La réunion

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Son Excellence M Elchin Amirbayov, ambassadeur d'Azerbaïdjan en France

La séance est ouverte à onze heures quinze.

Présidence de M. François Rochebloine, président

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Nous souhaitons la bienvenue à Son Excellence M. Elchin Amirbayov, ambassadeur d'Azerbaïdjan en France.

Monsieur l'ambassadeur, il y a maintenant six ans que vous représentez votre pays en France, en étant parallèlement ambassadeur d'Azerbaïdjan auprès du Saint-Siège et à Monaco. Ainsi, vous connaissez bien notre pays, sa vie politique, ses caractéristiques économiques et sa culture.

Le but de notre mission d'information est d'examiner les relations politiques et économiques entre la France et l'Azerbaïdjan, au regard des objectifs français de développement de la paix et de la démocratie au Sud-Caucase. Vous entendre sur ce vaste ensemble de thèmes est donc très opportun, et je vous remercie d'avoir bien voulu vous prêter à cet échange.

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Elchin Amirbayov, ambassadeur d'Azerbaïdjan en France

Monsieur le président, je tiens tout d'abord à vous remercier de m'avoir invité aujourd'hui, et j'espère que cette audition vous permettra d'enrichir vos connaissances sur l'Azerbaïdjan et d'apprécier notre vision des relations que nous entretenons avec votre beau pays, la France.

Je commencerai par resituer l'Azerbaïdjan dans son contexte géopolitique, en rappelant que le pays est situé dans le Sud du Caucase, sur les rivages de la mer Caspienne, et qu'il est bordé au nord par la Russie, à l'Ouest par la Géorgie, au Sud-Ouest par l'Arménie et la Turquie, et au Sud par l'Iran.

Au coeur des luttes d'influence entre les deux grandes puissances régionales, l'Azerbaïdjan a subi, au début du xixe siècle, les deux guerres successives russo-persanes, qui ont entraîné l'annexion des territoires du Nord par l'Empire russe et des territoires du Sud par l'Empire perse, à la suite des traités de Golestan et de Turkmanchai.

Aujourd'hui, avec plus de 9,5 millions d'habitants et un territoire de 86 600 kilomètres carrés, l'Azerbaïdjan est, par sa démographie et sa superficie, le plus grand pays du Caucase du Sud.

Forte d'une histoire millénaire, cette terre, qui fut l'un des plus anciens foyers de peuplement humain, a vu se développer le polythéisme – notamment le zoroastrisme – comme le monothéisme sous ses différentes formes – judaïsme, christianisme et Islam – ferments d'une identité forte, enrichie au fil des siècles par une multiplicité d'apports culturels. Au plan géostratégique, l'Azerbaïdjan s'inscrit par ailleurs au carrefour des civilisations, sur l'ancienne route de la Soie, et joue ainsi le rôle de « pont naturel » entre le Nord et le Sud, l'Est et l'Ouest.

La proclamation de la République démocratique d'Azerbaïdjan, en 1918, marque l'adhésion de ce pays oriental aux valeurs républicaines importées d'Europe. Un Parlement national est créé – dont le premier président est d'ailleurs enterré au cimetière de Saint-Cloud – où sont représentés les différents groupes ethniques et religieux du pays ; un certain nombre de droits et libertés individuels sont garantis, et le droit de vote est accordé aux femmes dès 1918. La République d'Azerbaïdjan de 1918-1920 constitue ainsi la première tentative réussie d'établir un régime laïque et démocratique dans le monde musulman. Malheureusement, cette république n'aura duré que vingt-trois mois puisque, le 28 avril 1920, l'Armée rouge des bolcheviks occupe l'Azerbaïdjan, qui est intégré à l'URSS en 1922.

En octobre 1991, l'Azerbaïdjan restaure son indépendance. Les premières années de l'indépendance sont marquées aux plans politique et socio-économique par d'importantes difficultés. Tandis que la crise économique et l'inflation frappent de plein fouet la population, qui voit son niveau de vie s'effondrer, le pays connaît une période d'anarchie tandis que l'Arménie mène contre lui une guerre non-déclarée.

Dans ce contexte, les premières missions du nouveau régime vont donc consister à restaurer et à consolider les institutions démocratiques, à moderniser les pratiques politiques et économiques du pays, mais également à assurer sa sécurité face aux menées de l'Arménie dans la région du Haut-Karabagh de l'Azerbaïdjan, dont nous subissons les conséquences depuis près de vingt-cinq ans.

Ce n'est qu'à partir de 1996 que l'Azerbaïdjan peut jouir d'une stabilité politique qui va lui permettre de lancer des réformes économiques et politiques importantes. Après soixante-dix ans de régime soviétique, le pays se tourne de nouveau vers l'Occident et, à cet égard, la République d'Azerbaïdjan est bien l'héritière de la première République de 1918 : membre de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) depuis 1992, partenaire de l'Union européenne depuis 1996, membre du Conseil de l'Europe depuis 2001, l'Azerbaïdjan, depuis la restauration de son indépendance, ne cesse de se moderniser et de se rapprocher de l'Europe en harmonisant progressivement sa législation par une série de réformes politiques, économiques et institutionnelles. Ainsi la peine de mort a-t-elle été abolie en 1998, tandis que, membre du Conseil de l'Europe, le pays se soumet à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'Homme et a adopté plusieurs conventions du Conseil de l'Europe ainsi que leurs protocoles additionnels. Un défenseur des droits – ombudsman – a été institué en 2002, et les femmes, qui ont le droit de vote depuis 1918, participent activement à la vie politique et sociale du pays, qui a effectué en parallèle sa transition vers l'économie de marché.

L'Azerbaïdjan a collaboré très étroitement avec la Commission de Venise du Conseil de l'Europe pour modifier le code électoral. Des réformes du système judiciaire ont également été menées avec l'aide des experts du Conseil de l'Europe, et différentes collaborations ont été mises en place avec les organisations internationales – le Conseil de l'Europe et l'Union européenne notamment – dans le cadre de projets liés aux médias, au développement du dialogue avec la société civile et à la lutte contre la corruption. L'une des reformes essentielles méritant d'être citée ici est la création, en 2012, par décret présidentiel, du Réseau azerbaïdjanais de services et d'évaluation – Azerbaijani Service and Assessment Network (ASAN), qui permet aux citoyens azerbaïdjanais d'accéder directement à des services publics plus modernes, plus efficaces et plus transparents.

Au cours de la dernière décennie, l'Azerbaïdjan a connu un fort développement économique. Grâce à sa stratégie pétrolière et aux réformes institutionnelles entreprises, nos performances économiques ont quasiment été multipliées par trois entre 2004 et 2010, et notre PIB a doublé ces dernières années, pour représenter à lui seul près de 75 % du PIB total des trois pays du Sud-Caucase. Nous connaissons un taux de croissance élevé – jusqu'à 34,5 % en 2006 et 29,3 % en 2007, selon la Banque mondiale –, ce qui a permis de fait chuter le taux de pauvreté de 49 % en 2008 à 5 % en 2016. Quant au taux de chômage, il se situe autour de 5 %.

Aujourd'hui, l'Azerbaïdjan se présente donc comme un partenaire économique intéressant, notamment du fait de ses ressources en hydrocarbures et de sa position géographique. La mise en exploitation prochaine de l'important gisement du gaz naturel Shah Deniz 2 en mer Caspienne, projet sur lequel nous avons étroitement collaboré avec Total, ouvre de très larges perspectives, tandis que, dans l'hypothèse où le gazoduc transcaspien serait réalisé, l'Azerbaïdjan se situerait sur la route de transit du gaz en provenance du Turkménistan vers l'Europe de l'Ouest. Parallèlement à l'oléoduc Bakou-Tbilissi-Ceyhan (BTC), l'Azerbaïdjan a construit, en collaboration avec ses partenaires, le gazoduc Bakou-Tbilissi-Erzurum, via la Géorgie et la Turquie, qui assure l'approvisionnement en gaz naturel des marchés européens. Enfin, l'Azerbaïdjan utilise également d'autres voies de transit pour exporter ses hydrocarbures, comme l'oléoduc Bakou-Soupsa et le chemin de fer Bakou-Batoumi, via la Géorgie.

Tous ces projets favorisent le développement d'infrastructures régionales communes non seulement en matière d'hydrocarbures mais, plus largement, grâce au déploiement d'un réseau de routes et de communication, entièrement modernisé : je pense en particulier au projet de chemin de fer Bakou-Tbilissi-Kars, qui doit relier l'Azerbaïdjan à la Géorgie et à la Turquie, et constituer un lien crucial entre l'Est à l'Ouest du corridor caucasien, avec l'ambition de ressusciter l'ancienne route de la Soie en reliant la Chine, l'Asie centrale et le Caucase du Sud à l'Europe occidentale.

Si le pays a connu grâce à ses ressources pétrolières une croissance très rapide dans les années 2000, cette forte croissance s'appuie également sur la diversification et la modernisation de l'économie azerbaïdjanaise. Depuis plusieurs années, l'Azerbaïdjan développe en particulier ses infrastructures et a choisi d'investir dans les transports et les technologies de la communication et de l'information. Nous sommes ainsi le seul pays de la région à avoir lancé en 2013, en coopération avec la France, notre propre satellite de télécommunications, dans la perspective de devenir un hub de communication régionale. Nous développons également un programme spatial, toujours en collaboration avec, pour partenaire principal, la France, dont le savoir-faire et l'expertise sont particulièrement reconnus.

Le pays a traversé la crise de 2008 sans trop de dommages et affichait toujours en 2009 une croissance enviable de 9 %. En 2014, le FMI a estimé à plus de 8 000 dollars le PIB par habitant et, dans le rapport sur la compétitivité globale de 2014-2015 du World Economic Forum, l'Azerbaïdjan est classé 38e sur 144, devant la Russie, la Géorgie et l'Arménie et ses autres voisins, ce qui s'explique principalement par de bonnes performances macroéconomiques : forte croissance, faible inflation, faible niveau de dette publique. Il a gagné une place dans le classement pour l'année 2015-2016 en se positionnant au 37e.

Il est vrai qu'en 2015 la croissance économique s'est considérablement ralentie, du fait, d'une part, de la crise mondiale qui se poursuit et a particulièrement affecté les pays voisins et, d'autre part, de la forte baisse des prix du pétrole. C'est pourquoi le Gouvernement a accéléré les réformes visant à diversifier l'économie, afin de réduire notre dépendance par rapport aux revenus pétroliers et gaziers. Nous avons ainsi enregistré en 2015 une croissance de 8,4 % dans le secteur non énergétique.

L'Azerbaïdjan constitue également un partenaire politique dont l'intérêt est non négligeable, du fait, d'abord, de sa position géostratégique mais également parce qu'il a fait le choix d'une diplomatie que l'on pourrait qualifier de prudente et équilibrée. L'ancien espace soviétique se caractérise en effet par une sorte de bipolarisation opposant, d'un côté, les pays en conflit avec la Russie qui cherchent le soutien occidental – l'Ukraine, la Géorgie et la Moldavie – et, de l'autre, ceux qui ont accepté d'entrer dans l'Union eurasiatique avec la Russie, comme la Biélorussie, le Kazakhstan ou l'Arménie. L'Azerbaïdjan quant à lui a adopté une position indépendante qui lui a permis jusqu'à présent de maintenir de bonnes relations aussi bien avec la Russie qu'avec l'Occident. Il n'est candidat ni à l'entrée dans l'OTAN, ni à l'entrée dans l'Union européenne, ni à l'entrée dans l'Union eurasiatique. Après avoir signé, en 1996, l'Accord de partenariat et de modernisation avec l'Union européenne, l'Azerbaïdjan a pris place dans la « politique de voisinage » de l'Union européenne, et le Partenariat énergétique stratégique conclu en 2006 entre l'Union européenne et l'Azerbaïdjan constitue un excellent exemple de coopération bénéfique pour l'ensemble des parties. Les accords sur l'assouplissement du régime des visas et les accords de réadmission sont entrés en vigueur le 1er septembre 2014. Enfin, lors du sommet du partenariat oriental qui s'est tenu à Riga les 21 et 22 mai derniers, l'Azerbaïdjan a proposé à Bruxelles un projet d'accord bilatéral avec l'Union européenne sur le partenariat stratégique. Nous sommes dans l'attente de la décision du Conseil des ministres de l'Union européenne, qui doit être prise à la mi-novembre, afin de pourvoir entamer les négociations autour de ce nouvel accord bilatéral, qui marquera une nouvelle étape dans nos relations avec l'Union européenne.

L'Azerbaïdjan est également membre du Partenariat pour la paix de l'OTAN, et bénéficie à ce titre d'un plan d'action individuel de partenariat. En témoignage de sa volonté de coopérer, le pays a pris part à la Force internationale d'assistance à la sécurité en Afghanistan (FIAS), à laquelle il a fourni un détachement militaire et diverses formes de soutien, notamment la formation des forces de sécurité et des diplomates afghans, des opérations de déminage ou encore l'autorisation de survol de son territoire ou de transit accordée aux pays de l'OTAN. L'Azerbaïdjan est par ailleurs le seul pays de la région à avoir été élu membre non permanent du Conseil de sécurité des Nations unies, où il a siégé en 2012-2013. L'Azerbaïdjan est très attaché au caractère laïque de l'État, à la tolérance religieuse et au respect mutuel de toutes les confessions qui existent dans le pays. De ce fait, il constitue une plateforme naturelle pour le dialogue interculturel et interreligieux. L'Azerbaïdjan, où différentes religions ont longtemps trouvé refuge, est un pays à 90 % musulman – avec 65 % de chiites et 25 % de sunnites ; le judaïsme, présent depuis le premier millénaire avant Jésus-Christ autour de trois communautés distinctes, représente environ 25 000 personnes, qui n'ont jamais été persécutées ; quant au christianisme, il rassemble 5 % de la population, répartis entre orthodoxes russes, protestants et catholiques romains. Cette diversité explique que l'Azerbaïdjan soit une république laïque, qui assure l'égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d'origine, de race ou de religion. C'est aujourd'hui le seul pays à majorité chiite qui s'affiche laïque et a développé une forte tradition de tolérance religieuse.

Ce n'est donc pas un hasard si un chef de l'Eglise catholique a visité ce pays du Caucase à majorité musulmane à deux reprises : que ce soit le pape Jean-Paul II, en mai 2002, ou le pape François, le 2 octobre dernier, les deux souverains pontifes ont reconnu l'Azerbaïdjan comme un modèle de tolérance religieuse et de coexistence harmonieuse entre représentants des différentes religions.

Par ailleurs, l'Azerbaïdjan accueille depuis plusieurs années, en coopération avec différentes organisations internationales comme l'UNESCO, le Conseil de l'Europe ou l'ONU, de grands événements internationaux – Forum mondial du dialogue interculturel et interreligieux, Forum mondial humanitaire –, ainsi que de grands événements culturels et sportifs, comme la première édition des Jeux européens ou, pour la première fois, le Grand Prix d'Europe du Formule 1. Cette année, c'est à Bakou que s'est tenu le septième Forum mondial de l'alliance des civilisations des Nations unies, en présence de plusieurs chefs d'État et de gouvernement.

Bref, l'Azerbaïdjan est aujourd'hui un pays stable qui poursuit son développement et conduit une diplomatie indépendante, prudente et équilibrée, fondée sur l'entretien de bonnes relations avec tous ses partenaires.

En ce qui concerne les relations franco-azerbaïdjanaises, je suis ravi de constater qu'elles sont excellentes et demeurent au beau fixe. Nous ne pouvons oublier en effet que la France a été l'un des premiers États à avoir reconnu l'Azerbaïdjan, quelques jours à peine après la restauration de notre indépendance. L'Azerbaïdjan indépendant a, dès le départ, accordé une grande importance au développement de ses relations avec la France, et les présidents de la République successifs ont choisi de réserver à la France leur première visite à l'étranger : cela a été le cas pour Heydar Aliev en 1993 et pour Ilham Aliev en 2004. Depuis, la France conserve une place privilégiée dans la politique étrangère de l'Azerbaïdjan. Du côté français, les deux derniers présidents français se sont rendus trois fois, en 2011, 2014 et 2015, en Azerbaïdjan. Les deux pays ont ainsi instauré un dialogue politique au plus haut niveau qui a permis d'approfondir les relations dans beaucoup de domaines.

Je ne peux pas enfin ne pas évoquer ici le rôle que la France joue dans les tentatives de règlement du principal problème international auquel l'Azerbaïdjan est confronté, celui du conflit avec l'Arménie. Le conflit du Haut-Karabagh a pour origine les revendications territoriales de l'Arménie, et une large partie du territoire de l'Azerbaïdjan – près de 20 % –, allant bien au-delà du Haut-Karabakh, est occupée aujourd'hui par l'armée arménienne. Cette occupation a été condamnée à quatre reprises par le Conseil de sécurité des Nations unies, dont les résolutions, qui exigent un retrait immédiat, unilatéral et sans conditions des forces arméniennes des territoires occupés en Azerbaïdjan, sont malheureusement restées lettre morte, tout comme la résolution adoptée par l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe.

Ce conflit a entraîné le déplacement d'une part importante de la population azerbaïdjanaise : on parle d'un million de réfugiés et déplacés internes, soit 11 % de la population. L'événement le plus sanglant s'est produit en février 1992, lors de la prise de la ville de Khodjaly, dont les habitants ont été victimes d'un massacre sans précédent. Lors de cette tragédie, connue sous le nom de « génocide de Khodjaly », 613 civils azerbaïdjanais ont été exterminés en une nuit, tandis que la ville était entièrement rasée, comme a été détruit le patrimoine historique, culturel et naturel de notre peuple dans tous les territoires occupés.

La France copréside avec la Russie et les États-Unis le Groupe de Minsk de l'OSCE, mais, malheureusement, ses efforts n'ont pas encore abouti au règlement de ce conflit tragique. Néanmoins, l'implication de la France est appréciée par l'Azerbaïdjan. Nous sommes notamment très reconnaissants au Président de la République française, François Hollande, d'avoir réuni à Paris, en octobre 2014, les présidents azerbaïdjanais et arménien pour tenter de faire progresser les négociations.

Par ses provocations constantes, par le renforcement de sa présence militaire dans les territoires occupés dont elle modifie, en toute illégalité, la physionomie géographique, culturelle, économique et démographique en y implantant des Arméniens, y compris en provenance de Syrie, l'Arménie montre clairement ses visées annexionnistes sur les territoires de l'Azerbaïdjan et sa volonté de consolider le statu quo actuel, lequel a pourtant été jugé inacceptable à maintes reprises par les chefs d'États des pays coprésidant le Groupe de Minsk. L'escalade de violence meurtrière qui s'est produite sur la ligne de contact début avril 2016, à la suite d'une provocation militaire de l'Arménie qui visait la population civile azerbaïdjanaise, a montré à quel point la situation reste fragile. Je ne suis donc pas d'accord avec ceux qui qualifient ce conflit de conflit « gelé », et ces récents incidents montrent que la menace d'une reprise des hostilités reste vive.

L'Azerbaïdjan a maintes fois attiré l'attention de la communauté internationale sur le fait que la présence illégale des forces armées arméniennes dans les territoires occupés de l'Azerbaïdjan était la principale cause des risques d'embrasement et qu'elle constituait une menace pour la paix et la stabilité dans la région. Depuis les derniers événements sanglants, deux sommets ont réuni, à Vienne en mai et à Saint-Pétersbourg en juin, les chefs d'État azerbaïdjanais et arménien, mais, à cause de la position de l'Arménie qui, sous différents prétextes, continuent de torpiller le processus de négociations, celles-ci sont actuellement dans une impasse.

Pour en revenir aux relations entre la France et l'Azerbaïdjan, il faut souligner qu'elles sont d'abord justifiées par des enjeux économiques ou géostratégiques. L'Azerbaïdjan est le premier partenaire économique et commercial de la France dans la région du Sud-Caucase, avec un montant d'échanges s'élevant en 2015 à 1,3 milliard d'euros.

Les importations françaises en provenance d'Azerbaïdjan sont composées pour l'essentiel de produits énergétiques. Les exportations françaises à destination de l'Azerbaïdjan sont, elles, plus diversifiées et en progression ces dernières années. Citons entre autres les autobus et autres véhicules, les produits pharmaceutiques, les machines, les composants électriques, les boissons alcoolisées ou encore les métaux ferreux et leurs dérivés.

Les entreprises françaises sont bien placées dans les secteurs pétrolier et parapétrolier, mais aussi dans les domaines de la banque, des télécommunications et des transports. Environ cinquante sociétés françaises sont implantées avec succès en Azerbaïdjan, et le volume des investissements français dans le pays s'élève à 2,4 milliards de dollars. Au cours de ces dernières années, des accords prévoyant la réalisation de projets d'infrastructures – vingt-six au total – ont été signés, pour un montant global supérieur à 2 milliards de dollars.

La coopération décentralisée constitue un autre axe important des relations franco-azerbaïdjanaises et a connu ces dernières années un développement considérable. Plus de dix villes azerbaïdjanaises et françaises ont créé des liens à travers le jumelage ou la signature de chartes d'amitié. Cette coopération couvre divers domaines tels que la culture, l'économie, l'éducation et le sport. Afin d'approfondir ces liens entre nos villes et nos régions, les deux gouvernements ont convenu de leur donner une base institutionnelle.

La coopération avec la France dans les domaines de la culture, de l'éducation et de la recherche font partie de nos priorités. L'inauguration, en septembre 2012, du service culturel de l'ambassade d'Azerbaïdjan à Paris, la création du lycée français de Bakou, la fondation d'une université franco-azerbaïdjanaise (UFAZ) cette année à Bakou symbolisent ce remarquable rapprochement entre nos deux pays.

L'UFAZ est un exemple de coopération universitaire unique et innovant, qui permet aux 141 étudiants azerbaïdjanais sélectionnés cet été d'étudier à Bakou dans les mêmes conditions qu'en France : ils recevront, sans quitter leur pays, le même diplôme que les étudiants français, et la carte d'étudiant strasbourgeoise leur permettra d'accéder aux services en ligne de l'université de Strasbourg mais aussi à tous les services réservés aux étudiants s'ils devaient se déplacer en France.

Lancé en octobre 2014, à l'initiative du Président de la République française lors de sa visite à Bakou, ce projet majeur de la coopération franco-azerbaïdjanaise vient de voir le jour deux ans plus tard, grâce au soutien du Président de la République d'Azerbaïdjan : la première rentrée officielle de l'UFAZ s'est déroulée le 15 septembre 2016. Ce jeudi 27 octobre, Mme Aurélia Bouchez, ambassadrice de France en Azerbaïdjan, a remis leurs cartes d'étudiant françaises aux étudiants de l'université, au Centre international du Mugham de Bakou, en présence des représentants de l'Université du pétrole et de l'industrie, de l'université de Strasbourg et du ministère azerbaïdjanais de l'éducation. Je précise que la création du lycée français de Bakou et de l'UFAZ a été entièrement financée par le gouvernement azerbaïdjanais.

L'Azerbaïdjan déploie sa diplomatie culturelle en France et dans divers pays du monde, et peut se prévaloir de quelques belles réussites ces dernières années. Depuis 2011, des manifestations ont ainsi été organisées chaque année à Paris et dans diverses régions françaises, qu'il s'agisse de concerts, d'expositions ou de démonstrations culinaires. Les trois éditions du « Village d'Azerbaïdjan », organisées successivement dans le 6e, le 1er et le 7e arrondissements, en plein coeur de Paris, ont, pour notre plus grande fierté, été accueillies très chaleureusement par les Parisiens et les Français. En outre, l'État azerbaïdjanais a contribué à la création du nouveau département des arts de l'islam du musée du Louvre, inauguré en 2012.

Je veux ici dire un mot de la contribution essentielle de la Fondation Heydar Aliev, la plus grande organisation laïque et non-gouvernementale du Caucase du Sud, au développement de notre diplomatie culturelle. La Fondation a pour vocation de soutenir la culture, les sciences, l'éducation et la santé, tout en promouvant l'image de l'Azerbaïdjan dans le monde. Depuis quelques années, elle mène ainsi des actions de mécénat partout à l'étranger. La liste des projets soutenus par la Fondation Heydar Aliev est longue, mais il me faut en citer quelques-uns. En 2009, la fondation a contribué à la rénovation des merveilleux vitraux de la cathédrale de Strasbourg, qui datent du XIVe siècle et représentent un épisode de la vie de la Vierge Marie et de Jésus-Christ ; elle a également contribué à financer la restauration d'une vingtaine de petites églises rurales en Basse-Normandie ; elle a soutenu les travaux de l'école de musique de L'Aigle, cité millénaire. Enfin, parmi les chefs-d'oeuvre restaurés grâce au soutien de la fondation, il faut citer les sculptures du parc du château de Versailles, une Amazone et un vase avec anses en forme de tête de faune, inscrits sur la liste du patrimoine culturel mondial depuis 1979.

A travers ces activités, l'Azerbaïdjan transmet au monde, à un moment où l'on observe partout la montée des conflits et de la haine, un message de paix invitant à la cohabitation et au respect des autres.

Je redirai pour terminer combien l'Azerbaïdjan apprécie les efforts déployés par la France au sein du Groupe de Minsk de l'OSCE pour trouver une solution pacifique au conflit du Haut-Karabagh.

Nous nous réjouissons du fait que nos relations bilatérales avec la France, qui se fondent sur le principe du respect réciproque et répondent aux intérêts mutuels de nos deux pays, sont excellentes. Les échanges dans les domaines politique, économique, culturel ou de l'éducation se développent, ainsi que dans bien d'autres domaines. Nous pouvons néanmoins aller encore plus loin dans l'approfondissement de nos relations, et c'est dans cet esprit que nous continuerons notre travail, compte tenu de l'importance que nous attachons au partenariat qui nous lie à votre beau pays.

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Monsieur l'ambassadeur, nous vous remercions pour cet exposé détaillé.

Ma première question concerne les fluctuations du cours des produits pétroliers, traditionnellement source de difficultés pour la conduite de la politique budgétaire des pays producteurs qui tirent une part importante de leurs ressources de la vente de ces produits sur le marché international. Comment ces difficultés se sont-elles traduites dans les choix budgétaires qu'a pu faire le gouvernement azerbaïdjanais ? Y a-t-il eu des dépenses sanctuarisées, c'est-à-dire préservées d'une évolution des crédits et, si oui, lesquelles ?

Pouvez-vous nous donner des indications sur l'évolution des grandes masses de dépenses budgétaires – dépenses civiles et dépenses militaires – de votre pays, au cours des cinq dernières années ?

Pouvez-vous nous décrire les mesures prises ou envisagées par votre gouvernement pour accroître la diversification de l'économie et en diminuer la dépendance par rapport aux activités pétrolières ?

Quelle place tiennent dans ces mesures d'ouverture de l'économie azerbaïdjanaise les investissements étrangers ?

La garantie de la sécurité et de la régularité des procédures d'investissement fait désormais partie des exigences couramment formulées dans les négociations industrielles, financières et commerciales qui entourent les investissements d'entreprises étrangères dans un pays. Comment l'Azerbaïdjan répond-il à ces exigences ? Plus précisément, quelles décisions a-t-il prises pour honorer les engagements qu'il a accepté d'assumer en adhérant en 2013 au Forum mondial sur la transparence et l'échange de renseignements à des fins fiscales ? Sera-t-il en mesure de pratiquer à l'échéance prévue – 2017 ou 2018 – l'échange automatique d'informations sur les comptes bancaires entre les pays membres ? À défaut quelle serait l'échéance de réalisation d'un tel échange ?

Quel est en Azerbaïdjan le régime juridique applicable aux actions de coopération décentralisées entre collectivités territoriales, et quel est pour nos deux pays l'état de réalisation de cette coopération ? Votre Parlement s'est-il saisi, d'une manière ou d'une autre, de cette question ?

Enfin, la Fondation Heydar Aliev déploie ses activités en France dans des domaines variés, en liaison avec de nombreux partenaires. Pouvez-vous nous indiquer quel est le statut de la fondation, quels en sont les organes de direction et quel est son budget ? Pour la France, la fondation a-t-elle d'autres partenaires que notre ambassade à Bakou, mentionnée sur son site ? Quelles sont les activités de la fondation en France ? Quel est le montant des projets qu'elle finance dans notre pays ? Quels sont, comparativement, les montants engagés dans les projets qui concernent d'autres pays de l'Union européenne ? Selon quelle procédure ces projets ont-ils été choisis ?

Enfin, la représentation en France de la compagnie pétrolière nationale azerbaïdjanaise, la SOCAR, est-elle organisée de manière permanente ? Si oui, pourrions-nous auditionner, avant la mi-janvier, la personne responsable ou, à défaut, l'un des membres dirigeants de cette société lors de son passage à Paris ?

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Quelles relations l'Azerbaïdjan entretient-il avec les États-Unis, la Turquie, la Russie et l'Iran ? Quels sont par ailleurs les pays de l'Union européenne avec lesquels vous entretenez également des relations étroites ?

En matière de droits de l'Homme, envisagez-vous une évolution de votre législation dans la perspective de l'accord d'association qui se négocie entre l'Azerbaïdjan et l'Union européenne, notamment sur deux points précis : d'une part, en ce qui concerne le statut des organisations non gouvernementales (ONG) et la réforme de 2013, qui a suscité un certain nombre de critiques ; d'autre part, en ce qui concerne la mise en oeuvre des arrêts de la Cour européenne des droits de l'Homme et le fonctionnement de la justice ?

Si le Haut-Karabagh n'est pas au coeur des travaux de notre mission, nous souhaiterions néanmoins que vous nous donniez la position officielle de votre pays, à la fois sur les origines de la « guerre des Quatre-Jours », sur les raisons qui ont conduit, fort heureusement, au cessez-le feu, et sur le plan russe de règlement du conflit par étapes ?

Enfin, en ce qui concerne le statut de la mer Caspienne, quel résultat se profile, compte tenu de la convergence entre la Russie et l'Iran, et quel aurait été, selon l'Azerbaïdjan, le statut le mieux adapté et pourquoi ?

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Elchin Amirbayov, ambassadeur d'Azerbaïdjan en France

Étant un pays dont l'économie repose très largement sur les revenus provenant du pétrole et du gaz, l'Azerbaïdjan a naturellement été touché par les dernières évolutions des cours mondiaux, sur lesquels nous avons assez peu d'influence dans la mesure où les quantités que nous produisons sont très inférieures à celles des grands pays producteurs comme les pays du Golfe.

Cela étant, la société azerbaïdjanaise a depuis longtemps anticipé l'après-pétrole. Depuis des années, le Gouvernement réinvestit les revenus du pétrole dans le but de diversifier l'économie nationale et diminuer notre dépendance vis-à-vis des revenus pétroliers et gaziers. Ainsi, 70 % des investissements consacrés à ce projet de diversification économique sont d'origine nationale, ce qui signifie qu'une partie des revenus issus des hydrocarbures ont été investis dans l'agriculture, le tourisme ou les technologies informatiques, pour ne citer que ces secteurs.

Il faut se souvenir de l'état dans lequel se trouvait l'Azerbaïdjan au moment de son indépendance, non seulement confronté à d'immenses défis en matière de santé ou d'éducation, mais également obligé de gérer la situation des centaines de milliers de nos compatriotes, victimes de guerre.

Si nous avons fait de la diversification de notre économie une priorité, c'est donc moins à cause de la chute des prix du pétrole que par nécessité et avec l'objectif de préparer notre avenir. C'est dans cette perspective que nous entretenons d'étroites relations de coopération avec de nombreuses sociétés françaises, Alstom, Bouygues, Thales ou Veolia notamment, mais également avec toutes celles qui participent et contribuent aujourd'hui à cet effort de diversification.

Vous avez fait allusion à l'Initiative pour la transparence dans les industries extractives (ITIE). Je tiens tout d'abord à souligner que l'Azerbaïdjan a été le premier pays à se soumettre volontairement au contrôle de validité mis en place par l'ITIE, et que la majorité absolue des exigences de celle-ci ont été respectées.

Lors de sa réunion au Kazakhstan il y a une semaine, le conseil d'administration international de l'ITIE a décidé de prolonger l'adhésion de l'Azerbaïdjan. Il a reconnu que notre pays avait accompli des progrès significatifs dans la mise en oeuvre de la norme ITIE, et que certaines exigences avaient fait l'objet d'améliorations considérables par rapport à la première validation menée en 2015. Un ensemble de mesures correctives a été défini, et je crois que l'année prochaine, on aura l'occasion de constater de nouveaux progrès dans l'ouverture du secteur pétrolier.

De fait, l'ancien Premier ministre suédois, Fredrik Reinfeldt, a déclaré : « L'Azerbaïdjan a nettement progressé dans l'ouverture du secteur pétrolier, et je considère que les récents projets de réformes gouvernementales en faveur d'un renforcement de la transparence sont encourageants. J'espère que le gouvernement poursuivra les efforts récemment engagés pour que la société civile puisse jouer le rôle qui lui incombe dans ce processus, sous peine de jeter une ombre sur les progrès accomplis ».

On reconnaît donc que l'Azerbaïdjan a pris conscience qu'il lui fallait encore faire des efforts. Mais l'important est d'avoir la volonté politique de poursuivre cette coopération avec l'ITIE et de nous soumettre à son contrôle. Cinquante-et-un pays sont membres de cette initiative. Je crois que la France n'y est pas encore, mais qu'elle a l'intention – comme l'Allemagne – d'y adhérer.

Il n'est pas question, pour nous, de cacher quoi que ce soit ou de faire de la rétention d'informations. Il nous faut seulement prendre en compte certaines réalités qui sont celles d'aires géographiques plus larges. Mais les progrès qui ont été récemment constatés par les dirigeants de l'ITIE montrent que nous avançons dans la bonne direction.

Vous vous êtes interrogé, monsieur le président, sur l'état de la coopération décentralisée.

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Elchin Amirbayov, ambassadeur d'Azerbaïdjan en France

Il est très facile à décrire. Nous avons commencé à nous rapprocher des différentes régions françaises par le biais de la coopération culturelle. L'Azerbaïdjan n'étant pas présent « physiquement » en France, dans la mesure où on n'y trouve pas de communauté importante d'Azerbaïdjanais pour des raisons objectives et subjectives, ce n'est pas un pays connu. Voilà pourquoi nous ayons donné une place importante au volet culturel de notre action diplomatique en France.

Nous avons organisé des semaines culturelles de l'Azerbaïdjan dans plusieurs régions et villes françaises. Depuis 2011, vingt-trois villes françaises ont été concernées. À cette occasion, j'ai eu le plaisir de constater que les Français sont très curieux de découvrir un pays – « exotique » pour certains – qui mérite d'être mieux connu.

Dans certaines de ces villes, les élus locaux ont manifesté la volonté d'aller au-delà des échanges culturels et, par exemple, d'aborder le domaine économique. Voilà pourquoi, après ces premiers contacts, nous avons atteint un autre niveau de coopération qui nous a permis de signer des conventions avec ces collectivités territoriales : chartes de jumelage et chartes de coopération et d'amitié. Il s'agit d'approfondir les échanges interhumains entre les différentes collectivités, mais aussi d'imaginer d'éventuels échanges économiques. Comme on ne peut pas tout faire au niveau de l'État ou en passant par les ministères, certaines collectivités territoriales peuvent être intéressées par telle ou telle forme de coopération.

Nous allons continuer nos efforts dans ce sens. Certains des projets qui ont été signés récemment montrent que c'est une coopération « gagnant-gagnant ». Mais il va sans dire que s'il n'y avait pas d'intérêt réciproque, il n'y aurait ni chartes d'amitié, ni chartes de jumelage. On ne peut pas imposer cette coopération.

J'en viens à la Fondation Heydar Aliev, sur laquelle je vous ai déjà donné quelques informations. C'est une ONG à but non lucratif.

Dans un premier temps, celle-ci a mené des actions à l'intérieur du pays, qu'il s'agisse d'aider à la réalisation de certains projets d'envergure dans le domaine de l'éducation, de la santé, de l'amélioration des conditions de vie des personnes déplacées et réfugiées, ou à la protection du patrimoine national.

Dans un second temps, la Fondation a voulu prouver que le patrimoine culturel mondial ne connaissait pas les frontières, et elle s'est engagée dans certaines opérations de mécénat, en France et ailleurs. Je peux citer des pays de l'Europe de l'Est comme la Bulgarie ou la Roumanie, mais aussi d'autres pays comme l'Italie, l'Allemagne, etc. L'idée est que tous ceux qui en ont les moyens doivent considérer comme une priorité de contribuer à la protection du patrimoine.

Comme ce n'est pas une institution à but lucratif, elle ne gagne pas d'argent. Son budget est constitué par des subventions en provenance de différents acteurs privés et par des subventions en provenance de l'État. Mais la plupart des financements viennent de ses partenaires. Sur le site internet de la Fondation, vous pouvez trouver la longue liste de tous ceux avec lesquels certaines opérations ont été réalisées.

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Elchin Amirbayov, ambassadeur d'Azerbaïdjan en France

Je ne peux pas vous en donner exactement les chiffres qui varient selon les années, selon les projets et les fonds nécessaires pour les réaliser.

La Fondation Heydar Aliev a participé à une opération très importante, qui illustre le rôle que l'Azerbaïdjan joue dans la promotion du dialogue religieux et interculturel : le financement de la restauration des Catacombes de Rome, qui ont une valeur très importante pour le monde chrétien. Le projet, qui portait sur trois ans, consistait à restaurer certaines sections des Catacombes et à les ouvrir au public. Un accord a donc été signé entre le ministère de la culture du Vatican et la Fondation.

L'activité de la Fondation s'étend donc à de nombreux pays. Par exemple, au Pakistan, après le tremblement de terre, elle a financé la construction d'une école pour filles, montrant ainsi notre attachement à l'égalité des sexes et à la promotion des droits des femmes. Et en Roumanie, après les inondations qui avaient touché certains pays de l'Europe de l'Est, elle a mené des actions de mécénat.

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Elchin Amirbayov, ambassadeur d'Azerbaïdjan en France

Mme Mehriban Alieva, qui est la première dame de la République d'Azerbaïdjan, tout en étant membre du Parlement et présidente du groupe d'amitié Azerbaïdjan-France, préside la Fondation. Le secrétaire général dirige au quotidien la mise en oeuvre des projets. Mais la Fondation est dirigée par un collectif, le Board of Directors, dont certains figurent parmi ses partenaires.

Vous m'avez également interrogé à propos de notre compagnie pétrolière nationale, la SOCAR.

Sans doute avez-vous constaté à quel point elle s'est impliquée dans l'Euro 2016. C'était la première fois qu'elle intervenait en tant que partenaire de l'UEFA, et nous étions ravis de pouvoir contribuer à cette fête qui fut une réussite – ce dont je félicite la France.

Mais la SOCAR n'a pas de représentation officielle en France. Je ne sais pas si, dans les prochaines semaines, certains de leurs représentants vont se rendre à Paris. Cela étant, la SOCAR est une compagnie d'État. Vous pouvez donc nous envoyer les questions qui vous intéressent, et nous essaierons de vous fournir les réponses.

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Et s'ils passent par Paris, vous n'êtes pas opposé à ce qu'on les auditionne ?

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Elchin Amirbayov, ambassadeur d'Azerbaïdjan en France

Bien sûr que non. Je ne crois pas que cela soulève de difficultés.

La SOCAR a un bureau de trading à Genève…

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Elchin Amirbayov, ambassadeur d'Azerbaïdjan en France

En effet. D'ailleurs, d'autres compagnies pétrolières, y compris Total, y ont installé leur bureau de trading.

Monsieur le rapporteur, vous m'avez interrogé sur les relations que l'Azerbaïdjan entretenait avec les pays de la zone, notamment la Russie, la Turquie et l'Iran, avec les États-Unis et les pays européens.

Dans mon exposé, j'ai essayé de vous faire part de notre ambition de préserver la politique d'équilibre et de bon voisinage avec tous nos voisins. Le seul voisin avec lequel nous ayons encore à régler un problème est l'Arménie. Mais une fois la question du Haut-Karabagh résolue, il n'y aura pas d'obstacle, selon moi, à la restauration des relations diplomatiques entre nos deux pays.

Nos relations avec les États-Unis sont très importantes. Dès le début, ils ont soutenu des projets de grande envergure qui ont renforcé notre indépendance économique et politique, en particulier le projet de construction de l'oléoduc principal Bakou-Tbilissi-Ceyhan, qui transporte les exportations pétrolières de l'Azerbaïdjan vers la Méditerranée et au-delà, vers l'Europe de l'Ouest. Depuis, bien sûr, nous avons engagé un dialogue très fort et très efficace avec les différentes administrations américaines.

Les États-Unis restent un partenaire privilégié de nos relations commerciales. Les sociétés américaines sont très présentes dans le secteur pétrolier, mais aussi dans d'autres secteurs.

Nous coopérons avec eux. Nous avons témoigné de notre attachement à la lutte contre le terrorisme. Juste après les attentats, l'Azerbaïdjan s'est rallié à la coalition internationale pour lutter contre le terrorisme.

Avec la Turquie, nous avons une relation de grande proximité historique, culturelle et linguistique. C'est un pays qui a vraiment beaucoup aidé l'Azerbaïdjan depuis la restauration de son indépendance. On peut dire que, parmi tous nos voisins, c'est le partenaire privilégié.

La Russie est un grand voisin avec lequel nous avons pu développer des relations de proximité, de coopération et même d'amitié, basées sur le respect mutuel, malgré notre volonté de ne pas nous associer aux différents clubs et organisations – par exemple, les organisations de sécurité collective ou l'Union eurasiatique. Nous pouvons rester des amis, de bons voisins, mais tout ce qui concerne notre indépendance est intouchable. Je crois que les Russes ont compris le message. Avec la Russie, nous entretenons un dialogue de grande qualité.

Bien sûr, la Russie joue un rôle très important dans la résolution du conflit du Haut-Karabagh avec l'Arménie. Nous espérons que l'activisme russe de ces derniers mois produira des résultats réels et concrets. Mais je crois que les relations avec les Russes vont au-delà. Elles ont un caractère historique : de nombreux Azerbaïdjanais vivent en Russie, et d'assez nombreux Russes en Azerbaïdjan. Nous avons des liens très étroits, dans les domaines culturel, humanitaire et économique. La Russie reste un partenaire incontournable pour l'Azerbaïdjan.

Avec l'Iran, je l'ai déjà mentionné, nous avons des liens historiques. Peut-être le savez-vous, mais aujourd'hui il y a beaucoup plus d'Iraniens d'origine azérie en Iran – 25 à 30 millions – que d'Azerbaïdjanais en Azerbaïdjan – 9 millions. Cela explique nos relations de proximité et de bon voisinage, malgré les différences que nous pouvons avoir sur de nombreux points – notamment au niveau du régime politique.

Quoi qu'il en soit, l'Iran reste pour nous un grand voisin avec lequel nous partageons 730 kilomètres de frontière – dont 123 sont contrôlés par l'Arménie suite au conflit. Les échanges sont très étroits entre les populations, non seulement entre les parents, mais aussi entre les Iraniens et les Azerbaïdjanais. Récemment, avec tout ce qui s'est passé autour de l'Iran, on a pu constater une certaine accélération des échanges commerciaux et économiques. Encore une fois, l'Iran est un pays très important pour l'Azerbaïdjan dans cette région.

Maintenant, quelles sont nos relations avec les autres pays de l'Union européenne, en dehors de la France ?

Nous entretenons des relations très importantes avec l'Allemagne et le Royaume-Uni, qui reste le plus grand investisseur en Azerbaïdjan – BP y est présent depuis le début de l'indépendance.

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Elchin Amirbayov, ambassadeur d'Azerbaïdjan en France

Je crois que nous sommes à même de vous envoyer tous les chiffres qui concernent les grands pays européens.

Vis-à-vis de la France, le peuple azerbaïdjanais éprouve une affection particulière, qui va au-delà de tout intérêt pragmatique. Cette affection nous porte vers la culture, la littérature et la musique françaises, qui sont très bien implantées dans l'esprit collectif de notre pays. D'où notre volonté de nous rapprocher de la francophonie, et nos investissements pour créer des lycées, l'université et d'autres mécanismes d'échanges humanitaires avec votre pays.

Monsieur le rapporteur, vous m'avez interrogé à propos des droits de l'Homme. Encore une fois, il ne faut pas oublier que notre chemin vers la démocratisation a commencé après soixante-dix ans passés sous le joug soviétique, avec un voisinage pas toujours commode et d'importantes difficultés d'ordre politique, économique et sécuritaire après la restauration de notre indépendance. Il nous a donc fallu un certain temps pour entamer des réformes politiques. Voilà pourquoi nous n'avons commencé à nous rapprocher des valeurs européennes et démocratiques que depuis vingt ans.

L'important reste notre volonté politique de continuer dans ce sens. Mais nous avons déjà bien avancé.

Nous avons aboli la peine de mort ; le pays est devenu membre du Conseil de l'Europe, et s'est ainsi soumis à la Cour européenne des droits de l'Homme ; cinquante-cinq partis politiques sont enregistrés dans le pays ; l'internet est libre, avec des sites d'opposition ; il existe plus de cinq cents journaux, une vingtaine d'agences d'information, une dizaine de chaînes de télévisions nationales et de nombreuses télévisions locales et chaînes de radio, sans compter les journaux. Pendant les campagnes électorales, chaque candidat est assuré d'avoir accès à la chaîne de télévision publique. En outre, au niveau national, les observateurs internationaux sont toujours invités au scrutin.

Nous avons réalisé la transition de l'économie collective vers le libre marché, ce qui n'a pas toujours été facile. Enfin, nous avons engagé le dialogue avec la société civile.

Cela m'amène à une autre de vos questions. Voici quelques mois, à l'initiative du Gouvernement, une plateforme de dialogue a été créée en réponse aux critiques que l'on a entendues, pour renforcer la coopération, la communication et le partenariat entre les institutions d'État et la société civile, et pour contribuer à la mise en oeuvre des principes et des valeurs de la société civile en Azerbaïdjan.

En instituant ce dialogue, nous engageons les différents représentants de la société civile à faire des propositions constructives pour améliorer la situation. La création de cette plateforme prouve qu'il n'y a pas de tabous dans notre pays, et que nous voulons continuer à oeuvrer dans ce sens.

Nous continuons à ouvrir l'Azerbaïdjan vers le monde tout en restant très fermement attachés aux notions d'indépendance, de souveraineté et de laïcité. Et nous profitons beaucoup de notre participation au Conseil de l'Europe, de nos contacts avec les différents pays, et de notre coopération bilatérale.

J'en viens aux décisions de la Cour européenne des droits de l'Homme. Depuis 2003, la Cour a rendu 117 décisions et 159 arrêts. On peut dire que la très grande majorité des décisions ont été mises en application par l'Azerbaïdjan, certainesrequêtes ayant été préalablement rejetées par la Cour pour irrecevabilité.

Dans ce domaine aussi, le dialogue continue. Nous ne nous enfermons pas dans le déni, nous ne prétendons pas qu'il n'y ait pas de problèmes. Comme on dit en anglais, the sky is the limit : nous savons que l'on peut toujours s'améliorer, mais nous sommes également conscients que nous allons devoir faire beaucoup plus rapidement ce que d'autres ont fait sur une longue période de temps. La raison en est que nous ne pouvons pas nous permettre d'attendre des siècles pour parvenir aux standards d'autres pays.

C'est dans cette logique qu'en tant qu'État jeune, indépendant et attaché à ses valeurs, nous travaillons avec le Conseil de l'Europe et la Cour européenne des droits de l'Homme.

Vous vous êtes demandé quelles étaient les raisons des événements qui ont eu lieu dans la région du Haut-Karabagh en avril.

Elles sont très simples : au début du mois, l'Azerbaïdjan a été attaqué depuis des territoires aujourd'hui sous occupation arménienne, au nord de la région du Haut-Karabagh. Au cours de cette attaque, nous avons perdu huit civils. La ligne de contact du coté azerbaïdjanais est en effet très peuplée.

Cela s'est produit au moment où les présidents azerbaïdjanais et arménien s'étaient rendus aux États-Unis pour le sommet sur la sécurité nucléaire. La provocation était très claire et ne pouvait rester sans réponse de la part de l'Azerbaïdjan. Non seulement on ne peut pas tolérer cette occupation illégale qui dure depuis vingt-cinq ans, mais on ne peut pas garder son calme à chaque provocation. Cette fois, des enfants ont été tués.

Après la réaction de l'Azerbaïdjan, on a assisté à une escalade du conflit, qui a duré quelques jours. Et finalement, grâce aux efforts de la Russie, le nouvel accord sur le cessez-le-feu a été obtenu à Moscou en présence des chefs d'état-major de l'Arménie, de l'Azerbaïdjan et de la Russie.

Vous avez évoqué la proposition russe, ou le plan russe, que certains appellent « plan Lavrov ». Ce plan ne change pas grand-chose sur le fond. En fait, on ne peut pas espérer que le conflit puisse se résoudre dans le cadre du statu quo, à savoir la présence militaire illégale des forces arméniennes sur les territoires de l'Azerbaïdjan.

Vous voyez sur la carte que l'on vous a distribuée que le Haut-Karabagh n'est pas le seul territoire de l'Azerbaïdjan qui ait été occupé : sont également concernées sept provinces qui entourent le Haut-Karabagh et qui n'ont rien à voir avec les prétentions des Arméniens sur le Haut-Karabagh, dans la mesure où elles n'ont jamais été peuplées par les Arméniens.

Ces sept provinces et le Haut-Karabagh ont fait les frais de la politique d'épuration ethnique de l'Arménie, au point qu'aujourd'hui il n'y a plus un seul Azerbaïdjanais dans les territoires qu'elle occupe. Ainsi, lorsque je parle d'un million de personnes réfugiées et déplacées, je ne vise pas seulement les 200 000 Azerbaïdjanais qui ont été expulsés d'Arménie et se sont réfugiés en Azerbaïdjan, mais aussi les 750 000 Azerbaïdjanais déplacés dans leur propre pays du fait de l'agression arménienne.

Donc, si le statu quo se maintient, si les Arméniens ne se retirent pas des territoires autour du Haut-Karabagh, je ne vois pas comment le conflit pourrait se régler. Le « plan Lavrov », comme toutes les autres solutions proposées par d'autres médiateurs, préconise de passer par plusieurs étapes ; en effet, il y a tellement de points à examiner qu'on ne peut pas envisager d'aboutir du jour au lendemain. Voilà pourquoi il faut commencer par le début, à savoir l'évacuation des territoires, au minimum autour du Haut-Karabagh. Mais cela suppose, de la part de l'Arménie, qu'elle ait la volonté politique de le faire.

Il reste encore beaucoup de questions sur la table. Sans doute aurez-vous l'occasion d'entendre bientôt l'ambassadeur Pierre Andrieu, qui pourra vous expliquer plus précisément comment le médiateur voit les choses. Pour l'Azerbaïdjan, elles sont claires : nous sommes prêts à discuter, car il n'y a pas pour nous de question taboue. Mais on ne peut pas à la fois laisser le statu quo se maintenir à la faveur de manoeuvres dilatoires et de provocations militaires, et s'exprimer en faveur d'un règlement pacifique du conflit.

Il faut donc être clair. En ce sens, le rôle des pays qui coprésident le Groupe de Minsk est très important. Bien des gens ne sont pas conscients de toutes les conséquences de ce conflit, ni des menaces qu'il représente, non seulement pour les régions du Caucase du Sud, mais pour toute l'Europe.

En deux mots, le plan russe envisage plusieurs étapes : d'abord l'évacuation des territoires autour du Haut-Karabagh par les forces armées arméniennes ; puis la restauration des communications entre l'Azerbaïdjan et l'Arménie, et peut-être entre l'Arménie et la Turquie ; la réouverture de toutes les voies de communication, des frontières ; enfin, le commencement du retour des personnes déplacées dans les territoires autour du Haut-Karabagh.

Cela peut permettre de rétablir un minimum de confiance entre les deux parties, et nous aider à aborder d'autres questions importantes si l'on veut parvenir au règlement du conflit.

La dernière question de M. le rapporteur portait sur le statut de la mer Caspienne.

Malheureusement, il n'y a pas beaucoup de choses à en dire. Aujourd'hui, la mer Caspienne, qui est le lac le plus grand du monde et dont cinq pays se partagent le littoral, n'a toujours pas de statut juridique. Des accords bilatéraux entre l'Azerbaïdjan et la Russie, entre l'Azerbaïdjan et le Kazakhstan, et entre le Kazakhstan et la Russie, ont tout de même été conclus.

L'absence de statut juridique fait que l'on est obligé de continuer à travailler dans le cadre de coopérations économiques et commerciales. Mais j'espère que les cinq pays concernés auront un jour le courage de progresser dans le bon sens.

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Monsieur l'ambassadeur, merci pour les réponses que vous avez apportées aux différentes questions. Mais avant de passer la parole à nos collègues qui souhaitent vous interroger, je voulais vous dire que nous vous adresserions sans doute quelques demandes de précisions portant sur les chiffres – il était bien normal que vous ne puissiez pas nous répondre immédiatement.

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Merci, monsieur l'ambassadeur, pour votre présence et pour vos réponses. J'ai plusieurs questions à vous poser.

J'observe, à propos du conflit au Haut-Karabagh, que la version des faits diffère selon les parties. Chacune considère que c'est l'autre qui a été à l'initiative de ce qui s'est produit, et que c'est l'autre qui a commis des exactions insupportables. C'est ce qui s'est passé au mois d'avril. Des photos ont circulé, qui montraient des soldats azerbaïdjanais paradant avec une tête d'Arménien. Cela dit, c'est toujours très compliqué.

De mon côté, je me suis permis un jour d'aller au Haut-Karabagh, dont une partie est incontestablement arménienne de par son histoire, de par sa culture. Cela étant, que tous les territoires occupés ne soient pas forcément arméniens, je crois que tout le monde est prêt à en discuter.

Quoi qu'il en soit, je retiens de vos propos qu'il est sans doute possible de trouver un juste milieu, et qu'il y a une volonté affirmée d'essayer de trouver une solution. De fait, on ne peut pas laisser perdurer un conflit larvé comme celui-ci, qui fait plusieurs centaines de morts de chaque côté tous les ans.

Comment voyez-vous les choses ? Si chacun campe sur ses positions, on n'arrivera jamais à trouver un accord de paix. La France sait bien que parfois, pour pouvoir faire la paix avec ses ennemis, il faut collectivement faire des efforts pour trouver un modus vivendi et faire évoluer la situation. Et c'est vrai dans tous les pays du monde. Quel effort l'Azerbaïdjan serait-il prêt à faire pour que l'on puisse trouver une solution acceptable pour tout le monde, dans ce terrible conflit ?

Par ailleurs, un livre qui vient de sortir sur le Qatar met en cause un certain nombre de personnes, appartenant notamment au groupe d'amitié France-Qatar. De la même façon, une émission de télévision a évoqué les relations difficiles et parfois complexes entre certains parlementaires français et l'Azerbaïdjan.

Dans le premier cas, j'ai demandé au président de l'Assemblée nationale que l'Assemblée porte plainte, dans la mesure où ce livre met en cause le fonctionnement d'un groupe d'amitié dans sa globalité, en jetant l'opprobre sur les membres de ce groupe. Dans le second cas, qui concerne l'Azerbaïdjan, y a-t-il eu dépôt de plaintes ? En l'occurrence, un certain nombre d'élus et de personnalités françaises avaient été mises en cause dans l'émission d'Élise Lucet, Cash investigation.

Enfin, vous avez parlé de l'ensemble des minorités religieuses au cours de votre intervention, mais pas des Arméniens. Or ne peut pas à la fois revendiquer le fait que le Haut-Karabagh est en Azerbaïdjan, et nier le fait qu'il y existe une importante communauté religieuse arménienne. Comment voyez-vous les choses ?

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Monsieur le président, l'ambassadeur d'Azerbaïdjan ayant répondu de manière très précise à toutes les questions, cela réduit la dimension des miennes... Je voudrais juste revenir d'un mot sur la situation au Haut-Karabagh en lui demandant ce qu'il attend de la France, puisque nous aurons l'occasion d'entendre bientôt l'ambassadeur Andrieu.

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Cette audition prévue la semaine prochaine est malheureusement reportée, mais elle aura lieu.

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Ma deuxième question rejoint un peu les propos de notre collègue François Pupponi. Finalement, quel peut être le processus de paix ? On a bien compris ce qui devait être fait s'agissant des territoires occupés. Mais, dans un processus de paix, il est fréquent d'évoquer le principe du droit des peuples à disposer d'eux-mêmes. Or il est un peu difficile de demander à un peuple de faire un choix sur son appartenance, à partir du moment où une partie de ce peuple a été chassée.

Cela m'amène à ma troisième question. On parle beaucoup des droits de l'Homme à propos de l'Azerbaïdjan, mais on parle peu des droits des déplacés et des réfugiés. Or l'invasion arménienne en 1991 a provoqué le départ d'à peu près 900 000 Azerbaïdjanais qui ont dû quitter leur sol, leur maison, leur village et qui ont dû repartir, certes, pour rester en Azerbaïdjan mais dans des lieux qui n'étaient pas les leurs. Que sont-ils devenus ? Comment vivent-ils ? Quelle est leur situation ?

Enfin, vous avez parlé du réseau ASAN, qui est un système de facilitation de la vie administrative à l'usage de tous les Azerbaïdjanais, et aussi un moyen de lutter contre une bureaucratie qui peut avoir tendance à favoriser la corruption. Pouvez-vous nous dire quelques mots sur ce système particulièrement novateur ?

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Avant de redonner la parole à notre invité, je rappellerai que l'objet de notre mission n'est pas le règlement du conflit du Haut-Karabagh, mais les relations économiques et politiques entre la France et l'Azerbaïdjan. Et je préciserai à notre collègue que s'il a eu raison d'évoquer le principe d'autodétermination, le Haut-Karabagh a déclaré son indépendance le 2 septembre 1991, avant même que l'Arménie et l'Azerbaïdjan ne le fassent.

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Elchin Amirbayov, ambassadeur d'Azerbaïdjan en France

Merci pour ces questions. Avant d'y répondre, je ferai une remarque : il est tout à fait normal que l'on évoque ici, dans cette mission, la question du Haut-Karabagh. En effet, on ne peut pas examiner les relations entre la France et l'Azerbaïdjan sans évoquer l'implication de la France dans la médiation sur le conflit du Haut-Karabagh, un sujet d'importance pour l'Azerbaïdjan. J'apprécie donc toutes ces questions, qui me permettent d'éclairer certains points et peut-être de dissiper certains mythes.

Monsieur Pupponi, vous avez évoqué certaines photos. Je peux vous montrer aussi quelques photos de corps d'enfants azerbaïdjanais victimes de cette attaque.

Certes, et vous avez raison de le dire, chaque camp essaie de justifier sa position. Mais il y a aussi la réalité sur le terrain. Et aujourd'hui, la réalité n'est pas que l'Azerbaïdjan occupe le territoire de l'Arménie, mais que l'Arménie occupe 20 % du territoire de l'Azerbaïdjan. Cette occupation a été enregistrée et reconnue par le monde entier, y compris par le Conseil de sécurité des Nations unies, qui l'a condamnée à quatre reprises et qui a demandé le retrait des forces arméniennes.

Vous avez des doutes sur l'appartenance du Haut-Karabagh. Selon vos propos, il serait arménien depuis toujours. Si vous le permettez, nous vous fournirons quelques informations, qui ne sont pas de source azerbaïdjanaise, mais de sources plutôt neutres, pour vous éclairer.

Pour tous les historiens, le Haut-Karabagh a toujours été une terre appartenant à l'Azerbaïdjan. Ce n'est pas notre faute si, en raison de l'épuration ethnique à laquelle les Arméniens ont procédé, il n'y a plus aujourd'hui d'Azerbaïdjanais physiquement présents dans ces territoires. Ce n'est pas notre faute si notre patrimoine culturel y a été rasé, détruit, si l'on a donné aux noms géographiques une consonance plutôt arménienne, et si nous avons été les victimes de ce nettoyage ethnique. Comment parler de justice, quand il n'y a plus un seul Azerbaïdjanais dans ces territoires ?

À propos des évènements du mois d'avril, je rappelle encore une fois que l'Azerbaïdjan ne pouvait que se défendre contre cette provocation, qui a visé notre population civile.

Par ailleurs, je n'ai pas mentionné les Arméniens en tant que tels, dans la mesure où je faisais référence aux religions. Et j'ai dit, si je me souviens bien, que 90 % de la population de l'Azerbaïdjan était aujourd'hui de confession musulmane – 65 % de chiites et 25 % de sunnites. Mais j'ai également fait référence aux chrétiens et aux juifs qui sont là de longue date.

Je n'ai pas mentionné spécifiquement les Arméniens, dans la mesure où il y a aussi des Ukrainiens, des Russes et d'autres citoyens de l'Azerbaïdjan qui sont chrétiens. Mais il y a en effet des Arméniens en Azerbaïdjan, et pas seulement dans les territoires occupés aujourd'hui par l'Arménie. Certains continuent à vivre confortablement à Bakou – 20 000 à 30 000 Arméniens qui ont contracté des mariages mixtes – sans y être menacés.

Monsieur Pupponi, nous n'avons malheureusement pas eu l'occasion de vous voir en Azerbaïdjan quand vous l'avez visité, mais ceci est une autre histoire… Quoi qu'il en soit, je crois qu'il est important de dire qu'il faut respecter les principes du droit international, parmi lesquels la souveraineté et l'intégrité territoriale des pays. Et je trouve bizarre qu'il y ait parfois deux poids deux mesures : en effet, des parlementaires qui visitent la Crimée annexée sont critiqués, mais pas ceux qui visitent les territoires occupés de l'Azerbaïdjan, dont fait partie la région du Haut-Karabagh.

Vous m'avez demandé comment je voyais les choses. Selon moi, c'est assez facile : il convient simplement d'appliquer le droit international. On peut toujours avoir différentes versions de ce qui s'est passé. Mais, pour obtenir un résultat et faire évoluer la situation, et je crois que c'est le devoir des médiateurs, il faut appliquer les normes du droit international et les exigences de la communauté internationale à toutes les parties.

Votre question m'amène, d'une certaine façon, à celle de M. Mancel : qu'attendons-nous de la France ? En raison de l'amitié et de la proximité des relations entre l'Arménie et la France, nous attendons qu'elle puisse exercer une certaine influence sur les dirigeants arméniens.

Monsieur Mancel, nous serions reconnaissants à France si elle parvenait à convaincre l'Arménie et ses dirigeants d'exprimer leur volonté politique de s'engager dans un dialogue constructif. Hors de tout langage diplomatique, cela veut dire que si, demain, ce pays montrait sa volonté politique de se retirer de ces territoires qui n'ont jamais appartenu, même en rêve, aux Arméniens, nous nous dirions que le président Serge Sarkissian cherche sérieusement à progresser…

Si ce n'est pas le cas, si l'on continue à avancer des prétextes pour différer les choses et pour consolider le statu quo, on ne pourra pas résoudre ce conflit. Et cela nous rapprochera d'une voie dangereuse, d'ordre militaire. Bien sûr, l'Azerbaïdjan, pas plus que l'Arménie, du moins je l'espère, ne souhaite relancer la guerre. Mais c'est un fait que le statu quo n'est pas tenable et que l'on ne peut pas encore attendre vingt-cinq ans pour parvenir à une solution. Je crois que c'est dans cet esprit que la présidence française a récemment réitéré son intention de continuer ses efforts pour trouver une solution, en essayant d'inviter les dirigeants des deux pays à un nouveau sommet de Paris.

Encore une fois, il ne s'agit pas de réinventer la roue, mais d'appliquer le droit international. Les accords d'Helsinki de 1975 ont établi dix principes, un « décalogue » qui définit un modus vivendi applicable à tous les pays du monde. Et il en ressort clairement qu'on ne peut pas mettre en oeuvre le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes en violation de l'intégrité territoriale des pays.

On peut trouver de nombreux exemples de la façon dont on peut concilier le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes, tout en respectant la souveraineté et l'intégrité territoriale des pays. C'est le sens de la proposition des médiateurs. Je crois que lorsque M. Andrieu, après sa visite à Vienne, viendra ici pour répondre à vos questions, il tiendra le même discours.

Mais vous avez raison de vous demander comment on peut satisfaire certaines parties de cette population en l'absence de minorités. On peut toujours nettoyer n'importe quel territoire de la présence de minorités, puis organiser un référendum et proclamer l'indépendance. C'est exactement ce qui s'est passé au début du conflit. Voilà pourquoi il n'est pas question, pour nous, de commencer par un vote qui viendrait contredire le droit international comme la loi de l'Azerbaïdjan ; en effet, notre Constitution ne permet pas d'organiser des référendums dans une seule partie du territoire.

Au minimum, il faut laisser rentrer chez eux ceux qui ont été victimes du nettoyage ethnique. Pour ma part, je suis tout à fait favorable à la coexistence entre les Arméniens et les Azerbaïdjanais. Selon certaines théories très racistes et très dangereuses en provenance d'Erevan, les Arméniens ne pourraient jamais vivre avec les Azerbaïdjanais, parce qu'ils ne seraient pas « compatibles ». Or l'histoire a montré que, même au Haut-Karabagh, même en Azerbaïdjan, et même s'ils étaient en minorité au siècle dernier, les Arméniens sont capables de coexister avec les Azerbaïdjanais, de nouer des amitiés avec eux, et que les mariages mixtes sont possibles. Bien sûr, après le conflit, la situation a changé…

Maintenant, je suis d'accord avec ce que vous avez dit sur les personnes réfugiées et déplacées.

Je suis toujours étonné de constater que l'on oublie complètement qu'en Azerbaïdjan, des centaines de milliers de personnes ont vu leurs droits fondamentaux bafoués : elles ont été chassées de leur maison, ont perdu leurs parents au cours de différents massacres, et depuis presqu'un quart de siècle, se trouvent déplacées dans leur propre pays. Je ne parle pas des 200 000 personnes d'origine azerbaïdjanaise qui ont fui l'Arménie : elles ont franchi les frontières internationales et, selon le droit international élémentaire, elles ont acquis le statut de réfugiés. Je parle des 750 000 personnes déplacées à l'intérieur de leur propre pays.

Quoi qu'il en soit, les personnes réfugiées et déplacées représentent à peu près un million. Or, malgré leur nombre, personne ne parle de cette population.

Aujourd'hui, grâce aux efforts du gouvernement de l'Azerbaïdjan, la situation de ces personnes s'est améliorée. Celui-ci a puisé sur ses revenus pétroliers pour faire sortir ce million – ou presque – d'Azerbaïdjanais des camps de réfugiés. Ce n'est pas moi qui le dit, mais le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés. Selon lui, l'Azerbaïdjan s'est acquitté de façon exemplaire des responsabilités qui incombent à tout État vis-à-vis des victimes de conflits internes. Par exemple, l'Azerbaïdjan a beaucoup investi pour loger ces personnes dans des conditions normales. Mais cela ne veut pas dire que ces personnes seront toujours là, ni qu'elles se satisfont d'avoir été chassées et de ne pas pouvoir visiter les tombes de leurs ancêtres.

Dernier point : le réseau ASAN a été mis en place en 2012 dans le cadre des réformes globales de modernisation de l'administration publique, lancées par la présidence de la République. C'est une nouvelle approche des services publics mis à la disposition des citoyens.

Les centres de service ASAN sont des guichets uniques – one stop shot – qui réunissent les représentants de diverses institutions gouvernementales et entreprises privées. Vous pouvez y faire toutes vos démarches, et accéder aux services publics qui y sont installés. C'est une expérience assez novatrice, que l'on pourrait partager avec d'autres, et sur laquelle je pense qu'il faudrait communiquer davantage.

L'Azerbaïdjan n'est pas le seul pays qui tente d'améliorer ses services publics. Je sais que certains pays voisins font des efforts en ce sens – comme la France, d'ailleurs. Mais le fait que nous ayons su investir dans certains secteurs pour lutter contre la corruption montre bien quelles sont les préoccupations du Gouvernement.

Enfin, pour ne pas abuser de votre temps, je vais vous laisser aussi une petite fiche qui vous donnera des informations supplémentaires sur le réseau ASAN.

PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Monsieur l'ambassadeur, vous vous êtes bien prêté au jeu des questions et des réponses, même si certaines étaient sans doute difficiles. Nous vous enverrons un questionnaire sur les points que j'ai déjà évoqués, et sur lesquels nous souhaiterions obtenir des précisions.

Je vous remercie.

La séance est levée à treize heures.