Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Réunion du 19 octobre 2016 à 9h30

Résumé de la réunion

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La réunion

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Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

La Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire a examiné le rapport de la mission d'information sur l'application de la loi n° 2014-872 du 4 août 2014 portant réforme ferroviaire (MM. Gilles Savary et Bertrand Pancher, rapporteurs).

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Mes chers collègues, nous sommes réunis aujourd'hui pour entendre la présentation du rapport sur l'application de la loi du 4 août 2014 portant réforme ferroviaire.

En application de l'article 145-7 du Règlement, notre commission a désigné comme rapporteurs M. Gilles Savary, du groupe Socialiste écologiste et républicain, et M. Bertrand Pancher, du groupe Union des démocrates et indépendants. À l'issue de leurs travaux, il me paraît important qu'ils présentent leurs conclusions.

Cet exercice permet de dresser le bilan de l'application de la loi et de présenter les décrets pris par le Gouvernement depuis deux ans. Il s'agit également de faire le point sur un certain nombre de sujets liés à l'avenir du système ferroviaire français : la dette du système ferroviaire, sa gouvernance, l'avenir économique et statutaire des gares, l'approche de l'ouverture à la concurrence, les financements publics, ainsi que les capacités industrielles ferroviaires.

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Ce rapport constitue le fruit d'un travail de longue haleine, pour lequel nous avons entendu un grand nombre d'acteurs, français comme européens ; il constitue désormais un document de référence pour quiconque voudrait avoir une bonne connaissance de la question ferroviaire en France. La convergence de vues entre M. Gilles Savary et moi-même au sujet du bilan de l'application de la loi du 4 août 2014 comme sur les mesures à prendre, est totale.

Dans cette présentation, je me bornerai à exposer les raisons ayant conduit le Gouvernement à présenter ce projet de loi et à livrer mon analyse des points forts et des points faibles de sa mise en oeuvre. De son côté, M. Gilles Savary remettra l'ensemble de la question en perspective et formulera un certain nombre de propositions.

L'objet de la réforme ferroviaire était la réduction des faiblesses et dysfonctionnements de notre système. La gouvernance était devenue ambiguë et obsolète, singulièrement du fait de la fausse séparation créée entre la SNCF et Réseau ferré de France (RFF). RFF a été créé en 1997 pour récupérer une partie de la dette de la SNCF. La structure était par ailleurs privée des moyens d'exploiter le réseau, puisqu'elle déléguait à la SNCF les tâches de développement, de maintenance et d'entretien de l'infrastructure.

La raison d'être de RFF était la reprise d'une partie de la dette de la SNCF afin de satisfaire aux dispositions du traité de Maastricht. À la veille de la création de cet organisme, la dette de la SNCF s'élevait à 30 milliards d'euros, dont près des deux tiers ont été repris par RFF. Cette opération a permis à la SNCF de rétablir ses comptes, sans pour autant résoudre l'ensemble du problème de la dette de notre système ferroviaire, ce qui aurait nécessité des investissements considérables.

À partir de 1997, à cette dette historique est venu s'ajouter l'endettement propre de RFF, lié aux investissements réalisés dans le système ferroviaire ainsi qu'au remboursement des dettes passées. Ainsi, la dette de RFF n'a cessé de croître, pour atteindre 37 milliards d'euros en 2013, avant l'adoption de la loi ; elle connaît depuis lors une progression de 3 à 4 milliards d'euros par an.

Avec 170 jours annuels de repos pour le personnel roulant de la SNCF et 129 jours pour le personnel de droit privé, la SNCF connaît des problèmes de compétitivité ; je rappelle que 80 % des frais de fonctionnement de l'entreprise sont constitués par la masse salariale. Par ailleurs, des investissements massifs ont été réalisés en dehors de toute réflexion sur leur financement. En l'absence de tout payeur clairement identifié, ces investissements se poursuivent sans que soit posée la question de savoir qui paiera à terme.

Le projet de loi a été présenté en parallèle de la négociation du quatrième « paquet ferroviaire », ultime élément de la politique européenne des transports ferroviaires, consacré à l'ouverture à la concurrence du marché du transport des passagers. Cette ouverture a été adoptée dès 1994 en Allemagne, alors que la France s'est montrée ambivalente et frileuse, jouant à la fois la carte de la compétition active sur les marchés européens et celle de la défense passive au plan national.

Le groupe SNCF, qui réalise le tiers de son chiffre d'affaires à l'international, n'a eu de cesse de freiner des quatre fers cette ouverture à la concurrence, dans laquelle son activité de fret n'est entrée qu'au tout dernier moment. De ces atermoiements et de ces lenteurs ont découlé des réformes improvisées, et le résultat aujourd'hui est une baisse continue du trafic du fret ferroviaire ainsi qu'un déclin rapide du marché du fret ferroviaire de la SNCF et de ses concurrents.

La réforme de 2014 prévoyait la constitution d'un groupe ferroviaire unifié comportant trois établissements publics à caractère industriel et commercial (EPIC), ce qui était de bon sens. Étaient prévus : un EPIC « de tête » regroupant toutes les fonctions générales ; SNCF Mobilités, EPIC d'exploitation ; SNCF Réseau, gestionnaire du réseau de plein exercice. Cette réforme est totalement compatible avec les règles européennes.

Un Haut Comité du système de transport ferroviaire (HCSTF) a été institué, qui participera à la définition de la stratégie, ainsi qu'un comité des opérateurs de réseau, chargé d'élaborer la charte du réseau. L'Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières (ARAFER) voit ses pouvoirs renforcés, notamment son pouvoir de codécision, elle émet aussi des avis simples et dispose d'un pouvoir de règlement des contentieux.

Un nouveau cadre social commun à l'ensemble du secteur ferroviaire a été posé ; il préserve le statut des cheminots, mais abroge le décret n° 99-1161 du 29 décembre 1999 relatif à la durée du travail du personnel de la Société nationale des chemins de fer français, dit « RH 77 », ce qui constitue une harmonisation progressive de l'ensemble des statuts.

Des contrats d'objectifs seront passés entre l'État et chacun des trois EPIC, avec une règle prudentielle, dite « règle d'or » — que nous devons à M. Gilles Savary —, ayant pour objet d'endiguer la dette du groupe. Aucun nouvel investissement ne sera réalisé s'il n'est pas pris en charge par le contribuable ou l'usager.

Des dispositions importantes ont été prises pour la sûreté, la sécurité et le financement des gares.

En outre, le législateur a ajouté des dispositions fixant au Gouvernement des clauses de rendez-vous dans les domaines du statut des gares et du traitement de la dette ferroviaire.

Souvenons-nous que, lors de nos débats le président Guillaume Pepy a indiqué que, sur 3,5 milliards d'euros d'endettement, un milliard et demi représente le remboursement de la dette des engagements passés, et un autre milliard et demi le déficit courant. Il a annoncé que la SNCF s'engageait à ramener ce milliard et demi à zéro par 3 fois 500 millions d'économies : un tiers grâce à des économies dans la branche infrastructures, un tiers dans la branche commerciale, un tiers en « cadeau de l'État », celui-ci n'ayant plus d'impôts à prélever sur un système déficitaire. En contrepartie de ce cadeau, l'État devait s'engager à reprendre une partie de la dette, comme dans le modèle allemand.

Le bilan de la réforme est ambivalent, en ce qu'il présente des sujets de satisfaction, mais aussi des sujets d'insatisfaction, voire d'inquiétude certaine.

Au titre des satisfactions, je citerai la publication de la quasi-totalité des décrets, la réorganisation du groupe ferroviaire, qui est effective depuis le 1er janvier 2015, et le cadre social, qui a été posé.

L'unification du groupe a constitué une démarche très complexe, car la mise en place des trois EPIC était difficile. Le délai du 1er juillet 2015 a été tenu, et il faut saluer une performance managériale remarquable, car 50 000 cheminots relevant de SNCF Mobilités ont été transférés à SNCF Réseau, avec une continuité contractuelle prévue par la loi.

D'importants gains de productivité ont été réalisés : 680 millions d'euros ont été annoncés pour 2015.

L'affirmation du rôle du régulateur est une bonne chose pour la transparence et la correction des incohérences du système ferroviaire ; le rapport salue d'ailleurs le travail de l'autorité de régulation, qui s'est pleinement approprié ses nouveaux pouvoirs et ses nouvelles missions. Toutefois, nous constatons un manque de moyens humains et financiers ; on ne saurait disposer d'organismes indépendants s'ils sont en permanence contraints à des efforts de réduction de dépenses.

Enfin, le retour au droit commun des conditions de travail des cheminots constitue, lui aussi, un point très positif.

Au titre des motifs d'inquiétude figure en premier lieu la réforme sociale qui reste à traiter : quand bien même le cadre a été fixé, le statut des cheminots est figé alors qu'il devait évoluer. Nous ne pouvons que déplorer cette situation, qui fragilisera le groupe lors de l'entrée dans la concurrence.

Il y a encore lieu de s'inquiéter de signes annonciateurs de déconstruction de la réforme : l'État ne se comporte pas en stratège dans ses choix, s'écartant du rôle que la loi lui a assigné, qui est de planifier à nouveau ses engagements en contrepartie des efforts consentis. A contrario, on assiste à une fuite en avant dans les investissements ; l'État est ainsi tenté de contourner par la loi la règle d'or devant garantir la maîtrise de l'endettement du système ferroviaire. C'est le cas pour le projet Charles-de-Gaulle Express, où tout recommence comme avant. C'est aussi le cas pour la reprise des réseaux déficitaires : la ligne Perpignan-Figueras, mal configurée au départ, en est un exemple flagrant.

Enfin, la réflexion sur la dette n'a pas évolué. Son montant s'élève aujourd'hui à 40 milliards d'euros, et l'on annonce sans sourciller qu'il serait possible de continuer ainsi jusqu'à 70 milliards d'euros pour financer les investissements de demain – tout cela sans s'interroger sur les conséquences sur le fonctionnement de nos EPIC ni de qui paiera.

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Le rapport que nous présentons aujourd'hui est ambitieux ; de façon quelque peu hétérodoxe pour une évaluation, il ouvre des perspectives sur ce qu'il faudrait encore réformer pour aboutir à un système ferroviaire parfaitement assuré de son avenir dans notre époque.

Nous avons tendance à penser le système ferroviaire comme dans les années 1960, 1970 ou 1980. Ce mode de transport connaît des contraintes particulières, est très intense en capital et très coûteux. Il ne parvient à s'équilibrer qu'en remplissant ses trains, sans bénéficier de la souplesse des autres modes de transport : celle de l'avion, dont les coûts d'infrastructure, en comparaison, sont faibles, ou celle de la route, dont les frais d'infrastructure sont intégralement financés par le contribuable.

La question de l'avenir du transport ferroviaire est posée dans un environnement profondément bouleversé, très urbanisé par rapport à la fin du XIXème siècle, époque à laquelle le réseau a été conçu : à l'usage du fret tout d'abord, puis pour les passagers en congés payés. Aujourd'hui, tout le monde possède une automobile, et la question de la pertinence du train et de sa vocation est posée, quand bien même chacun voudrait qu'il desserve son village. Ce qui importe, c'est de savoir où et comment rendre le meilleur service au plus grand nombre d'usagers. C'est là la question du service public.

Le monde du transport a été fracassé en très peu de temps, et aujourd'hui seuls les cheminots croient détenir un monopole, alors qu'ils sont soumis à la concurrence des vols low cost. Lorsqu'il s'agit de parcourir 500 ou 600 kilomètres, un vol low cost est souvent moins cher et plus rapide. Ainsi, la construction d'une ligne TGV Bordeaux-Madrid serait-elle très coûteuse : il faudrait franchir la montagne, alors que le vol low cost coûte entre 30 et 100 euros.

Existe aussi BlaBlaCar, dont le trajet moyen représente 300 kilomètres, et qui participe de l'économie collaborative : cela revient à dire qu'aujourd'hui l'usager se défend des « offreurs ». Or, depuis toujours, l'offre de transport ferroviaire a été conçue soit par les ingénieurs, soit par les politiques. Mais l'usager, résilient, contourne cette espèce de déterminisme de l'offre en exprimant de nouveaux besoins.

Ces nouveaux besoins sont invasifs et constituent une nouvelle concurrence : encore une fois, seul le cheminot pense être en situation de monopole. Les concurrences sont redoutables, et l'économie de nos systèmes ferroviaires s'est d'ailleurs considérablement dégradée. Elle n'a fonctionné qu'au prix d'un endettement mis sous le tapis de façon permanente, en mettant en place des projets caractérisés par des contraintes nouvelles : augmentation faramineuse des coûts de construction des nouvelles lignes, intolérance des usagers aux tarifs.

Aujourd'hui les usagers du train express régional (TER) se plaignent des tarifs alors qu'ils acquittent 28 % du coût réel de la prestation : ils sont tous convaincus que c'est trop cher ! S'il fallait répercuter sur l'usager de la ligne Bordeaux-Paris le coût réel, le prix de l'aller simple atteindrait 200 euros. Aussi le système est-il subventionné, et cela coûte 14 milliards d'euros par an. Certes, dans cette somme figurent 4 milliards d'euros au titre du régime de retraite et du régime social. Les cheminots se plaignent beaucoup, mais aucune régulation budgétaire n'est intervenue, ni sous le Gouvernement actuel ni sous les Gouvernements précédents. On objectera qu'il s'agit du service public, mais les budgets publics n'en sont pas moins toujours contraints.

Le système est donc très subventionné et, à mes yeux, souffre aujourd'hui de deux très grands problèmes.

Le premier, j'y insiste, est l'inconséquence de l'État dans ses programmes d'investissement, qui sont dictés par des influences politiques et non par l'intérêt de l'usager – cela au plus haut niveau et depuis longtemps. (Applaudissements sur les bancs des députés Les Républicains et murmures)

Le programme « tout-TGV » a mis à plat le réseau classique : 4 000 kilomètres de lignes structurantes ont été ainsi été ralentis par le programme tout-TGV commandé par messieurs Bussereau et Borloo. L'abandon du réseau classique rend, à chaque jour qui passe, plus chère la régénération. Aujourd'hui, même si des orientations budgétaires non négligeables ont été prises en faveur de la régénération, de l'entretien et de la maintenance, nous demeurons dans une indécision qui fait que, bien que disposant d'un très grand réseau, nous n'avons pas de programme pluriannuel public débattu.

Aussi est-ce, un matin, tel ou tel politique qui décide que l'on fera telle ou telle ligne. Et la SNCF, dont le corps social est ultra-conservateur et conflictuel, éprouve les plus grandes difficultés à mobiliser celui-ci pour améliorer la productivité interne.

C'est là le second problème que je souhaite évoquer. Lorsque l'on enjoint à la SNCF de réaliser des gains de productivité interne en travaillant plus, et que l'on fait rouler sur des lignes classiques des TGV, qui coûtent 200 % plus cher que partout en Europe et dont les coûts d'exploitation sont de 30 % supérieurs à ceux des trains Intercités, comment voudrait-on mobiliser le corps social ?

Notre rapport n'est pas dans l'air du temps, mais j'ai tenu à ce qu'il soit objectif et honore l'Assemblée nationale dans sa capacité à éclairer l'avenir du système ferroviaire, y compris en ne tenant pas compte de la conjoncture précise, et des influences des uns et des autres pesant sur lui. (Applaudissements sur de nombreux bancs)

Quelles sont nos recommandations ?

La première est de préparer l'arrivée de la concurrence sur le réseau, car nous n'avons pas le choix : le 1er janvier 2020, les TGV y seront soumis ; le 1er janvier 2023 ce seront les autres trains intérieurs, TER et trains d'équilibre du territoire (TET).

La France n'a pas résisté à la tentation : je suis allé à Bruxelles, où j'ai constaté qu'elle s'y montrait favorable à la mise en concurrence devant le Conseil européen, pour y être défavorable dès que le ministre avait franchi le Quiévrain… Nous avons toujours été pour la concurrence, parce que nous sommes Européens et créons l'Europe du rail, et que nous représentons un très grand acteur de la concurrence à l'étranger.

La SNCF est partout : en Grande-Bretagne, en Allemagne, mais des compagnies ferroviaires françaises très brillantes, comme Transdev ou la RATP, opérateurs de transport à l'étranger, sont interdites de train chez nous ! Notre pays dispose dans le domaine du transport d'un très grand potentiel de développement, pour peu qu'il ne s'égare pas dans des replis nationaux désuets. Une grande partie du monde s'éveille au transport, nous sommes forts dans le domaine aérien, dans le domaine automobile, ainsi que dans le ferroviaire, secteur très compliqué qui comporte beaucoup d'ingénierie ; nous ne devons pas avoir peur car, sinon, les Chinois prendront la place.

La concurrence arrive, nous devons nous y adapter. Ne répétons pas les erreurs commises pour le fret, alors que nous avons commis des textes de loi furtifs sans négocier en amont les conditions sociales, et que nous atteignions en 2000 de 57 millions de tonnes-kilomètre. Aujourd'hui, après cinq plans de relance du fret qui ont coûté des milliards, nous n'avons plus que de 34 millions de tonnes-kilomètre, parce que nous n'avons pas construit les infrastructures nécessaires, que nous avons abandonné le wagon isolé et que nous avons négligé de passer une convention collective. Dans la crise du fret, la plus importante est celle qui concerne le fret SNCF, « biberonné » par l'entreprise et qui commence à rencontrer des difficultés avec ses concurrents, lesquels ont formé des recours à l'encontre de cette pratique devant l'Autorité de la concurrence ou à Bruxelles.

Ainsi le constat est-il le suivant : un trafic ralenti sur 4 000 kilomètres de voies, une régénération qui prendra quinze à vingt ans, un rapport sénatorial préconisant, tous bords politiques confondus, un moratoire sur les nouvelles lignes à grande vitesse pendant au moins quinze ans afin de pouvoir remettre en état le système ferroviaire.

Nous proposons donc, en premier lieu, d'autoriser les expérimentations en région, et, en second lieu, que, préalablement à toute expérimentation, le cadre social des transferts de personnel soit négocié. Chacun connaît les transports collectifs urbains : lorsque l'on change de délégataire de service public, les personnels sont repris par le nouveau prestataire ; or rien de tel n'est prévu actuellement pour les chemins de fer.

La négociation doit avoir lieu avant le transfert. C'est difficile, car il y a un gap social et un certain nombre de cheminots pourraient préférer rester à la SNCF, si bien que l'entreprise sombrerait. Il faut cependant souligner que la SNCF a beaucoup évolué au sujet de la concurrence, car elle se rend compte qu'elle a besoin d'un aiguillon pour se comparer et mettre en oeuvre une meilleure productivité.

Il n'y a pas de fatalité à ce que les coûts des chemins de fer français soient 30 % plus élevés, en exploitation comme en travaux, que ceux de l'ensemble des autres systèmes ferroviaires, et ce indépendamment de la sécurité de l'emploi, car nombre de ces systèmes sont également régis par des statuts. Ce surcoût pèse sur l'usager ou sur le contribuable, car il y a toujours une victime de ces situations. Mais il n'y a pas de fatalité : nous devons renouer avec la productivité, et je reconnais qu'un effort considérable a été fourni par les cheminots, dont les effectifs n'ont cessé de baisser sans que les trains cessent de rouler.

La plus grande carence a surtout porté sur les choix et les investissements de l'État, singulièrement sur l'état du réseau, qui est calamiteux, bien au-delà de ce que nous pensions, tandis que nous avons construit un deuxième réseau, dont je ne nie pas l'utilité, mais qui coûte très cher et dont le coût kilométrique est en constante augmentation. C'est l'un des plus chers du monde en termes de coûts.

La question posée à notre politique ferroviaire est de savoir si nous fonctionnons uniquement avec un réseau TGV, ce qui reviendrait à abandonner de nombreux territoires, ou si, au contraire, nous choisissons le rééquilibrage. Un virage extrêmement sensible a été pris par ce Gouvernement, mais les priorités n'apparaissent pas encore clairement, car elles sont insuffisamment ciblées. C'est pourquoi nous pensons qu'il faut établir une programmation prévisionnelle des investissements ferroviaires ; les Gouvernements doivent avoir le courage de dire ce qu'ils prévoient de faire à terme de dix ans, avec d'éventuelles révisions trisannuelles, en l'affichant très clairement.

Un député. On peut dire cela quand les TGV arrivent à Bordeaux mais qu'ils ne vont pas au-delà…

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On ne peut attendre de la SNCF des performances si celles-ci ne sont pas liées à des choix politiques stables, transparents, raisonnables et, qui plus est, financés. Aujourd'hui, rien de tout cela n'est garanti, et je pense que notre collègue Philippe Duron interviendra pour évoquer la situation de l'Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF). Cela signifie qu'il faudra modifier la loi du 30 décembre 1982 d'orientation des transports intérieurs, dite « LOTI », qui continue d'asseoir le monopole de la SNCF en France. En tout état de cause, sa modification est rendue nécessaire par l'ouverture du marché à la concurrence en 2020 ; nous devons anticiper afin de ne pas renouveler la catastrophe de l'ouverture du fret à la concurrence pour le transport de voyageurs.

Nous considérons qu'il nous revient de nous y préparer, laisser l'initiative de l'expérimentation aux régions, qui doivent bénéficier d'un appui dans le domaine de l'ingénierie – j'ai bien entendu M. Christian Estrosi, ainsi que d'autres à droite comme à gauche, mais cela ne s'improvise pas. De fait, ouvrir la concurrence dans le secteur ferroviaire est tout différent du secteur automobile : il faut connaître les normes techniques et ne pas se laisser abuser sur les coûts. Il s'agit d'une industrie lourde, dans laquelle la roue est toujours dépendante du rail. Il n'est pas possible d'ouvrir la concurrence sans disposer d'une parfaite connaissance des normes du réseau afin d'apporter les bonnes réponses ; c'est pourquoi nous demandons la création d'une cellule nationale de soutien à l'ingénierie pour les régions souhaitant expérimenter.

À l'échelon national, nous disposons d'ingénieurs qualifiés pour ce travail, ce qui n'est pas le cas à l'échelon régional ; au risque de ne pas être très populaire auprès des présidents de conseil régional, je considère que les régions n'ont pas la capacité d'établir un cahier des charges aussi technique, et surtout de ne pas se faire abuser par des répondants.

Par ailleurs, le chemin de fer suppose des financements publics incompressibles et élevés, et il convient, dans le domaine de l'infrastructure particulièrement, de se garder du mirage des partenariats public-privé (PPP). En effet, ce système permet de mobiliser de l'argent dont on ne dispose pas aujourd'hui, mais qui finit toujours par être remboursé par de l'argent public, car le seul investissement financier susceptible de connaître un remboursement intergénérationnel est la dépense publique. Les scandales de Suez, de Panama et d'Eurotunnel sont présents à tous les esprits : on a vendu à des gens l'illusion qu'une infrastructure séculaire pouvait être amortie pendant la durée de vie d'un petit porteur. Bien évidemment, ils ont tous été ruinés, car Eurotunnel ne commencera – peut-être – à être très rentable qu'après quatre-vingts ans de service.

Les lignes ferroviaires nécessitent donc un niveau très important de financements publics : pour la maintenance et l'entretien, mais aussi pour l'investissement. C'est pourquoi nous considérons qu'il faut absolument stabiliser les recettes de l'AFITF, et sur ce point nous nous sommes en désaccord avec la Cour des comptes qui considère que le financement de l'Agence est contraire au principe d'universalité de l'impôt, ce que nous pouvons cependant entendre.

Toutefois, notre système ferroviaire est soumis à ce que j'appelle l'aléa politique, qui fait que l'on change constamment de priorité, que l'on va de réforme en contre-réforme, que l'on cède à la moindre pression d'un président de conseil régional ou élu local, en promettant un TGV à une ville moyenne. Si les fonds publics ne sont pas cantonnés afin de gérer les infrastructures, le système risque de s'effondrer. À cet égard, je considère que l'AFITF a procédé d'une bonne réforme, et il convient qu'elle dispose désormais d'une recette pérenne.

Nous proposons en outre la création, avec ou sans portiques, d'une Eurovignette, recette écologique pour les transports ; nous considérons par ailleurs que son produit devrait être partagé entre l'AFITF et les régions, car celles-ci doivent être responsables de leurs infrastructures. Je n'oublie pas que la Bretagne considère que les nids-de-poule sont gratuits chez elle, et qu'elle n'avait donc pas besoin d'écotaxe. Si les routes bretonnes ne se dégradent pas, ou si leur remise en état est gratuite, tant mieux pour les Bretons, qui n'auront pas besoin de mettre en place la recette. Mais si d'aventure cela doit coûter, ils institueront l'écotaxe en pleine responsabilité… Je suis pour une fiscalité responsable : on ne peut sempiternellement « refiler le bébé » à l'État ou à d'autres.

Plusieurs députés Les Républicains. De toute façon, il y a déjà les portiques ! (Rires)

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S'agissant de l'évolution du groupe SNCF lui-même, nous formulons trois propositions.

Premièrement, filialiser Fret SNCF, ce qui, par la force des choses, devrait être réalisé rapidement, faute de quoi cet EPIC fera subir au groupe tout entier des pénalités très importantes. Fret SNCF a les moyens d'être compétitif, un redressement est d'ailleurs amorcé. Cette filialisation passerait par la création d'une société anonyme (SA) publique à 100 %.

Deuxièmement, filialiser à terme SNCF Mobilités en en faisant une SA, elle aussi publique à 100 %. En effet, la SNCF doit être dotée d'un vrai conseil d'administration : ce n'est pas qu'elle en ait un faux, mais il s'agit d'un conseil d'administration d'EPIC, comprenant des hauts fonctionnaires astreints au devoir de réserve et qui, de fait, ne peuvent pas délibérer des affaires courantes, faute de consignes de leur ministre ou faute d'être autorisés à exprimer une opinion personnelle.

Par ailleurs, l'industrie n'y est pas présente ; en dernière analyse, il s'agit d'un face-à-face entre les syndicats, la direction et quelques personnalités extérieures, relativement sous-informées. Or, je considère que, pour ce qui regarde SNCF Mobilités, il faut une entreprise publique, chargée d'une mission de service public, sous contrôle de l'État et des régions. Elle doit toutefois avoir la flexibilité et la rapidité de réaction d'une entreprise confrontée à toutes les concurrences, y compris intermodales.

L'évocation d'une SA publique à 100 % a fait monter les syndicats au créneau, ceux-ci oublient un peu vite que c'est ainsi que le Front populaire a créé la SNCF, elle n'avait pas la structure d'un EPIC à l'époque ; nationalisée, elle était publique à 100 % ! Il est curieux de voir les syndicats renier ainsi leur passé, mais ils comprendront très vite l'intérêt de cette transformation.

Telles sont les modifications que nous proposons pour que le groupe soit plus mobile et efficace sur le plan interne.

S'agissant des gares, nous proposons de les filialiser de façon autonome auprès de SNCF Réseau. Elles constituent un élément de l'infrastructure, qui doit garantir une totale indépendance afin d'accueillir de nouveaux entrants. Aussi imagine-t-on mal qu'elles puissent demeurer dans le giron de SNCF Mobilités le jour où la Deutsche Bahn (DB) ou l'une de ses filiales, par exemple, arrivera : il ne sera pas concevable de dire : « tel quai n'est pas libre » ou « vous ne pouvez pas installer votre guichet ici »… Ce serait fort mal vu par l'Europe, et ne manquerait pas d'être source de contentieux.

La SNCF, certes, préférerait la création d'un quatrième EPIC, mais la filialisation que nous proposons permettrait une unification patrimoniale. Aujourd'hui, une partie de ce patrimoine appartient à SNCF Réseau, l'autre à SNCF Mobilités, ce qui est souvent très complexe pour les élus locaux et les opérateurs lorsque la gare et le quai relèvent d'entités différentes. Je rappelle que M. Frédéric Cuvillier partageait, à l'époque, l'idée de cette filialisation.

Les régions pourraient alors être intéressées par la dévolution de certains éléments du réseau : il existera peut-être un réseau régional et des gares régionales. En tout état de cause, il importe de conserver la péréquation existant aujourd'hui entre les gares qui rapportent de l'argent et celles qui en perdent.

Le rapport consacre également un chapitre à l'industrie ferroviaire, qui suscitera probablement des réactions. Aujourd'hui, une grande partie de notre industrie ferroviaire est déterminée, non par les usagers, mais par les trains produits. Or la gamme est pauvre, puisque deux modèles de train seulement sont fabriqués : les TER Régiolis, et les TGV — la « Rolls ». Cela nous conduit à acheter à l'étranger nos trains Intercités, qui coûtent 11 millions d'euros et roulent à 250 kilomètres à l'heure. Sinon, nous recourrons au TGV qui coûte 30 millions d'euros par rame, en le limitant à 200 kilomètres à l'heure.

C'est la démarche qui a été adoptée afin de faire fonctionner notre industrie, ce qui n'est pas illégitime, mais ne doit pas se constituer en rente de situation : nos rames de TER sont plus chères que celles qui ont été mises en concurrence. Au cours des vingt-cinq dernières années, que j'appellerai les « vingt-cinq glorieuses », notre industrie a profité de ce système : toutes les villes se sont équipées en tramways, ce qui a fait travailler Alstom. Toutes les régions se sont équipées en TER fabriqués par Alstom ou Bombardier, sur la base de contrats à échéance de dix ans. De son côté le « tout-TGV » a conduit à acheter beaucoup de rames de ce modèle.

Aujourd'hui, Alstom connaît une incontestable baisse de charge ; cette entreprise doit désormais trouver des contrats à l'étranger, où elle connaît de beaux succès, car il ne s'agit pas que d'industrie ferroviaire. Elle doit aussi être incitée à fabriquer des trains correspondant aux besoins de nos usagers. Or il n'a jamais été envisagé de renouveler notre réseau de circulation à 250 kilomètres à l'heure, ce qui coûterait infiniment moins cher que les lignes TGV. Ainsi, pour la liaison entre Bordeaux et la frontière espagnole, seulement huit minutes seraient-elles perdues par rapport à une ligne à grande vitesse (LGV), tandis que des milliards d'euros seraient économisés.

La situation actuelle est absurde : nous ne vendons nos TGV qu'à la France, car aucun autre pays n'en achète ! C'est comme si l'on avait intimé à Air France l'ordre de n'acheter que des Concorde.

Les relations avec notre industrie doivent être normalisées ; nous ne pouvons faire ce que tous ont fait en pipant éternellement les marchés publics. À cet égard, il me semble que lorsque les régions, confrontées à des usagers peu désireux d'acquitter le prix réel, seront propriétaires de leur matériel, elles y regarderont à deux fois.

L'industrie ferroviaire ne doit pas être celle qui fait l'offre : elle doit s'adapter aux besoins des usagers.

Enfin, il faut conserver à l'esprit que la SNCF, elle, conduit une stratégie, même si celle-ci est obscure, singulièrement dans le domaine des comptes – et je ne souhaite pas que nous en restions là.

La première des stratégies possibles consiste en la transformation en groupe multimodal, et la SNCF a raison de privilégier cette orientation, car elle souhaite, dans un contexte mouvant, conserver sa clientèle. La seconde stratégie – que j'appellerai celle du Titanic, puisque l'EPIC, en proie à des conservatismes sociaux radicaux, se veut immuable – consiste à doubler l'EPIC de filiales. Si l'EPIC venait à sombrer, le paquebot serait alors sauvé par ses canots de sauvetage, c'est-à-dire les filiales.

Si la SNCF ne craint pas la concurrence ferroviaire, c'est probablement parce que l'entreprise susceptible de lui prendre le plus de parts de marché sera sa propre filiale Keolis. Paralysée par son statut d'EPIC, la SNCF a en effet multiplié les filiales : Sferis, qui opère à moindre coût dans le secteur des travaux ; Voies ferrées locales et industrielles (VFLI) pour le fret, dont le chiffre d'affaires est en croissance constante.

Il ne faut donc pas laisser l'EPIC mourir, même si le propos n'est guère populaire, mais il doit se réformer, et l'ensemble des propositions que nous formulons aujourd'hui constitue des pistes de réforme de la SNCF. (Applaudissements sur de nombreux bancs)

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Il me semble que nous sommes réunis ce matin pour entendre un rapport de la mission d'information sur l'application de la loi du 4 août 2014 portant réforme ferroviaire. Si je rappelle ce titre, c'est qu'en écoutant M. Gilles Savary je me suis demandé si nous ne nous étions pas trompés de sujet.

En revanche, je remercie M. Bertrand Pancher pour avoir souligné combien cette loi, que nous avons adoptée à une large majorité a porté ses fruits, a été opportune et efficace. Elle constituait une étape : c'est ainsi qu'avec M. Gilles Savary, alors rapporteur, nous l'avions considérée. Il s'agissait de prendre les mesures d'urgence afin d'adapter notre service public à l'ouverture à la concurrence des marchés ferroviaires européens, telle que prévue dans le calendrier comme dans les textes.

Cette réforme a été appliquée, et je rappelle qu'elle a fait l'objet d'un ample débat, particulièrement sur les aspects sociaux, alors que d'aucuns considéraient qu'elle ne répondrait pas aux impératifs de la mise en concurrence. D'autres redoutaient la remise en cause du statut des cheminots ; à cet égard, je rappelle que le groupe socialiste s'est prononcé très fermement en faveur de la préservation du statut ainsi que du mode de fonctionnement managérial de la SNCF. Je le dis avec force : nous avons su passer ce cap, tout en conservant l'ensemble des acquis.

Depuis le 1er janvier 2015, la réorganisation du groupe en trois EPIC est effective, les instances de concertation se sont réunies, et, non sans quelques difficultés, la négociation sociale a abouti le 21 juin dernier.

Cette réforme a été source de progrès : gains de productivité, plus-value en matière de transparence et de correction des incohérences du système ferroviaire. En revanche, un outil prévu par la loi manque encore, car les contrats de performance devant être passés entre la SNCF et l'État ne sont toujours pas signés. C'est sans nul doute ce qui manque le plus aujourd'hui pour pouvoir se tourner vers l'avenir, comme vient de le faire M. Gilles Savary : disposer du document de référence et avoir le débat que nous avions souhaité au sein de l'Assemblée nationale.

L'ARAFER a bien été installée, et j'aurai l'occasion d'y revenir puisque, dans le cadre de l'examen du projet de loi de finances pour 2017, j'ai entendu son président hier. Une nouvelle étape doit être franchie afin de garantir l'indépendance du gestionnaire d'infrastructure, rétablir l'équilibre financier du système, renforcer la compétitivité du rail.

Je souhaiterais maintenant évoquer quelques points très précis.

Vous avez évoqué, messieurs les rapporteurs, la nécessaire mise en conformité de notre droit avec les dispositions du quatrième paquet ferroviaire : pourriez-vous apporter quelques précisions à ce sujet ?

La transformation de SNCF Mobilités en société anonyme constitue-t-elle la seule forme juridique que vous avez envisagée ? D'autres formes juridiques sont-elles envisageables ?

S'agissant du parachèvement de la régionalisation du ferroviaire, dont nous sommes encore loin car beaucoup de négociations avec les régions sont encore en cours, serait-il possible d'aller plus loin dans le transfert des compétences, en imaginant le transfert d'une partie du réseau ? La question est posée avec de plus en plus d'insistance.

Vous avez évoqué la nécessiter de créer un outil pour les gares, par le truchement d'un EPIC. Quel calendrier vous paraît-il souhaitable ? Les gares sont en effet devenues des aménagements urbains à part entière, des projets économiques ; c'est une dimension qu'il convient d'intégrer dans la zone urbaine, et l'outil juridique à créer doit répondre à cette exigence.

Vous avez encore mentionné l'impératif de mettre en adéquation la commande publique avec l'attente des usagers, et la création d'un outil particulier pour les trains de proximité sera nécessaire. Ce sujet ne manquera pas de s'inscrire dans un débat beaucoup plus large : le tout-TGV ayant fait la preuve de ses limites, il est temps de créer une véritable filière ferroviaire.

La question de la règle d'or reviendra au cours du débat budgétaire. C'est elle qui pèse le plus sur notre système, et nous devons agir avec détermination, car nous ne saurions ignorer plus avant l'endettement considérable de la SNCF. Dans ce contexte, avez-vous réfléchi à de nouveaux moyens de financement ? Quels moyens pourraient-ils être mis en oeuvre pour éviter de nouveaux contournements de la règle d'or ?

Il faut réaffirmer que cette loi est venue au bon moment, elle a été indispensable au passage d'un cap ; elle ne représente toutefois qu'une étape, et le débat devra à nouveau être engagé à l'avenir.

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Je tiens à remercier les rapporteurs pour le travail considérable qu'ils ont fourni sur ce sujet d'une grande complexité.

En écoutant notre collègue Gilles Savary, j'avais l'impression d'entendre à nouveau M. Martial Saddier dans l'hémicycle lors de la discussion de cette loi que nous avons tant critiquée, et que nous n'avons pas votée, la majorité ne nous ayant pas écoutés. Toutefois, chacun peut faire son chemin de Damas et il me semble que les derniers convertis font souvent les meilleurs croyants. (Sourires)

Je constate, messieurs les rapporteurs, que vous avez posé les bonnes questions au terme de vos interventions respectives. Vous avez ainsi évoqué la dette, les subventions, le manque de cohérence de l'État, le low cost, etc. Malheureusement, on ne retrouve pas ces éléments dans le corps du rapport.

Je pense par ailleurs qu'il faut cesser de s'excuser d'avoir eu raison au bon moment : aujourd'hui, le TGV demeure un outil exceptionnel d'aménagement du territoire en France. Les autres pays nous envient cet équipement ; chez nos amis allemands, sur lesquels nous prenons tant d'exemples, il faut six à sept heures pour rallier la capitale à partir de la vallée du Rhin. Or, en France, en trois ou quatre heures, on peut franchir de grandes distances. Le TGV a bien fonctionné, il n'y a pas lieu de l'opposer au TER, et il serait malvenu de lui faire porter les défauts actuels de notre système ferroviaire ; il a davantage constitué un moyen de développement économique pour bien des régions qu'il n'a créé de la dette.

Le groupe Les Républicains partage nombre des questions que vous avez posées. À ce titre, il déplore d'avoir été écarté au moment de la constitution de la mission d'information, dont nous avions souhaité faire partie. C'est d'autant plus regrettable que, sur de tels sujets, un consensus peut au moins se dégager sur le constat.

Pour autant, la réforme ne règle en rien le problème de la dette, dont je rappelle qu'elle s'élève à 44 milliards d'euros et continue de se creuser d'un milliard et demi d'euros chaque année. Il était d'ailleurs prévu que le Gouvernement présente un rapport à ce sujet au Parlement deux ans après l'entrée en vigueur de la loi. On voit bien votre souci de faire progresser le dossier, mais vous n'en reportez pas moins sa solution à plus tard.

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Au nom du groupe Union des démocrates et indépendants, je tiens à remercier nos deux collègues pour la qualité de leur rapport. Je salue aussi leur franchise pédagogique sur un sujet d'une importance primordiale pour des millions de nos concitoyens usagers du rail, comme je le suis moi-même. M. Gilles Savary a véritablement jeté un pavé dans la mare.

Ce rapport a le mérite de dresser un constat constructif de l'application de la loi du 4 août 2014 portant réforme ferroviaire ; il formule un certain nombre de propositions qui sont en phase avec les attentes exprimées par tous.

J'aborderai tout d'abord la question de la règle d'or, non appliquée à ce jour, puis celle de la place des collectivités locales, et plus particulièrement des régions, dans le dispositif ferroviaire français.

La règle d'or devait constituer un garde-fou contre la dette, en garantissant une rentabilité satisfaisante des projets.

C'est avec raison que les rapporteurs ont intitulé la quatrième partie de leur rapport : « Révolution ou mirage ? » La dette de SNCF Réseau s'élevait à 40,8 milliards d'euros au 30 juin dernier, celle de SNCF Mobilités à 8,2 milliards ; le fardeau de l'endettement devient ainsi toujours plus lourd à porter pour notre système ferroviaire.

Force est de constater que, le décret d'application n'ayant toujours pas été pris, la règle d'or est inexistante aujourd'hui. Et l'État a choisi de la contourner en exonérant le premier grand projet d'infrastructure, qui devait y être soumis : la liaison ferroviaire Charles-de-Gaulle Express, projet que nous soutenons par ailleurs.

Après la loi du 4 août 2014, nous aurions besoin d'une « nuit du 4 août » abolissant le privilège d'investir sans savoir qui paiera, pour reprendre les propos de M. Bertrand Pancher, ou pour parer à l'inconséquence de l'État, pour reprendre ceux de M. Gilles Savary.

Ma question sera simple et provocatrice à la fois : l'État est-il réellement en mesure d'appliquer la règle d'or ? Les considérations liées à l'intérêt général que revêt un grand projet d'infrastructure en termes d'aménagement du territoire et de service rendu à la population, et, si possible à beaucoup de nos concitoyens, ne peuvent-elles parfois être supérieures à celles portant sur sa seule rentabilité ?

C'est en tout cas ce que nombre de responsables politiques peuvent être tentés de penser, à l'heure où des choix stratégiques doivent être opérés. Même si nous sommes convaincus que cette règle d'or est une nécessité au regard de la dette et de notre responsabilité vis-à-vis des générations futures. Après le travail que vous avez mené, je souhaiterais donc connaître votre sentiment à ce sujet.

La régionalisation ferroviaire, que les rapporteurs proposent de parachever, constitue un sujet très sensible dans toutes les collectivités. Nous avons tous conscience que les relations sont très tendues — et c'est un doux euphémisme — entre nos régions et la SNCF dans les négociations conduites au sujet des conventions portant sur le TER. La dernière en date est le bras de fer engagé entre la région Provence-Alpes-Côte-d'Azur (PACA) et la SNCF, le président du conseil régional ayant annoncé la rupture des négociations.

Dans ma propre région, les Hauts-de-France, je constate que le dialogue est souvent particulièrement musclé. Les élus régionaux se font ainsi les relais légitimes d'usagers du rail exaspérés par des trains retardés ou annulés. Aussi, les clauses de régularité, assorties de sanctions financières en cas de non-respect des engagements, ont-elles fleuri dans les conventions TER au cours des dernières années.

La première chose à faire, pour parachever vraiment la régionalisation ferroviaire, serait à mes yeux d'assainir les relations entre les régions et la SNCF. Pour cela, des leviers politiques et financiers doivent être actionnés, comme les recettes dédiées ou la gestion des matériels de transport.

À la lumière des propositions qu'ils ont formulées au sujet de la régionalisation ferroviaire, je souhaiterais donc connaître l'avis de nos rapporteurs sur cette question des relations conflictuelles.

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Il ne me paraît pas utile de revenir sur les quatre points qui ont motivé la réforme de 2014 : les relations entre RFF et la SNCF ; l'absence de maîtrise des coûts ; le cadre social éclaté ; la préparation de notre système ferroviaire à l'entrée dans la concurrence.

L'objet de la loi du 4 août 2014 était de rassembler dans un même groupe SNCF Réseau et SNCF Mobilités, ce qui devait garantir une meilleure coordination entre ceux qui programment les travaux et ceux qui font circuler les trains. Il était ainsi question de mieux prendre en compte les besoins des usagers ainsi que les impératifs de circulation des trains.

J'ai rencontré quelques ingénieurs de la SNCF qui m'ont assuré que la chaîne de décision avait été raccourcie, mais surtout pour l'Île-de-France, pas encore pour les autres régions. Ce qui est attendu c'est une meilleure coordination des trains ainsi qu'une régularité et une ponctualité améliorées. Certes, la réforme ne date que de deux ans, et, au regard des problèmes évoqués, on ne peut pas, d'un coup de baguette magique, résoudre toutes les difficultés.

Au demeurant, une aggravation de la situation a été constatée, particulièrement pour les trains du quotidien : il faut avoir conscience de ce qui se passe ! Même si disposer de trains à grande vitesse constitue un confort, le TGV a été mis en place au détriment des trains du quotidien.

À cet égard, la présentation ex abrupto du programme d'investissement de la SNCF, sans information particulière, mais accompagné d'une carte imposée, constitue une provocation. Rien n'est prévu pour la ligne TER de la vallée de la Marne, rien n'est prévu pour la gare de Château-Thierry ; cela pose le problème de la méthode de gestion des trains du quotidien. C'est pourquoi je souscris à la proposition consistant à établir une programmation qui permette de prévoir les investissements et de les faire valider d'un point de vue politique. On ne peut pas continuer comme ça !

Le rapport ne souligne pas assez la nécessité que la SNCF et les autorités organisatrices travaillent davantage de concert au sujet des investissements, afin de prendre en compte les besoins des usagers dans leurs déplacements. Il faut raisonner sur chaque ligne dans son entier : il n'est pas concevable que plusieurs gestionnaires de réseau différents aient la responsabilité d'une même ligne.

Je ne reviendrai ni sur la dette, ni sur le contrat de performance entre l'État et la SNCF, ni sur la règle d'or. Les propositions des rapporteurs me semblent positives en ce qu'elles complètent la réforme, et si nous souhaitons que celle-ci aboutisse, nous devons, garder à l'esprit ce qu'écrivait Jean de La Fontaine dans la fable Le renard et le bouc : « En toute chose il faut considérer la fin. »

Je conclurai donc par cette simple question : comment vos propositions vont-elles être mises en oeuvre afin de donner toutes ses chances à cette réforme que nous voulons dans l'intérêt de nos concitoyens et du transport du quotidien ?

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Le travail qui nous est présenté n'est pas de complaisance, il honore cette fonction de contrôle qui est celle du Parlement, car il ne suffit pas de faire la loi, mais il faut aussi de veiller à sa bonne application. Par ailleurs, les propositions formulées peuvent permettre de rectifier le tir si nécessaire.

Si Milan Kundera a écrit L'Insoutenable légèreté de l'être, nos collègues se sont faits les Kundera du fer en évoquant l'insoutenable lourdeur de la dette… À cet égard, l'obsession est souvent de transformer le plomb en or, et voilà que depuis quelque temps c'est plutôt l'inverse qui se produit.

Ma question sera donc la suivante : à quoi sert-il de vouloir s'obstiner à réaliser de nouveaux tronçons, pour des gains de temps assez faibles, dans le cadre de projets de ligne à grande vitesse (LGV), alors que nous ne disposons pas des moyens de les financer ? Je prendrai pour exemple la ligne nouvelle Paris-Normandie, pour laquelle la SNCF souhaite construire un tronçon entre Yvetot et Rouen, malgré un gain de temps faible.

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Le 30 mars dernier, le patron de SNCF Réseau, M. Jacques Rapoport, a lancé au Sénat un véritable cri d'alarme au sujet de notre réseau ferré ; étant en fin de mandat, il a pu s'exprimer avec plus de liberté. Lors de son audition devant le Sénat, il a évoqué avec une vive inquiétude les quelque 20 000 à 25 000 kilomètres de lignes qui, pendant trente ans, n'ont pas bénéficié d'investissements de renouvellement.

Il a notamment rappelé que nos voies étaient en moyenne âgées de trente-trois ans, soit deux fois plus qu'en Allemagne. Cette situation, qui oblige nos trains à rouler au ralenti sur 4 000 kilomètres, nous fait, selon M. Jacques Rapoport, courir un risque permanent. La catastrophe de Brétigny en 2013 est présente dans toutes les mémoires et, récemment encore, l'émission Envoyé spécial soulignait un certain nombre de défauts de maintenance, susceptibles d'avoir des conséquences graves sur la sécurité des voyageurs.

Je souhaiterais donc savoir quel sera l'impact de la réforme ferroviaire sur cette importante question.

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Je souhaite remercier les rapporteurs pour leur travail ainsi que pour m'avoir accueilli à certaines de leurs auditions, qui étaient ouvertes à tous les membres de notre commission et auxquelles M. Jean-Marie Sermier aurait pu assister s'il avait été disponible… (Sourires)

Réformer est difficile, et réformer le ferroviaire l'est plus encore, car les Français sont attachés aux trains, aux lignes, aux services les plus modestes, mais aussi parce que les cheminots se pensent comme les garants du service public ferroviaire. Or le système ferroviaire est complexe et très lourd, il appelle une réforme s'inscrivant dans la durée.

À cet égard, la loi du 4 août 2014 représente un moment important dans la réorganisation et la réunification de ce système, car elle a renforcé l'outil SNCF. Au cours de la législature qui s'achève, le Gouvernement a mis en place des priorités, et il est faux de prétendre qu'il n'y ait pas de stratégie. Deux priorités ont été dégagées : le transport du quotidien ainsi que la sécurité, l'entretien et la régénération du réseau, pour lesquels les moyens mis en oeuvre ont été doublés.

Certes, comme toujours lorsqu'il s'agit de règle, il y a eu des exceptions, notamment pour la programmation de la nouvelle LGV Bordeaux-Toulouse, mais cette création avait été recommandée par la commission Mobilité 21, que j'ai présidée, dans son rapport remis au ministre des transports le 7 juin 2013. Il faut, en effet, conserver la maîtrise de la technologie, car Toulouse est une grande métropole, où le transfert modal est possible.

La question du modèle économique du ferroviaire n'a pas été abordée convenablement par la SNCF : c'est une maison d'ingénieurs qui fait de très beaux trains, les TGV, mais a négligé les autres. Elle a laissé en déshérence les autres systèmes, qu'il s'agisse des trains régionaux, qu'il a fallu transférer aux régions afin qu'elles apportent les compléments de financement, ou des TET, qui sont également confiés aux régions, ou des trains de nuit, qui sont en voie de disparition.

Le rapport met bien en évidence la question des coûts de production et de la productivité du système. Une occasion a été manquée lors de la négociation collective, le conflit déclenché par le projet de loi sur le travail lui ayant été en quelque sorte fatal. Toutefois, le besoin de polyvalence et de modernisation des méthodes de travail de la SNCF est patent.

S'agissant de l'investissement et de son financement, nous savons tous que le ferroviaire coûte infiniment plus cher que la route, mais s'amortit sur des durées bien plus longues, et il s'agit d'un service public. Il y a quelques années existait le schéma national d'infrastructures de transport (SNIT), représentant 175 projets, et quelque 245 milliards d'euros de financement à trouver. Cela s'est révélé impossible ; la commission Mobilité 21 a réduit le projet à 2,5 milliards d'euros d'investissements par an, portant, non sur le seul ferroviaire, mais sur l'ensemble des grands projets de l'État.

Or, aujourd'hui ces 2,5 milliards d'euros ne sont plus suffisants : ce sont 3 milliards d'euros qui sont nécessaires, et il est impérieux de trouver les recettes correspondantes, que ce soit par l'Eurovignette ou par la taxe intérieure sur la consommation des produits énergétiques (TICPE), dans le cadre de la convergence entre l'essence et le diesel.

Vous avez formulé une proposition, que la commission Mobilité 21 avait également évoquée, relative à la planification et à la programmation des infrastructures de transport. Ces infrastructures lourdes doivent être pensées à l'horizon de vingt ou trente ans, et priorisées dans le temps. Le système allemand bénéficie d'une planification à quinze ans et d'une programmation à cinq ans ; un tel système serait très efficace en France.

M. Gilles Savary a évoqué la question du chaînon manquant dans notre gamme de trains. Lors de la réflexion sur la réforme des TET, nous avions suggéré à Alstom de fournir à la SNCF des trains Pendolino, qui sont aujourd'hui sa propriété, en les fabriquant à Reichshoffen. Alstom avait considéré qu'il serait trop coûteux de transférer une ligne de production en France. Il n'empêche que le contrat emporté par Alstom aux États-Unis prévoit que 95 % du matériel roulant concerné sera construit outre-Atlantique.

Il y a ainsi des choses qui nous paraissent mystérieuses et inexplicables.

En tout état de cause, vous avez fait oeuvre utile, et j'espère que vos propositions inspireront le législateur.

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L'excellent rapport qui nous est présenté nous conduit à constater que l'assainissement financier durable de notre système ferroviaire n'est pas trouvé. La SNCF demeure asphyxiée par une dette abyssale de presque 41 milliards d'euros pour SNCF Réseau et de 8,1 milliards d'euros pour SNCF Mobilités.

La réforme du cadre social imposée au début du mois de juin dernier à la SNCF par le Gouvernement va très probablement faire empirer la situation. Cette réforme, destinée à réaliser des économies ainsi qu'à préparer l'ouverture du marché des transports de personnes à la fin de la décennie, va au contraire coûter plus cher du fait d'un certain nombre de concessions.

La question du statut des gares n'est pas réglée non plus. Elles devraient être des lieux de vie ouverts 24 heures sur 24, l'intermodalité faisant d'elles des lieux de consommation, ce qui pourrait permettre de créer des dynamiques commerciales dans nos territoires.

S'agissant de la règle d'or, d'aucuns affirment que c'est en raison de la loi du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques, dite « loi Macron », que son application est différée, du fait de l'attente de la prise d'un décret. Que pensez-vous de cette manoeuvre de l'exécutif, qui ne fait qu'aggraver la situation financière de notre pays ?

Ce Gouvernement n'a pas su donner à la SNCF les armes nécessaires pour affronter dans de bonnes conditions la concurrence qui va s'imposer à elle, c'est donc une nouvelle occasion manquée. Je retiens toutefois les propos de M. Gilles Savary, qui considère qu'il n'y a pas de fatalité à ce que tout coûte 30 % plus cher à la SNCF, que ce soit dans le domaine social ou pour les travaux.

Votre travail constitue donc une base pour une réforme à conduire au cours de la prochaine mandature.

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Étant à la fois actionnaire à 100 % de la SNCF et régulateur du marché ferroviaire, l'État intervient là où il ne devrait pas, et prend des décisions en l'absence de toute stratégie, ce que nous avons pu constater avec l'épisode Alstom.

Il en est de même lorsque le Gouvernement demande à SNCF Réseau d'investir 250 millions d'euros dans le projet Charles-de-Gaulle Express, ce qui contribuera à alourdir la dette du groupe. C'est d'autant plus singulier que, dans le même temps, l'État demande à l'entreprise de réduire sa dette.

Je souhaiterais avoir votre avis au sujet de la proposition de notre collègue Dominique Bussereau, qui suggère que toute son indépendance soit rendue à la SNCF, en supprimant l'EPIC de tête et en transformant SNCF Réseau et SNCF Mobilités en sociétés par actions simplifiées (SAS), dont l'État serait actionnaire.

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Je tiens à remercier les rapporteurs pour leur travail ainsi que pour leur passion, particulièrement celle exprimée par M. Gilles Savary qui a découvert que les choses n'étaient pas telles qu'il le pensait…

La loi du 4 août 2014 est passée à côté du problème de la dette, qui s'élève à 50 milliards d'euros, mais aussi de celui des investissements d'avenir, du rôle des régions, de la fin du monopole, du statut des gares, des conditions sociales du statut des cheminots, de la rénovation du fret, et même de la simplification de la gouvernance, puisqu'un EPIC est contourné et que l'État ne parvient pas à y tenir son rôle – situation assez symbolique au demeurant : n'en est-il pas capable, ou ne le veut-il pas ? Le fait que nous attendions toujours le décret d'application relatif à la règle d'or me fait pencher pour cette dernière réponse.

Dès lors, la seule question est de savoir si cette loi peut encore être considérée comme la solution aux exigences de l'économie ferroviaire et du service aux usagers, ou au contraire, dans la perspective d'une future réforme, comme le modèle de ce qu'il ne fallait pas faire.

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Je souhaite saluer le constat établi par les rapporteurs, mais je m'interroge : n'est-il pas trop tard ?

Il me semble que deux éléments, sur lesquels vous avez peu insisté, risquent de nous empêcher de revoir un jour la lumière : la dépréciation des actifs de SNCF Mobilités et SNCF Réseau, à raison de 4 milliards d'euros sur quatre ans pour les TGV et de plus de 9 milliards d'euros pour le réseau ; la dette, dont les taux sont certes historiquement bas, mais qui pourraient remonter après l'élection présidentielle américaine. Cela rend plus qu'urgente la refonte de la gouvernance du groupe SNCF que vous appelez de vos voeux.

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Je souhaite aborder le volet industrie et innovation, qui répond à votre recommandation relative à la capacité industrielle ferroviaire. Dans ce cadre, je voudrais connaître votre vision de l'industrie ferroviaire de demain, du train du futur.

Les enjeux sont au nombre de cinq. Le premier est la réduction des coûts, qui concerne le développement, l'homologation et la maintenance. Le second est la performance de l'exploitation, qui emporte la question de la capacité, de la fiabilité et de la robustesse du réseau et du matériel roulant. Le troisième est l'efficacité du cycle de développement, qui comprend le processus d'innovation et de conception. Le quatrième est l'empreinte environnementale et énergétique, qui met en jeu l'amélioration du contact entre pantographe et caténaire, la réduction du bruit et la capacité de recyclage du matériel roulant. Le cinquième est l'amélioration de l'expérience du voyageur, du point de vue de la qualité de la prestation fournie, du confort, de l'offre de service et de mobilité.

Par ailleurs, vous connaissez bien les instituts de recherche technologique (IRT), qui sont au nombre de huit sur le territoire national, et qui sont des creusets d'innovation. Je ne doute pas que vos travaux ont été l'occasion de vous pencher sur Railenium, l'institut de recherche technologique de l'industrie ferroviaire, situé en Hauts-de-France, première région ferroviaire de France en termes d'emploi et d'acteurs industriels.

L'IRT Railenium, lancé avec le concours de l'État, rassemble autour de lui les compétences de neuf centres de recherche, de dix-huit entreprises du secteur et de deux gestionnaires de réseau. Son rôle est de tester et de valider les technologies et solutions innovantes répondant aux cinq enjeux de la filière, notamment celles développées dans les compétitivités, tels que I-Trans, dédié à la filière ferroviaire. Comment intégrez-vous cet IRT et ce pôle de compétitivité dans vos recommandations ?

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Je souhaite évoquer les trains qui sont encore rangés sous le statut de trains d'équilibre du territoire, les fameux TET. L'un d'entre eux me tient particulièrement à coeur : le Cévenol, et particulièrement son tronçon Clermont-Nîmes. Je rappelle que ce train, qui traverse et désenclave tout le Massif central, participe activement à l'aménagement du territoire, circulant même là ou il n'y a pas de route.

Le rapport de la commission Mobilité 21 considère que les TET « constituent le maillon faible de nos services ferroviaires », et recommande que ces trains passent dans le giron des régions afin d'acquérir le statut de TER. Je le dis clairement : c'est un désengagement de l'État de la politique d'aménagement du territoire.

Nous savons tous que les régions sont au bout de leurs capacités financières, et qu'elles ne pourront pas assumer le coût de ces trains ; votre rapport le souligne d'ailleurs clairement. Vous ajoutez que, si la loi portant réforme ferroviaire a octroyé aux régions la liberté tarifaire ainsi qu'une forte représentation au sein du nouveau groupe public, celles-ci ne disposent pas encore de la plénitude de leurs prérogatives d'autorité organisatrice de transports (AOT). De ce fait, elles ne peuvent choisir librement ni leur exploitation, ni leur matériel ferroviaire.

Ma question est donc la suivante : quelles solutions précises et concrètes proposez-vous pour maintenir ces TET, notamment le Cévenol, indispensables à l'aménagement de notre territoire ?

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L'un des objectifs de la réforme ferroviaire était la réduction de la dette, or, au lieu d'avoir diminué de 1,5 milliard d'euros comme il était prévu, elle a augmenté de 3 milliards d'euros. On peut dire que, malheureusement, le compte n'y est pas.

S'agissant de l'ouverture à la concurrence, l'ancien président de l'autorité de régulation, comme bien des parlementaires de l'opposition, déplorait que la réforme de 2014 n'ait pas été l'occasion d'ouvrir le rail à la concurrence. Avec le recul, partagez-vous ce constat ?

Lors de l'examen du projet de loi portant réforme ferroviaire — vous connaissez mon aversion pour les comités Théodule —, je m'étais élevé contre la création du Haut Comité du système de transport ferroviaire (HCSTF), présenté comme un lieu de concertation sans davantage de précisions. Depuis son installation au mois de décembre 2015, quel a été le rôle et l'activité de ce comité ?

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Je partage l'avis de notre collègue Philippe Duron sur la question des financements, même si je ne suis pas de ceux qui brûlent aujourd'hui ce qu'ils ont adoré hier. Le TGV nous est envié dans nombre de pays : à chaque fois qu'ils réfléchissent à la création d'un train à grande vitesse, notamment en Suède, ces pays se trouvent confrontés à un problème de financement.

Certes, nous devons nous prononcer sur l'opportunité de prolonger certaines voies ou de multiplier les arrêts, mais la problématique générale du transport me semble plus liée à un problème de financement. À titre personnel, je déplore que nous soyons revenus sur l'écotaxe, dispositif qui avait fait l'unanimité en sa faveur sous la précédente législature. Je lis dans votre excellent rapport, qui a la qualité d'être indépendant, que vous évoquez une taxe régionalisée, pourriez-vous préciser votre pensée à ce sujet ?

Il me semble en effet que, si nous ne réglons pas une fois pour toutes la question du financement durable de l'AFITF, nous serons confrontés à une autre problématique que celle du TGV. Nous risquerions, par exemple, d'être incapables de financer un engagement de vingt ans pris par des gouvernements successifs pour réaliser un barreau de sept kilomètres reliant Roissy à Creil dans la région Hauts-de-France, ce qui permettrait de desservir Amiens par TGV et TER afin de la connecter à Roissy.

Voilà une conséquence très concrète de l'incapacité financière dans laquelle nous sommes, qui me paraît constituer le problème fondamental en dehors des réorganisations, qu'à juste titre, vous avez évoquées.

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Il est vrai que les rôles ont été quelque peu inversés entre les deux rapporteurs, puisque c'est M. Bertrand Pancher qui a dit tout le bien qu'il pensait de la réforme, sous réserve de certaines dispositions non encore appliquées, et que je préconise de la prolonger par des perspectives susceptibles de la consolider.

Je considère toutefois que la loi du 4 août 2014 constitue la réforme la plus importante depuis celle de 1936. Je le dis amicalement à notre collègue Jean-Marie Sermier : vos amis politiques ont conduit deux réformes, celle du 13 février 1997 et celle du 8 décembre 2009.

En 1997, il s'agissait de créer « optiquement » RFF à seule fin d'être en règle avec l'Europe, pour immédiatement vider cette création de sa substance. C'est un exemple unique en Europe : vous avez créé la confusion en faisant en sorte que ce soit la SNCF qui décide de l'accès au réseau, tandis que le gestionnaire supposé du réseau était dépossédé de ses compétences opérationnelles et réduit à une structure de cantonnement de la dette. Aujourd'hui vous réclamez la séparation absolue, et vous avez raison de dire que les plus fraîchement convertis sont les plus radicaux…

Par la suite, M. Dominique Bussereau a lancé une nouvelle réforme fin 2009 pour préparer l'ouverture à la concurrence du marché du fret au 1er janvier 2010, soit trois semaines après la promulgation de la loi. Cela explique en grande partie le fait que les choses ont été bâclées. Et, qui plus est, non seulement la SNCF continuait de décider des conditions d'accès au réseau, mais vous n'avez pas touché à la dette, que vous avez continué à cantonner à RFF.

Par deux lois, donc, dont une très récente, vous avez entretenu la même confusion, et vous nous dites aujourd'hui que notre réforme à nous n'est pas compatible avec la réglementation européenne, faute de séparation suffisante entre les deux établissements !

Je vous réponds clairement afin de vous rassurer : l'Europe est totalement d'accord avec notre réforme, qui est pleinement conforme aux règles du quatrième « paquet ferroviaire » récemment adopté, et qui est — vous avez raison de le souligner — très tardivement inspirée du modèle allemand, car nous avons décidé de conserver l'intégrité industrielle de la SNCF plutôt que de tuer la SNCF en la cassant en deux complètement.

Tel a été notre choix, et je vous le dis en toute amitié : je pense aujourd'hui que la proposition de M. Dominique Bussereau constitue une forme d'expiation tardive... Il entend casser la réforme par principe, puisqu'il est de rigueur, dans notre pays, de casser ce que les prédécesseurs ont fait plutôt que de le compléter, de le consolider ou de l'améliorer. Il ne s'agit que de laisser sa marque politique ; si la droite revient aux affaires, elle cassera, le cas échéant, le travail que nous accomplissons aujourd'hui.

Mon état d'esprit, quant à moi, est plutôt transgressif par rapport à la majorité à laquelle j'appartiens ; j'affirme que les choses sont incomplètes, et qu'il convient de les faire progresser. Je préfère réformer la réforme plutôt que de la tuer.

Nous allons assister à une très grande bagarre industrielle internationale dans le domaine des chemins de fer. Et, au moment où les Chinois se sont consolidés et commencent à arriver en Europe, je ne suis pas sûr que, pour des raisons purement idéologiques, il faille affaiblir notre système industriel, et en particulier la SNCF. Ce groupe a certes des défauts, mais il faut lui donner encore plus de qualités afin qu'il puisse faire face à ce défi et mette à profit l'ensemble de ses compétences, pour l'intérêt supérieur du pays ; il y va de notre responsabilité.

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S'il n'y avait pas eu les deux premières réformes, vous n'auriez pas fait la troisième…

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Je ne vous suis pas sur ce point : vos deux réformes étaient incompatibles avec la réglementation européenne, ce qui a rendu nécessaire cette troisième réforme. Il faut avoir l'honnêteté de se remettre en cause, ce que je fais avec ma propre majorité, et l'exercice n'est pas facile. Puisque vous sollicitez l'histoire, je vous la rappelle : la confusion, c'était vous ; la séparation, c'est nous, même si nous avons voulu préserver l'intégrité du groupe.

S'agissant de la règle d'or, je conçois qu'elle pose un problème, mais elle est simplement faite pour éviter que des choix inconsidérés continuent de pénaliser le système ferroviaire lui-même, qui a besoin d'être stabilisé sur le plan financier, car c'est lui qui devra « aller à la bagarre » – ce qui n'empêche pas les élus et les pouvoirs publics de prendre d'autres décisions, mais à condition d'avoir le courage de les faire financer par le contribuable.

Il est parfaitement légitime de décider que certains trains non rentables – et il faut qu'il y en ait – constituent une priorité nationale. Mais, pour ce faire, il convient de soulager le système ferroviaire, et la règle d'or, en théorie, est faite pour que le système ferroviaire emprunte jusqu'au moment où la dette devient « maastrichtienne », c'est-à-dire sans retour. Cela signifie que certains investissements n'ont pas de retour prévisible, de façon à ne pas peser sur l'usager.

Il faut éviter que les finances du groupe SNCF soient totalement « plombées ». Aujourd'hui, nous distribuons 1,5 milliard d'euros par an aux prêteurs, soit plus que le budget de régénération au moment où M. Alain Vidalies est arrivé, alors même que le réseau s'affaissait !

Vous auriez mauvaise grâce à nous reprocher que la dette ait augmenté, car si tel a été le cas, c'était uniquement pour faire face au coût des quatre LGV nouvelles. De même que vous affirmez, lorsque la sécurité sociale va mieux, que c'est grâce à vos réformes, vous omettez de dire, lorsque la dette se dégrade, que c'est à cause du tout-TGV que vous avez fait prospérer.

Je précise que je ne suis pas hostile au TGV : je ne partage simplement pas votre optimisme car, pour avoir beaucoup voyagé en Europe centrale, je sais qu'il n'y aura pas d'achats de TGV en Europe. Aucun train ne sera lancé à 340 kilomètres à l'heure entre Prague, Budapest et Vienne, et les Allemands ont porté leur choix sur des lignes où les trains roulent à 250 kilomètres à l'heure. Ces trains sont d'ailleurs appelés « à grande vitesse » dans les pays où ils circulent, et ils sont infiniment moins chers que nos TGV, car le rapport coût-avantage a un effet multiplicateur.

Il me semble, pour autant, que nous devons persévérer dans la technologie de la grande vitesse afin de compléter notre offre, car le marché international ne manquera pas d'offrir des occasions en la matière. Curieusement, le monde entier admire notre technologie TGV, mais de la même façon qu'on peut admirer une Lamborghini, c'est-à-dire sans jamais l'acheter. Or, dans le domaine industriel, les admirateurs ne suffisent pas, il faut aussi des acheteurs ; le président des États-Unis, par exemple, admire nos trains, mais achète un Pendolino, tandis que nous surchargeons la SNCF de rames TGV sous-utilisées pour faire tourner nos usines.

Je ne suis pas persuadé que cette situation soit rationnelle, et ce n'est pas nous déshonorer que de signifier à notre industrie ferroviaire qu'il serait bon qu'elle produise une nouvelle gamme de trains. De façon étrange, le Pendolino est disponible, mais pas en France, et d'autres trains existent comme le Railjet en Europe centrale, qui fonctionne avec des locomotives traditionnelles Taurus. Nous pourrions trouver intérêt à fabriquer de telles locomotives à Belfort ! Ce train circule à 250 kilomètres à l'heure, il dispose de trois classes dont une classe affaires, il est très confortable et coûte 11 millions d'euros par rame, à comparer avec les 30 millions d'euros d'une rame TGV.

Pour certaines grandes lignes, ce choix serait beaucoup plus rationnel, et n'entraînerait pas de surinvestissement. Or, la SNCF est soumise à des injonctions contradictoires : on lui demande d'un côté de surinvestir, de l'autre de limiter sa dette. C'est pourquoi nous plaidons pour une programmation pluriannuelle.

La programmation constitue en effet le moment de vérité, et doit être associée à des contrats d'objectifs et de performance — c'est la première fois que la loi prévoit des contrats de performance – qui ne soient pas indexés sur les priorités de l'État. Il faut un découplage : on ne peut à la fois dire à la SNCF que l'on observe la façon dont elle réduit sa dette et améliore sa productivité, et la charger par ailleurs d'engagements déconnectés de ses objectifs. Le programme pluriannuel doit en outre comporter des indicateurs socio-économiques pour les investissements.

Ce qui ne signifie pas que l'on doive se prive d'investir dans un TET dont le rendement socio-économique est faible. On peut et on a le droit de desservir par le train des régions faiblement peuplées : c'est une mission de service public. Il faut simplement de la clarté.

Le rapport apporte par ailleurs bien des réponses à vos questions, au sujet des régions par exemple. Car nous sommes favorables à l'expérimentation : nous demandons que les régions puissent choisir leurs opérateurs, qu'elles deviennent autorités organisatrices de plein exercice, et qu'éventuellement une part du réseau leur soit attribuée. Mais cela suppose une recette dédiée, un dispositif proche, à mes yeux, de l'écotaxe — bien que je ne sois pas ministre et ne pense pas avoir vocation à l'être. (Sourires.)

Il me semble qu'il faut faire simple, ce qui suppose l'institution d'une fiscalité écologique des transports, assise sur l'ensemble du parc et du réseau routiers, et pas seulement sur les poids lourds et sur un réseau baroque. Le calcul de répercussion des coûts de l'écotaxe était absolument incompréhensible…

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Abracadabrantesque : des gens auraient pu répercuter les coûts de l'écotaxe alors même que leurs poids lourds n'utilisaient pas le réseau frappé par cette taxe ! Le dispositif de gestion était erratique. Je reconnais m'être prononcé en faveur de son adoption ; je rappelle que nous sommes tous en droit d'être en deuil de l'écotaxe, car nous avons tous contribué à son échec. Certes, la gauche était aux affaires à l'époque, mais nous avons tous participé à ce qui s'est passé dans l'hémicycle. Vous pourriez demander à M. Marc Le Fur ce qu'il pense de l'écotaxe et ce qu'il a dit en Bretagne, vous n'avez pas oublié qui a fait disjoncter l'écotaxe !

Il faut donc bâtir une recette disposant d'une assiette kilométrique très large, frappant tous les véhicules roulants, y compris les véhicules domestiques — car c'est par là que péchait l'écotaxe —, avec des portiques placés à l'entrée des frontières afin de pouvoir comptabiliser le trafic ; cette assiette simple et très large permettrait de pratiquer un taux faible. Vient ensuite la question de la répartition du produit de la taxe entre l'AFITF et les régions. Il me semble qu'il faudrait, à l'instar de la TICPE, créer un petit taux additionnel local et un taux national, en veillant cependant à ce que le dispositif soit encadré pour éviter que des régions n'augmentent abusivement la pression fiscale.

S'agissant de la règle d'or, nous devons prendre nos responsabilités et faire en sorte qu'elle existe ; pour l'heure, l'ARAFER a mis son avis en délibéré, avant que le Conseil d'État soit saisi. Je crains toutefois que la règle ne soit contournée par les sociétés de projets, organismes qui fonctionnent fort bien, mais, chacune d'entre elles faisant l'objet d'une loi, le risque est de surseoir à la règle d'or à cette occasion, « à titre exceptionnel »...

D'aucuns affirment que SNCF Réseau n'est pas exposé au risque. Cela ne se vérifie pas dans le cas de liaisons comme Perpignan-Figueras ou Tours-Bordeaux, pour lesquelles les prévisions de trafic sont excellentes, mais se révèlent fausses, de sorte que c'est la SNCF qui en pâtit finalement. C'est ainsi que, ex ante, on dispose de projets fiables, fondés sur des estimations erronées de trafic et de coûts, et que, ex post, SNCF Réseau hérite d'une dette faramineuse.

La règle d'or n'est rien d'autre qu'un principe de responsabilité et de cohérence, ce qu'a souligné M. Lionel Tardy. Nous conservons pour objectif de contenir la dette à des proportions raisonnables. Je ne suis pas forcément partisan d'une reprise intégrale de la dette de l'État, mais il faut au moins une reprise de la dette « maastrichtienne ».

C'est avec raison que Mme Sophie Rohfritsch a souligné l'ampleur des dégâts causés par le tout-TGV : 10 milliards d'euros de dette sont devenus « maastrichtiens », c'est-à-dire non recouvrables. À cela s'ajoutent 12 milliards de dépréciations d'actifs, tandis que le réseau ferré classique s'affaisse. Alors que le programme du TGV du futur est régulièrement vanté, nous pourrions disposer d'autres programmes de travail, en particulier avec Railenium, en raisonnant de façon pluridisciplinaire avec les électroniciens et les fabricants de matériaux. Des travaux parlementaires pourraient utilement être conduits à ce sujet, qui se pencheraient sur la stratégie industrielle ferroviaire de notre pays.

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Je suis convaincu que la loi du 4 août 2014 demeure une grande réforme sur laquelle nul ne reviendra. En revanche, l'enjeu, demain, sera celui de sa mise en oeuvre concrète dans les quatre dimensions que nous avons soulignées.

La question sociale est fondamentale. Il n'est pas envisageable d'ouvrir le marché à la concurrence avec un système de ce type et les problèmes de compétitivité que connaît notre opérateur traditionnel. Certes, le cadre a été posé, mais il est très regrettable que cela soit arrivé en même temps que le conflit lié au projet de loi sur le travail, ce qui a conduit à un manque certain de fermeté dans les négociations.

Il faudra donc y revenir car, à mesure que nous entrerons dans le régime de la concurrence, il faudra mettre la SNCF en ordre de marche, sans quoi le transport de voyageurs connaîtra le sort du fret, qui a perdu de très significatives parts de marché.

M. Gilles Savary et moi avons le même point de vue sur la question du financement. Les régions doivent prendre leur part de responsabilité, et une part du produit de la TICPE doit leur être attribuée pour cela. Celles qui n'en voudront pas seront confrontées à leur besoin de financement, et il n'est pas douteux que toutes soutiendront, à terme, ce moyen de financer les investissements.

En revanche, nous sommes très frustrés, voire aigris, par l'absence de mesures concrètes portant sur la dette ; on nous explique que, la SNCF étant un groupe public ayant l'État pour actionnaire, il est urgent de ne rien faire. Une telle attitude n'est pas propre à clarifier les règles de fonctionnement de la SNCF car, en contrepartie des clarifications attendues, l'État devra bien reprendre une partie de ses dettes.

S'agissant de la question fondamentale des conditions de l'ouverture du marché à la concurrence, le rapport formule des propositions très claires sur ce sujet qui constituera l'un des défis majeurs lancés à la future majorité.

En tout état de cause, j'ai été très heureux de participer à ce travail commun avec M. Gilles Savary, qui est un grand connaisseur de la question ferroviaire, et je veux croire que ce rapport fera date.

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Avant de mettre un terme à nos travaux, je tiens à souligner qu'en deux jours, nous avons écouté de nombreuses propositions.

Hier, avec la commission des affaires économiques, nous avons entendu Mme Sophie Rohfritsch et Mme Delphine Batho présenter leur rapport et leurs propositions sur la filière automobile, qui ouvrent des perspectives. Et aujourd'hui, nous avons entendu nos deux rapporteurs sur le système ferroviaire français, qui ont su eux aussi, à travers leurs propositions, regarder vers l'avenir.

En tant que président de cette commission, je souhaite donc exprimer ma satisfaction : par leurs travaux et leur réflexion, les parlementaires tiennent parfaitement leur rôle, ce qui fait honneur au Parlement. Cet honneur rejaillit sur l'ensemble du pôle « Économie et évaluation scientifique » qui regroupe la commission du développement durable et de l'aménagement du territoire, la commission des affaires économiques et l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST).

Il vous reste, mes chers collègues, à autoriser la publication du rapport, quand bien même vous n'en approuvez pas tout le contenu, car il serait bon que ses propositions soient portées à la connaissance du public.

La commission autorise le dépôt du rapport d'information en vue de sa publication.

Information relative à la commission

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Je vous propose de me nommer rapporteur sur la proposition de loi portant adaptation du code minier au droit de l'environnement (n° 4043) que nous avons déposée, le 21 septembre dernier, M. Bruno Le Roux, Mme Frédérique Massat et de nombreux collègues du groupe socialiste, écologiste et républicain.

Ce texte est l'aboutissement de plusieurs années de travail, non seulement de la mission de modernisation du code minier confiée par le Gouvernement au conseiller d'État Thierry Tuot, que nous avons auditionné, mais surtout du groupe de travail que la commission a créé dès 2013 et qui a rendu son rapport le 20 mai 2015.

Il nous est apparu essentiel que tous les travaux effectués, toutes les études menées et les concertations avec l'ensemble des acteurs concernés débouchent sur une proposition de loi. C'est pourquoi je vous proposerai que la commission examine, avant la fin de l'année, ce texte que nous vous proposons et que nous commencions début novembre les premières auditions.

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Je souligne, monsieur le président, que vous êtes désigné avec une majorité de voix des députés Les Républicains.

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Cela renforce la responsabilité dont je me sens investi.

Le Commission désigne le président Jean-Paul Chanteguet, rapporteur sur la proposition de loi portant adaptation du code minier au droit de l'environnement (n° 4043).

Membres présents ou excusés

Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Réunion du mercredi 19 octobre 2016 à 9 h 30

Présents. - Mme Laurence Abeille, Mme Sylviane Alaux, M. Julien Aubert, M. Guy Bailliart, M. Serge Bardy, Mme Catherine Beaubatie, M. Jacques Alain Bénisti, M. Sylvain Berrios, Mme Chantal Berthelot, M. Florent Boudié, M. Christophe Bouillon, M. Vincent Burroni, M. Yann Capet, M. Patrice Carvalho, M. Jean-Paul Chanteguet, M. Guillaume Chevrollier, M. Jean-Jacques Cottel, M. Stéphane Demilly, M. Julien Dive, M. David Douillet, Mme Françoise Dubois, M. Philippe Duron, M. Olivier Falorni, M. Yannick Favennec, M. Jean-Marc Fournel, Mme Geneviève Gaillard, M. Alain Gest, M. Charles-Ange Ginesy, M. Michel Heinrich, M. Jacques Kossowski, M. Jacques Krabal, Mme Valérie Lacroute, M. Alain Leboeuf, M. Arnaud Leroy, M. Michel Lesage, Mme Marie Le Vern, Mme Martine Lignières-Cassou, M. Franck Marlin, M. Philippe Martin, M. Gérard Menuel, M. Bertrand Pancher, M. Rémi Pauvros, M. Christophe Priou, Mme Catherine Quéré, Mme Sophie Rohfritsch, Mme Barbara Romagnan, M. Martial Saddier, M. Gilles Savary, M. Jean-Marie Sermier, M. Gabriel Serville, Mme Suzanne Tallard, M. Pascal Thévenot, M. Jean-Pierre Vigier

Excusés. - M. Yves Albarello, Mme Marine Brenier, M. Jean-Louis Bricout, Mme Sabine Buis, Mme Florence Delaunay, M. Christian Jacob, M. Patrick Lebreton, Mme Viviane Le Dissez, M. Philippe Plisson, M. Napole Polutélé, M. Gilbert Sauvan, M. Thomas Thévenoud, M. Patrick Weiten

Assistaient également à la réunion. - M. Christophe Premat, M. Lionel Tardy