Commission de la défense nationale et des forces armées

Réunion du 5 juillet 2016 à 18h30

Résumé de la réunion

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La réunion

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La séance est ouverte à dix-huit heures trente.

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Jean-Yves le Drian, ministre de la Défense

Je commencerai mon intervention en évoquant les conséquences du Brexit. Les Britanniques ont fait un choix, et que l'on le regrette ou non, il nous faut en prendre acte et en tirer les conséquences, sur notre politique de sécurité et de défense pour ce qui me concerne.

Il faut d'abord rappeler que notre coopération de défense avec les Britanniques repose essentiellement sur des arrangements bilatéraux et sur notre commune participation à l'Alliance atlantique. Vous le savez, notre relation bilatérale étroite découle des traités signés à Lancaster House en 2010 et a été renouvelée au sommet franco-britannique d'Amiens en mars dernier ; il importe plus que jamais de mettre en oeuvre leurs stipulations avec détermination. Je tiens à le souligner : la relation franco-britannique est fondamentale pour nous, particulièrement compte tenu des enjeux de sécurité et de défense actuels, par exemple en matière de terrorisme. Cette relation bilatérale est dense et il faut absolument la préserver ; au fil des années, nous avons noué des relations étroites, et nous partageons des vues stratégiques communes. À l'occasion des cérémonies de commémoration du centième anniversaire du déclenchement de la bataille de la Somme, j'ai eu un long entretien avec mon homologue britannique, M. Michael Fallon. Il m'a confirmé que cette volonté de poursuivre et d'intensifier notre coopération reste intacte aussi pour la partie britannique.

Cela est vrai, en premier lieu, dans le domaine opérationnel. Nous sommes déterminés à continuer à intervenir côte à côte, comme nous le faisons aujourd'hui au Levant et au sein de la Force multinationale mixte contre Boko Haram ; Michael Fallon m'a confirmé également combien le Royaume-Uni reste attaché à la mise en oeuvre de notre force expéditionnaire conjointe. L'exercice Griffin Strike conduit au printemps dernier a prouvé l'interopérabilité de nos forces, et nous sommes en train d'élaborer des plans d'intervention de cette force.

Notre coopération se traduit aussi, en second lieu, par le processus de consolidation industrielle en cours. Elle est ainsi à l'oeuvre avec le projet One MBDA dans le domaine des missiles ; tout montre qu'elle doit être poursuivie. Elle est aussi à l'oeuvre dans le domaine nucléaire, en application du second des deux traités de Lancaster House ; ainsi, nous devons mettre prochainement en exploitation un nouveau complexe de radiographie des armes nucléaires appelé EPURE (expérience de physique utilisant la radiographie éclair) installé dans le centre du CEA de Valduc. Cette coopération, qui fait de nos deux pays les garants de la sécurité de l'Europe, doit se poursuivre. Le référendum britannique ne remet nullement cela en question.

M. Michael Fallon m'a également fait part de la volonté des Britanniques de poursuivre leur engagement dans les opérations européennes, comme l'opération Sophia, la lutte contre les trafics d'armement et l'ensemble des autres missions européennes, par exemple de type EUTM, auxquelles les Britanniques apportent un soutien tout à fait réel. J'ai pris les contacts nécessaires pour assurer la pérennité de cet engagement.

À mes yeux, le Brexit nous montre bien que rien n'est jamais acquis, ce qui tend à démontrer la pertinence de notre concept d'autonomie stratégique : nulle alliance n'est irrévocable, et la souveraineté nationale exige ce socle de base qu'est l'autonomie stratégique.

S'agissant de l'Union européenne, je crois que l'on peut constater un début de prise de conscience de la nécessité de développer une approche « en propre » des questions de sécurité. Cette prise de conscience s'est exprimée lors l'accueil, par le Conseil européen, de la stratégie globale pour la politique étrangère et de sécurité de l'Union présentée par la Haute Représentante de l'Union européenne pour les affaires étrangères et la politique de sécurité. Ce document fait une place pertinente aux enjeux de sécurité et de défense dans la politique étrangère et de sécurité de l'Union ; il consacre notamment le principe d'autonomie stratégique de l'Europe, y compris dans le domaine industriel, ce qui constitue depuis longtemps une priorité pour la France. La stratégie appelle l'ensemble des États à se donner les moyens de protéger ensemble les citoyens européens, et c'est là un point fondamental. Elle a d'ailleurs reçu un bon accueil des membres du Conseil européen, même si ceux-ci étaient préoccupés, le 28 juin dernier, par d'autres sujets... Reste à établir, pour l'application de cette stratégie globale, une feuille de route pour l'action de l'Union dans le domaine de la politique étrangère et de sécurité commune.

Nous allons y oeuvrer. Souvenons-nous que l'on a enregistré depuis 2012 des avancées concrètes, pour la plupart sous l'impulsion de la France. Ainsi, il n'y a jamais eu autant d'opérations conduites au titre de la politique de sécurité et de défense commune : je pense notamment à EUTM Mali, à EUMAM RCA ‒ qui deviendra bientôt EUTM RCA ‒ et à EUNAVFOR Sofia. Je pense également au recours à la clause d'assistance mutuelle de l'article 42.7 du Traité sur l'Union européenne. De même, dans le domaine capacitaire, quatre programmes d'armement majeurs ont été lancés par l'Agence européenne de défense, concernant le ravitaillement en vol, les drones MALE, les satellites de communication gouvernementale (Govsatcom) et la cybersécurité. En la matière, il faut aussi citer le rapprochement de Nexter avec Krauss Maffei Wegmann (KMW).

Sans attendre l'élaboration de la feuille de route que j'évoquais, nous pouvons poursuivre et accélérer ces efforts dans certains domaines concrets. Parmi ceux-ci, je citerai en priorité la bataille que nous menons pour que l'Union européenne puisse soutenir nos partenaires africains dans leur effort d'équipement de leurs forces armées en vue de lutter contre le terrorisme : tel est l'enjeu de l'initiative dite « CBSD », pour Capacity Building in Support of Security and Development (développement capacitaire en soutien de la sécurité et du développement). Il s'agit de permettre à l'Union de proposer une sorte de « paquet formation‒équipement », c'est-à-dire faire en sorte qu'elle puisse financer des équipements pour les armées africaines dont elle assure déjà la formation. Voilà plusieurs mois déjà que je soutiens ce projet avec beaucoup de détermination ‒ et parfois un peu d'épuisement. La prise de conscience qui se manifeste parmi les Européens pourrait permettre des progrès dans ce projet. Son aboutissement constituerait un progrès concret pour l'Europe de la défense, plus utile et plus tangible que de grandes déclarations eschatologiques sur le sujet.

Dans le même ordre d'idées, le Conseil européen a approuvé le principe d'une « action préparatoire » liée à la politique de sécurité et de défense commune, c'est-à-dire une allocation spéciale de fonds européens pour la R&D de défense. Il semble que nous allions aboutir à un résultat positif, en matière d'hélicoptères « dronisés » et d'autres capacités sensibles.

Voilà deux projets qui sont sur la table depuis plusieurs mois ‒ quand ce n'est pas plusieurs années ‒ et qui me semblent pouvoir aboutir rapidement. La stratégie globale vient d'être communiquée, dans un contexte tout de même très particulier. Il est encore un peu tôt pour apprécier la portée qu'elle aura. C'est pourquoi nous plaidons pour que l'Union mène à bien les deux projets concrets que j'évoquais sans attendre davantage, avant de commencer à élaborer une feuille de route exhaustive pour la mise en oeuvre de la stratégie globale.

J'en viens au sommet de l'OTAN à Varsovie. C'est un sommet important à l'heure du regain des menaces, même dans le voisinage le plus proche de l'Alliance. Il est essentiel à nos yeux que l'Alliance réaffirme à l'occasion de ce sommet son unité et sa vocation à défendre collectivement la sécurité de ses membres : dans l'Alliance, c'est la cohésion qui fait la force. C'est ce qu'ont déclaré conjointement à Paris le Président de la République et le secrétaire général de l'OTAN. Le moindre signe de dissension à Varsovie serait la première chose retenue par ceux qui nous observent de l'extérieur.

Montrer notre détermination et notre cohésion passe d'abord par la mise en oeuvre du « plan d'action pour la réactivité » adopté au sommet du Pays de Galles il y a deux ans. Ce plan d'action comporte un ensemble de préparatifs de temps de paix visant à nous permettre de réagir en cas d'agression contre les membres de l'OTAN. Tel est l'objet de la NATO Response Force (NRF, force de réaction de l'OTAN) et de son élément de réaction rapide, la Very High Readiness Joint Force (JHRJF, force de réaction rapide). Ce plan est complété par la mise en oeuvre du concept de présence avancée renforcée, c'est-à-dire le déploiement permanent par rotation d'unités crédibles et réactives dans les pays les plus exposés. Nous y avons consenti à condition qu'il s'agisse bien d'une permanence assurée par des forces en rotation ‒ et non permanentes ‒ et si nous y contribuons, nous n'avons pas l'intention d'en être nation cadre. Britanniques et Allemands le seront, et les discussions de Varsovie permettront de préciser les conditions dans lesquelles nous pourrons apporter une contribution de l'ordre d'une compagnie à ce dispositif.

Deuxième point important à l'ordre du jour du sommet de Varsovie, il nous faut réaffirmer sans ambiguïté de la posture nucléaire dissuasive de l'Alliance. Il s'agit d'adresser un message clair à tout agresseur potentiel, en plaçant résolument la capacité nucléaire au coeur de la stratégie de dissuasion de l'Alliance. Certes, la France ne siège pas au groupe des plans nucléaires de l'OTAN, mais elle n'en contribue pas moins à la stratégie et à la politique d'ensemble de l'Alliance dans ce domaine, sur la base de son expérience propre. Nous avons évoqué la question avec mes homologues pour réaffirmer cette posture, qui avait tendance à être éclipsée par les autres préoccupations que j'évoquais. Cette réaffirmation est inscrite dans le document que nous proposons pour la déclaration finale du sommet.

Je précise qu'il ne s'agit pas pour nous d'entrer dans une nouvelle guerre froide, même si les signes de changement de posture de la part de la Russie ne manquent pas : interventions russes en Géorgie et en Ukraine, ingérences de Moscou dans les affaires intérieures de certains États voisins, déclarations récentes concernant la Suède voire la Finlande, etc. Ce changement de posture est préoccupant, et l'Alliance ne peut y rester indifférente. Pour autant, la France a une position mesurée, équilibrée entre fermeté et dialogue avec Moscou. À nos yeux, la présence avancée à l'Est est un signe nécessaire de solidarité avec nos alliés, mais doit se faire dans le respect de l'acte fondateur OTAN-Russie de 1997 et en gardant la porte ouverte au dialogue, notamment dans le cadre de la commission OTAN-Russie.

J'ajoute que le sommet de Varsovie doit également déclarer la capacité opérationnelle initiale de la défense antimissile balistique (DAMB) de l'OTAN. Comme je l'ai dit à mon homologue américain, déclarer la pleine capacité opérationnelle de ce dispositif n'ira pas, à nos yeux, sans certaines conditions : d'abord, il faut un véritable contrôle politique de cette capacité assuré par un système commun de commandement et de contrôle (C2) ; ensuite, nous souhaitons qu'il soit rappelé que la DAMB ne vise pas les capacités stratégiques russes ; enfin, nous avons obtenu un langage plus clair sur les rôles respectifs de la capacité de dissuasion et la DAMB : cette dernière ne constitue pas une capacité de dissuasion en tant que telle, et cela est en bonne voie de figurer dans le communiqué final du sommet.

Enfin, autre point de préoccupation, il me semble qu'il faut réaffirmer que l'Alliance doit être plus flexible, orientée « à 360 degrés » et non strictement à l'est. En effet, le flanc sud comte également. Nous nous sommes coordonnés avec nos amis espagnols, italiens et portugais afin que le flanc sud ne soit pas oublié. Je précise aussi que le sommet devrait lancer des initiatives dans le domaine maritime et dans celui de la cyberdéfense, sous notre impulsion notamment. Nous en avons discuté à la dernière réunion ministérielle du 14 juin.

J'en viens à présent à nos opérations extérieures.

Comme je vous l'avais déjà annoncé la dernière fois, le recul de Daech se poursuit au Levant. Mais l'organisation a lancé une série d'attentats spectaculaires pendant le Ramadan : à Istanbul, Bagdad, au Bangladesh et en Arabie saoudite. Elle garde donc sa capacité à frapper fort à l'extérieur.

À Falloujah, la ville est quasiment libérée, grâce notamment l'action de l'ICTS, régiment d'élite à la formation duquel nous participons activement. L'appui aérien de la coalition internationale a été décisif. Manbij constitue un autre enjeu essentiel. L'avancée des forces démocratiques syriennes contre Daech est accueillie enthousiasme par la population, ce qui est un élément encourageant.

Ces deux défaites majeures de Daech ouvrent désormais la voie à la préparation d'une action sur Mossoul et, éventuellement, sur les points de passage entre la Syrie et l'Irak, à Abou Kamal et Al-Qaim.

Pour ce qui concerne les opérations aériennes, plus de 750 frappes ont été effectuées par la France depuis le 19 septembre 2014, avec 43 tirs de missiles SCALP. À titre d'exemple, des frappes ont été effectuées depuis des Rafale sur un site de fabrication d'engins explosifs dans la région d'Al-Qaim le 25 juin dernier, ciblant ainsi la capacité logistique de Daech, ce qui les prive d'approvisionner ses combattants en armements.

Aujourd'hui, l'action de la coalition internationale se concentre sur la région de Mossoul-Qayyarah et la région de Falloujah en Irak ; en Syrie, c'est la région de Manbij qui est le principal théâtre d'opération. Une réunion des ministres de la Défense de la coalition se tiendra le 20 juillet prochain à Washington afin de préparer la suite des opérations. Mon sentiment est que l'action militaire sera probablement en avance sur l'action politique. Si nous reprenons Manbij, le passage vers la Turquie sera bloqué, et si nous reprenons Mossoul dans les semaines qui viennent, les 12 000 combattants étrangers seront alors pris en étau : la victoire militaire de la coalition serait alors en avance sur les discussions politiques.

Les attentats à Bagdad ont rappelé l'urgence de mettre en place un gouvernement d'union nationale en Irak, ce qui n'a pas été fait avant, et qu'il vaudrait mieux faire avant la reprise de Mossoul. Pour ce qui concerne la Syrie, il est fondamental de reprendre au plus vite le processus de Genève, au risque de voir par exemple le Jabhat al-Nosra gagner en influence. Il y a, vous le savez, une balkanisation extrême des acteurs, ce qui pourrait conduire à un enlisement général. Il ne faudrait pas que la défaite militaire de Daech se traduise ensuite par un enlisement politique. Nous avons donc environ six mois pour que les initiatives politiques permettent une stabilisation de la situation.

En Libye, la situation évolue également favorablement sur le plan militaire, que ce soit à Syrte, Derna ou Benghazi, où Daech s'est implanté et constituent des points de passage pour les migrants en direction des côtes européennes. Malgré leurs divisions, les acteurs locaux ont en effet pris conscience qu'ils devaient diriger leurs efforts principaux contre Daech pour l'éradiquer avant de pouvoir espérer ensuite reconstruire le pays.

L'armée nationale libyenne du général Haftar continue ainsi à affaiblir Daech à Benghazi et Derna tandis que les forces misraties ont lancé une vaste offensive sur le bassin de Syrte, où elles ont progressé plus rapidement que prévu – même si elles marquent un peu le pas aujourd'hui. Le gouvernement d'union nationale de M. el-Sarraj, reconnu par la communauté internationale, a cependant du mal à asseoir son autorité. Tripoli est le théâtre de contestations sociales et d'incidents sécuritaires assez préoccupants. Mais les combats se poursuivent.

L'opération maritime européenne Sophia a connu une évolution significative récemment. Le Conseil des Affaires étrangères du 23 mai dernier a étendu son mandat au trafic d'armes, conformément à ce que la France voulait. Cette contribution a par la suite fait l'objet d'une résolution au Conseil de sécurité des Nations unies, adoptée à l'unanimité, y compris par la Chine et la Russie. La France affectera une frégate à cette nouvelle mission de lutte contre le trafic d'armes et le Royaume-Uni fera de même.

La formation des garde-côtes a été proposée à la Libye et celle-ci en a fait officiellement la demande. L'Europe réfléchit à présent aux modalités de mise en oeuvre de cette mission sur le long terme.

L'opération Barkhane se poursuit : si les groupes terroristes que nous traquons sont affaiblis, ils restent néanmoins dangereux : nous avons perdu trois militaires en avril, et eu deux blessés la semaine dernière du fait d'engins explosifs improvisés. Au Sahel, nous contribuons sous trois formes au retour de la stabilité :

– par des opérations de contre-terrorisme, à travers l'opération Barkhane et nos 3 500 hommes ;

– par notre engagement au sein de la mission européenne EUTM au Mali, qui a déjà formé plus de 8 000 soldats maliens, soit près des deux tiers de l'armée malienne ;

– par notre appui à l'accord de paix et de réconciliation, signé il y a un an, au sein de la mission MINUSMA. Le Conseil de sécurité des Nations unies a renforcé, à l'initiative de la France, le mandat de la mission le 29 juin dernier. Ce mandat autorise le renforcement des effectifs pour permettre à la force de déployer 2 500 soldats supplémentaires, pour porter le total à 15 000 soldats et policiers. Par ailleurs, les règles d'engagement de la MINUSMA sont désormais plus claires et plus robustes, ce que nous souhaitions.

Notre action au Mali reste confrontée à deux défis principaux :

– le premier est l'évolution des modes d'action des groupes terroristes : ils évitent désormais l'affrontement direct et privilégient des attaques contre des cibles peu défendues mais médiatiques. Elles sont orchestrées par le groupe Ansar Eddine, dont le leader, Iyad ag Ghali, essaie de fédérer les différents groupes existants. Son action se traduit aussi par la porosité existant entre le HCUA et Ansar Eddine, que nous avons observée à plusieurs reprises et qui reste source de préoccupations ;

– le deuxième est le retour de l'État malien dans le nord du pays. Les engagements pris tardaient à être mis en oeuvre par le gouvernement de Bamako. Cela est en train de se faire. Le texte signé le 19 juin dernier entre les différentes parties à Bamako constitue incontestablement une avancée mais nous restons vigilants.

J'en viens maintenant aux opérations intérieures (OPINT) et à un point rarement évoqué : le contre-terrorisme maritime. Depuis plusieurs mois nous avons mené des travaux très importants dans ce domaine, car la menace terroriste doit être appréhendée dans tous les milieux et en particulier dans le milieu maritime. À ce titre nos ports militaires et nos bases navales constituent des cibles de choix. Nous avons donc mis en oeuvre des dispositifs de protection et de sécurité supplémentaires, notamment dans les ports militaires comme dans certains ports civils. – Nous avons également travaillé à rendre nos dispositifs d'intervention plus réactifs face à la menace. La politique de prévention et de vigilance s'améliore également, avec un travail approfondi entre les administrations et les armateurs.

Je souhaiterais également dire quelques mots sur l'Euro 2016 de football, où la présence des forces armées contribue à la sécurité de cet événement. Nous avons adapté le dispositif Sentinelle pour cette période, avec le renforcement des missions de surveillance dans les services de transport et dans les zones publiques, et la protection de sites particuliers. Nous avons en outre pour mission de sécuriser les camps de base qui accueillent les équipes nationales. Nous protégeons actuellement l'équipe d'Allemagne, ce qui est louable (Sourires.).

Au-delà de cette adaptation du dispositif, nous avons également renforcé certaines mesures spécifiques de protection avec la présence permanente d'unités spécialisées dans le domaine de la détection d'explosifs, de la sûreté aérienne – dont la lutte anti-drones –, de la sauvegarde maritime et de la lutte contre une éventuelle menace de type nucléaire, radiologique, bactériologique et chimique (NRBC), toujours possible.

Enfin, nous avons mis en alerte les capacités du service de santé des armées et d'une réserve militaire, ce qui permettrait d'intervenir très rapidement.

10 000 hommes sont mobilisés pendant l'Euro. Cette mobilisation va naturellement diminuer et revenir à 7 000 hommes à la fin de l'Euro conformément au contrat de protection des armées.

Il existe une articulation forte avec les forces de sécurité intérieure. Les relations entre les ministères de l'Intérieur et de la Défense existent aux niveaux central, zonal et départemental. Au-delà des réunions régulières que nous pouvons avoir, nous avons mis en place une cellule de coordination intérieur-défense afin de disposer d'une instance de pilotage opérationnelle garante de l'anticipation et de la cohérence globale de l'engagement des forces de sécurité intérieure et des armées.

À cela s'ajoutent, depuis le printemps 2015 des réunions bilatérales thématiques entre les centres opérationnels de la police, de la gendarmerie et des armées qui permettent de fluidifier les échanges d'information. Nous avons également engagé des entraînements communs – j'y reviendrai.

Je souhaiterais dire quelques mots sur la pertinence de Sentinelle. Je tiens tout d'abord à remercier les rapporteurs MM. Christophe Léonard et Olivier Audibert Troin pour la qualité et l'exhaustivité de leur récent rapport d'information sur la présence et l'emploi des forces armées sur le territoire national. La mise en perspective qu'offre cette réflexion – je pense notamment aux comparaisons internationales – est particulièrement intéressante.

Toutefois, si je comprends qu'on puisse s'interroger sur le dispositif, je voudrais réaffirmer le rôle essentiel des armées sur le territoire national, et de Sentinelle en particulier Il ne s'agit pas d'une nouveauté : depuis le premier Livre blanc de 1972, il est prévu que les forces armées contribuent à la protection du territoire national en cas de menace pesant sur celui-ci. Cela a été réaffirmé par le Livre blanc de 2008 et la loi de programmation qui lui était associée. C'est la loi de programmation militaire 2014-2019, adoptée avant les événements de 2015, qui a prévu la mise en oeuvre d'un tel dispositif.

Il s'agit d'une mission essentielle. Il faut sans doute l'adapter dans ses modalités, mais la mission première de Sentinelle est de rassurer la population dans un contexte de terrorisme militarisé. Nous disposons par ailleurs d'indices nombreux et répétés de la préparation ou d'intentions de perpétrer des actions violentes. Dès lors, rassurer c'est aussi contribuer à augmenter la résilience en cas d'attentat. Il faut rassurer, il faut dissuader, et la présence de Sentinelle y contribue.

En outre, les armées professionnelles disposent d'atouts spécifiques, notre devoir est d'en tirer le meilleur parti : la réactivité, la maîtrise des armes de guerre, la capacité de préparation multimilieux, la capacité de surprendre, la capacité d'intervention – ce qui est arrivé à plusieurs reprises depuis le début de cette opération. Nos armées ont pleinement vocation à intervenir sur le territoire national si les circonstances l'exigent, et le travail qui est effectué actuellement est très positif, même si on constate effectivement une accumulation de fatigue. La fin de l'Euro 2016 rendra les choses plus faciles de ce point de vue.

Pour que nos armées puissent répondre au mieux à ce défi, notre action s'articule aujourd'hui autour de quatre axes.

Sur le plan tactique, je souhaite accentuer la mise en oeuvre de dispositifs militaires et sécuritaires agiles, qui ne soient pas trop prévisibles. Il s'agit donc de développer les postures dynamiques planifiées par des militaires dont c'est le métier, et fortement articulées avec les forces de sécurité intérieure.

Je souhaite aussi renforcer la préparation opérationnelle avec des exercices conjoints avec les forces de sécurité intérieure.

Il faut également poursuivre l'effort significatif de recrutement. La montée en puissance de la force opérationnelle terrestre (FOT) de 66 000 à 77 000 hommes s'opère puisque nous en sommes aujourd'hui à 74 000 hommes. L'échéance de fin 2016 devrait être respectée. Les phases de recrutement se déroulent de manière très positive : 68 000 hommes sont considérés comme formés.

Enfin, j'avais souligné la nécessaire montée en puissance des réserves militaires. Dès cette année, les effectifs vont passer de 27 000 à 31 000 réservistes. Mes engagements sont donc tenus ! L'objectif est de 40 000 réservistes en 2019. Je rappelle également le plan que j'ai annoncé lors des Assises de la réserve et intitulé « Réserves 2019 », qui doit permettre d'atteindre cet objectif. Je souhaiterais également préciser que cet l'été, on comptera à certains moments 700 réservistes dans les missions de protection, contre 300 au début de l'opération. En moyenne, 450 à 500 réservistes sont mobilisés. L'objectif est d'atteindre 1 000 réservistes par jour déployables sur le territoire national.

Je précise aussi que nous avons décidé de densifier les régiments existants avec la création d'une unité élémentaire supplémentaire de 150 hommes pour les 31 régiments de la FOT les plus sollicités mobilisés dans le cadre de Sentinelle, sachant que ces mêmes régiments participent également aux opérations extérieures. Je vous ai fait part de ma vigilance à cet égard : il n'y a qu'une seule armée, qui remplit les deux types de mission.

Enfin, je vous ai remis le bilan de l'exécution de la LPM pour 2015 et les perspectives pour 2016. En 2015, toute la LPM actualisée a été mise en oeuvre : l'exécution financière s'établit à 32,1 milliards d'euros ainsi qu'il était prévu, les ressources budgétaires ont été sécurisées et les surcoûts OPEX et OPINT ont été totalement financés. Par ailleurs, nous sommes passés dans une nouvelle logique que j'ai pu constater lors des débats avec les armées dans le cadre de « Défense 2020 » : nous sommes ainsi passés d'une culture de la déflation à ce que j'appelle une culture de l'adaptation. Je précise enfin que tous les programmes d'armement prévus par la LPM ont été engagés et que l'ensemble de ce que j'ai indiqué sera pris en compte dans le budget 2017, en application stricte de la LPM actualisée.

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Merci, Monsieur le ministre, pour ce tour d'horizon très complet. Je souhaite aborder en premier lieu le prochain sommet de l'OTAN et le cercle vicieux dans lequel se trouvent l'Europe et la Russie entre les sanctions et les accords de Minsk dont la mise en oeuvre n'avance pas et en l'absence de concessions de part et d'autre, alors que, dans le même temps, chacun « montre ses biceps ». La Russie militarise les territoires proches des pays membres de l'OTAN et l'Alliance, de son côté, effectue un superbe entraînement avec 31 000 hommes et 24 pays et prévoit, lors du prochain sommet, de se doter de moyens d'actions supplémentaires incluant la cyber, au titre de l'article 5. Je me demande où cela va s'arrêter et s'il existe une voie de sortie, en dehors d'un compromis sur les sanctions et sur les accords de Minsk.

Ma deuxième question porte sur l'Afrique et l'inquiétude du Niger qui a sollicité des renforts de l'opération Barkhane qui mobilise déjà 3 500 hommes. Quelles sont les perspectives de cette opération, à moyen et à long terme, étant entendu que le nord du Mali n'est pas entièrement stabilisé et que le Niger, inquiet, a reçu des renforts du Tchad ? Il semble que la menace se régénère sans cesse et que notre présence sera nécessaire encore longtemps.

S'agissant de la sécurité maritime, deux millions de personnes empruntent chaque année les bateaux de Corsica Ferries pour se rendre en Corse depuis Toulon. Des bateaux de croisière de plus en plus grands naviguent en Méditerranée. Je suis très inquiet car les mesures de sécurité sont loin d'être comparables à celles mises en oeuvre dans les aéroports. Que peut-on faire pour renforcer la sécurité en la matière ?

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J'ai noté que 1 630 munitions ont été utilisées au Levant. Je souhaite donc savoir si nous disposons bien des stocks de munitions nécessaires ou si nous souffrons d'une faiblesse conjoncturelle. Je crois savoir qu'un certain nombre de pays devait nous apporter leur aide dans ce domaine, comme la Suède, par exemple, qui ne semble pas avoir concrétisé sa proposition.

En ce qui concerne le sommet de Varsovie, j'approuve l'attitude que vous prônez, à savoir unité, indispensable, et détermination, nécessaire, en conservant une double posture de fermeté quant à nos valeurs, d'une part, et d'ouverture au dialogue, d'autre part. Je souhaite avoir des précisions sur un point précis : vous avez indiqué qu'il y aura une déclaration de capacité opérationnelle initiale concernant la défense antimissiles balistiques. Les États-Unis et les pays de l'Est poussent en ce sens mais vous avez fait état de certaines conditions : les systèmes de commandement et de contrôle, l'articulation avec la dissuasion nucléaire… Ces points seront-ils abordés entre la déclaration opérationnelle initiale et la déclaration finale, et la discussion est-elle ouverte ou déjà close sur ces sujets ?

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Vous avez évoqué le Brexit Monsieur le ministre mais une inquiétude demeure. Si l'Écosse devait revendiquer son indépendance, le Royaume-Uni perdrait 10 % de ses effectifs militaires et devrait procéder à la relocalisation de certaines garnisons, dont sa force stratégique océanique. Or il me semble que les Britanniques ont toujours constitué un soutien intéressant dans le cadre des discussions fort complexes avec nos amis allemands sur les sujets militaires, notamment lorsqu'il s'agit d'engager des forces.

Quant au sommet de Varsovie, la création d'une unité de partage de renseignement entre alliés serait à l'ordre du jour. Quelle est votre position sur ce point ?

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Je ne sais pas si le moment est opportun mais je tiens à vous dire que je suis très déçu par la décision de M. le secrétaire d'État chargé des Anciens combattants et de la mémoire d'interdire la chanson de Craonne lors de la commémoration de la bataille de la Somme le premier juillet dernier.

Je profite de l'occasion, Monsieur le ministre, pour vous rappeler le dossier de la Société des ateliers mécaniques de Pont-sur-Sambre (SAMP). Je vous ai adressé plusieurs courriers à ce sujet et une réponse positive de votre part serait la bienvenue.

Par ailleurs, Nexter Systems et KMW ont finalisé leur alliance en décembre 2015 et forment désormais KNDS, soit KMW + Nexter Defense Systems, une entité, dont le siège se situera à Amsterdam, et qui sera donc régie par la loi des Pays-Bas, paradis fiscal. Comment ce choix peut-il s'expliquer alors qu'il est urgent de lutter contre l'évasion fiscale et comment justifier ce mariage qui met à mal notre souveraineté nationale en matière de défense, la France ayant abandonné son droit de veto ?

Pouvez-vous nous indiquer quels sont aujourd'hui les effectifs et les finances de Daech, qui semblent en recul ?

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Jean-Yves le Drian, ministre de la Défense

Je répondrai d'abord à M. Le Bris à propos des munitions. Il n'y a aucune inquiétude à avoir en la matière, nous avons ce qu'il nous faut et reformons nos stocks. Les moyens financiers sont le seul point délicat car seule une partie, le flux, est compensée par le dispositif de financement des OPEX, les stocks de base devant être reconstitués et rehaussés par ailleurs. Mais je parviens à mobiliser les moyens pour financer les approvisionnements que nous effectuons auprès de plusieurs pays.

Concernant le sommet de l'OTAN, si votre question est : « Les attendus de la France relatifs à l'IOC (Initial Operational Capability) sont-ils intégrés ? », la réponse est oui. Il n'y a pas eu de grandes difficultés pour la déclaration finale, les acteurs majeurs souhaitant affirmer leur cohésion par une identité de vues. Nous avons beaucoup contribué à l'élaboration de cette déclaration, notamment sur le point essentiel de la préservation de notre autonomie de décision dans le cadre de l'organisation du C2. Il nous importait également de ne pas laisser entrevoir de quelque manière que ce soit que, d'une part, la défense antimissiles, telle qu'elle était proposée, était en premier lieu tournée vers la Russie et que, d'autre part, elle pouvait se substituer à la dissuasion. Ces points fondamentaux avaient déjà été évoqués au sommet de Lisbonne en 2010, le compromis de Lisbonne ayant servi de base à celui de Chicago en 2012 qui mentionnait cette inflexion et la nécessité d'une vigilance sur ces sujets qui sont à nouveau abordés lors du sommet à venir. Nous avons donc réitéré nos observations en matière de vigilance, qu'il s'agisse du concept, du contrôle politique, de la destination des missiles ou d'un commandement américain sous couvert de l'OTAN. L'IOC en dépend.

Pour répondre à M. Hillmeyer, et sans vouloir faire preuve d'un quelconque mauvais esprit, je vais prendre un exemple concernant les discussions avec l'Allemagne. L'Union européenne a voté au mois de juin l'élargissement de la mission Sophia, après un vote du Conseil de sécurité de l'ONU. À l'heure actuelle, le Bundestag n'a toujours pas pris la décision correspondante, alors qu'elle est acquise et ne fait l'objet d'aucune opposition. Nous ne savons donc pas quels pays se positionnent et aujourd'hui la mission n'est toujours pas actée, bien que l'issue soit certaine. Après le Brexit, nous nous sommes entretenus avec ma collègue allemande qui penche pour la coopération structurée permanente (CSP), inscrite dans le traité de Lisbonne, qui permet une coopération militaire spécifique avec certains États. Les discussions vont se poursuivre sur ce thème mais il me semble illusoire de croire à un « grand soir » de la défense européenne. Il convient de procéder étape par étape en affermissant les différents points, de veiller à éviter tout retour en arrière et de mener des opérations en commun. L'Allemagne devra travailler sur sa capacité de décision et de projection sur des théâtres un peu « chauds ». La présence des Allemands en Afghanistan a été une avancée et ils sont présents aujourd'hui au Mali, dans la MINUSMA, et au Levant. Une réflexion est en cours outre-Rhin. Ma méthode est de mettre sur la table, avec les Allemands si possible, les questions concrètes dès qu'elles se posent.

Les derniers événements nécessitent une relance de la posture de sécurité de l'Union européenne. L'Allemagne y est prête. D'ailleurs la déclaration commune de MM. Jean-Marc Ayrault et Franck-Walter Steinmeier fait état de perspectives opportunes mais, pour utiliser une métaphore issue du football, il s'agit d'une « balle en profondeur » qui devra être reprise.

Pour répondre à M. Vitel, la fragilité du Niger est essentiellement due à son flanc sud et à Boko Haram. Des militaires nigériens ont été tués en grand nombre et les forces nigériennes ont rencontré des difficultés sérieuses. Je me suis entretenu à ce propos à Paris avec le président Mahamadou Issoufou. Il demande une coopération pour régler les difficultés au sud où Boko Haram est très actif, malgré la force multinationale mixte. Après l'attaque de Bosso, nous avons proposé la mise en place d'une capacité d'appui aérien des forces nigériennes contre Boko Haram et un ensemble de soutiens que je vais aller proposer à la fin de l'été pour aider ce pays, qui est en danger et nous a alertés à juste titre.

Je partage vos préoccupations en ce qui concerne la Méditerranée.

À propos de la Russie, les sanctions économiques ne relèvent pas de ma compétence. La position de la France est, je le rappelle, la fermeté car il n'est pas possible d'observer cette montée en puissance et d'accepter l'occupation de la Crimée sans réagir. Il n'est pas possible non plus d'ignorer la crainte des pays baltes, dont celle d'une guerre larvée provoquée de l'intérieur avec le soutien de la Russie comme cela s'est passé en Ukraine. Nous leur devons un soutien en tant que membres de l'Alliance et c'est pour cette raison que la compagnie d'infanterie que nous mettrons en place le sera dans un des pays baltes. La Russie renforce sa présence partout et adopte une posture musclée, comme vous l'avez dit, parfois de façon inacceptable, au moyen de ses sous-marins et ses avions. Nous pensons néanmoins qu'il est essentiel de ne pas rompre le dialogue et sommes sur ce point en harmonie avec l'Allemagne ; mais certains pays sont plus offensifs, et je rappelle que les discussions préparatoires du sommet de Varsovie évoquaient l'installation permanente d'éléments significatifs de l'OTAN le long de la frontière. Cela ne se fera pas bien que certains le souhaitent toujours. Le dialogue doit perdurer et la commission OTAN-Russie se réunira dans la foulée du sommet de Varsovie.

Je répondrai à M. Candelier par écrit à ses deux premières questions. Pour ce qui concerne KNDS, je pense que cette opération a préservé Nexter qui se serait trouvé à terme, faute de perspectives, dans une situation catastrophique. J'ai voulu sauver Nexter. Il s'agit d'un accord égalitaire dans le respect de notre souveraineté. Le siège est certes aux Pays-Bas, dans un pays tiers, mais l'activité ne s'y trouve pas et je rappelle que les Pays-Bas font partie de l'Union européenne et ne sont pas un paradis fiscal. Cette nouvelle société sera porteuse de nouvelles capacités et de nouveaux emplois. Les organisations syndicales que je rencontre estiment qu'il s'agit d'une bonne issue, dont la négociation a duré trois ans et n'a pas été facile avec nos partenaires institutionnels allemands.

Les moyens financiers de Daech sont effectivement en chute. Indépendamment de la baisse du cours du pétrole, les ressources sont en baisse significative car les sites de production sont frappés, les routes d'exportation sont coupées, dont celles du Kurdistan irakien. Le montant des soldes a été divisé par cinq, le nombre de combattants a baissé et on n'observe quasiment plus de transferts vers les territoires de Daech au Levant en raison des combats qui se déroulent sur les voies d'accès, en particulier autour de Manbij.

Pour répondre à la question de M. Hillmeyer, la proposition de créer une division chargée du renseignement au sein du secrétariat général de l'OTAN a été émise par M. Stoltenberg. Pourquoi pas ? Mais, de manière plus générale, il ne serait à mon sens pas opportun de créer un véritable service de renseignement de l'Alliance. Il faut demeurer sur une base de souveraineté nationale, avec des services nationaux échangeant des informations de manière contrôlée. Nous pratiquons d'ailleurs de manière intense l'échange d'informations à caractère opérationnel avec nos partenaires, mais cela reste très différent d'une mutualisation générale dont les risques sont évidents.

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S'agissant du Brexit, vous avez bien rappelé que notre coopération en matière de défense était d'essence bilatérale. Elle reste très forte et demeure une garantie pour le futur, tout en nous permettant de l'ouvrir à d'autres acteurs, le cas échéant. N'est-ce pas le moment de renforcer cette relation de confiance, par exemple au travers d'un nouvel accord qui adosserait le projet de système de combat aérien futur (SCAF) aux accords de Lancaster House ?

La situation actuelle fait également peser des risques sur l'effort budgétaire britannique en matière de défense. En effet, certaines études évaluent les conséquences d'une éventuelle indépendance de l'Écosse et de l'Irlande du Nord entre 8 et 10 % de baisse du PIB, ce qui aurait mécaniquement des répercussions sur les capacités militaires britanniques. Dans un tel cas, le risque est bien que les Anglais se tournent encore davantage vers les États-Unis.

Combien de militaires français sont actuellement déployés au Levant, et combien seront-ils à la fin de l'année 2016 ?

Vous avez mentionné une cellule de coopération relative aux opérations intérieures entre l'intérieur et la défense. Fonctionne-t-elle de manière pérenne et continue ?

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Jean-Yves le Drian, ministre de la Défense

Absolument.

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Enfin, un militaire de l'opération Sentinelle s'est semble-t-il suicidé récemment dans les sous-sols des Galeries Lafayette. Face aux rumeurs diverses sur ce drame, pourriez-vous nous apporter quelques précisions sur les circonstances de ce décès ?

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Nous rencontrerons une délégation de nos homologues britanniques mardi prochain au Sénat, et cela sera l'occasion de leur faire part de notre approche volontariste de la coopération franco-britannique.

Pour revenir au sommet de Varsovie, vous avez fait part d'initiatives en matière maritime. Chargé avec mon collègue Alain Marleix d'un rapport d'information sur le rôle de la marine nationale en Méditerranée, je souhaiterais que vous détailliez davantage ce point, tout en m'associant aux inquiétudes de Philippe Vitel sur la sécurité du transport maritime de passagers.

Il existe aussi une menace terroriste sur les sites nucléaires. Aussi voulais-je attirer votre attention sur l'évolution du statut des formations locales de sécurité, chargées de la protection des installations du CEA et d'Areva. Les 1 300 personnels qui les composent sont actuellement inquiets pour leur avenir en raison de rumeurs faisant état de leur éventuel remplacement par des pelotons de gendarmes spécialisés. Il convient de maintenir une connaissance locale très précise des installations protégées, lesquelles sont particulièrement dangereuses pour les personnels en cas d'intervention.

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Le rapport de la commission d'enquête relative aux moyens mis en oeuvre par l'État pour lutter contre le terrorisme a été examiné ce matin, et a été suivi par une rencontre avec les associations de victimes et une conférence de presse. Il est à l'honneur de la représentation nationale d'avoir mené un tel travail dans une logique de consensus et de recherche de l'intérêt général, sous l'impulsion du rapporteur, M. Sébastien Pietrasanta, et du président, M. Georges Fenech. Ce rapport était très attendu et certaines des propositions se situent dans le champ de la défense. C'est notamment le cas de la proposition n° 30 prévoyant la diminution progressive du volume de la force Sentinelle afin de la concentrer sur des points d'importance stratégique, complétée par les propositions n° 29, suggérant un 3e plan de lutte antiterroriste comprenant la création de 2 000 postes de policiers et de gendarmes pour tenir dans la durée la posture Vigipirate, et n° 32, visant à accompagner la montée en puissance de la sécurité privée. Par ailleurs, la proposition n° 31 vise à doter d'armes de poing les militaires de l'opération Sentinelle, en complément de leur armement actuel, et d'assurer leur formation à l'intervention en milieu clos.

Quelle est votre appréciation sur la pertinence de ces propositions ?

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Certains médias ont récemment fait état de la neutralisation, par les forces de la coalition, du calife de Daech, al-Baghdadi ; cette information ayant été suivie par divers démentis. Qu'en est-il exactement ?

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Jean-Yves le Drian, ministre de la Défense

Le véritable enjeu est bien de renforcer les relations entre nos deux pays. Cela étant, le degré de confiance de la relation avec mon homologue britannique est remarquable et à bien des égards je pense que nous sommes devenus leur principal partenaire au quotidien en matière de défense. Il est vital d'éviter d'éventuelles conséquences négatives du Brexit en continuant à développer une relation forte, transparente et accueillante.

Nous arrivons au terme du travail de mise en place de la force expéditionnaire commune (CJEF), les derniers exercices ayant été particulièrement concluants et l'attention se focalisant désormais sur les scenarii d'emploi. Notre coopération nucléaire est également exemplaire, notamment dans le cadre du programme Epure à Valduc et du centre de développement technologique d'Aldermaston. Sur le SCAF, nous en sommes encore au stade des études de faisabilité jusqu'en 2017, et à l'évidence il faudra poursuivre.

Je note en outre que malgré le récent référendum, le Royaume-Uni a annoncé son souhait de continuer à participer aux opérations Sophia et Atalante.

S'agissant du Levant, nos effectifs cumulés déployés en Jordanie et en Irak représentent environ 1 000 personnels. Bien entendu, ce total augmente fortement lorsque le porte-avions contribue sur place aux actions de la coalition, ce qui devrait à nouveau intervenir prochainement. Le format de nos effectifs à la fin de cette année dépendra des décisions qui seront prises par le président de la République à la suite des discussions avec nos partenaires en juillet. Il n'est pas envisagé de déployer au sol des unités de combat constituées complètes, mais des efforts supplémentaires peuvent être consentis en matière de formation, d'appui ou d'intervention aérienne.

La sécurité des installations nucléaires ne relevant pas de mes attributions, M. Ciot, je vous propose de répondre par écrit à votre question, après consultation du ministre de l'Intérieur.

Pour ce qui est des initiatives en matière maritime en discussion lors du sommet de Varsovie, l'enjeu est de mettre en place une stratégie globale et cohérente, permettant d'intégrer à la fois les différents enjeux (Méditerranée, Atlantique nord, etc.) et les différentes missions en cours. Cette stratégie globale permet aussi de démontrer que l'OTAN n'est pas et ne doit pas être uniquement focalisée vers l'est.

Je dois vous avouer que je n'ai pas eu le temps de prendre connaissance du rapport de la commission d'enquête présenté aujourd'hui. Quoi qu'il en soit, je ne suis pas favorable à une réduction du contrat opérationnel de protection terrestre, dont les objectifs doivent demeurer de pouvoir déployer 7 000 hommes dans la durée, et jusqu'à 10 000 hommes temporairement pour faire face à une crise. Je pense qu'il nous faut progresser vers une posture plus dynamique et organiser davantage d'exercices en commun avec les forces de sécurité intérieure. Cela doit nous permettre de mieux mettre à profit sur le territoire national les qualités propres aux forces armées que sont l'agilité, la réactivité et l'utilisation d'un armement de guerre – raison pour laquelle je suis opposé à une substitution des armes de poing aux FAMAS. Quant à l'intervention en milieu clos pour libérer des otages, cela suppose une extrême spécialisation et des compétences particulièrement pointues ; même nos forces spéciales ne maîtrisent pas toutes les dimensions de ce type d'opération au même niveau d'excellence qu'une unité comme le GIGN.

Pour répondre à la question de M. Lamblin sur l'éventuel décès d'al-Baghdadi, je ne dispose d'aucune information confirmée sur ce point. En revanche, son adjoint aux finances a bien été récemment éliminé.

S'agissant du décès d'un caporal du 3e RPIMa, son corps a été retrouvé dans une zone de repos de son unité et il semble bien qu'il s'agisse d'un suicide commis avec son arme de service. Une enquête a été ouverte sous l'autorité du procureur de Paris, et tout laisse à penser que ce drame n'est pas lié aux conditions de l'opération Sentinelle elle-même.

La séance est levée à vingt heures quinze.