ce sujet a été transmis le 7 avril dernier par la France, l’Allemagne, l’Autriche, la Finlande et les Pays-Bas au Conseil des ministres européens. Ce document promouvrait un mécanisme d’arbitrage au niveau communautaire alors qu’on nous avait dit que la France ne jugeait « ni utile ni nécessaire » l’instauration d’un tel mécanisme – mais nous ne sommes plus à une contradiction près.

Notre pays donne ainsi le sentiment de tenir un double discours en s’opposant à ce mécanisme dans le cadre des négociations avec les États-Unis tout en demandant son instauration au niveau européen. Encore un exemple de cette stratégie gouvernementale du canard sans tête qui commence à exaspérer l’ensemble de la classe politique.

Il faudrait pour le moins clarifier la situation : si le Gouvernement souhaite promouvoir un mécanisme de règlement des différends à l’européenne pour l’imposer aux États-Unis dans le cadre des négociations transatlantiques, comment pouvez-vous nous assurer que ce nouveau mécanisme permettrait d’éviter les dérives inhérentes au système arbitral ?

Debut de section - Permalien
Harlem Désir, secrétaire d’état chargé des affaires européennes

Monsieur le député, votre question me donne l’occasion de revenir sur ce qu’il en est de ce mécanisme d’arbitrage. Le document de travail rédigé par la France, l’Allemagne, les Pays-Bas, l’Autriche et la Finlande, auquel vous avez fait référence, a en effet été débattu dans les enceintes techniques du Conseil. Son objectif est de proposer une solution de compromis en vue de démanteler les accords de protection des investissements encore en vigueur entre les États membres de l’Union européenne et que la Commission juge contraires aux traités européens pour les raisons que j’ai déjà rappelées – lesdits accords ont été signés antérieurement à l’adhésion de certains des États concernés.

Dans ce contexte, les propositions formulées par la France et par ses partenaires sont parfaitement cohérentes avec les positions défendues à propos de l’ISDS dans le cadre du partenariat transatlantique et des autres accords commerciaux de l’Union européenne. Il s’agit en effet de réfléchir à l’instauration d’un véritable mécanisme juridictionnel complémentaire des tribunaux des États membres et qui permettrait de renforcer l’efficacité du marché intérieur. Les principes de base qui fondent ce marché étant encore souvent malmenés, il faut donc améliorer l’environnement juridique du monde des affaires au sein de l’Union tout en se conformant au droit communautaire.

Notre démarche s’inscrit pleinement dans cet objectif et ne vise en aucun cas à instaurer un ISDS au sein de l’Union européenne, puisque nous contestons ce mécanisme dans les négociations sur les autres accords de commerce international. Bien au contraire, il s’agirait d’un mécanisme d’arbitrage public.

Il y a eu des inexactitudes dans la façon dont cette question a été présentée. Les choses sont claires : la démarche de la France est de promouvoir partout, et dès que possible, les principes qui président déjà à la rupture avec l’arbitrage privé entre investisseurs et États dans les accords de libre-échange, et nous poursuivons la même logique au sein de l’Union européenne.

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Nous en revenons aux questions du groupe socialiste, écologiste et républicain.

La parole est à Mme Nathalie Chabanne.

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Monsieur le secrétaire d’État, depuis plusieurs mois, se multiplient en France les motions adoptées par les conseils municipaux pour se déclarer « zone hors TAFTA ». Le 15 avril dernier, la nouvelle grande région Midi-Pyrénées-Languedoc-Roussillon a été la première à prendre position, craignant que des politiques publiques mises en place au niveau régional ne soient de facto mises en danger par le traité de partenariat transatlantique de commerce et d’investissement. Le 21 avril, une quarantaine de collectivités européennes, parmi lesquelles Madrid, Bruxelles, Vienne, Barcelone, Birmingham, Corfou et Grenoble ont signé une déclaration commune demandant une suspension des négociations actuelles et une modification du mandat de négociation. Soutenues par des collectifs de citoyens, toutes ces collectivités craignent que le PTCI ne mette à mal leur capacité de décision mais aussi de réglementation, et leur capacité à utiliser les fonds publics pour mener un certain nombre de politiques.

On sait le rôle majeur que jouent les collectivités dans des domaines comme le logement, l’environnement, les services sociaux, le transport, l’économie et le développement local. Elles entendent garder le droit de décider de certains critères environnementaux et sociaux dans la commande publique, comme les y autorise une directive de 2014. Elles veulent garder toute la maîtrise de la politique locale des marchés publics, souvent conçue comme un moyen de soutenir les PME.

Il faut entendre cette parole qui est celle des collectivités françaises, mais aussi d’autres pays d’Europe. Il ne faut pas se tromper sur les revendications de ce collectif : il ne demande pas plus de réciprocité sur les marchés publics aux États-Unis. Les élus de ces collectivités locales, mais aussi nombre de nos concitoyens, demandent que nous puissions continuer de protéger nos politiques publiques et nos services adaptés aux territoires, qui font notre spécificité. En relayant leur parole, j’aurais également pu aborder la question des autres services publics – je pense notamment à celui de l’éducation, auquel je suis très attachée, de la maternelle à l’enseignement universitaire.

Monsieur le secrétaire d’État, pouvez-nous préciser, dans le cadre des négociations sur le PTCI, la position de la France sur la protection de nos services publics. L’État et les collectivités garderont-il toute leur capacité à agir et pourront-ils toujours assumer leurs responsabilités, sans être limités par des droits exclusifs accordés à des investisseurs ?

Debut de section - Permalien
Harlem Désir, secrétaire d’état chargé des affaires européennes

Madame la députée, je tiens à vous rassurer sur cette question, à laquelle les collectivités territoriales – et je le comprends – sont très sensibles. La position de la France, qui est aujourd’hui celle de l’Union européenne, est sans ambiguïté : il s’agit de préserver notre capacité à créer et maintenir des services publics nationaux et locaux. C’est une ligne rouge ; c’est l’un de nos impératifs.

Défendre les services publics est fondamental pour l’Union européenne. La France et d’autres États membres ont défendu cette position dans toutes les négociations commerciales, au sein de l’OMC comme dans les négociations visant à conclure des accords bilatéraux. Ni le partenariat transatlantique, ni l’accord général sur le commerce des services, ni aucun autre projet d’accord en négociation ne feront exception à cette règle.

Le point 20 du mandat de négociation du TTIP exclut d’ailleurs explicitement les services publics des négociations. En outre, plusieurs dispositions expresses précisent que les accords devront garantir le droit des parties à prendre les mesures que celles-ci estiment nécessaires pour atteindre les objectifs légitimes de protection de la santé, de la sécurité, du travail, des consommateurs, de l’environnement ou de la diversité culturelle.

Nous défendrons ces mêmes principes dans les négociations relatives à l’accord général sur le commerce des services. Cette liste n’est d’ailleurs qu’indicative, en raison du principe selon lequel les collectivités territoriales régulent elles-mêmes leurs services publics. Une négociation commerciale ne saurait remettre en cause cette libre administration, principe consacré par la Constitution dans son article 72. Cela n’est du moins ni l’intention de la Commission européenne ni celle des mandats de négociation que les États membres lui confient.

La protection des services publics constitue donc pour nous une position de principe, une ligne rouge à ne pas franchir dans la négociation et un acquis des négociations commerciales antérieures. La France s’est toujours assurée qu’un accord commercial de l’Union européenne ne puisse pas mettre en cause la capacité soit de l’Union elle-même, soit d’un État membre, soit d’une collectivité territoriale, à réguler ses services publics, en fonction d’objectifs qui sont tout simplement ceux de l’intérêt général.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Monsieur le secrétaire d’État, je voudrais tout d’abord vous adresser des félicitations et, à travers vous, les adresser au Gouvernement.

D’abord, en ce qui concerne les avancées pour plus de transparence – terme auquel je préfère celui de « clarté ». Cette clarté, monsieur le secrétaire d’État, vous l’avez mise en oeuvre en rendant régulièrement compte à la représentation nationale.

Ensuite, s’agissant des récentes prises de position du Gouvernement au sujet de l’état de la négociation et l’intérêt de la France – car c’est bien en ces termes qu’il faut évaluer un accord de libre-échange : l’intérêt de la France, non une idéologie ou une mystique du libre-échange.

Aussi, monsieur le secrétaire d’État, je souhaite vous interroger sur l’arbitrage, un des points d’opposition les plus forts au TAFTA. La finalisation du CETA avec le Canada a permis une avancée importante, pour rapprocher l’arbitrage d’une véritable juridiction publique. Nous nous sommes trop plaints du caractère partial de la justice américaine pour ne pas prêter un peu d’attention à cette question.

Toutefois, l’arbitrage choque au plus haut point, dans la mesure où il légitime l’action des multinationales contre les États. Cette contestation peut porter sur des choix politiques et des préférences sociales.

Aussi, j’aimerais que vous repreniez la question au point de départ, monsieur le secrétaire d’État. Quelle est la nécessité de l’arbitrage ? Comment la concilier avec la souveraineté des États et, derrière ces derniers, celle des peuples ? Lorsque Philip Morris attaque l’Australie sur le paquet neutre, nous sommes choqués. Mais être choqué n’est pas suffisant : nous devons retrouver notre capacité – pour ainsi dire philosophique – d’étonnement. Comment cela est-il possible ? Que s’est-il passé pour que cela soit possible ?

J’aimerais que vous répondiez à ces questions, monsieur le secrétaire d’État, car la décision finale – qui a consacré la victoire de l’Australie – ne doit surtout pas nous satisfaire. Non, cela n’est pas suffisant.

Debut de section - Permalien
Harlem Désir, secrétaire d’état chargé des affaires européennes

Monsieur le député, je vous remercie d’avoir mentionné les acquis de la négociation menée par la France au sein de l’Union européenne pour promouvoir la transparence et plusieurs éléments importants pour notre pays.

Quant à la question de l’arbitrage, elle est très importante car, aujourd’hui, plus de 3 500 accords de protection des investissements dans le monde prévoient un ISDS, c’est-à-dire un mécanisme d’arbitrage privé. On voit bien pourquoi ces accords ont été signés : dans certaines parties du monde, les investisseurs internationaux considéraient que le climat des affaires et l’État de droit n’étaient pas suffisamment garantis.

L’Union européenne, en revanche, estime que, sur notre continent, les investisseurs – européens ou internationaux – peuvent s’appuyer sur l’État de droit, car celui-ci existe bel et bien. Il n’est pas envisageable qu’un système d’arbitrage privé devienne supérieur aux règles que des États auraient fixées pour tel ou tel secteur de l’économie. C’est pourquoi ces mécanismes ont contribué à éroder la capacité des États à réguler librement.

Vous avez mentionné le recours de Philip Morris contre du gouvernement australien, visant le projet d’un paquet de cigarettes neutre. On pourrait aussi mentionner la procédure qu’a intentée l’entreprise Vattenfall contre la politique énergétique de l’Allemagne, que ce pays avait librement choisie. Divers conflits d’intérêt se sont multipliés dans ces enceintes arbitrales, où la transparence n’était pas assurée. Dès le début de l’année 2015, Matthias Fekl a présenté, d’abord avec l’Allemagne, puis avec d’autres États, une position en rupture avec l’arbitrage privé. Il a identifié plusieurs points forts, tels que la transparence, la préservation du droit à réguler, la lutte contre les conflits d’intérêts et l’instauration d’un appel. La France est le seul État membre à avoir adressé une proposition officielle sur ce sujet. La Commission l’a reprise dans sa quasi-intégralité, ce qui fait de notre proposition un consensus européen.

Cette proposition consiste à créer un système de cour de justice des investissements, qui remplace les arbitres privés par des juges publics, rémunérés par les États, et non plus par les parties au litige entre un investisseur et un État. De plus, elle instaure des exigences éthiques renforcées, et un mécanisme d’appel est créé. Ce système, proposé aux Canadiens, a été repris en grande partie dans le CETA. C’est un pas décisif.

Non seulement les Canadiens ont intégré ce nouveau dispositif, mais il ont aussi accepté de travailler pour établir à terme une cour multilatérale des investissements, dont l’ICS soit être le modèle. C’est pourquoi nous défendons la même position pour le TTIP.

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Monsieur le secrétaire d’État, l’ex-commissaire européen au commerce Karel De Gucht a mis en exergue l’objectif mondial du TAFTA : « Nous autres, Européens, devons établir des standards mondiaux, avant que d’autres ne le fassent pour nous car le grand combat du commerce mondial se livrera à l’avenir autour des normes, des standards et des aides publiques. » Autrement dit, les États-Unis et l’Europe veulent imposer les règles de la mondialisation.

Ces règles pourraient relever de la compétence de l’Organisation mondiale du commerce. Alors pourquoi ne pas négocier en son sein ? Tout simplement peut-être parce que, ces dernières années, les États-Unis et l’Union européenne ne réussissent plus à y imposer leurs projets.

À l’OMC, c’est en définitive la grande majorité qui décide – les pays émergents et en développement. Actuellement, les pays industrialisés tentent de contourner les processus de décision démocratique à l’OMC, en concluant de plus en plus d’accords de commerce bilatéraux, c’est-à-dire ne concernant que deux pays ou un groupe de pays.

Ainsi, un pays en développement est soit totalement exclu soit seul dans une négociation bilatérale où il ne fait donc pas le poids. Les pays en développement n’auront donc d’autre choix que de rester dans leur vieux rôle de fournisseurs de matières premières et de main-d’oeuvre bon marché, sans possibilité de se développer.

Par ce biais, l’Occident tente d’imposer ses exigences au niveau mondial, en mettant isolément des pays sous pression ou en les contraignant à signer des accords de partenariat économique, comme cela a été le cas pour l’Europe avec les pays d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique.

D’une certaine manière, les grands projets de libre-échange poursuivent cette stratégie. Les négociations de ces accords – TAFTA, CETA – n’ont d’intérêt que si elles complètent et renforcent l’ordre multilatéral et ne font pas peser de risque sur l’inclusion des pays les plus pauvres.

Dans le rapport 2015 sur la stratégie du commerce extérieur de la France, nous pouvons lire : « Le Gouvernement aborde toutes les négociations commerciales sans naïveté, avec la préoccupation de protéger notre pays et le souci constant de la réciprocité et du juste échange. […] Notre action suit des principes clairs. La France reste engagée pour promouvoir le multilatéralisme, car une mondialisation à plusieurs vitesses est incompatible avec la justice et l’espoir de solutions globales pour relever les défis actuels. »

Monsieur le secrétaire d’État, comment la France défend-elle cette stratégie de juste échange et de refus d’une mondialisation à plusieurs vitesses, de la promotion du multilatéralisme, en acceptant des négociations qui tournent le dos à ces principes ?

Debut de section - Permalien
Harlem Désir, secrétaire d’état chargé des affaires européennes

Madame la députée, nous devons partir d’un constat, celui de la paralysie de l’Organisation mondiale du commerce. Le cycle de Doha, que l’on avait appelé « cycle du développement », dure depuis 2011 et n’est toujours pas conclu. La France est mobilisée pour redynamiser les négociations, face au blocage de certains pays, notamment les pays émergents. Force est de constater, cependant, que ces blocages persistent.

C’est en réponse à cette paralysie que les négociations commerciales bilatérales ou régionales se sont multipliées. Il est vrai que ces négociations font peser un risque sur l’unité des règles du commerce mondial et sur l’inclusion des pays les plus pauvres dans ces accords. Il faut avoir conscience de cet élément, et l’intégrer pleinement à l’analyse.

Les enjeux sont immenses : il s’agit de défendre nos valeurs dans la bataille pour la définition des normes en matière de protection du consommateur, des droits sociaux, des droits de la santé ou de l’environnement. Il est évident que ces négociations n’ont de sens que si elles complètent et renforcent l’ordre multilatéral. Ainsi, la France estime qu’il serait souhaitable de négocier l’accord TISA sur les services dans un cadre multilatéral, dès lors que lorsque les conditions seront réunies pour que tous les pays puissent en bénéficier.

Par ailleurs, l’Union européenne s’engage fortement en faveur des pays en développement. En juillet 2015, lors de la conférence d’Addis-Abeba sur le financement du développement, elle a indiqué qu’elle s’engageait à rester le marché le plus ouvert aux exportations des pays en développement. L’Union européenne importe près de 860 milliards d’euros de biens des pays en développement chaque année. Son marché est le plus ouvert aux exportations des pays les moins avancés.

Mais elle tente aussi d’apporter un soutien aux pays ACP, en introduisant certaines flexibilités, comme l’exclusion des produits sensibles – jusqu’à 25 % des lignes tarifaires – ou la libéralisation progressive, jusqu’à vingt ans. L’Union européenne négocie donc avec des pays d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique des accords de partenariat économique qui présentent une asymétrie favorable aux pays en développement. De nombreuses lignes restent protégées pour ces pays, où les réductions des droits de douane sont offertes pour de très longues périodes. En outre, ces accords sont tous assortis d’un volet relatif au développement.

La France est donc mobilisée pour que ces pays ratifient de tels accords régionaux, afin de sécuriser leur accès préférentiel au marché européen, sur le long terme.

Madame la députée, vous avez soulevé un sujet très vaste. Nous partageons votre préoccupation pour que les pays les moins avancés, les plus pauvres des pays en développement, ne soient pas les laissés pour compte des nouvelles règles des échanges commerciaux internationaux.

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L’ordre du jour appelle le débat sur le rapport de la commission des affaires européennes concernant la mise en oeuvre du plan Juncker de soutien à l’investissement au sein de l’Union européenne.

La Conférence des présidents a décidé d’organiser ce débat en deux parties. Dans un premier temps, nous entendrons les orateurs des groupes, la présidente de la commission des affaires européennes, puis le Gouvernement. Nous procéderons ensuite à une séquence de questions-réponses.

La durée des questions, ainsi que celle des réponses, sera limitée à deux minutes, sans droit de réplique.

La parole est à M. Gaby Charroux, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

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Madame la présidente, madame la présidente de la commission des affaires européennes, monsieur le secrétaire d’État chargé des affaires européennes, mes chers collègues, je souhaiterais commencer mon propos en évoquant la situation dramatique que traversent nos amis grecs, en proie aux dégâts monstrueux causés par une politique d’austérité inhumaine, qui dure depuis plus de six ans.

En juillet dernier, contre la volonté du peuple grec, le pistolet sur la tempe, un mémorandum a été imposé au Premier ministre grec, alors que le pays était acculé financièrement. En échange de prêts financiers, le pays a été mis en vente au profit d’investisseurs, vautours du secteur privé. M. Juncker, dont le plan d’investissement que nous évoquons cet après-midi porte le nom, avait alors très bien résumé la conception de la démocratie portée par les institutions européennes : « Il ne peut y avoir de choix démocratique contre les traités européens. » C’est tout dire !

Depuis, le gouvernement grec tente, tant bien que mal, de limiter les dégâts sociaux des mesures imposées par les créanciers. Pour dire vrai, cela semble mission impossible à la vue des réformes rétrogrades et humiliantes qui sont exigées – plan de privatisation de tous les actifs grecs, hausse de la TVA, réforme des retraites, tout y passe –, des réformes qui génèrent pauvreté et précarité. À l’évidence, elles ne sont d’aucune aide d’un point de vue économique et financier, ce que démontrent d’ailleurs tous les indicateurs. La Grèce est ainsi devenue un laboratoire expérimental des mesures néolibérales les plus destructrices.

Rappelons ici un élément essentiel : le budget grec n’a reçu que 5 % des sommes prêtées à la Grèce dans le cadre du mémorandum. Ironie du sort, ce sont les responsables de la crise qui ont bénéficié des crédits européens : 95 % des sommes engagées sont en effet allées aux banques et au secteur financier.

Enfin, contrairement aux engagements pris par les créanciers, aucune avancée n’est constatée en matière d’allégement du fardeau de la dette publique du pays. Les choses semblent bouger depuis hier soir mais nous attendrons de voir la traduction concrète de l’accord avec l’Eurogroupe.

Toujours est-il que l’on laisse la Grèce couler en silence : tout est dit sur l’état actuel de l’Europe.

J’en viens maintenant plus directement à ce qui nous réunit cette après-midi : la mise en oeuvre du plan Juncker de soutien à l’investissement dans l’Union européenne.

Nous partageons une partie du diagnostic réalisé en amont de la mise en oeuvre de ce programme : l’Europe souffre clairement d’un manque d’investissement, aussi bien public que privé. Cette situation est particulièrement marquée depuis l’explosion de la crise financière. À cette dernière a succédé une crise des dettes souveraines, qui a emporté plusieurs États de la zone euro. Depuis lors, la réduction des déficits et le désendettement de la puissance publique sont devenus les priorités de l’agenda européen, déclenchant une course folle à la diminution de la dépense publique. L’investissement public a alors été sacrifié : non seulement en Grèce, comme je l’ai dit, mais aussi en Espagne, au Portugal, en Italie, en Allemagne même et, bien évidemment, chez nous, en France. Le pacte de responsabilité et de solidarité, avec 11 milliards d’euros en moins pour les collectivités territoriales, en a été la traduction très concrète, vécue au quotidien sur nos territoires.

On voit bien la contradiction entre, d’un côté, mettre en place un plan d’investissement européen et, de l’autre, opérer des coupes budgétaires massives au niveau national. Pour le dire clairement : on déshabille Pierre pour habiller Paul.

En parallèle, l’investissement privé est dans un état particulièrement inquiétant. Dans un contexte de fortes incertitudes pour l’avenir, ni les ménages ni les entreprises ne sont en mesure d’investir. Les banques, quant à elles, restent très fragiles et ne prêtent pas suffisamment à l’économie réelle. Les marchés financiers préfèrent encore et toujours spéculer dans l’économie virtuelle plutôt que financer l’économie réelle. Or la masse d’argent qui circule sur ces marchés n’a jamais été aussi massive ; les banques centrales, notamment la Banque centrale européenne – la BCE –, ont ouvert en grand les vannes des liquidités.

On voit ici l’autre limite du programme d’investissement Juncker : avec une mise initiale de 21 milliards d’euros et un hypothétique effet de levier de facteur quinze, il est loin de répondre aux besoins réels de l’Europe en matière d’investissement.

Enfin, ce plan Juncker se tourne vers le financement de très grands projets, inspirés de la stratégie Europe 2020, que l’on sait avoir été largement écrite sous la dictée des lobbies industriels, ce qui est déplorable.

En clair et pour conclure, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le programme d’investissement Juncker manque sa cible. On peut légitimement craindre qu’il soit tourné vers le seul objectif de rentabilité à court terme. Or l’urgence est de bâtir un autre type de prospérité, en lieu et place du modèle de croissance, désormais à bout de souffle, fondé sur la consommation d’énergies fossiles de plus en plus rares. Sobriété énergétique, rénovation thermique, développement des énergies renouvelables, transports en commun : telles sont les priorités imposées par le changement climatique. L’Europe manque une nouvelle fois sa cible ; nous ne pouvons que le regretter.

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La parole est à M. Gilles Savary, pour le groupe socialiste, écologiste et citoyen.

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Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, après avoir proposé un pacte pour la croissance en Europe à ses collègues chefs d’État européens, quelques jours après son élection, en juin 2012, le Président de la République française avait reçu un accueil poli de la part des mieux disposés, dubitatif de la part des autres. Sa proposition consistait à dégager 120 milliards d’euros pour relancer la croissance européenne, mise à mal par la simultanéité des politiques d’austérité budgétaires adoptées au plus fort de la crise des dettes souveraines. Berlin et la Commission européenne y avaient répondu en ne concédant finalement qu’un redéploiement de crédits non consommés – notamment des fonds structurels –, qui ne s’est avéré ni négligeable ni décisif.

Comme toujours à Bruxelles, les idées infusent lentement, trop lentement. Il a fallu attendre le changement de Commission européenne, en juillet 2014, pour que la proposition française de relance par l’investissement prenne corps, à travers le plan Juncker. Je dois dire que la multiplication des pains que ce dernier promettait, en tablant sur un effet de levier de facteur quinze, censé se traduire par une démultiplication de la mise de fonds publics de 21 milliards d’euros en 315 milliards d’investissements, m’avait paru à l’époque procéder d’une pieuse incantation. L’excellent rapport d’étape de nos deux collègues Razzy Hammadi et Arnaud Richard nous démontre, tout au contraire, que le plan Juncker est en passe de devenir un modèle particulièrement réussi de mobilisation de l’épargne privée au service d’investissements d’avenir, de plusieurs points de vue.

D’abord, les montants des financements mobilisés à ce jour, soit moins de deux ans après l’annonce publique du plan, s’élèvent à 82,1 milliards d’euros pour vingt-deux programmes répartis dans vingt-cinq des vingt-huit États membres. En deux ans, 26 % de l’objectif de 315 milliards d’euros ont été atteint, au profit surtout, mon cher collègue Charroux, du secteur de l’énergie et des énergies renouvelables, de l’isolation thermique des bâtiments, des transports, de l’industrie et du numérique, sans préjudice d’autres investissements sectoriels.

La mise en oeuvre du plan Juncker, pour ce que le rapport d’information Hammadi-Richard nous en donne à voir, constitue surtout un démenti frappant de la présomption de bureaucratie et de complexité qui entoure toute initiative bruxelloise. Il est fondé sur un partenariat entre l’Union européenne, les États membres, avec leurs banques de développement, et la Banque européenne d’investissement – BEI –, partenariat particulièrement simple, robuste et fructueux. Son architecture s’appuie sur trois instruments : le fonds européen pour les investissements stratégiques – FEIS –, qui comprend un volet pour l’innovation et les infrastructures, et un volet pour les PME ; une plateforme européenne de conseil en investissement, dotée d’un portail européen des projets d’investissement ; enfin, une convergence réglementaire des États dans des domaines ciblés, qui s’est finalement avérée efficace. Enfin, annoncé en juillet 2014 par Jean-Claude Juncker, ce plan a connu une mise en oeuvre réglementaire, instrumentale, procédurale et financière d’une rapidité exceptionnelle.

La France, avec trente projets retenus, est l’un des premiers pays bénéficiaires du plan, avec des interventions très diverses, au profit du projet Charles-de-Gaulle Express, d’une laiterie du Cotentin, d’une usine de traitement des déchets de titane, de logements intermédiaires, d’investissements énergétiques et de haut débit dans le Pas-de-Calais, en Picardie, en Alsace, en Île-de-France, du contournement routier de Strasbourg ou encore d’abondements de fonds de capital-risque ou de garanties à des institutions financières comme la Banque publique d’investissement ou la Banque postale.

Ce plan, qui démontre qu’une grande politique européenne peut être simple d’accès et de mise en oeuvre dès lors qu’elle ne laisse pas aux États membres la possibilité d’y ajouter des couches géologiques de réglementations nationales, devrait inspirer l’allégement et la simplification de nos procédures de transposition d’autres instruments européens. Je pense aux fonds structurels, à la politique agricole commune ou au programme-cadre pour la recherche et l’innovation, dont les procédures d’instruction altèrent injustement l’image de l’Europe, quand elles ne sont pas dissuasives.

La clause de revoyure dans les trois ans, fixée pour la première évaluation européenne du plan Juncker, méritera, à ce titre, toute notre attention. On en connaît les premières interrogations, relatives à un ciblage sectoriel, à un accompagnement administratif accru des État membres les moins bien organisés afin que ceux-ci puissent tirer le meilleur parti du plan, ou encore aux parts respectives, dans un même projet, des prêts et des garanties cumulables avec les fonds structurels.

D’un point de vue plus national, l’excellent bilan d’étape de la France, qui a bénéficié de 2,2 milliards d’euros de la BEI pour 12,9 milliards d’euros d’investissements, me dicte une certaine prudence dans mes appréciations.

D’un côté, il est incontestable que la procédure retenue, qui passe par le Commissariat général à l’investissement, a porté ses fruits et démontré son bon rendement. En contrepartie, elle est restée excessivement confinée et accaparée par la seule administration d’État.

Je sais que les régions, dont la loi du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République a renforcé les prérogatives en matière de développement économique, de recherche, d’innovation, de transports et de mobilité, secteurs justement ciblés en priorité par le plan Juncker, ont été affectées de ne pas avoir été associées par l’État à sa mise en oeuvre. Il me semble, monsieur le secrétaire d’État, qu’il y a là une piste pour améliorer la procédure retenue par la France. Je ne sais si vous avez envisagé d’associer à cette procédure, sous une forme ou sous une autre, les acteurs locaux et les collectivités territoriales, sans pour autant porter préjudice, naturellement, à sa faculté effective de mobilisation et à sa rapidité, mais il ne me paraîtrait pas incongru d’y penser.

En outre, sous réserve d’une évaluation de l’impact des effets du plan Juncker sur la relance économique européenne, il me semble que la France doit continuer à promouvoir politiquement cette politique volontariste, qui rompt avec le culte exclusif du marché intérieur, et qu’elle doit d’ores et déjà se positionner dans le débat sur la pérennité de ce plan.

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La parole est à M. Pierre Lequiller, pour le groupe Les Républicains.

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Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, l’intuition de Jean-Claude Juncker, président de la Commission européenne, selon laquelle l’investissement est un enjeu fondamental et prioritaire pour la reprise de la croissance dans les années à venir, a été la bonne. Certes, il reste quelques lacunes d’application et de portée, les régions européennes ne s’étant pas suffisamment saisis de cette opportunité, et il sera sûrement nécessaire de redéfinir certains objectifs. Néanmoins, pour l’heure, je tiens à souligner le constat général positif et unanime établi par la commission des affaires européennes, et veux féliciter une nouvelle fois mes collègues Arnaud Richard et Razzy Hammadi pour leur excellent rapport d’information.

Adopté par le Parlement européen le 24 juin 2015, pleinement opérationnel depuis septembre 2015, le plan Juncker est une réponse rapide et concrète à un enjeu préoccupant pour l’ensemble des États membres de l’Union. Retenant les projets au regard de l’intérêt européen et de leur valeur ajoutée économique et sociale, avec beaucoup de flexibilité et de rapidité d’exécution, ce plan a déjà permis notre collègue Savary l’a dit – la mobilisation de 82,1 milliards d’euros d’investissements en 2015, soit 26 % de l’objectif de 315 milliards sur trois ans, grâce à un effet de levier de facteur quinze.

La France est le troisième bénéficiaire du plan, derrière l’Espagne et l’Italie. De l’avis de tous, sans la BEI et le plan Juncker, elle n’aurait pas pu mobiliser cet argent. La présence de la BEI a joué comme un label, rassurant les investisseurs.Déploiement de la fibre optique, rénovation thermique des bâtiments, décarbonation, dépollution des sites, accords avec des banques ou des fonds de capital-risque qui pourraient financer jusqu’à 37 000 petites entreprises et start-up… Il manque toutefois à ce plan d’être beaucoup plus connu et présenté notamment aux collectivités territoriales. Par exemple, comme le souligne la commission des affaires européennes dans son rapport d’information, l’Île-de-France y a eu insuffisamment recours au cours de la mandature précédente – pour des raisons idéologiques, d’ailleurs.

Aux gouvernements européens d’en faire maintenant un vrai succès européen, en créant les conditions pour que ce plan soit le catalyseur d’une relance de la compétitivité de nos économies nationales, en effectuant les réformes nécessaires pour que ne soit plus grippée la machine à investir, de manière à susciter une grande relance de la croissance et de l’emploi. Comme l’a précisé le président de la BEI, mon ami Werner Hoyer, ancien ministre d’État allemand chargé des affaires européennes, l’Europe a « besoin d’innovation, d’innovation et encore d’innovation ».

J’insiste sur ce point : le plan Juncker est insuffisant ; il doit être accompagné de réformes courageuses pour créer les conditions de marché incitant les entreprises, notamment françaises, à investir. Un des défis majeurs, pour certains États, est d’assurer la crédibilité de leur politique économique.

Ernst & Young rendait public hier matin le décalage total qui existe entre la France et ses voisins européens. Le nombre de projets d’investissement est globalement en hausse de 14 % chez nos voisins, et le Royaume-Uni et l’Allemagne distancent largement la France ; chez nous, il a baissé de 2 % en 2015 par rapport à 2014. L’effet se fait ressentir dans tous les secteurs. Moins d’un quart des investisseurs envisagent des projets en France cette année – le chiffre est en baisse de 11 % par rapport à 2015.

Aux yeux des étrangers, la France était a priori attractive dans le domaine de la recherche et du développement. Toutefois, même dans ce domaine, les choix gouvernementaux sont mauvais : en 2016, il est prévu d’opérer des coupes budgétaires de 114 millions d’euros, qui toucheraient le Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives, et le Centre national de la recherche scientifique.

De toute évidence, depuis le début de son mandat, François Hollande fait les mauvais choix pour notre pays, en ne réduisant pas le déficit au-dessous de 3 %, ce qu’il avait pourtant promis pour 2013, en ne conduisant pas les vraies réformes structurelles que tous nos partenaires européens ont effectuées, en n’ayant aucune vision de long terme, ni pour la France ni pour l’Europe. Le commissaire Moscovici, ancien ministre de l’économie et des finances de François Hollande, est le premier à demander des actes et des initiatives à ce dernier. Pour que l’Europe soit forte, il est vital d’avoir une France forte. François Hollande, depuis quatre ans, ignore les appels du pied de la Commission européenne et ignore toute remarque venant de nos bancs.

S’engager dans ces réformes, c’est être résolument européen. Il est grand temps que la France prenne l’initiative d’un approfondissement de la zone euro et lance de nouvelles politiques communes, comme le groupe Les Républicains le réclame depuis longtemps : politiques de l’énergie, de l’industrie, de la recherche et du développement, du numérique, harmonisation fiscale.

En conclusion, le plan Juncker est une excellente initiative, mais qui doit être étayée et soutenue par une réforme profonde du fonctionnement de l’Europe, laquelle ne pourra venir que du couple franco-allemand, malheureusement mal en point aujourd’hui.

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La parole est à M. Arnaud Richard, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.

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Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, après les mesures adoptées depuis 2008 par l’Union européenne pour assainir les marchés et résoudre – du moins l’espérons-nous – la crise des dettes souveraines, le plan Junker constitue, selon son initiateur, la troisième pièce du puzzle : il doit générer une sorte d’effet de levier pour relancer l’investissement, dont le niveau, en 2014, était encore inférieur de 15 % à celui atteint en 2007.

Relancer l’investissement, c’est évidemment « revitaminer » la croissance en Europe. Mais les moyens pour le faire ne sont pas si nombreux, compte tenu notamment, à l’échelle nationale, entre autres, de la nécessaire maîtrise des dettes publiques et de la fragilité des balances commerciales.

Le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, porte peut-être, depuis juillet dernier, une partie de la solution – en espérant qu’il ne s’agisse pas d’un expédient. Concrètement, le fonds qui a été ouvert pourra, bien sûr, prêter plus que le montant de son capital, son niveau de fonds propres – 21 milliards d’euros – étant relativement faible : l’espoir est de lever, grâce à l’effet de levier, 315 milliards d’euros sur trois ans, aussi bien pour les infrastructures, à hauteur de 240 milliards d’euros, que pour le financement des PME.

Derrière un montage financier qui pourrait paraître intenable au néophyte – d’aucuns ont dit « surréaliste », ce qui me paraît excessif, les résultats déjà obtenus en témoignent –, l’idée est assez simple. En cette période de dépression économique rampante, il est impératif d’ériger une rampe de lancement de la confiance, autrement dit de donner des gages aux prêteurs afin qu’ils s’engagent résolument dans le sillage de l’Union.

Un an à peine après sa mise en oeuvre, le plan paraît donner quelques motifs de satisfaction – cela doit être salué car, dans notre pays, ils ne sont pas si nombreux. Treize projets européens ont été sélectionnés par la BEI en 2015 et quinze bénéficient du le FEIS.

La force de ce plan réside dans la création d’un élan de confiance que seule une institution aussi puissant que la BEI peut insuffler, dès lors que les banques dites « commerciales » hésitent parfois encore. Forte de son étendard frappé d’un « triple A », la BEI est incontestablement une candidate crédible à la levée de financements annexes.

Comme j’ai pu l’écrire, avec l’excellent Razzy Hammadi, dans le rapport d’information qu’a bien voulu citer Pierre Lequiller, l’analyse est fiable, la mécanique rodée et la dynamique probable. Nous nous engageons donc dans le sens souhaité d’une relance de la croissance européenne.

Certes, rien n’est jamais sûr, mais cela ne doit pas nous conduire à ajouter de l’incertitude à l’incertitude. Or il semble bien que le plan Juncker souffre, monsieur le secrétaire d’État, d’un déficit de communication et de pédagogie. Sans que l’on y prenne garde, s’est immiscé, ici ou là, le soupçon d’un tour de passe-passe créateur d’un écran de fumée – il est vrai que ce gouvernement nous y a habitués… Alors que la confiance entre nos concitoyens et les institutions européennes, hélas, se délite, que les populismes s’emparent de leurs incertitudes et de leur manque de connaissance pour nourrir la suspicion, et que le Gouvernement se voit de plus en plus fragilisé, la communication était l’outil politique le plus important à mettre en oeuvre ; c’était un impératif démocratique et moral.

La colère peut également naître dans d’autres pays européens, qui auraient des raisons légitimes de craindre de possibles effets pervers de ce plan, dont les principaux bénéficiaires sont incontestablement les grands États membres. Les États que l’on pourrait qualifier de plus fragiles sont malheureusement les plus absents des projets financés. Nous sommes là, monsieur le secrétaire d’État, face à une problématique très sérieuse : dans la course européenne à la croissance, le moindre doute sur la solidarité entre les membres de l’équipe européenne serait désastreux. L’idée qu’il existe une équipe de tête d’un côté et le peloton de l’autre ne doit pas subsister. Il faut donc encourager immédiatement l’ensemble des plus petits pays membres à proposer des projets. Voilà un message que l’UDI vous propose de porter.

Je veux enfin appeler l’attention de la représentation nationale sur l’avenir du plan, qui arrivera à échéance en juillet 2018. D’après les dernières estimations, 50 % des 315 milliards d’euros seraient alloués d’ici à la fin de 2016 : c’est une bonne nouvelle ; au-delà de la volonté ainsi exprimée par l’Union, nous espérons tous qu’elle aura un effet sur l’engagement de l’ensemble des financeurs européens.

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Veuillez conclure, monsieur Richard.

Les bonnes nouvelles, pour l’Europe, ne sont pas si nombreuses. Moi qui, comme Razzy Hamadi, ai initialement fait montre de beaucoup de scepticisme, je puis dire avec satisfaction que le plan dont nous parlons est, pour le moment, un succès pour l’Europe. Nous aurons d’ailleurs à nous exprimer sur un plan Juncker II, lequel ira peut-être jusqu’à générer 1 000 milliards d’euros d’investissements.

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La parole est à M. Paul Giacobbi, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.

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Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je serai un peu dissonant. Conséquence de la crise mondiale qui sévit depuis 2007, je rappelle que les investissements ont chuté en Europe, en même temps que nos banques – toutes nos banques, y compris françaises – se sont trouvées au bord de la faillite du fait de l’éclatement des bulles financières et immobilières.

L’Union européenne a d’abord opposé, à l’unisson de plusieurs États membres – parmi lesquels la France s’est particulièrement distinguée dans l’aveuglement –, une attitude de déni confinant à la pathologie : on se souvient de M. Barroso, affirmant en 2008 que l’Europe ne serait pas touchée par la crise. Puis les institutions européennes et les États ont réagi pour sauver… le système financier. La BCE s’est engagée dans le refinancement des banques, à un taux quasi nul, puis négatif en termes réels. Elle s’est aussi lancée dans le rachat massif de bons du Trésor, d’abord hypocritement, à travers les banques qui les avaient souscrits quelques minutes auparavant, puis directement.

Enfin, la BCE a ouvertement pratiqué le quantitative easing, qui est à l’économie ce que l’irrigation par inondation est à l’agriculture. Les États membres, pris individuellement, ont, eux aussi, tout fait pour sauver les banques. Pour donner un ordre de grandeur, les dizaines de milliards d’euros consacrés par le budget fédéral de l’Allemagne à conforter les fonds propres, monstrueusement négatifs, d’une banque dont peu de gens connaissent le nom, Hypo Real Estate, constituent un exemple extrême.

Au fond, l’Union européenne et les États la composant ont fait, toutes choses égales par ailleurs, autant que les États-Unis et la FED – la Réserve fédérale américaine –, pour sauver le système financier. On l’a fait en Europe avec un peu de retard et beaucoup d’hypocrisie mais, finalement, de la même manière et à des posologies comparables – toutes choses égales par ailleurs, je le répète. Nous risquons d’ailleurs de le faire plus longtemps puisque la FED, elle, prépare le terrain pour une remontée des taux en termes réels, ce qui ne semble pas encore tout à fait à l’ordre du jour en Europe.

Cette politique d’injection massive de liquidités a eu un effet magique des deux côtés de l’Atlantique sur le monde de la finance qui, non seulement est ressuscité d’entre les morts, mais atteint un niveau de prospérité historique. Aux États-Unis, la surévaluation des entreprises financières en bourse est devenue complètement irrationnelle : selon une estimation d’avril 2016, la surévaluation moyenne des entreprises américaines atteint 79 % ; celle des valeurs non financières n’étant que de 55 %, il faudrait faire un calcul détaillé pour les valeurs bancaires, mais elles sont probablement surévaluées d’environ 100 %. Le même calcul, pour l’Europe, donnerait probablement des chiffres hallucinants.

Cette politique nous a tout de même sauvés d’un effondrement économique comparable à celui des années trente, au cours desquelles, par exemple, aux États-Unis, les prix des produits industriels avaient baissé de 40 % . Mais elle n’a nullement fait repartir la croissance économique en termes réels, ou de façon très marginale. Toutefois, par une schizophrénie remarquable, tandis que la BCE inondait les banques de liquidités gratuites, notre belle Union européenne s’est entêtée à assoiffer les États et les politiques publiques en imposant l’assainissement budgétaire.

On a fait appel à la statistique – d’ailleurs théorisée de manière erronée par les professeurs Rogoff et Reinhart –, mais aussi, sans doute, à cette fausse sagesse populaire selon laquelle on s’enrichit en payant ses dettes, pour aboutir à une orthodoxie budgétaire qui est à l’économie productive ce que le garrot est à la circulation sanguine. Cependant, il eût été possible de poursuivre de front les deux objectifs, c’est-à-dire soutenir l’investissement productif par la mobilisation des créances – des prêts – qui lui sont destinées, en lieu et place du simple quantitative easing ; c’est d’ailleurs l’une des directions vers lesquelles la BCE, si j’ai bien compris, va s’orienter. Mais, pour l’heure, elle s’est contentée, je le répète, de mobiliser des créances, massivement et un peu n’importe comment, voire de pratiquer le quantitative easing pur et simple, autrement dit d’accorder des prêts sans contrepartie.

Je l’ai déjà fait observer ici il y a déjà de longue années, si la Grèce avait changé de raison sociale, transformant son État en banque régulièrement inscrite dans les livres de l’Union européenne et de la BCE, elle aurait reçu de la part de cette dernière, sans peine et à taux zéro, au moins dix fois plus que ce que lui ont finalement prêté, dans des conditions beaucoup plus dures et avec des contreparties, ses partenaires européens.

Et puis, un beau matin, est né le plan Juncker et ses 315 milliards d’euros d’investissement sur trois ans, il faut s’en réjouir. Il ne s’agit évidemment pas de 315 milliards de subventions mais, même si c’était le cas, l’enveloppe n’atteindrait jamais que 100 milliards par an, soit environ 10 % des liquidités injectées chaque année par la BCE sans contrepartie et sans effet sur l’économie productrice.

Telle est, je crois, la réalité, mais il n’y a pas lieu de s’en plaindre. J’ai d’ailleurs eu la satisfaction discrète et modeste d’entendre deux rapporteurs de la Commission européenne, venus en Corse, féliciter notre région pour sa mobilisation exemplaire des crédits ; il est vrai, et c’est tant mieux, que l’intégralité des fonds, notamment du FEDER et du FEADER – le fonds européen de développement économique régional et le fonds européen agricole pour le développement rural –, avaient été consommés au 31 décembre 2015.

Mais, même s’ils vont dans le bon sens, les effets du plan Juncker et, plus généralement, des contributions de l’Union européenne à l’investissement, risquent d’être balayés par la nouvelle crise financière qui s’annonce chaque jour de façon plus forte et plus proche.

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Quoi qu’il en soit, même si le groupe RRDP ne croit pas aux miracles et s’il fonde son approche d’évaluation des politiques publiques sur la rationalité, il constate, dans son ensemble, les efforts de M. Juncker et de l’Union européenne, et les approuve.

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La parole est à Mme Danielle Auroi, présidente de la commission des affaires européennes.

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Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, après l’intéressant débat organisé, à la demande des écologistes, sur les traités TAFTA et TISA – Transatlantic Free Trade Area et Trade in Services Agreement –, nous en revenons aux questions internes de l’Union européenne. Presque deux ans après l’annonce, par le président de la Commission européenne, d’un vaste plan de relance de l’investissement en Europe, et presque un an après l’entrée en vigueur du règlement instaurant le FEIS, les premières réalisations du plan Juncker sont observables.

Ce plan était éminemment nécessaire mais nombre d’entre nous doutaient, Arnaud Richard l’a dit, voire doutent encore, Paul Giacobbi vient de le suggérer, de son efficacité. La situation de l’investissement, fortement dégradée après la crise économique et financière de la fin des années deux mille, constitue, au vu du taux du chômage, une préoccupation légitime pour les décideurs publics comme pour les citoyens, au niveau national comme européen.

Les deux rapporteurs de notre commission des affaires européennes, Razzy Hammadi et Arnaud Richard – que je tiens à remercier en notre nom à tous –, ont suivi le plan Juncker étape par étape, depuis son lancement. Ils ont rédigé plusieurs rapports d’information, dont la présentation a permis à notre commission de prendre position, à plusieurs reprises, notamment à travers la proposition de résolution européenne adoptée le 3 mai dernier et transmise à la commission des finances.

Nous avons accueilli avec prudence l’engagement du nouveau président de la Commission européenne ainsi que l’inflexion politique importante qu’a constituée, en Europe, l’annonce de son plan de relance de l’investissement. Nos rapporteurs, Arnaud Richard l’a rappelé, étaient plutôt réservés au départ.

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Cette démarche illustre, semble-t-il, la prise de conscience de l’urgence d’agir pour relancer l’investissement, la croissance et surtout l’emploi. Elle doit par conséquent être saluée, même si elle aurait mérité d’être engagée plus tôt et d’être dotée de moyens plus ambitieux – mais peut-être annonce-t-elle d’autres plans.

En tout état de cause, l’échelle européenne est incontestablement le bon niveau pour relancer l’investissement. Dans un contexte où le projet européen lui-même et les solidarités entre les États, dans tous les domaines, sont mises à mal, une action coordonnée et cohérente est plus que jamais nécessaire. Un premier signal positif doit toujours être salué.

L’occasion nous est aussi donnée de faire de cette démarche commune le vecteur des priorités de fond que les États membres et l’Union entendent porter ensemble en matière d’investissement, en particulier la transition écologique, l’énergie et le climat. Il apparaît d’ailleurs clairement que, du côté français, les principales concernent ces secteurs.

Le soutien à ce plan d’investissement pour l’Europe, régulièrement affiché par notre commission des affaires européennes, n’est pas pour autant inconditionnel, Arnaud Richard l’a déjà souligné.

Ainsi, les modalités pratiques de sa mise en oeuvre ont soulevé et, surtout, soulèvent encore de nombreuses interrogations, portant sur la nature et les modalités des projets financés, sur le financement, sur la répartition des fonds publics et privés, sur l’effet de levier de un à quinze annoncé au départ, sur le traitement des éventuelles contributions nationales au regard des contraintes du pacte de stabilité et de croissance, ou encore sur l’articulation de cette mobilisation exceptionnelle de fonds d’origine européenne avec le cadre financier pluriannuel.

Si les premiers bilans dressés sont encourageants, en particulier pour notre pays, certains points méritent encore d’être précisés. Aussi aimerais-je vous interroger, monsieur le secrétaire d’État, sur trois questions.

En premier lieu, le plan Juncker a pâti, jusqu’à présent, d’un déficit de communication susceptible, à terme, d’en limiter les effets. Les succès français, comme l’efficacité énergétique en Île-de-France – qui permettra de réhabiliter quelque 40 000 logements – demeurent largement méconnus des acteurs locaux, qui devraient pourtant constituer d’importants relais pour la mise en oeuvre d’un tel plan. Le Gouvernement prévoit-il, en s’appuyant notamment sur le Commissariat général à l’investissement, de renforcer sa visibilité ? Les résultats présentés par la BEI pour les dix premiers mois de fonctionnement du plan Juncker illustrent un peu plus la forte implication des porteurs de projets hexagonaux dans sa mise en oeuvre.

En deuxième lieu, s’il faut, sans nul doute, se féliciter de ce dynamisme, qui bénéficie en particulier aux PME, quel regard le Gouvernement porte-t-il sur les premiers résultats ? Comment la mise en oeuvre du plan Juncker s’articulera-t-elle, dans les mois à venir, avec les mesures nationales de soutien à l’investissement ? Quels résultats attendez-vous du côté de l’emploi ?

En troisième lieu, s’agissant de la mise en oeuvre du plan, le principe de compatibilité des investissements avec les objectifs et politiques de l’Union européenne ne permet pas d’éviter certaines contradictions, notamment avec les objectifs environnementaux de l’Union, ni de prendre suffisamment en compte la dimension écologique des investissements.

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Cette tension, que l’on retrouve au plan national, est préoccupante. Le Gouvernement a-t-il prévu, dans un contexte notamment marqué par le succès de la COP21, d’améliorer la prise en compte de cette dimension dans les investissements dits d’avenir, s’agissant, en particulier, de la transition énergétique et de la lutte contre le réchauffement climatique ?

Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

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La parole est à M. le secrétaire d’État chargé des affaires européennes.

Debut de section - Permalien
Harlem Désir, secrétaire d’état chargé des affaires européennes

Madame la présidente de la commission des affaires européennes, mesdames et messieurs les députés, je me réjouis, tout d’abord, d’être devant vous cet après-midi afin de participer à ce débat relatif à la mise en oeuvre du plan Juncker, sur la base du rapport d’information de MM. Ramzy Hammadi et Arnaud Richard, dont je tiens à saluer l’excellent travail. Je tiens également à remercier la commission des affaires européennes et sa présidente, Mme Danièle Auroi, d’avoir inscrit ce sujet à l’ordre du jour de votre assemblée, quelques jours seulement avant la publication par la Commission européenne de son rapport d’évaluation à mi-parcours du plan Juncker, dont l’examen par les chefs d’État et de gouvernement est prévu lors du prochain Conseil européen des 28 et 29 juin.

L’Europe avait besoin du plan Juncker : depuis la crise financière de 2008, l’Union européenne connaissait des niveaux beaucoup trop faibles d’investissement public et privé, situation préjudiciable à son avenir économique comme à son potentiel de croissance.

C’est pourquoi le Président de la République en avait fait son cheval de bataille lors du Conseil européen de juin 2012, comme l’a rappelé Gilles Savary.

Debut de section - Permalien
Harlem Désir, secrétaire d’état chargé des affaires européennes

Certes, mais je n’ai évoqué que la demande du Président de la République portant sur le soutien à l’investissement et à la croissance.

Une première décision avait alors été prise : augmenter de 10 milliards d’euros le capital de la BEI pour lui permettre de financer de plus nombreux projets, à hauteur de 60 milliards d’euros. Ces aides ont d’ailleurs entraîné, dans notre pays, dune augmentation très conséquente des prêts accordés par la BEI, j’y reviendrai.

Toutefois, le déficit d’investissement public et privé dans l’Union européenne restait trop important. Prenons les chiffres de la fin 2014 : alors que le produit intérieur brut et la consommation étaient pratiquement redescendus aux niveaux de 2007, le montant total des investissements était encore inférieur de 15 % à celui constaté en 2007. Nous n’étions donc pas vraiment sortis de la crise. Certes, dans nombre d’États membres de l’Union européenne, la croissance redémarrait – d’ailleurs, cette tendance se confirme –, mais l’investissement et donc la préparation de l’avenir prenaient du retard, tout comme le soutien à l’activité et à l’emploi.

C’est pourquoi la mise en oeuvre urgente d’un plan d’investissement massif dans l’Union européenne, à partir de 2012, dès l’élection du nouveau Président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, avait été une demande extrêmement pressante de la France. La feuille de route économique de l’Union européenne ne pouvait en effet se résumer au seul pacte de stabilité et de croissance, c’est-à-dire à la consolidation budgétaire, même si celle-ci est nécessaire.

Aujourd’hui, avec le Président Jean-Claude Juncker, nous sommes parvenus à bâtir un triptyque combinant les objectifs de consolidation budgétaire, mais à un rythme compatible avec la situation de chacun des États membres, la conduite de réformes – et nous en menons, parfois parce qu’elles ne l’ont pas été auparavant, monsieur Lequiller – et, enfin, le soutien aux investissements.

L’Europe doit en effet se mobiliser pour l’économie réelle en permettant à ses entreprises, à ses industries ainsi qu’à ses acteurs publics d’investir dans les domaines déterminants pour l’avenir : le soutien à l’innovation, la modernisation de l’appareil productif et son adaptation aux nouveaux défis écologique et numérique.

En 2014, la France a donc défendu résolument, auprès du nouveau collège des commissaires, la priorité à la croissance et aux investissements. Puis, elle a logiquement soutenu la proposition présentée par le Président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, d’engager ce plan pour l’investissement en Europe.

L’idée du plan Juncker repose sur un objectif simple : permettre le financement de davantage de projets d’investissements publics et privés, notamment de projets plus risqués que ceux jusqu’à présent soutenus par la BEI, par d’autres banques ou par des fonds d’investissement.

La crise financière a en effet accru l’aversion des investisseurs pour les risque et un nombre considérable de projets, pourtant potentiellement générateurs de forte valeur ajoutée et d’emplois, se sont trouvés en défaut de financement, à cause du niveau de garanties exigé.

Telle est la vocation spécifique du plan Juncker et du FEIS : permettre le financement de projets plus risqués – parce que souvent plus novateurs et portant sur des domaines stratégiques pour l’avenir –, grâce à la garantie du budget européen, en s’appuyant sur l’expertise de la BEI et d’un comité d’investissement créé spécifiquement pour examiner et sélectionner les projets.

En accord avec le Parlement européen, qui a eu à se prononcer très rapidement sur le règlement européen portant création du FEIS, des priorités ont été identifiées : les secteurs les plus stratégiques pour l’avenir, à savoir la recherche, l’innovation, l’énergie, les infrastructures, les technologies de l’information et de la communication, la protection de l’environnement ainsi que la promotion du capital humain.

Même s’il faut attendre quelques jours pour que la Commission européenne publie un document totalement complet, quel bilan peut-on tirer, en ce milieu d’année 2016 ?

D’abord, l’adoption des instruments juridiques et la mise en place du FEIS et des comités d’investissement ont été très rapides. C’était important, quand on connaît la lenteur que peuvent parfois prendre les décisions européennes à se concrétiser.

Ensuite, le plan Juncker s’est, à son tour, déployé très rapidement. À l’heure où nous débattons, il fonctionne et finance des projets. Il est vrai que, lors de sa création, un doute subsistait à cet égard. Je me souviens de nos échanges et de nos interrogations, dans cette assemblée, juste après sa présentation par Jean-Claude Juncker : quelle serait la réalité du mécanisme ? allait-il fonctionner ? à quelle vitesse serait-il mis en oeuvre ?

Aujourd’hui, des projets ont pu être lancés grâce au plan Juncker, on peut visiter les sites où ils sont développés et rencontrer les acteurs qui les portent.

Au 19 mai 2016, étaient recensés 249 décisions d’approbation de projet prises par les instances de la BEI et du FEIS. Cette dénomination « approbation de projets » implique des prêts de la BEI, des prises de participation sous forme de garanties ou d’entrées au capital, accordées soit à des entreprises – grandes ou moyennes –, soit à des fonds d’investissement, soit à des consortiums regroupant des acteurs privés et publics, soit même à des acteurs publics. La montée en puissance du plan se déroule donc conformément à la feuille de route initiale.

En termes de montants, les projets approuvés engagent 12,8 milliards d’euros de financements, essentiellement sous forme de prêts, permettant de mobiliser 100 milliards d’euros d’investissements, soit 32 % de l’objectif initial du plan, fixé à 315 milliards d’euros. Au terme de cette phase de lancement, les montants mobilisés devraient croître encore plus vite, avec un effet de levier encore plus important.

Les chiffres que je viens de vous communiquer portaient sur l’ensemble de l’Union. En France, quels sont les résultats observés ?

D’abord, notre pays est le deuxième bénéficiaire en nombre de projets approuvés dans le cadre du FEIS. Trente-trois ont été retenus : dix-sept sur le volet PME porté par le FEIS et seize sur le volet infrastructures et innovation, porté directement par la BEI. La France est en outre le premier pays bénéficiaire pour ce second volet.

Notre pays est surtout le premier pays bénéficiaire en termes de montant total des projets approuvés : 2,3 milliards d’euros d’engagements pour des projets représentant un montant total de 12,4 milliards d’euros d’investissements. Ces projets, grâce à la contribution du plan Juncker, peuvent donc être montés. Il convient alors de comptabiliser non seulement l’apport direct au titre de ce plan, qui prend généralement la forme d’un prêt de la BEI à un taux extrêmement avantageux, mais également les investissements supplémentaires que cela permet ; en effet, l’accord du FEIS entraîne la participation au projet d’autres banques et investisseurs, privés ou publics.

Un tiers des financements identifiables portent sur des montants inférieurs ou égaux à 50 millions d’euros, ce qui répond à la volonté initiale d’encourager des investissements plus risqués, et pas seulement des grands projets engageant plusieurs centaines de millions d’euros.

Par ailleurs, le secteur de l’industrie représente 3 % des projets et 25 % des financements.

Dans le même temps, en dehors du plan Juncker, le volume de prêts classiques obtenus par la France auprès de la BEI atteint des niveaux sans précédent : 8,7 milliards d’euros en 2015, contre 4,6 milliards d’euros en 2012, grâce à l’augmentation de capital de 10 milliards d’euros.

Debut de section - Permalien
Harlem Désir, secrétaire d’état chargé des affaires européennes

Je l’ai mentionnée tout à l’heure : elle avait été voulue par le Président de la République lors du Conseil européen de juin 2012.

Les très bons résultats du plan Juncker en France ont été rendus possibles par la forte mobilisation de nos acteurs institutionnels et d’abord du Commissariat général à l’investissement, de la Caisse des dépôts et de la Banque publique d’investissement.

Je rappelle que les porteurs de projets présentent directement ceux-ci au comité d’investissement du plan Juncker : ce ne sont pas la France, l’Italie, l’Allemagne ou la Grèce qui défendent des projets, en négociant un financement proportionnel à leur poids géographique, économique ou démographique ; ce sont les porteurs de projets eux-mêmes qui doivent se présenter devant ce comité d’investissement.

Néanmoins, ce dispositif étant nouveau et peut-être un peu complexe à comprendre, pour les entreprises comme pour tous les autres porteurs de projets, nous avons considéré qu’il pouvait être utile de leur transmettre des informations et de les informer que leurs projets étaient éligibles au plan Juncker. Le Commissariat général à l’investissement, placé auprès du Premier ministre, a ainsi entrepris un travail très important – avant même, d’ailleurs, que le FEIS soit mis en place, en fait dès que nous avons acquis la certitude que le plan Juncker serait adopté –, visant à transmettre aux réseaux d’entreprises ainsi qu’à un certain nombre d’acteurs publics et privés, toutes les informations relatives aux conditions dans lesquelles leurs projets pouvaient être soumis. C’est évidemment l’une des raisons pour lesquelles la France est l’un des principaux pays bénéficiaires.

Nous voulons d’ailleurs, et nous l’avons indiqué à nombre de nos partenaires, faire partager cette expérience à d’autres États membres. Par exemple, M. Charroux a estimé qu’il serait bien de faire davantage bénéficier la Grèce du plan Juncker – car elle en bénéficie déjà. Nous avons eu des échanges et sommes prêts à transmettre le savoir-faire technique, opérationnel, financier à d’autres États membres, afin que leurs entreprises, leurs porteurs de projets, bénéficient du plan Juncker.

En France, de très nombreux projets ont pu être développés ; je vais vous donner quelques exemples, dont certains ont déjà été mentionnés. Le fonds d’infrastructures Capenergie 3, qui a bénéficié d’une participation à hauteur de 50 millions d’euros, va pouvoir financer des parcs éoliens, des fermes photovoltaïques et des méthaniseurs, en France et en Europe, pour 1 milliard d’euro. Pas moins de 40 000 foyers résidentiels bénéficieront d’actions d’efficacité énergétique – sujet que vous avez évoqué, madame la présidente Auroi –, grâce aux 400 millions d’euros de financements de la BEI. Celle-ci a également investi 18 millions d’euros au sein du fonds Ginkgo 2, pour dépolluer des sites industriels situés en centre-ville. Dernier exemple, dans le secteur agroalimentaire, la société coopérative agricole Les Maîtres Laitiers du Cotentin va recevoir 55 millions d’euros de financement pour l’exploitation d’une nouvelle usine de traitement du lait, à Méautis, en Normandie. La diversité de ces exemples – et d’autres pourraient être cités – montre que vraiment tous les secteurs de l’économie peuvent bénéficier du plan Juncker.

Enfin, et cela me semble très intéressant, au-delà de tous ces projets, qui représentent tout de même un certain volume, la Banque publique d’investissement, ainsi que quelques autres réseaux bancaires, dans tous les départements, distribuent à des petites entreprises, parfois de moins de dix salariés, des prêts, accordés à des taux particulièrement favorables, parce qu’ils relèvent du plan Juncker et bénéficient de cette garantie sur le budget de l’Union européenne.

Sur chacun de vos territoires, dans chacune de vos circonscriptions, j’en suis certain, vous apprendrez que des entreprises ont pu bénéficier d’un financement au titre du plan Juncker. Elles n’auront pas eu à aller déposer un dossier à Luxembourg, au siège de la BEI, mais, grâce à ce dispositif, la Banque publique d’investissement, – BPIFRANCE – leur aura accordé un prêt. J’ai eu l’occasion de visiter certaines d’entre elles, comme GD Laser, entreprise du Loiret spécialisée dans le secteur d’avenir du laser.

Le 11 avril dernier, avec le Premier ministre, nous sommes allés rencontrer, à Luxembourg, les dirigeants de la BEI, en particulier son président, M. Werner Hoyer, et son vice-président français, M. Ambroise Fayolle. Nous avons alors assisté à la signature de nombreux accords avec des entreprises françaises bénéficiaires du plan Juncker ou susceptibles de passer un accord pour développer leurs projets.

Le rapport d’information de la commission des affaires européennes soulève également la question très importante, dont on débat depuis le lancement du dispositif, des éventuels effets d’éviction ou d’aubaine que pourrait entraîner ce plan : effets d’éviction car des projets pourraient être financés au détriment d’autres, moins risqués mais tout aussi nécessaires ; effets d’aubaine car certains projets financés par le plan auraient de toute façon été financés sans lui.

L’examen des 249 décisions prises jusqu’à présent par la BEI et le FEIS montre plutôt l’efficacité du principe d’additionnalité, auquel la France est très attachée. En effet, sans le plan Juncker, la plupart des projets financés n’auraient pas pu voir le jour et certains autres auraient connu un développement moins important. Ce principe d’additionnalité est très important : même des projets recevant d’autres aides européennes, par exemple des fonds structurels du FEDER, peuvent bénéficier du plan Juncker. Certes, sans ce dernier, ils auraient donc tout de même existé, mais, grâce à lui, ils ont souvent pris une beaucoup plus grande ampleur.

Au vu de son succès, comme vous, mesdames et messieurs les députés, nous considérons que le plan Juncker doit être pérennisé et amplifié. Je ne sais pas si l’on peut déjà donner des montants – Arnaud Richard a choisi de la faire – mais rien, je pense, ne peut contredire l’ordre de grandeur évoqué.

Debut de section - Permalien
Harlem Désir, secrétaire d’état chargé des affaires européennes

Une question peut cependant être posée : faut-il simplement s’appuyer sur le mécanisme existant, qui, je le rappelle, repose sur une garantie sur le budget de l’Union européenne ? ou bien, sur la base de l’expérience réussie de cette première phase du plan Juncker – qui doit encore se déployer afin de réaliser les deux tiers restant pour atteindre l’objectif –, faut-il imaginer que d’autres instruments, potentiellement mobilisables et à faire évoluer, puissent servir à financer des investissements, dans les mêmes domaines, à l’échelle de l’Union européenne ? C’est un débat que nous devons peut-être ouvrir avec nos partenaires.

Il existe par exemple un fonds de secours, qui, lui aussi, joue très bien son rôle, mobilisé notamment pour le plan d’aide à la Grèce : le Mécanisme européen de stabilité. Dans l’état actuel des choses, ce dispositif doit uniquement servir pour répondre aux difficultés financières d’un État membre ou de son secteur bancaire. En s’inspirant de la réussite de cette sorte de FMI européen, ne pourrait-on pas imaginer un dispositif du même type, dédié au soutien aux investissements dans les domaines d’avenir ? Il serait utile d’ouvrir la réflexion car, en termes de fonds mobilisables, le MES possède un potentiel encore plus élevé que le plan Juncker.

Des complémentarités peuvent aussi être imaginées entre le plan Juncker continuant à monter en puissance et d’autres mécanismes restant à créer.

Ce qui est ce certain, en tout cas, comme l’a souligné la présidente Danielle Auroi, c’est que ce plan a apporté une contribution forte à la croissance et qu’il a été très largement orienté vers la transition énergétique. Aujourd’hui, les projets dans le domaine de l’énergie représentent 41 % des projets Juncker de la BEI. Il faut d’ailleurs envisager une montée en puissance dans d’autres domaines, en particulier le numérique, secteur absolument décisif pour l’avenir de l’économie européenne et son positionnement dans la mondialisation.

Il faut enfin le faire connaître, aux acteurs économiques, car d’autres pourraient en bénéficier – en France, même si nous sommes très bien placés, mais aussi dans d’autres pays de l’Union européenne –, et aux citoyens parce que c’est une illustration d’une Europe au service de la création d’emplois et de la croissance, finalement d’une Europe concrète.

Les attentes européennes et nationales à l’égard du plan Juncker sont importantes, votre rapport d’information le souligne. Elles montrent à quel point il a suscité peut-être des questions mais aussi des espoirs. Aujourd’hui, ses premiers succès confirment que l’intuition du président de la Commission était la bonne, cela a été dit. L’Europe devait se mobiliser pour les investissements, elle devait mieux utiliser un certain nombre de ses outils, en particulier le budget de l’Union européenne, pour créer un effet de levier en faveur de la relance des investissements.

Les attentes qui s’expriment, selon nous, sont un bon signe : elles indiquent que le plan commence à être identifié ; on sait qu’il est disponible, qu’il est utile. Mais il ne faut pas décevoir ces attentes.

À cet égard, votre rapport d’information, vos propositions, la visibilité que, par ses travaux, l’Assemblée nationale a donnée au plan Juncker sont importants. Ce sera évidemment l’un des éléments sur lesquels s’appuiera le Gouvernement pour formuler, au cours des prochaines semaines, des propositions visant à le pérenniser et à l’amplifier, au profit des investissements en Europe.

Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.

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Nous passons aux questions, en commençant par celle du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

La parole est à M. Gaby Charroux.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Le plan Juncker, à travers le FEIS, a donc été doté de 21 milliards d’euros. Un effet de levier de 15 milliards est espéré, ce qui nous conduit à nous interroger un peu sur les 315 milliards d’euros d’investissements devant être mobilisés dans les prochaines années.

En parallèle, depuis 2015, la BCE mène une politique d’assouplissement quantitatif : elle intervient massivement sur les marchés secondaires, en rachetant des titres de dettes publiques ; ce faisant, elle injectera plus de 1 000 milliards d’euros dans l’économie.

Depuis plusieurs mois, la société civile et les citoyens, de plus en plus nombreux et mobilisés, portent l’idée d’un quantitative easing for people. Peut-être pourriez-vous d’ailleurs nous dire, monsieur le secrétaire d’État, quel est le sentiment du Gouvernement à propos de cette mobilisation citoyenne ?

Mais ma question porte sur le financement des investissements et des projets européens. Le quantitative easing a eu pour effet de diminuer les taux d’intérêt des titres de dette, c’est un fait. Une intervention directe, certes interdite par les traités européens, aurait sans doute eu un effet similaire. Néanmoins, l’action de la BCE valorise le cours de certains actifs financiers, notamment sur le marché des actions, avec pour conséquence un accroissement des inégalités entre les détenteurs de ces titres et les autres.

Il est regrettable, enfin, que ces injections massives de liquidités ne servent pas, pour l’essentiel, l’économie réelle et la transition énergétique. À nos yeux, la BCE devrait avoir la possibilité de financer directement un fonds de développement économique, social et écologique européen. Un tel projet aurait des conséquences très concrètes pour le quotidien des Européens et la cohésion de l’Union européenne.

Monsieur le secrétaire d’État, la France souhaite-t-elle agir, au niveau européen, pour que les montants investis soient autrement plus élevés et conformes aux véritables besoins de nos sociétés ?

Debut de section - Permalien
Harlem Désir, secrétaire d’état chargé des affaires européennes

Vous avez raison, monsieur le député : la politique de la BCE, qualifiée de quantitative easing ou d’assouplissement quantitatif, consistant en des injections de liquidités, a aussi fortement contribué à la reprise économique et au retour de la croissance en Europe. Indirectement, vous vous demandez si cela ne contribue pas également à la constitution de bulles financières.

Évidemment, il faut être attentif à cet aspect. La BCE l’est vigilante et un certain nombre de décisions ont été prises, suite à la crise financière, pour lutter contre les risques de nouvelles crises : la surveillance bancaire a été renforcée – c’est tout l’objet de l’union bancaire – et des freins de secours ou des outils d’intervention, comme le Mécanisme européen de stabilité ; que je viens d’évoquer, ont été mis en place.

Il reste nécessaire de soutenir le crédit. Ainsi, en plus du plan Juncker, qui a une vocation particulière – soutenir les projets les plus risqués –, il a fallu procéder à des injections de liquidités pour que les banques recommencent à prêter davantage, et à de meilleurs taux, aux entreprises et aux ménages. Nous avions aussi souhaité que le taux de change soit plus favorable à nos exportations, que l’euro baisse par rapport au dollar ; cette politique de la BCE y a contribué.

Je ne sais pas si votre proposition – un quantitative easing citoyen, avec des liquidités versées directement aux ménages – répond à la situation. Car il y a un autre débat, à propos de ce qu’on appelle la « monnaie hélicoptère » – j’ignore si c’est à cela que vous faisiez référence. Pour consolider encore plus le redémarrage économique, la BCE ou d’autres banques centrales devraient-elles distribuer de l’argent aux ménages ou aux citoyens ? Les économistes en débattent mais ce n’est vraiment pas d’actualité. Cela n’a jamais été fait, cela risquerait de déstabiliser l’économie de façon totalement imprévisible. Il existe d’autres outils de redistribution pour améliorer le pouvoir d’achat et favoriser les investissements des ménages.

Nous soutenons donc la politique de la BCE, en complément, évidemment, du plan Juncker.

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Nous en venons aux questions du groupe socialiste, écologiste et républicain.

La parole est à Mme Sandrine Doucet.

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Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, chers collègues, l’excellent rapport d’information déposé par nos collègues Razzy Hammadi et Arnaud Richard nous éclaire sur la mise en oeuvre du plan dit « Juncker » en faveur de l’investissement dans l’Union européenne. Ce plan, lancé en 2015, vient soutenir les investissements, en mobilisant 315 milliards d’euros sur trois ans, ce qui est évidemment très favorable à l’économie européenne.

En 2015, 16 % de cette enveloppe ont déjà été injectés dans des projets et la France en a été l’une des toutes premières bénéficiaires. Je m’en réjouis car cela montre que les Français ont su prendre toute leur place dans ce dispositif. Les budgets déjà alloués viennent soutenir le numérique, les énergies renouvelables ou encore la dépollution de sites industriels.

Le plan Juncker est concomitant au programme d’investissements d’avenir – PIA –, impulsé en France depuis 2010, doté de 47 milliards d’euros. Un rapport récemment publié, à mi-parcours, indique qu’il a permis d’accompagner 2 500 projets. Le Président de la République a aussi annoncé que 10 milliards d’euros supplémentaires seraient accordés au titre du PIA III. Cela fera l’objet d’une discussion parlementaire fin 2016.

En 2015, le commissaire européen chargé de la science, de la recherche et de l’innovation, Carlos Moedas, a indiqué que le plan Juncker, dans toute l’Europe, avait financé cinq projets concernant la recherche, le développement et l’innovation. Il souhaite que davantage de pays investissent ces champs pour les bénéficier du plan et je soutiens cette ambition, car la recherche, avec l’enseignement supérieur, constitue une perspective d’avenir.

Si, hier, la ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche a rassuré le monde scientifique quant aux perspectives financières, les projets européens sont aussi l’occasion, nous le savons, de donner de l’ambition à la recherche française, qui doit arriver à l’objectif européen d’un budget égal à 3 % du PIB. Le plan Juncker, conjugué aux annonces du Président de la République concernant le PIA, peut être un précieux outil pour y parvenir.

Monsieur le secrétaire d’État, pourriez-vous nous indiquer si des projets de recherche ont été financés en France ? Quelles sont les ambitions pour la recherche française dans la poursuite du plan Juncker ? Comment encourager les chercheurs à solliciter ce plan ?

Debut de section - Permalien
Harlem Désir, secrétaire d’état chargé des affaires européennes

Madame Doucet, le plan Juncker a pour objectif de financer des projets dans des secteurs clés comme la recherche, l’innovation, l’énergie, les infrastructures, les technologies de l’information ou la protection de l’environnement. L’investissement dans la recherche représente donc l’une des priorités pour l’Europe. Il apparaît explicitement dans le règlement du FEIS que les projets de recherche, de développement et d’innovation, ainsi que ceux d’éducation et de formation, sont éligibles à la garantie de l’Union européenne.

D’après le dernier décompte de la Commission, près d’un quart – 23 % exactement – des projets approuvés au titre du plan Juncker concernent la recherche, le développement et l’innovation. Il convient également de garder à l’esprit que la BEI intervient, dans le cadre de ses activités traditionnelles, en faveur de l’enseignement supérieur et de la recherche. Par exemple, le plan Campus ou l’accélérateur de particules du CERN – Organisation européenne pour la recherche nucléaire – ont bénéficié de l’appui de la BEI.

Néanmoins, il faut continuer à encourager le financement des projets dans ce domaine, pour qu’il y en ait davantage, afin de favoriser la montée en gamme des produits français et leur compétitivité. Je tiens à rappeler qu’il existe également d’autres outils pour financer la recherche, au plan européen mais aussi au plan français. Comme vous l’avez mentionné, le PIA, doté de près de 47 milliards d’euros, piloté par le Commissariat général à l’investissement, a été mis en place par l’État…

Debut de section - Permalien
Harlem Désir, secrétaire d’état chargé des affaires européennes

…pour financer des investissements innovants en France, par le biais du fonds national de valorisation.

Debut de section - Permalien
Harlem Désir, secrétaire d’état chargé des affaires européennes

Au plan européen, le programme Horizon 2020, je le rappelle aussi, finance à hauteur d’environ 75 milliards d’euros l’innovation et la recherche au sein de l’Union européenne, pour la période 2014-2020. La plupart de nos universités et de nos grands organismes de recherche en bénéficient. De surcroît, le FEDER peut financer un certain nombre de projets dans le domaine de la recherche et du développement, en particulier pour ce qui concerne les universités et les entreprises.

Le soutien à la recherche est donc une priorité. Le plan Juncker y contribue, en complément d’autres dispositifs.

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Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, l’Europe traverse depuis de long mois une série de crises – crise de la dette, crise migratoire, risque de Brexit –, qui fragilisent encore un peu plus la confiance de nos concitoyens dans la capacité des institutions européennes à améliorer concrètement leur quotidien, j’insiste sur cette dimension.

De ce point de vue, les premiers retours sur l’application du plan Juncker me semblent plutôt positifs. Il apporte en effet à des projets viables mais risqués le surplus de financement manquant pour débloquer la situation et enclencher un effet de levier. Beaucoup de critiques ont jalonné la préparation et la présentation du plan Juncker et continueront probablement à s’exprimer. Il convient néanmoins de rappeler que cette initiative constitue une réponse rapide et concrète pour combler nos retards d’investissement et soutenir la croissance.

Ce plan est aussi une démarche politique, en passe de réussir en France, grâce au travail conjoint du Gouvernement et de la Caisse des dépôts. Je ne reviens pas sur les chiffres, qui ont déjà été donnés. Je me réjouis des premiers résultats encourageants, d’après lesquels nous allons vers un dépassement des objectifs initiaux ; ils sont autant de bons signes sur le chemin de la nécessaire adaptation de nos économies française et européenne.

Ce plan a toutefois des limites, qu’il ne faut pas occulter.

Le montant très élevé des projets visés constitue une barrière à l’entrée et exclut de nombreux projets innovants et stratégiques, mais relativement plus modestes.

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Or ces projets assureraient sans doute la visibilité du plan pour nos concitoyens.

De plus, il est manifestement très peu adapté au financement des projets des collectivités locales, en raison du fonctionnement même du dispositif : des prêts, des garanties et des contre-garanties destinés à mobiliser des fonds privés, ce qui exclut les subventions. Ce modèle économique ne répond pas, ou alors très imparfaitement, aux besoins des collectivités, et cela impose un supplément de pédagogie.

La solution des plateformes de projets permet de contourner partiellement cette difficulté, comme on l’a vu avec la convention de prêt d’un montant de 2 milliards d’euros signée entre la Caisse des dépôts et la BEI, en vue de soutenir notamment les petits projets de rénovation thermique des collectivités.

Des efforts pourraient donc être entrepris pour faire de ce fonds un levier plus accessible. Monsieur le secrétaire d’État, quel est votre sentiment à ce sujet ?

Debut de section - Permalien
Harlem Désir, secrétaire d’état chargé des affaires européennes

Le plan Juncker n’a effectivement pas été pensé pour financer directement de petits projets, même si, comme je l’ai dit, de petites entreprises peuvent accéder à des financements par l’intermédiaire, en particulier, de la BEI. Il n’a pas non plus été conçu comme un instrument destiné à dispenser des subventions ; il fournit des prêts ou des prises de participation dans des capitaux.

Le regroupement de petits projets peut être encouragé, dans le cadre des plateformes d’investissement. Pour financer des petits projets, la combinaison de subventions de fonds structurels européens et de ressources de la BEI est possible. C’est ce qu’illustre bien l’opération en faveur de la troisième révolution industrielle, approuvée dans le Nord-Pas-de-Calais.

Par ailleurs, les financements traditionnels de la BEI restent une voie intéressante pour les collectivités. Il y aussi, dans ce domaine, un enjeu d’information et d’accompagnement. C’est pourquoi les préfets, les DIRECCTE – directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi –, le Commissariat général à l’investissement et les réseaux locaux de BPIFRANCE et de la Caisse des dépôts sont mobilisés pour faire connaître le plan, expliquer son fonctionnement et, le cas échéant, aider au montage des dossiers. Nous avons encore un grand effort à accomplir dan s ce domaine.

Tous les projets ne peuvent sans doute pas relever du plan Juncker, vous avez raison de le dire. Pour certains projets de collectivités locales, il existe d’autres systèmes d’aides européennes. Le FEDER peut les soutenir, pour peu qu’ils relèvent des priorités du programme opérationnel négocié par chaque région avec l’Union européenne pour la période 2014-2020. Des prêts directs de la BEI peuvent également être accordés à des collectivités locales pour financer des projets. Je pense néanmoins qu’il existe une grande marge de progression possible pour structurer des regroupements de petits projets.

Au cours de ce débat, nous avons déjà évoqué, par exemple, le projet d’isolation thermique de 40 000 logements. Il est évident que, si chacun des bailleurs sociaux concernés avait voulu bénéficier lui-même du plan Juncker pour quelques dizaines ou centaines de logements, il n’y serait pas parvenu. C’est le regroupement de plusieurs porteurs de projets dans un même fonds, à la manière d’un consortium, qui a permis d’obtenir le financement par le plan Juncker.

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Nous en venons à la question du groupe Les Républicains.

La parole est à M. Gilles Lurton.

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Monsieur le secrétaire d’État, vous l’avez rappelé dans votre intervention, de nombreux projets français ont pu être financés dans le cadre du plan Juncker. Mais, à tort, de mon point de vue, un sujet a complètement échappé à ce plan : il s’agit de la pêche française, plus précisément, du renouvellement de la flotte de pêche française et européenne en général.

Avec un domaine maritime de 11 millions de kilomètres carrés, notre pays dispose, avec son outre-mer, du deuxième espace maritime, après les États-Unis. La Bretagne reste le plus grand bassin d’emplois de marins pêcheurs de France. Cet atout, nous devons le préserver. Mais, avec trente années de moyenne d’âge, la flotte de pêche française et européenne est vieillissante.

Les conséquences sont importantes en matière de sécurité à bord pour les marins, mais également en matière environnementale, puisque nos navires présentent une performance énergétique faible. Notre collègue député européen breton, Alain Cadec, a soutenu au Parlement européen l’inscription de telles aides dans le Fonds européen pour les affaires maritimes et la pêche – le fameux FEAMP –, mais cette mesure n’a pas été retenue.

Pourtant, tout le monde reconnaît cette nécessité de renouvellement de la flotte. Le Premier ministre lui-même a entrepris, en octobre 2015, la refonte du permis de mise en exploitation, ainsi que la création d’une aide fiscale en faveur des patrons pêcheurs investissant dans un outil neuf. Cependant, nous ne disposons aujourd’hui d’aucune lisibilité sur ces engagements et rien ne semble avoir bougé.

Ces aides sont indispensables pour le maintien d’une activité de pêche durable dans nos régions littorales. Elles sont vitales pour la pêche artisanale. Le plan d’investissement pourrait donner un second souffle aux engagements de l’État en matière de renouvellement de la flotte et aider les recherches et les innovations en matière de pêche durable.

Pour ces raisons, monsieur le secrétaire d’État, je souhaite vous demander si la France a l’intention de soutenir, auprès de la Commission européenne, une proposition de tels plans d’investissement, qui permettrait de mieux pêcher, de façon plus sélective et avec une meilleure efficacité énergétique ainsi qu’une meilleure sécurité à bord.

Debut de section - Permalien
Harlem Désir, secrétaire d’état chargé des affaires européennes

Monsieur Lurton, le secteur de la pêche demeure un secteur spécifique, non identifié comme secteur prioritaire du plan. Cependant, les porteurs de projets peuvent proposer des projets financièrement viables et répondant aux objectifs du plan Juncker pour des flottes de pêcheurs – par exemple, ceux qui viseraient à réduire leur impact environnemental et climatique, comme vous l’avez mentionné, ou à introduire des techniques de pêche innovantes.

Par ailleurs, et c’est l’essentiel, des fonds structurels européens sont alloués à ce secteur par le biais du FEAMP, vous l’avez rappelé. Ce fonds aide les pêcheurs à adopter des pratiques de pêche durable. Il aide les populations côtières à diversifier leurs activités économiques. Il finance des projets destinés à créer des emplois et à améliorer la qualité de vie le long du littoral européen. Je veux souligner qu’il est doté de 6,4 milliards d’euros pour la période 2014-2020.

Je crois qu’il faut être ouvert à vos propositions, en faisant en sorte que les projets susceptibles d’être soutenus répondent aux objectifs généraux du plan Juncker, en particulier en matière d’innovation ou d’environnement, puisque c’est la règle. Mais il importe surtout de continuer à bien utiliser le FEAMP, qui dispose des fonds disponibles pour soutenir le secteur et les activités de la pêche.

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Nous en venons à la question du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.

La parole est à M. Arnaud Richard.

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Vous connaissez ma position sur le plan Juncker, s’agissant aussi bien des objectifs que de la mise en oeuvre, puisque je l’ai défendue tout à l’heure à la tribune. Il nous appartient, à nous, parlementaires, comme à l’administration concernée, de continuer le travail de fond pour toucher plus d’entrepreneurs et associer plus largement les financements aux objectifs de la croissance en Europe.

Avant de vous poser deux questions, sans vouloir ruiner l’ambiance dans cet hémicycle, je vais quand même mettre les pieds dans le plat. Loin de moi l’idée de vous casser du sucre sur le dos, monsieur le secrétaire d’État – peut-être me trouverez-vous un peu soupe au lait –, mais quand vous dites que François Hollande est le grand organisateur du plan Juncker, qui est une réussite, c’est un mensonge !

Le Président de la République, une fois élu, a proposé de modifier le traité de stabilité ; on a vu le résultat. En compensation, l’Europe et Mme Merkel lui ont proposé un plan pour la croissance et l’emploi. Vous n’avez pas de chance, monsieur le secrétaire d’État, car, avec Razzy Hammadi, nous étions déjà rapporteurs sur ce plan pour la croissance et l’emploi, qui ne fut pas un très grand succès : alors qu’on parlait de 120 milliards d’euros pour toute l’Europe, il n’a rapporté que 2,5 milliards d’euros d’investissements en France…

Faire le lien entre ce plan pour la croissance et l’emploi et le plan Juncker, qui est une réussite, et, partant, considérer que François Hollande serait le grand organisateur et aurait proposé le plan Juncker, c’est un mensonge. Pour employer une formule argotique, cela revient à « tirer la couvrante » !

Avec Razzy Hammadi, nous avions commencé par critiquer un peu le plan Juncker car, au départ, lorsque M. Juncker est arrivé à la tête de la Commission, l’initiative était assez mystérieuse. Quoi qu’il en soit, François Hollande n’est pour rien dans cette réussite, pas plus que la France, d’ailleurs. Vous savez très bien que notre pays, croyant qu’il pouvait se permettre de donner une liste de projets financés par le plan Juncker, s’est fait un peu tacler par l’Europe, car le principe de ce plan, c’est que ceux qui financent ne veulent pas d’intervention politique. Vous faites l’apologie de projets financés, laiteries ou autres ; ils existent, mais les pouvoirs publics n’y sont pas pour grand-chose.

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Vous essayez de tirer la couverture à vous, je le comprends, mais je pense que ce n’est pas la réalité.

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La parole est à M. le secrétaire d’État, pour répondre à cette question, qui n’en est pas vraiment une…

Debut de section - Permalien
Harlem Désir, secrétaire d’état chargé des affaires européennes

Monsieur le rapporteur Arnaud Richard, je regrette le ton polémique de votre intervention. De toute évidence, vous l’avez dit vous-même, nous sommes d’accord sur un point : le succès du plan Juncker.

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Oui, c’est un succès, mais vous n’y êtes pour rien !

Debut de section - Permalien
Harlem Désir, secrétaire d’état chargé des affaires européennes

Mais nous sommes en désaccord sur un autre : l’idée que nous voudrions tirer la couverture à nous. Vos propos ne correspondent pas, je crois, à ce que l’on pense à Bruxelles, notamment du côté du président de la Commission européenne.

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Ce n’est pas ce que nous avons entendu à Bruxelles…

Debut de section - Permalien
Harlem Désir, secrétaire d’état chargé des affaires européennes

Vous ne devriez pas vous exprimer à sa place. En vérité, avant 2012, la seule stratégie envisagée, dans les instances européennes, pour sortir de la crise, c’était l’austérité et la consolidation budgétaire ; tel était le thème central de la Commission Barroso.

Debut de section - Permalien
Harlem Désir, secrétaire d’état chargé des affaires européennes

Lorsque le Président de la République, François Hollande, a été élu, il a demandé d’inscrire la question du soutien à l’investissement et à la croissance à l’ordre du jour des travaux du Conseil européen. Ce fut bien le cas lors du premier Conseil où il a siégé, en juin 2012, réunion au terme de laquelle la Commission européenne a proposé un pacte pour la croissance de 120 milliards d’euros,…

Debut de section - Permalien
Harlem Désir, secrétaire d’état chargé des affaires européennes

…reprenant à son compte la proposition du Président de la République. À ce stade, le seul point qui représentait une réelle avancée – je l’ai expliqué très précisément tout à l’heure –, ce fut l’augmentation de 10 milliards d’euros du capital de la BEI.

Debut de section - Permalien
Harlem Désir, secrétaire d’état chargé des affaires européennes

Cette somme a permis à la BEI d’accroître de 60 milliards d’euros ses soutiens à l’investissement en Europe.

Vous avez donc raison : on n’en était pas à 120 milliards mais à 60 milliards d’euros. Et c’est après avoir été élu que, sur la base des débat de la campagne électorale qu’il avait eus, en tant que candidat à l’investiture, avec les membres du Conseil européen puis devant le Parlement européen, Jean-Claude Juncker a proposé ce plan. Il s’agissait bien d’une réponse à cette attente, devenue très large, d’une politique d’investissements.

Nous considérons donc que la France doit être fière du plan Juncker, qui représente aussi un succès pour notre pays.

Debut de section - Permalien
Harlem Désir, secrétaire d’état chargé des affaires européennes

Je suis heureux que nous partagions ce jugement et ravi pour tous ceux qui, depuis plusieurs années, réclamaient la priorité aux investissements. Nous nous rejoignons sur ce point ; ne polémiquons donc pas.

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Nous terminons par la question du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.

La parole est à M. Paul Giacobbi.

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Nous parlons d’économie, c’est-à-dire de l’allocation des ressources pour optimiser la satisfaction. Nous parlons de crise, c’est-à-dire de la destruction massive de valeurs artificiellement gonflées précédemment, comme c’est arrivé en 2007.

On a alors lutté contre ce phénomène en injectant dans le système financier des milliers de milliards d’euros – plusieurs milliers de milliards d’euros à l’échelle de l’Union européenne et peut-être 15 000 milliards d’euros à l’échelle du monde –, avec des taux d’intérêt nuls, voire des taux réels négatifs. Cette politique a compensé la destruction de valeurs mais, comme elle ne donnait pas d’effets sur la croissance réelle, on est allé tellement loin que l’on a recréé des bulles spéculatives. Aujourd’hui, la situation est comparable à celle de 2007, voire plus grave à certains égards.

Alors que l’on continue à pratiquer le quantitative easing, qui s’adresse au système financier et, en réalité, gonfle les valeurs spéculatives – je n’entre pas dans les détails –, il est question ici d’un plan budgétaire.

Ma question est simple. Ne peut-on pas allouer la base monétaire, qui continue à être massivement créée, à l’investissement financé par le recours à l’emprunt ? Ce serait un outil approprié – il ne s’agit pas d’une distribution de monnaie par hélicoptère. D’ailleurs, la BCE et M. Draghi y pensent très sérieusement, dans le cadre d’un projet qui concernerait les PME. L’instrument apparaît d’autant plus pertinent que le financement de l’investissement des entreprises, en Europe, s’effectue très majoritairement par le système bancaire, alors qu’aux États-Unis, à l’inverse, il passe pour l’essentiel par l’appel public à l’épargne, ce qui crée une situation très différente.

L’idée du plan Juncker est excellente, cela va sans dire. Mais nous avons, d’un côté, une ressource immense, la création monétaire, que l’on n’affecte pas à l’investissement, ou, en tout cas, que l’on hésite à affecter à l’investissement, préférant gonfler la bulle spéculative, et, de l’autre côté, une ressource budgétaire extrêmement rare, que l’on affecte très partiellement à l’investissement.

Debut de section - Permalien
Harlem Désir, secrétaire d’état chargé des affaires européennes

Monsieur Giacobbi, la politique économique que nous avons soutenue à l’échelle européenne consiste à combiner plusieurs outils : la politique monétaire ; une politique budgétaire moins focalisée sur la consolidation budgétaire, afin de ne plus contraindre des pays qui n’étaient pas sortis de la crise à mener des politiques d’austérité, porteuses d’un effet récessif ; une politique de soutien aux investissements ; une politique d’encouragement aux réformes structurelles. C’est l’ensemble de ces outils qui peut contribuer, et qui contribue aujourd’hui, au redémarrage de la croissance.

La politique monétaire a en particulier pour vocation de permettre au secteur bancaire de prêter davantage aux acteurs économiques. En même temps, je lai déjà rappelé, elle a permis de baisser le cours de l’euro par rapport à celui d’autres monnaies, en particulier du dollar.

Est-elle de nature à créer des bulles spéculatives ? C’est l’objet même de la surveillance financière, notamment bancaire : les marchés financiers doivent être encadrés et régulés car il importe de veiller à ce que ne réapparaissent pas des bulles.

Mais, aujourd’hui, la BCE doit être soutenue dans sa volonté de continuer à pratiquer l’assouplissement quantitatif et d’injecter des liquidités. En effet, aux termes de ses statuts, elle doit maintenir l’inflation en-dessous de 2 % – plafond loin d’être atteint puisque l’inflation est aujourd’hui presque nulle. Comme la BCE ne souhaite pas que s’installe un risque de déflation,

Debut de section - Permalien
Harlem Désir, secrétaire d’état chargé des affaires européennes

…facteur possible de récession, tant qu’on n’avoisine pas les 2 %, elle a raison de soutenir le crédit.

Le quantitative easing ne représente d’ailleurs qu’une des modalités possibles de cette politique, à côté de la baisse des taux directeurs. Tout cela permet de disposer d’un crédit abondant, à des coûts très peu élevés, voire avec des taux négatifs, et donc de recréer des capacités de financement de l’économie réelle. Il s’agit d’un des instruments possibles, non du seul.

Je me réjouis donc qu’un débat ait été consacré au plan Juncker.

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Le débat sur la mise en oeuvre du plan Juncker est clos.

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Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :

Questions sur l’avenir de la continuité territoriale Corse-Continent dans le contexte de reprise de l’ex-SNCM.

La séance est levée.

La séance est levée à dix-huit heures quarante.

La Directrice du service du compte rendu de la séance

de l’Assemblée nationale

Catherine Joly