La réunion

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Arnaud Erbin, directeur international d'Engie, accompagné de M. Philippe Hochart, directeur de projet à la direction internationale, et de Mme Valérie Alain, directrice des relations institutionnelles

La séance est ouverte à quatorze heures quinze.

Présidence de M. François Rochebloine, président

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Nous accueillons aujourd'hui, M. Arnaud Erbin, directeur international de GDF Suez, devenu Engie en juillet 2015, accompagné de M. Philippe Hochart, directeur de projet à la direction internationale, ainsi que de Mme Valérie Alain, directrice des relations institutionnelles.Merci d'avoir répondu favorablement à cette audition, car il était évidemment important, dans le cadre de cette mission d'information que nous puissions échanger avec vous.

Tout le monde sait à quel point la possession de très importantes réserves d'hydrocarbures assure à l'Azerbaïdjan, pour de longues années encore, d'amples ressources financières, même s'il est apparu, au cours de la période récente que l'économie du pays restait vulnérable, exposée à la baisse prolongée du cours des produits pétroliers sur le marché international.

Deux chiffres illustrent cet avenir. Les réserves du pays sont estimées à 7 milliards de barils équivalent pétrole et à plus de 1 200 milliards de mètres cubes de gaz naturel. La gestion de cette ressource est confiée pour l'essentiel à une société nationale, la SOCAR – State Oil Company of Azerbaijan Republic –, dont le capital est détenu en totalité par l'État. Plusieurs sociétés étrangères, dont Engie, interviennent dans l'exploitation des gisements, notamment des ressources offshore de la mer Caspienne.

Sans doute voudrez-vous nous indiquez dans quelles conditions juridiques Engie exerce cette activité de production et avec quels partenaires. Plus généralement, nous souhaiterions savoir quelles sont les règles applicables, selon la loi nationale de l'Azerbaïdjan, à l'implantation d'entreprises étrangères dans le secteur de la production de pétrole et de gaz naturel.

Votre société a signé avec le consortium azéri Shah Deniz, en 2013, un contrat à long terme pour la fourniture de gaz naturel portant sur des volumes annuels de quelque 2,6 milliards de mètres cubes. Vous nous préciserez sans doute quel est le lien de ce consortium avec l'État d'Azerbaïdjan, qui en détient le capital et quelles sont les conditions principales de ce contrat – durée, conditions financières et obligations des parties. Nous vous demanderons également, comme aux précédents responsables d'entreprises étrangères implantées en Azerbaïdjan, si les autorités auxquelles vous avez affaire émettent des exigences, des voeux, des suggestions, quant à l'éventuelle implication dans ces relations contractuelles d'entreprises azéries autres, cela va de soi, que la société nationale précitée.

Le but de la mission est d'examiner nos relations politiques et économiques avec l'Azerbaïdjan, au regard des objectifs français du développement de la paix et de la démocratie au Sud Caucase. Dans cette perspective, pouvez-vous nous dire dans quelle mesure l'instabilité politique et diplomatique de la région est susceptible d'avoir un effet sur vos activités industrielles qui, par nature, s'étendent sur le long terme ? Comment analysez-vous, dans le secteur des hydrocarbures où vous opérez, les intentions des principaux intervenants politiques que sont la Russie, les États de la région mais aussi les États-Unis ?

Si nous sommes intéressés par ce que vous pourrez nous dire de l'activité actuelle d'Engie en Azerbaïdjan, de ses contraintes et de ses perspectives de développement, nous aimerions également entendre votre analyse des effets, sur votre activité et sur celle des autres entreprises étrangères du secteur, de la situation politique et économique du pays et de son évolution récente qui ne va pas, vous en conviendrez, dans le sens d'une libéralisation politique.

Enfin, nous aimerions également que vous nous fournissiez des éléments d'appréciation sur la concurrence que peuvent éventuellement se livrer dans la région États ou sociétés étrangères dans le secteur de la production du gaz naturel. Le Gouvernement azéri a-t-il mis en place des procédures de mise en concurrence entre les différentes entreprises du secteur ?

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Arnaud Erbin, directeur international d'Engie, accompagné de M. Philippe Hochart, directeur de projet à la direction internationale, et de Mme Valérie Alain, directrice des relations institutionnelles

C'est un honneur et une obligation pour une entreprise comme Engie de répondre présente lorsqu'une mission comme celle que vous présidez l'interpelle, et ce d'autant plus que l'Azerbaïdjan est stratégique pour une entreprise dont une part importante de l'activité se déploie dans le domaine du gaz.

Si l'Azerbaïdjan est stratégique, c'est non seulement du fait de ses très importantes réserves gazières mais également du fait de sa localisation géographique. Il a en effet permis d'ouvrir le corridor Sud, que l'Union européenne appelait de ses voeux et qui permet une diversification non seulement des sources mais également des routes d'approvisionnement – en l'occurrence via les gazoducs transanatolien (TANAP) et transadriatique (TAP) –, ce que toute entreprise telle qu'Engie, attachée à la fois à une saine concurrence et à la sécurité d'approvisionnement dans la durée, voit d'un oeil extrêmement favorable.

Pour resituer la présence de notre groupe en Azerbaïdjan dans une perspective historique et stratégique, Engie est une entreprise de 155 000 collaborateurs, dont les deux tiers basés en France. Nous déployons notre activité dans soixante-dix pays, probablement le double si l'on compte les pays dans lesquels nous avons une activité d'ingénierie et des activités de service.

Nous sommes très actifs en matière de recherche et développement, l'accent étant mis de plus en plus, du fait de la révolution énergétique, sur les nouvelles technologies plutôt que sur les grands systèmes centralisés, comme c'était le cas auparavant. Cette orientation a naturellement un impact indirect sur la dimension de nos ambitions en Azerbaïdjan.

Sur la période 2016-2018, les investissements d'Engie se montent à 22 milliards d'euros – 7 milliards consacrés à la maintenance et 15 milliards au développement. C'est un montant considérable mais néanmoins en baisse par rapport à ce que le groupe investissait il y a quelques années, ce qui s'explique par les difficultés que traverse le secteur européen de l'énergie et qui touchent l'ensemble de nos confrères. En 2015, notre chiffre d'affaires était de 70 milliards d'euros.

Les activités d'Engie sont structurées autour de trois métiers. Le premier regroupe les services à l'énergie, représente 16 milliards d'euros de chiffre d'affaires et emploie près de 100 000 personnes. Regroupées dans des sociétés comme Engie Cofely et Engie Ineo, ce sont sans doute les activités les moins capitalistiques du groupe ; elles englobent tout ce qui a trait à l'efficacité énergétique, à la vente d'énergie, aux réseaux urbains de chaleur et de froid et à la gestion de nos clients, qui sont plus de vingt millions dans le monde. Bien que ce ne soit pas notre métier le plus connu, nous sommes néanmoins leader mondial dans le domaine : nous y tenons, car travailler dans l'énergie aujourd'hui, ce n'est plus seulement vendre de l'énergie mais également assurer les services qui vont avec.

Notre deuxième métier se déploie dans le secteur de l'électricité. Si notre renommée en la matière est moindre que celle d'une autre grande entreprise française, nous sommes néanmoins le premier producteur indépendant d'électricité dans le monde et le premier producteur d'éolien et de solaire en France. Au total, nous opérons avec une capacité de 117 gigawatts, soit à peu près l'équivalent de notre grand concurrent français, ce qui représente un peu plus que la capacité installée en France, sachant parallèlement que nous nous orientons de plus en plus vers les énergies renouvelables.

Notre troisième métier, celui qui intéresse le plus votre mission d'information, s'opère dans le secteur du gaz naturel, sur l'ensemble de la chaîne de valeur, de l'exploration à la production – c'est le cas, par exemple en Azerbaïdjan, où nous avons une participation dans le champ de la presqu'île d'Apchéron. Nous sommes présents dans le stockage, le transport, la distribution, les terminaux méthaniers, le gaz naturel liquéfié (GNL) et, bien sûr, dans l'approvisionnement, c'est-à-dire qu'indépendamment du fait que nous produisions du gaz et du pétrole, nous signons également des contrats d'approvisionnement en gaz et en GNL.

Concernant ce dernier point, le groupe croit depuis longtemps, en effet, que le marché du GLN est amené à se développer plus rapidement que le marché du gaz dans son ensemble et plus rapidement que la consommation globale d'énergie, ce qui va entraîner une évolution majeure du secteur et constitue un facteur déterminant de notre stratégie en Azerbaïdjan.

Tandis qu'autrefois le monde gazier était un monde de gazoducs, la part du GNL a tendance à s'accroître et ses producteurs sont de plus en plus nombreux, que ce soient les États-Unis avec le gaz de schiste (shale gas), le Qatar ou l'Australie, qui accroissent leurs capacités. Pour une entreprise comme la nôtre, essentiellement active sur l'aval ou le milieu de la chaîne de valeur, c'est une situation favorable, puisque elle génère un surcroît d'offre, donc un surcroît de compétition, ce qui nous permet de négocier les prix. Plus globalement d'ailleurs, on constate une évolution des prix du pétrole et du gaz plutôt à la baisse.

Le développement du GNL a en outre un deuxième effet, dans la mesure où il tend à créer un marché mondial du gaz, alors qu'historiquement on parlait plutôt de marchés régionaux organisés autour de prix différents : ainsi, alors qu'il y a quelques années, les prix du marché européen étaient deux fois ceux du marché américain, et ceux du marché asiatique deux fois ceux du marché européen, on assiste aujourd'hui, grâce au GNL, à un rééquilibrage et à une homogénéisation des prix.

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Dans la mesure où les infrastructures nécessaires à l'exploitation du GNL requièrent un amortissement de long terme, je suppose que la contractualisation entre les pays producteurs et les opérateurs s'en trouve modifiée et que sont privilégiés les accords de long terme ?

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Arnaud Erbin, directeur international d'Engie, accompagné de M. Philippe Hochart, directeur de projet à la direction internationale, et de Mme Valérie Alain, directrice des relations institutionnelles

Vous avez raison mais, en vérité, l'industrie gazière traditionnelle a construit ses infrastructures gazières en s'appuyant sur des contrats d'approvisionnement à long terme ; c'est notamment vrai pour la Russie, mais également pour l'Algérie, qui approvisionne une chaîne de GNL, avec des terminaux de liquéfaction, du transport par méthanier et des terminaux de regazéification en France.Dans les deux cas donc, le financement des infrastructures s'appuie sur des contrats de long terme. Aux États-Unis par exemple, où l'exploitation du gaz de schiste se développe beaucoup, les usines de liquéfaction du gaz qui vont permettre l'exportation du GNL sont financées par des contrats de ventes à long terme.

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J'imagine que ces relations commerciales nouées sur le long terme nécessitent d'avoir une vision assez stable du prix du gaz.

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Arnaud Erbin, directeur international d'Engie, accompagné de M. Philippe Hochart, directeur de projet à la direction internationale, et de Mme Valérie Alain, directrice des relations institutionnelles

Oui et non. En réalité, la tendance est aujourd'hui au développement d'un marché spot. Dans un contexte de surcroît d'offre par rapport à la demande, on voit se développer des marchés structurés autour de hubs gaziers, qui fixent un prix de marché – c'est le cas pour la totalité du gaz aux États-Unis avec Henry Hub, et c'est de plus en plus le cas en Europe, où l'on a un mix de prix de marché et de prix indexés sur le pétrole. Même les producteurs traditionnels comme la Russie, la Norvège ou les Pays-Bas, qui étaient très récalcitrants face à ce système, ont fini par renoncer à l'indexation des prix sur le pétrole pour se rallier à des formules d'indexation sur les prix du marché et les prix des hubs. Le dernier pays actuellement à résister est l'Algérie.

Le contrat d'approvisionnement avec l'Azerbaïdjan, qui porte sur 2,6 milliards de mètres cubes par an, a une clause d'indexation marché.

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Philippe Hochart

Cela s'est fait dans le cadre des négociations entre le vendeur et les acheteurs – car nous n'étions pas les seuls. Nous avons fait valoir les modalités de fixation du prix du gaz en Europe.

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Ma question n'est pas innocente, mais quel était votre principal concurrent lorsque vous avez remporté le marché azéri ?

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Philippe Hochart

Deux projets étaient en concurrence : le gazoduc Nabucco, qui devait, à partir de la Turquie, alimenter les pays d'Europe centrale jusqu'en Autriche, pays qui est également l'un des points d'arrivée du gaz russe ; une voie passant plus au Sud, par la Grèce et l'Italie, les entreprises derrière chaque projet défendant l'un ou l'autre essentiellement en fonction de leurs propres débouchés.

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Le pouvoir politique, français ou azeri, a-t-il joué un rôle dans l'attribution du marché ?

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Philippe Hochart

Peut-on vraiment parler d'attribution de marché ? Il s'agit surtout d'un choix économique et commercial fait par le consortium de vente qui réunit, BP, l'opérateur du gisement de Shah Deniz, Total, Statoil, la SOCAR et d'autres compagnies régionales comme l'iranienne NICO ou la TPAO turque.

Leur choix s'est surtout fondé sur des critères économiques, notamment en ce qui concerne le transport qui représente un poste d'investissement considérable – de l'ordre de 15 à 20 milliards de dollars. Pour des raisons où entraient sans doute davantage de motifs en lien avec l'intérêt général, l'Union européenne et les États-Unis soutenaient le projet Nabucco.

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Qu'est-ce qui vous a permis de remporter ce marché ?

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Philippe Hochart

Il faut distinguer le choix des routes de celui des acheteurs. Néanmoins, l'un et l'autre sont liés car le choix des routes d'acheminement du gaz est lié aux marchés potentiels dont elles se rapprochent. Il s'agit de marchés de long terme, qui exigent donc de la confiance dans la solidité de la demande. C'est ce qui a guidé le choix qui a été fait, en plus de la confiance dans le projet de transport lui-même.

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Arnaud Erbin, directeur international d'Engie, accompagné de M. Philippe Hochart, directeur de projet à la direction internationale, et de Mme Valérie Alain, directrice des relations institutionnelles

En l'occurrence, c'est un prix de marché européen, plus précisément d'Europe du Sud, puisque le gaz arrivera par là.

Pour remettre en perspective ce que dit Philippe Hochart, il faut savoir que l'Azerbaïdjan a ouvert son secteur des hydrocarbures aux entreprises internationales, au premier rang desquelles BP, qui s'y trouve en position dominante. Au regard de cette situation, on peut donc considérer que le fait qu'Engie et Total soient parvenus à s'implanter en Azerbaïdjan, est très positif en termes d'influence de la France dans la région, a fortiori si l'on considère que l'ouverture du corridor Sud est une donnée géopolitique essentielle.

Les projets comme Shah Deniz ou Apchéron sont développés par des consortiums, dont font partie des investisseurs privés qui raisonnent en termes économiques. Ils considèrent avant tout les investissements nécessaires au développement des champs et vont chercher, pour les financer, les contrats de long terme qui leur paraissent les plus avantageux. Ce qui signifie que notre offre a dû leur paraître compétitive et que, par ailleurs, elle comportait des garanties satisfaisantes pour ce qui concernait la liquidité du marché et les risques encourus.

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Quel est le lien entre l'État d'Azerbaïdjan et le consortium dont vous venez de faire état ?

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Philippe Hochart

L'État d'Azerbaïdjan n'est pas présent directement dans le consortium : il y est représenté par la SOCAR.

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Philippe Hochart

Oui, si l'on considère que Gaz de France, c'était la France, puisqu'il y a quinze ans encore c'était une société nationale, détenue à 100 % par l'État.

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C'est donc la SOCAR qui détient le capital du consortium ?

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Philippe Hochart

Sa participation est de l'ordre de 20 % ; les opérateurs majoritaires sont les sociétés occidentales.

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Le contrat a été conclu pour une durée de vingt-cinq ans, c'est bien cela ?

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Arnaud Erbin, directeur international d'Engie, accompagné de M. Philippe Hochart, directeur de projet à la direction internationale, et de Mme Valérie Alain, directrice des relations institutionnelles

Oui, avec première livraison prévue vers 2020.

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Je suppose qu'on a dû vous imposer certaines exigences ?

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Arnaud Erbin, directeur international d'Engie, accompagné de M. Philippe Hochart, directeur de projet à la direction internationale, et de Mme Valérie Alain, directrice des relations institutionnelles

Nous sommes dans le cadre d'une négociation commerciale. Néanmoins, vous devez savoir que, très sincèrement, pour une entreprise comme la nôtre, les risques éthiques et tout ce qui peut nuire à notre image en la matière, sont probablement parmi les rares risques mortels. Notre gouvernance est donc extrêmement solide sur ce point, et un comité du conseil d'administration, spécifiquement dédié à ces questions-là, supervise toutes les procédures mises en place. Lorsqu'ils existent, ce qui n'est pas le cas en l'occurrence, tous les contrats d'intermédiaires sont revus, de façon à éviter la corruption.

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Philippe Hochart

Par ailleurs, il faut savoir que deux types de négociations se mènent en parallèle. Les premières, auxquelles nous sommes partie, opposent les acheteurs et le vendeur, c'est-à-dire le consortium et portent sur l'achat et la vente du gaz. Les secondes, auxquelles nous ne participons pas, se déroulent au sein du consortium de production et concernent la stratégie de développement du gisement – et là-dessus, Total pourra vous en dire davantage.

Pour notre part, nous étions face au consortium, dirigé par BP et dans lequel les arbitrages commerciaux sont faits par BP, Statoil, Total et SOCAR. Chacun a fait valoir ses intérêts.

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Arnaud Erbin, directeur international d'Engie, accompagné de M. Philippe Hochart, directeur de projet à la direction internationale, et de Mme Valérie Alain, directrice des relations institutionnelles

Pour en revenir à Engie, notre portefeuille d'approvisionnement à long terme, c'est-à-dire sur 20 à 25 ans, est composé à 26 % d'achat de gaz en provenance de Norvège, à 20 % de Russie, à 15 % d'Algérie et à 11 % des Pays-Bas, pour ne mentionner que nos fournisseurs les plus importants. Ce portefeuille représente au total 554 térawattheures, soit 50 milliards de mètres cubes, ce qui équivaut à un peu plus que la consommation française annuelle.

Diversifier ainsi nos fournisseurs, est une manière de garantir la sécurité de notre approvisionnement et de favoriser une saine concurrence entre ces fournisseurs. À cet égard, l'arrivée d'un nouveau venu comme l'Azerbaïdjan est essentielle, tout comme l'est l'ouverture d'une nouvelle route.

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Que représentera en quantité l'achat de gaz azéri ?

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Arnaud Erbin, directeur international d'Engie, accompagné de M. Philippe Hochart, directeur de projet à la direction internationale, et de Mme Valérie Alain, directrice des relations institutionnelles

Environ 5 % de notre portefeuille de long terme. En réalité, au-delà de l'importance de notre gros contrat d'approvisionnement avec le consortium de Shah Deniz, l'autre intérêt de l'Azerbaïdjan pour Engie, réside dans notre participation au projet d'Apchéron, où, cette fois-ci, nous intervenons en amont, c'est-à-dire au stade de l'exploration et de la production, aux côtés de la SOCAR – assez incontournable, il faut le dire, dans le pays – et de Total. Nous sommes partenaire à hauteur de 20 %, Total étant l'opérateur avec 40 %, la SOCAR détenant elle aussi 40 %.

Nous nous sommes lancés dans l'exploration et la production à une époque où le marché du gaz était assez différent de ce qu'il est aujourd'hui et où il était plutôt difficile de trouver des sources d'approvisionnement : il était donc important de gagner en crédibilité à la fois vis-à-vis des grands clients et des majors pétrolières, et nous avons pour cela développé une activité assez significative dans ce domaine. Elle représente un dixième de celle de Total, sachant que c'est nous comparer à l'une des plus grandes sociétés mondiales. Nous disposons de 700 millions de barils en réserve et produisons 60 millions de barils par an, ce qui équivaut aux deux tiers de la production mondiale quotidienne, qui est de l'ordre de 92 millions de baril par jour – Total, pour sa part, produit chaque année l'équivalent de sept jours de la production mondiale –, ce qui nous situe au rang des compagnies indépendantes telles que celles qui existent notamment aux États-Unis.

Enfin, le gaz et le pétrole que nous produisons n'est pas destiné à l'approvisionnement de la France et n'est pas non plus intégré à notre portefeuille ; pour l'essentiel, nous le vendons sur le marché, aux prix du marché.

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Arnaud Erbin, directeur international d'Engie, accompagné de M. Philippe Hochart, directeur de projet à la direction internationale, et de Mme Valérie Alain, directrice des relations institutionnelles

Bien sûr. Ce sont les 20 % que j'ai mentionnés dans notre portefeuille d'approvisionnement. Ce sont des contrats historiques, et nous avons fêté cette année quarante ans d'amitié avec Gazprom.

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Vous parliez tout à l'heure d'une modification dans la structure des prix et de la tendance à une harmonisation mondiale : comment se situent aujourd'hui le prix du gaz russe et le prix du gaz norvégien, par rapport au gaz d'Azerbaïdjan ?

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Arnaud Erbin, directeur international d'Engie, accompagné de M. Philippe Hochart, directeur de projet à la direction internationale, et de Mme Valérie Alain, directrice des relations institutionnelles

Je parlais d'harmonisation des prix de marché. Les prix d'approvisionnement varient, eux, d'un contrat à l'autre : si vous cherchez à vendre du gaz, que vous l'écouliez sur le marché asiatique, européen, ou américain, le prix sera le même ; en tant que fournisseur, le prix du gaz que vous achetez varie en fonction des contrats. Tout cela est assez compliqué et relève du « sur mesure ».

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Dans les négociations d'approvisionnement, la tendance est-elle plutôt à la hausse ou à la baisse ?

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Arnaud Erbin, directeur international d'Engie, accompagné de M. Philippe Hochart, directeur de projet à la direction internationale, et de Mme Valérie Alain, directrice des relations institutionnelles

À la baisse. On s'attend à ce que, pour une dizaine d'années encore, l'offre excède la demande sur le marché gazier, du fait de la production massive de GNL.

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Arnaud Erbin, directeur international d'Engie, accompagné de M. Philippe Hochart, directeur de projet à la direction internationale, et de Mme Valérie Alain, directrice des relations institutionnelles

Personne ne l'avait véritablement prévue. Un titre fameux de l'Agence internationale de l'énergie, ne se référait-il pas à « l'âge d'or du gaz » il y a deux ans, quelques mois avant que les cours du gaz aient commencé leur chute ?

Il faut savoir qu'historiquement, le marché du gaz est assez cyclique. S'ajoutent actuellement des facteurs conjoncturels, la crise, une croissance en berne, et surtout une consommation chinoise très inférieure aux prévisions et à ce sur quoi l'on misait. Nous vendons certes du gaz naturel liquéfié à la Chine, mais les projections que nous faisons aujourd'hui n'ont rien à voir avec celles que l'on faisait il y a deux ans.

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Pensez-vous que cette évolution puisse avoir des incidences politiques ?

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Arnaud Erbin, directeur international d'Engie, accompagné de M. Philippe Hochart, directeur de projet à la direction internationale, et de Mme Valérie Alain, directrice des relations institutionnelles

Bien sûr, mais ce dont il faut se préoccuper avant tout en ce qui concerne le monde de l'énergie, comme le souligne Isabelle Kocher, notre nouveau directeur général, c'est de la révolution énergétique à l'oeuvre. Ce n'est pas exactement pour demain, mais l'on va passer d'un monde de grandes installations centralisées à un monde décentralisé de petites installations dédiées à la production solaire ou éolienne. Cela va avoir pour conséquence de diminuer l'importance des gros contrats d'approvisionnement et de réduire les liens de dépendance entre pays consommateurs et pays producteurs.C'est confirmé par l'Agence internationale de l'énergie, qui a rendu aujourd'hui son rapport annuel, World Energy Outlook, dans laquelle elle met en exergue le développement rapide de l'éolien et du solaire, qui, d'ici à quelques années, mettront un terme à la prépondérance des énergies fossiles.

Cela étant dit, pourquoi l'Azerbaïdjan ? Parce qu'Engie estime que la place du gaz dans le bouquet énergétique européen est amenée à croître, ou, en tout cas, à rester significative. Or, si l'on regarde une carte des réserves gazières situées à proximité de l'Europe, se détachent deux grandes sources qui sont d'ailleurs les plus compétitives en termes de prix : d'une part, la Russie, et, d'autre part, une zone qui s'étend autour de la Caspienne et qui comprend l'Azerbaïdjan, le Turkménistan et l'Iran, qui, jusque très récemment, était fermé.

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Finalement, les réserves de l'Azerbaïdjan sont minimes par rapport à celles du Turkménistan et de l'Iran.

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Arnaud Erbin, directeur international d'Engie, accompagné de M. Philippe Hochart, directeur de projet à la direction internationale, et de Mme Valérie Alain, directrice des relations institutionnelles

Le Turkménistan a un tropisme chinois : il envoie son gaz en Chine.

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Les réserves de l'Azerbaïdjan sont comparables à celles de l'Ouzbékistan.

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Philippe Hochart

Ou des Pays-Bas à l'époque où ces derniers ont commencé à alimenter significativement l'Europe en gaz. Les Pays-Bas ont été, avec Lacq – qui jouait toutefois un rôle assez marginal –, à l'origine du développement du gaz en Europe dans les années 1960 : ils se sont fournis eux-mêmes et ont fourni l'Allemagne, l'Italie, la France et la Belgique. De manière un peu analogue, l'Azerbaïdjan ouvre une nouvelle route. Cela commence par un pays qui est en situation de le faire, après quoi les « gros » suivent : c'était le cas de l'URSS jadis, et la Russie a suivi.

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Arnaud Erbin, directeur international d'Engie, accompagné de M. Philippe Hochart, directeur de projet à la direction internationale, et de Mme Valérie Alain, directrice des relations institutionnelles

C'est cette nouvelle route qui explique que nous nous intéressions à l'Azerbaïdjan. Elle peut comporter des confluences : pour Engie – comme, j'imagine, pour Total –, le fait d'être présent en Azerbaïdjan permet de se trouver autour de la table lorsque les ressources de la mer Caspienne en général sont en jeu. Si nous sommes en Azerbaïdjan, les Iraniens et les Turkmènes le savent, des accords de swap (d'échange) peuvent être passés, etc.

J'en viens aux gazoducs situés autour de la mer Caspienne. Il convient ici de souligner l'importance du rôle de la Turquie, puisque le gaz d'Azerbaïdjan passe par les gazoducs TANAP et TAP. Cela nous intéresse aussi, car Engie a dans ce pays une activité de distribution de gaz. La Turquie est elle-même une grande consommatrice de gaz et souhaite diversifier sa route d'approvisionnement. Notre présence en Azerbaïdjan nous fournit donc un sujet de conversation intéressant et encourageant avec les Turcs. Par ailleurs, l'Italie, où débouche le gazoduc TANAP-TAP, est aussi un marché important pour Engie. Nous y sommes présents et nous y avons des clients.

Enfin, le tracé du corridor gazier Sud témoigne des liens entre la Turquie et l'Iran et du fait que cette route sud peut voir confluer différentes ressources à terme.

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Arnaud Erbin, directeur international d'Engie, accompagné de M. Philippe Hochart, directeur de projet à la direction internationale, et de Mme Valérie Alain, directrice des relations institutionnelles

Oui, comme pays de transit et comme pays consommateur. On ne le sait pas toujours, mais c'est l'un des premiers acheteurs de gaz, avant la France.

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Philippe Hochart

Le marché turc est aujourd'hui comparable au marché français alors qu'il n'en représentait que 10 % il y a quinze ans.

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Les événements politiques actuels en Turquie vous posent-ils des problèmes ?

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Arnaud Erbin, directeur international d'Engie, accompagné de M. Philippe Hochart, directeur de projet à la direction internationale, et de Mme Valérie Alain, directrice des relations institutionnelles

Nous y sommes attentifs, car nous préférons opérer dans des pays où l'État de droit est en vigueur.

Le gaz de Shah Deniz représentera 16 milliards de mètres cubes par an lorsque son plateau de production aura été atteint, dont 6 destinés à la Turquie et 10 à l'Europe de l'Ouest. Avec 2,5 milliards, soit un quart du total destiné à l'Europe occidentale, nous sommes le premier racheteur de cette région.

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Philippe Hochart

À l'arrivée, livré.

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En Italie.

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Dès lors, les éventuels problèmes qui peuvent se produire avant cette étape sont sans conséquence.

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Philippe Hochart

Ils peuvent en avoir sur les livraisons, mais en tout cas nous ne sommes pas impliqués, nous n'avons pas d'investissements ni de capitaux en jeu dans les gazoducs TANAP et TAP.

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Arnaud Erbin, directeur international d'Engie, accompagné de M. Philippe Hochart, directeur de projet à la direction internationale, et de Mme Valérie Alain, directrice des relations institutionnelles

Un problème peut se poser si le gaz que nous avions prévu de vendre ne nous est pas livré. Mais c'est une autre affaire.

Je conclurai sur la stratégie actuelle d'Engie, qui n'est pas sans rapport avec l'Azerbaïdjan. Le groupe a décidé assez récemment de trois axes clairs de développement.

Premièrement, dans le domaine de l'électricité qui ne nous concerne pas aujourd'hui, aller vers une production moins émettrice de CO2.

Deuxièmement, réduire notre exposition au prix des commodités, donc du pétrole. À ce titre, le groupe a annoncé qu'il cesserait son activité d'exploration et de production. Cela concerne la participation que nous détenons dans Apchéron aux côtés de Total et de la SOCAR – même si, je le répète, nous n'y sommes pas opérateurs. Cette activité a vocation à sortir à plus ou moins brève échéance du périmètre d'intervention du groupe. Engie n'est d'ailleurs plus présent physiquement en Azerbaïdjan, les contrats d'achat de gaz ne le nécessitant pas : nous avons fermé l'an dernier le bureau que nous avions ouvert en 2009 en prenant une participation dans Apchéron.

Le troisième axe de développement est donc l'aval.

En conséquence, le groupe prévoit d'investir 22 milliards d'euros au cours des trois prochaines années et de vendre 15 milliards d'actifs pour financer ces investissements, dont l'activité d'exploration et de production, dite E & P.

Voilà pour le contexte historique et stratégique de notre position en Azerbaïdjan. J'espère avoir répondu au moins en partie à certaines de vos questions.

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Je note que vous n'êtes pas présents en Azerbaïdjan : vous négociez, après quoi vous n'êtes plus concernés.

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Arnaud Erbin, directeur international d'Engie, accompagné de M. Philippe Hochart, directeur de projet à la direction internationale, et de Mme Valérie Alain, directrice des relations institutionnelles

De fait, nous n'y sommes pas présents physiquement. Pour tout vous dire, nous avons essayé de l'être, mais pour différentes raisons, y compris celles que vous évoquiez dans votre propos liminaire, nous n'avons pas donné suite. Nous avons étudié les possibilités d'y développer nos autres métiers, mais nous ne l'avons pas fait.

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Merci de votre exposé, qui a répondu par anticipation à plusieurs des nombreuses questions que j'avais à vous poser.

D'après une étude réalisée en juin 2015 par l'Oxford Institute for Energy Studies, la production de gaz naturel par l'Azerbaïdjan devrait doubler d'ici aux années 2020 et encore augmenter par la suite. Allez-vous accroître proportionnellement vos achats, ou leur niveau est-il fixé une fois pour toutes par le contrat que vous avez signé ?

Quelles sont les conséquences de la chute des prix des hydrocarbures sur les perspectives de développement de votre société et de l'Azerbaïdjan lui-même ? Ce renversement de conjoncture vous a-t-il conduits à reporter ou à redimensionner vos projets d'investissement ? Quel serait, selon vous, l'avenir du pays si la chute des cours devait se prolonger encore plusieurs années ?

Plusieurs des personnes que nous avons entendues nous ont indiqué que les relations bilatérales entre la France et l'Azerbaïdjan, concrétisées notamment par la visite du Président de la République sur place, avaient joué un rôle déterminant dans la négociation des contrats. Était-ce le cas pour votre société, ou bien les négociations en sont-elles restées à la dimension commerciale traditionnelle ?

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Arnaud Erbin, directeur international d'Engie, accompagné de M. Philippe Hochart, directeur de projet à la direction internationale, et de Mme Valérie Alain, directrice des relations institutionnelles

Avons-nous l'intention d'accroître nos achats ? Nous avons commencé à négocier le contrat Shah Deniz en 2006 ; nous sommes entrés dans le projet Apchéron en 2009. À l'époque, le monde des hydrocarbures était complètement différent de ce qu'il est aujourd'hui : le prix du pétrole était élevé et, sur le marché du gaz, c'étaient les vendeurs qui dictaient leur loi, alors qu'il s'agit plutôt, actuellement, d'un marché d'acheteurs. Si nous cherchons toujours à diversifier notre approvisionnement, ce n'est donc pas notre priorité absolue.

Par ailleurs, il convient d'être prudent s'agissant de ce type de projections, qui sous-entendent que des investissements seront réalisés alors que – c'est votre deuxième question – les prix des hydrocarbures ont évidemment un effet direct sur les activités d'exploration et de production ainsi que sur les investissements. En outre, l'Azerbaïdjan, comme d'ailleurs l'Iran, réinjecte une bonne partie de son gaz dans les puits pétroliers pour contribuer à la production pétrolière. Cet élément doit être pris en considération par les entreprises qui, comme la nôtre, cherchent à acheminer du gaz vers l'Europe et rencontrent alors une forme de concurrence. La Turquie peut également représenter un débouché assez facile pour le gaz en provenance d'Azerbaïdjan.

Aujourd'hui, il n'est pas dans nos intentions de développer massivement nos contrats d'approvisionnement en gaz, car il est facile de trouver du gaz spot à des prix intéressants.

Pour en revenir à la chute des cours, nous l'avons vécue en direct dans le cadre de notre projet Apchéron. Alors que nous en sommes à la phase de définition de ce que l'on appelle le projet de développement, nous avons dû redimensionner le projet pour tenir compte des moindres revenus à attendre du pétrole, étant donné les prix actuels.

En ce qui concerne votre question sur les contrats, la visite d'un Président de la République est toujours une bonne nouvelle, car elle permet d'accélérer la réalisation d'un projet, de souligner la qualité de la relation bilatérale, etc. Pour nous, cela a-t-il été déterminant ?

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Philippe Hochart

Cela crée un contexte favorable, mais nos arguments sont strictement gaziers.

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Autrement dit, aucun élément politique n'entre dans la signature des contrats ?

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Arnaud Erbin, directeur international d'Engie, accompagné de M. Philippe Hochart, directeur de projet à la direction internationale, et de Mme Valérie Alain, directrice des relations institutionnelles

Honnêtement, non. Les raisons sont vraiment économiques. Ce qui intéresse les acteurs, c'est l'investissement : combien investir, combien l'on peut espérer en tirer, etc. Il s'agit d'un consortium avec des sociétés internationales.

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Dans le rapport particulier qu'il a consacré à l'Azerbaïdjan et qui a été publié le 3 juin 2015, le groupe de travail de l'Organisation des Nations unies sur la question des droits de l'Homme et des sociétés transnationales et autres entreprises déclare avoir noté, à l'occasion de ses réunions avec les responsables de la SOCAR, un faible niveau de compréhension des responsabilités propres de cette société à l'égard des droits de l'Homme. Partagez-vous cette analyse ?

Tout en reconnaissant que les pouvoirs publics azerbaïdjanais ont pris plusieurs initiatives formelles, notamment par la voie législative, pour définir des règles de lutte contre la corruption, bon nombre d'observateurs internationaux mettent en cause le caractère largement nominal de cet effort, au regard des pratiques qu'ils constatent. Le guide « Les pratiques de l'éthique » que votre groupe a publié exprime votre adhésion aux instruments internationaux de lutte contre la corruption. De ce point de vue, quelle est votre appréciation de la situation en Azerbaïdjan ?

Le même guide recommande d'entretenir « un dialogue et un partenariat avec des organisations non gouvernementales (ONG) des secteurs environnementaux et humanitaires ». Cette recommandation est-elle mise en pratique en Azerbaïdjan ? Si oui, avec quelles ONG êtes-vous en relations, et pour mener quelles actions ?

Enfin, certains groupes européens concurrents appartenant à votre secteur se sont fait « toquer » par la justice pour commissionnement occulte dans certains pays de la Communauté des États indépendants (CEI). Comment votre groupe résiste-t-il – je ne doute pas qu'il le fasse – aux sollicitations de ce type dans un pays comme l'Azerbaïdjan ? La question peut également se poser ailleurs.

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Arnaud Erbin, directeur international d'Engie, accompagné de M. Philippe Hochart, directeur de projet à la direction internationale, et de Mme Valérie Alain, directrice des relations institutionnelles

Les préoccupations de notre groupe en matière d'éthique s'expriment non seulement dans le guide que vous avez cité, mais également, je l'ai rappelé, dans notre gouvernance elle-même : nous avons au sein de notre conseil d'administration – ce n'est pas le cas de tous les groupes du CAC40 – un comité éthique qui revoit régulièrement les procédures utilisées par le groupe afin d'éviter à celui-ci d'être exposé aux risques de corruption, de non-respect des droits de l'Homme, etc. Le contrôle et la vérification concernent aussi les intermédiaires et les contreparties.

Nous ne sommes pas présents en Azerbaïdjan, puisque c'est Total et non Engie qui est opérateur à Apchéron.

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Arnaud Erbin, directeur international d'Engie, accompagné de M. Philippe Hochart, directeur de projet à la direction internationale, et de Mme Valérie Alain, directrice des relations institutionnelles

Je veux simplement dire que c'est Total qui est opérateur, qui est représenté sur le terrain. Mais Total a ses propres procédures. En outre, dans cet univers, il n'y a guère d'intermédiaires : nous avons en face de nous la société d'État, la SOCAR.

Quant à ce qui se passe dans le pays, nous aurions des choses à en dire, mais en tant que citoyens.

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Philippe Hochart

Nous n'en savons pas plus que ce que l'on peut lire dans les journaux ou dans les rapports.

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J'apprécie les réponses que vous nous avez apportées jusqu'à présent, mais je comprends évidemment que vous ne puissiez pas nous dire certaines choses…

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Arnaud Erbin, directeur international d'Engie, accompagné de M. Philippe Hochart, directeur de projet à la direction internationale, et de Mme Valérie Alain, directrice des relations institutionnelles

Le groupe considère vraiment que le risque éthique et de réputation est l'un des seuls qui puissent le détruire, et le prend donc très au sérieux. En pratique, notre réponse se situe au niveau de la gouvernance, avec ce comité du conseil d'administration qui veille au respect d'un certain nombre de règles. L'Azerbaïdjan n'est certainement pas le pays où l'on respecte le plus les droits de l'Homme – à l'instar d'autres grands partenaires commerciaux de la France…

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Philippe Hochart

Les ressources naturelles sont malheureusement situées dans ce type de pays… La Norvège fait exception, de même que les Pays-Bas.

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Comment procédez-vous dans un pays où les droits de l'Homme ne sont pas respectés, un pays en guerre, qui plus est ? L'Azerbaïdjan est en conflit armé avec l'Arménie depuis de nombreuses années, et, dans ce cadre, des événements graves ont eu lieu au printemps dernier. Comment vivez-vous cette situation ?

Une émission d'Élise Lucet a mis en cause plusieurs groupes français, dont le vôtre, je crois, à propos du versement de commissions et rétrocommissions. Avez-vous porté plainte ?

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Arnaud Erbin, directeur international d'Engie, accompagné de M. Philippe Hochart, directeur de projet à la direction internationale, et de Mme Valérie Alain, directrice des relations institutionnelles

À ma connaissance non, mais je ne vois pas très précisément ce à quoi vous faites référence.

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De mémoire, il était question de lobbying, assorti de rémunérations, en vue d'obtenir des marchés, et de rétrocommissions. C'est ce qui ressortait de l'émission ; je ne dis pas que c'est vrai. Je voulais simplement savoir si les groupes mis en cause avaient porté plainte.

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Arnaud Erbin, directeur international d'Engie, accompagné de M. Philippe Hochart, directeur de projet à la direction internationale, et de Mme Valérie Alain, directrice des relations institutionnelles

Pas que je sache, dans notre cas. Mais nous allons vérifier.

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Valérie Alain, directrice des relations institutionnelles

Bien sûr.

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Arnaud Erbin, directeur international d'Engie, accompagné de M. Philippe Hochart, directeur de projet à la direction internationale, et de Mme Valérie Alain, directrice des relations institutionnelles

Notre groupe est en ce moment même en mission pour quatre jours en Arménie, où il va rencontrer l'ensemble du Gouvernement. Cela ne concerne pas le gaz, puisque l'Arménie n'en a pas, mais d'autres domaines d'activité que nous cherchons à développer.

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Arnaud Erbin, directeur international d'Engie, accompagné de M. Philippe Hochart, directeur de projet à la direction internationale, et de Mme Valérie Alain, directrice des relations institutionnelles

Le solaire, les énergies renouvelables en général, les prestations d'ingénierie hydroélectrique.

Pour le reste, je ne peux que vous répéter ce que je vous ai déjà dit : nous sommes très attentifs à ces questions et nous ne transigeons pas avec elles. C'est le discours invariant de Gérard Mestrallet et d'Isabelle Kocher : zéro tolérance en matière d'éthique.

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J'aimerais revenir sur la question posée par François Pupponi. Vous dites qu'a priori vous n'avez pas porté plainte. Pour ma part, je ne porte aucun jugement ; mais une émission a été diffusée au cours de laquelle certains propos ont été tenus, suffisamment graves pour que l'on doive savoir ce qu'il en est. Sinon, le soupçon pourrait subsister, et ce serait pire que tout. Si les mises en cause sont infondées, il faut les dénoncer.

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Arnaud Erbin, directeur international d'Engie, accompagné de M. Philippe Hochart, directeur de projet à la direction internationale, et de Mme Valérie Alain, directrice des relations institutionnelles

En matière de communication, nous préférons parfois ne pas répondre à certaines invectives.

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Nous aurons l'occasion d'en reparler. Madame, messieurs, je vous remercie.

Échange de vues sur les travaux de la mission

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Mes chers collègues, je me réjouis de la manière dont se déroulent nos travaux. Mais il y a eu hier un échange malheureux. Je souhaite que l'on s'abstienne d'évoquer la situation d'une personne en son absence ; or Jean-François Mancel – avec qui tout se passe très bien par ailleurs – a parlé d'une déclaration de François Pupponi en conseil municipal à Sarcelles alors que celui-ci n'était pas là. On a pu regretter cette absence, mais elle n'est la faute de personne. Afin de clarifier les choses, j'ai fait part à François Pupponi des propos qui ont été tenus, et que Jean-François Mancel aurait d'ailleurs sans doute formulés de la même manière en sa présence. Il me paraît important de donner maintenant la parole à François Pupponi afin qu'il puisse dire ce qui s'est passé.

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Je suis désolé d'avoir été absent hier et présent par intermittence ce matin, mais il fallait absolument que je sois dans l'hémicycle.

Ce qu'a dit hier notre collègue correspond à la réalité. Il a par ailleurs posé des questions. J'aimerais donc apporter des précisions sur la façon dont les choses se sont passées au niveau de la municipalité de Sarcelles.

Nous avons voulu procéder de la manière la plus limpide possible. Nous avons donc voté une délibération qui m'autorisait à signer une charte d'amitié avec le Haut-Karabagh, en étant parfaitement conscients du contexte géopolitique local et en assumant notre démarche. Lorsque la charte a été approuvée par le conseil municipal, des élus ont posé des questions, auxquelles j'ai répondu. La charte a ensuite été envoyée au contrôle de légalité : rien n'a alors été trouvé à y redire.

Nous n'avons pas voulu agir en cachette, nous l'avons fait officiellement.

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Je n'ai jamais soutenu le contraire. J'ai rapporté exactement ce qui s'est dit lors du conseil municipal.

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La question de savoir s'il y avait eu un contrôle de légalité a été posée. Je précise pour y répondre que le préfet n'a fait aucune remarque.

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C'est la question que nous avons posée ensuite à Bertrand Fort.

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Le préfet n'a pas déféré la délibération, c'est-à-dire qu'il l'a acceptée. Le cas de Bourg-lès-Valence a suscité un peu d'émotion, mais la plainte déposée contre Bourg-lès-Valence ne l'a pas été contre la ville de Sarcelles.

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À propos de ce qui peut être reproché aux municipalités, voici ce qui nous a été dit très clairement. Lorsqu'une délibération est soumise au contrôle de légalité, les préfets peuvent en connaître ; encore faut-il que la délibération soit transmise. On nous a cité l'exemple des relations entre les villes de Yalta et de Nice : une collaboration existe, mais aucune délibération n'a été adressée au préfet. Jean-François Mancel a demandé à juste titre si des préfets ont porté plainte ; aucun ne l'a fait à ce jour.

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Le préfet aurait pu demander dans un premier temps le retrait de la délibération. Mais le contrôle de légalité n'a débouché sur aucune réaction.

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Il y en a eu dans d'autres communes. Je voulais simplement vous réunir…

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… pour éviter que l'on risque de voir se colporter des choses fausses. Tout est maintenant clair.

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Monsieur le président, j'ai une question à propos des comptes rendus. Nous ne les recevons pas : ils sont publiés sur le site, de temps en temps, dans le désordre. Par ailleurs, ils sont extrêmement succincts. Comment ça marche, finalement, un compte rendu ? Est-ce un compte rendu très détaillé de ce que nous disons, des questions posées, des réponses qui leur sont apportées, ou un document de deux lignes ?

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J'ai été le premier à réclamer que nous ayons les comptes rendus plus rapidement. Mais je vous rappelle qu'ils sont d'abord envoyés pour accord aux personnes auditionnées.

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À moi non plus, seulement à ceux que nous auditionnons. Il faut donc attendre d'abord que nos collaborateurs – que je remercie, car nous ne sommes pas la seule mission à faire l'objet d'un compte rendu, surtout en cette période budgétaire – établissent le compte rendu, puis que celui-ci, une fois transmis, ait été validé par les auditionnés. Ensuite, je n'ai pas vu plus de comptes rendus que vous. Il y en a trois en ligne à ce jour. Je le répète, je remercie ceux qui les rédigent, car ils ont beaucoup de travail. Je serais le premier à vouloir les obtenir plus rapidement, mais…

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Ce n'est pas un problème de rapidité mais de contenu.

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Ce n'est pas à moi de dire quoi que ce soit là-dessus : il s'agit du compte rendu de ce qu'ont dit les personnes auditionnées, validé par eux.

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Et nos questions ? Et les réponses qui leur sont apportées ? On ne les voit jamais !

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De la première réunion : nous avons eu tout un débat, mais le compte rendu se réduit à sept ou huit mots.

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La tradition veut que l'on n'évoque pas dans le compte rendu les débats ayant eu lieu lors de la constitution de la mission.

Si c'est pour avoir le plaisir de dire que j'ai été mis en examen dans le cadre d'un litige avec l'ambassade d'Azerbaïdjan, sur l'une de mes déclarations, cela ne me gêne absolument pas !

Pour le reste, je me suis efforcé de conduire nos travaux, avec le rapporteur – que je remercie –, dans la transparence la plus totale. Plusieurs collègues m'en savent d'ailleurs gré. Chacun est libre de poser ses questions.

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Monsieur le président, Mme Élise Lucet sera-t-elle auditionnée ?

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Je ne suis pas du tout d'accord. Mme Lucet est une journaliste qui fait fructifier son fonds de commerce, en tenant des propos infondés – non seulement sur l'Azerbaïdjan, mais sur bien d'autres institutions ou pays. La mission d'information ne doit pas se situer à ce niveau.

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C'est votre point de vue. Je suis très heureux des propositions que vous nous avez faites. Nous allons d'ailleurs ajouter à notre programme au moins une audition que vous avez proposée. Cela ne me pose aucun problème. Mais, puisque l'on parle de liberté de la presse, je ne vois pas pourquoi nous nous interdirions cette démarche.

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Y a-t-il des preuves de ce qui est avancé dans les reportages ? Là est toute la question.

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En effet !

Je n'ai aucun a priori. Je ne connais pas cette dame. J'envisage d'entendre tous ceux qui peuvent nous intéresser.

La séance est levée à quinze heures trente.