La réunion

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Audition, en visioconférence, de M. Laurent Richard, journaliste

La séance est ouverte à dix-neuf heures.

Présidence de M. François Rochebloine, président

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Avant que nous ne commencions notre échange avec M. Laurent Richard, Jean-François Mancel souhaite dire quelques mots.

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Je souhaite effectivement rappeler ce que je vous ai écrit il y a quelques jours, monsieur le président, lorsque j'ai appris que M. Laurent Richard serait auditionné. Il y a quelques réunions de cela, lorsque notre collègue Michel Voisin vous a demandé si vous comptiez auditionner Mme Lucet, j'ai pris la parole pour dire que cela me paraîtrait totalement aberrant dans la mesure où Mme Lucet est renvoyée en correctionnelle, comme M. Richard, pour diffamation à l'égard de l'Azerbaïdjan.

La situation est pour le moins extraordinaire s'agissant de cette mission, dont chacun connaît l'origine et que j'ai rappelée lors de notre première réunion, sans que cela figure, d'ailleurs, au compte rendu mis en ligne : le président de la Mission, mis en examen pour diffamation à l'égard de l'Azerbaïdjan, va dialoguer avec un journaliste renvoyé en correctionnelle pour diffamation à l'égard de l'Azerbaïdjan, tout cela dans le cadre d'une mission de l'Assemblée nationale sur les relations entre la France et l'Azerbaïdjan ! Ce pourrait être cocasse si ce n'était extrêmement grave, parce que l'Assemblée nationale s'en trouve très nettement abaissée. Quand il s'agit d'une mission d'information de l'Assemblée nationale, ce n'est pas ainsi que les choses doivent se passer.

J'ai donc exprimé mon vif souhait que Mme Lucet ne soit pas entendue. J'ai également exprimé, dans un courriel que je vous ai adressé, le souhait que M. Richard ne le soit pas non plus. Chacun sait que l'émission de Mme Lucet vise exclusivement à faire de l'audimat pour conforter le fonds de commerce télévisuel de celle-ci. Il me paraît insupportable que l'Assemblée nationale, que les élus du suffrage universel s'abaissent ainsi !

Dans le cadre de son reportage sur l'Azerbaïdjan, Mme Lucet et son équipe sont entrés dans la mairie du 1er arrondissement de Paris pour essayer, avec l'agressivité verbale qui les caractérise, de troubler le déroulement d'une manifestation à laquelle ils n'étaient ni les uns ni les autres invités et où était présente la première dame d'Azerbaïdjan. Vous imaginez l'effet que cela a eu sur les excellentes relations que nous entretenons, notamment sur le plan diplomatique, avec ce pays !

D'ailleurs, monsieur le président, une relecture attentive des comptes rendus de nos très nombreuses réunions permettra de constater la différence entre vos questions et celles du rapporteur. Celui-ci a toujours cherché, avec impartialité et objectivité, à s'informer. Pour votre part, et comme un certain nombre de mes collègues assidus s'en sont rendu compte, vous avez, en permanence, été insidieux.

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Cela montre qu'il ne s'agit pas ici d'une mission impartiale ; tout cela relève d'une opération menée par M. Rochebloine contre l'Azerbaïdjan, en cherchant à nous utiliser et à utiliser l'Assemblée nationale. C'est totalement inadmissible, et c'est la raison pour laquelle je ne participerai pas à cette mascarade !

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Ce sera très bien ainsi, même s'il est dommage que vous ne restiez pas pour interroger M. Laurent Richard et que vous n'ayez pas le courage de rester pour entendre mes réponses ! Je les donne quand même, pour M. Scellier qui s'est associé à votre demande de renoncer à cette audition.

Tout d'abord, c'est ensemble que le rapporteur et moi-même avons choisi d'auditionner un journaliste – cela aurait pu être Mme Lucet, c'est M. Richard. Si M. le rapporteur n'est pas présent aujourd'hui, c'est malheureusement, et uniquement, pour des raisons de santé, mais il participera à nos travaux demain. Il m'a d'ailleurs prié de l'excuser et de saluer en son nom M. Richard.

Effectivement, M. Mancel m'a écrit pour demander l'annulation de cette réunion, jusqu'à votre jugement, monsieur Richard. Moi-même, je suis également mis en examen, non pas, comme cela a été dit, parce que j'aurais qualifié l'Azerbaïdjan de « pays terroriste » mais parce que j'ai dit que ce pays se comportait « comme » un pays terroriste – c'est quand même très différent. M. Mancel a reçu l'appui de trois collègues – M. François Scellier ici présent, et M. Door et M. Gandolfi, absents –, et seulement de ces trois collègues. Les autres membres de la Mission étaient tout à fait d'accord pour que se tienne cette audition.

Je vous remercie donc, monsieur Richard, d'avoir accepté notre invitation – je remercie également les services de l'Assemblée nationale qui l'ont organisée, car ce n'était pas simple. Pour ma part, je suis très heureux de pouvoir échanger avec vous.

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Je souhaite prendre la parole quelques secondes, monsieur le président, car vous m'avez interpellé.

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Effectivement, par courriel ou par SMS, je vous ai fait connaître ma position : je suis d'accord avec Jean-François Mancel. Cela ne signifie pas que j'approuve entièrement la manière dont il s'est exprimé, notamment il y a quelques instants. J'assisterai donc, pour ma part, à cette audition.

Il ne m'en paraît pas moins dommage que nous en soyons arrivés là. J'aurais aimé que les membres du bureau de la Mission soient consultés à propos des auditions, qu'elles ne soient pas simplement décidées par son président et son rapporteur. Cela aurait évité un incident regrettable comme celui-ci.

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Cher collègue, merci de rester. Nous avons accepté sans la moindre difficulté, et sans réunir le bureau, un certain nombre de propositions d'audition faites par M. Mancel. Celui-ci a voulu créer la polémique ; il en est très heureux, il a fait du spectacle, comme lors de notre réunion constitutive.

M. Mancel ne voulait surtout pas que cette mission fonctionne. Malheureusement pour lui, elle a très bien fonctionné, et vous-même, cher François Scellier, l'avez reconnu. Peut-être est-ce la lecture de l'édition d'aujourd'hui du Canard enchaîné qui l'a mis en colère, mais je n'accepte pas ces inadmissibles attaques de M. Mancel. Vous-même me l'avez dit, monsieur Scellier : j'ai été très honnête, absolument pas partisan, au cours des travaux de cette mission. Je ne suis le porte-parole de personne.

Je regrette que M. Mancel soit parti ; au lieu d'incendier Mme Lucet et M. Richard, il aurait pu rester pour poser des questions. Ce n'est pas correct de sa part, mais cela ne m'étonne pas.

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Je remercie déjà M. Laurent Richard de prendre un peu de temps pour répondre à nos questions.

Ce qui vient de se passer donne une image un peu déplorable des élus de la nation, mais les débats sont parfois ainsi. Pour ma part, je distingue bien, monsieur Richard, votre travail journalistique de ce que vous pouvez apporter à notre réflexion et à notre connaissance de l'Azerbaïdjan. Et ce n'est pas parce que l'on est mis en examen que l'on est coupable de quoi que ce soit.

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J'arrive après l'incident, mais j'ai du mal à comprendre la polémique. Des journalistes ont fait une émission, ils ont des choses à dire ; nous les auditionnons, comme nous avons auditionné d'autres personnes. Chacun dit ce qu'il a à dire, écoutons les témoignages des uns et des autres et faisons la part des choses. Je suis un peu étonné que cela puisse causer un incident.

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Chers collègues, nos débats de ce soir auront une forme un peu particulière, puisque notre invité n'est pas physiquement présent parmi nous. Il se trouve aux États-Unis, car il bénéficie d'une bourse de l'université du Michigan au sein du programme Knight-Wallace pour les journalistes, qui se propose d'offrir à des « journalistes exceptionnels par leur travail, leur leadership et leurs potentialités » – ce sont les termes qui figurent sur le site de ladite fondation – une année d'études à l'université du Michigan, axée sur le développement de leurs compétences professionnelles. Comme toujours en pareil cas, le choix de la fondation résulte de l'évaluation des reportages dont M. Richard est l'auteur.

Monsieur Richard, en vous saluant, je rappellerai brièvement que les sujets auxquels vous vous êtes intéressé sont à la fois divers et sensibles. Le dernier reportage dont votre biographie fait état est consacré à la lutte contre Daech. En lui-même, son titre – « Le bourbier : l'impossible coalition contre Daech » – montre que vous ne reculez pas devant le débat.

Votre avant-dernier reportage intitulé, « Mon président est en voyage d'affaires », a été diffusé par France 2 dans le cadre du magazine Cash Investigation dont la responsable est Mme Élise Lucet. Il est consacré à l'Azerbaïdjan et son sujet le place au coeur même des préoccupations de notre mission. Pas plus que vos autres réalisations, mais pas moins, ce reportage ne recule devant les affirmations fortes. Il n'a donc pas manqué de susciter des protestations et vous a attiré une plainte en diffamation de la part de l'Azerbaïdjan, qui n'a encore donné lieu, à ce jour, à aucun jugement.

Il vous revient de décrire à la Mission les raisons qui vous ont poussé à retenir ce thème d'investigation, les méthodes que vous avez utilisées pour réaliser le reportage, les conclusions auxquelles vous êtes parvenu.

Naturellement, les membres de notre mission d'information seront libres, après votre exposé, de formuler, soit à l'égard des modalités de réalisation du reportage, soit sur le fond de ses affirmations, toutes les remarques qui leur paraîtront opportunes. La libre critique est, au Parlement comme dans la société tout entière, un fondement essentiel de la démocratie. Je souhaite qu'elle se déploie pleinement. Bien entendu, vous aurez ensuite toute possibilité de répondre. Chacun, ainsi, pourra juger. Notre échange n'est pas ouvert à la presse, mais fera l'objet d'un compte rendu qui vous sera communiqué.

Je voudrais enfin excuser notre rapporteur, M. Jean-Louis Destans, qui ne peut être des nôtres ce soir.

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Laurent Richard

Merci, monsieur le président, pour votre sollicitation dans le cadre de cette mission d'information, vraiment importante.

Je suis surpris qu'un député de la République puisse, comme l'a fait M. Mancel, s'opposer à l'audition d'un journaliste français, travaillant pour le service public français, qui n'a fait que son devoir d'enquête et son travail de journaliste dans un pays qui emprisonne les journalistes et les opposants. Heureusement, nous ne sommes pas en Azerbaïdjan, nous sommes bien en France, dans le cadre d'une mission d'information parlementaire, je vais donc pouvoir m'exprimer. Peut-être M. Mancel a-t-il quitté la salle parce qu'il savait qu'il serait gêné par les discussions que nous aurions, par les informations que je vous donnerais. Je n'en regrette pas moins qu'il soit parti, puisqu'il est membre du groupe d'amitié France-Azerbaïdjan et qu'il oeuvre activement au sein de l'Association des amis de l'Azerbaïdjan, dont nous allons parler et qui a retenu mon attention lors de mon enquête.

Journaliste, je suis salarié de l'agence Premières Lignes Télévision, qui produit essentiellement des documentaires d'investigation, pour la plupart des chaînes françaises mais surtout pour le service public. Avec Jean-Pierre Canet et Élise Lucet, j'ai créé le magazine Cash investigation, dont j'ai été le premier rédacteur en chef. Diffusé sur France 2, celui-ci a obtenu de nombreux prix et sa qualité ne fait aucun doute. Il jouit d'une excellente réputation au sein de la presse professionnelle française, européenne et même mondiale, puisque l'agence et le magazine participent, au sein du consortium international ICIJ (International Consortium of Investigative Journalists), aux différentes enquêtes en cours, notamment à la grande mobilisation des médias du monde entier autour des Panama papers.

Pour cette émission d'une durée de 120 minutes, intitulée « Mon président est en voyage d'affaires », mon enquête est partie de l'interrogation suivante : comment, quand on est Président de la République, signe-t-on des contrats dans des pays aussi sensibles que l'Azerbaïdjan ou le Kazakhstan, et comment fait-on avancer la cause des droits de l'Homme ? J'étais parti d'une archive : lors de la campagne présidentielle de 2012, François Hollande avait dit que présider la République ce n'était pas inviter des dictateurs en grand appareil à l'Élysée et promis que son élection serait une mauvaise nouvelle pour les dictatures. Le prenant au mot, j'ai voulu le suivre dans un voyage en Azerbaïdjan et au Kazakhstan pour savoir comment lui, ses équipes de l'Élysée mais aussi les parlementaires français se comportaient en Azerbaïdjan et, surtout, évoquaient la question des droits de l'Homme, sachant qu'ils représentent évidemment les valeurs de la République française. Tel était le point de départ de ma démarche.

Ce voyage a eu lieu au mois de mai 2014. Quand j'ai suivi le déplacement de François Hollande, j'étais accrédité par les services de l'Élysée et, évidemment, par les services azéris. Je disposais d'un visa obtenu via l'Élysée. Quand François Hollande a quitté l'Azerbaïdjan pour poursuivre sa visite dans le Caucase, j'ai décidé de rester sur place – en accord avec les autorités azerbaïdjanaises, puisque je disposais d'un visa –, pour approfondir mon tournage, faire différentes rencontres, enquêter sur l'aspect des droits de l'Homme, sur la possibilité, ou plutôt l'impossibilité, pour les journalistes de travailler sur place et sur la façon dont le régime d'Ilham Aliev accapare les richesses du pays.

J'ai donc fait mon travail avec mon cameraman, mais, au retour, à l'aéroport, nous avons été arrêtés illégalement par les services azerbaïdjanais, qui ont fouillé nos affaires à la recherche des disques durs et des cartes mémoires sur lesquelles nos tournages pourraient avoir été enregistrés. Nous avions évidemment réussi à protéger le plus important, mais, comme lesdits services ont trouvé des cartes mémoires qui contenaient quelques images, nous avons protesté et refusé de quitter le territoire si ce matériel ne nous était pas rendu. Nous avons alors été embarqués de force dans l'avion que nous devions prendre. Nous avons donc été victimes d'une atteinte grave à la liberté de la presse, parfaitement contraire à tous les usages et à de nombreuses conventions. Il n'y a aucune liberté de la presse en Azerbaïdjan, comme ont déjà pu vous le dire le responsable du bureau Europe de l'Est et Asie centrale de Reporters sans frontières (RSF) et une responsable d'Amnesty International ; les journalistes ne peuvent pas y faire leur travail, les journalistes azerbaïdjanais sont même systématiquement arrêtés, emprisonnés, harcelés, menacés. J'ai donc essayé, à ma manière, de continuer le travail qu'ils sont empêchés de poursuivre.

Nous avons continué notre enquête au Kazakhstan, où j'ai pu suivre un autre déplacement de François Hollande. J'y ai enquêté sur le « Kazakhgate », une affaire de contrats d'armements entre des sociétés françaises et le Kazakhstan. C'est le deuxième volet de l'émission, qui n'avait donc pas pour seul objet l'Azerbaïdjan.

Quid de nos méthodes de travail ? Munis de toutes les accréditations, nous n'avons rien fait en cachette, mais cela n'a pas empêché notre arrestation, critiquée par les services de l'ambassade de France en Azerbaïdjan. C'est à eux que nous devons notre libération assez rapide – quelques jours après la visite du Président de la République, cette arrestation d'une équipe de France 2 était effectivement choquante. Ensuite, nous avons passé pas mal de temps à enquêter, à rencontrer d'autres personnes et à monter ce reportage diffusé sur France 2.

Ce qui était intéressant, c'était la question des contrats face aux droits de l'Homme – comment le Président de la République se positionne-t-il ? – mais aussi la manière dont certains parlementaires, membres du Parlement français ou du Parlement européen, s'expriment en Azerbaïdjan ou à propos de l'Azerbaïdjan. J'ai ainsi enquêté sur Rachida Dati, élue européenne en même temps que maire d'arrondissement, mais aussi sur Jean-François Mancel et d'autres membres de l'Association des amis de l'Azerbaïdjan, comme Thierry Mariani, qui se rendent très régulièrement dans ce pays et dont les propos sur une prétendue démocratie ou de prétendus progrès sur la voie de la démocratie, sur un prétendu pluralisme – autant de fables que l'on raconte à des enfants – m'ont toujours étonné. De même, j'ai toujours été étonné que ces élus de la nation française, qui portent les valeurs françaises – la liberté, l'égalité et la fraternité, mais aussi la démocratie, la liberté d'expression, le pluralisme politique, l'accès de l'opposition aux médias –, fassent de tels déplacements, souvent à l'invitation de l'État d'Azerbaïdjan, dans des groupes d'amitié pas vraiment officiels mais un peu « parallèles ». J'ai ainsi eu la surprise de constater, lors du déplacement du Président de la République, que certains parlementaires français étaient invités, non par l'Élysée dans le cadre du voyage officiel, mais par l'État d'Azerbaïdjan lui-même, et ce n'est pas porté à la connaissance du public.

Notre enquête a porté sur la stratégie de l'Azerbaïdjan à l'égard de la France mais aussi de nombreux autres pays membres de l'Union européenne ou même des États-Unis. En effet, de nombreux parlementaires américains se sont rendus en Azerbaïdjan à l'invitation de sociétés azéries ou de l'État d'Azerbaïdjan pour faire de la communication, de l'influence, pour raconter des choses qui ne sont jamais vérifiées ni confirmées par des organisations non-gouvernementales (ONG) réputées comme Amnesty International, Human Rights Watch ou Reporters sans frontières. Au cours de cette enquête, j'ai par exemple demandé au maire de Cognac, M. Gourinchas, membre de l'Association des amis de l'Azerbaïdjan, dont les activités sont soutenues financièrement par la Fondation Heydar Aliev, évidemment azérie, pourquoi il avait prétendu que tel scrutin n'était entaché d'aucune irrégularité, alors que la mission du Bureau des institutions démocratiques et des droits de l'Homme (BIDDH) de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) en avait constaté. J'ai posé ce genre de questions à plusieurs parlementaires proches de l'Azerbaïdjan, et leurs réponses étaient toujours étonnantes. M. Mancel donne toujours les mêmes arguments : l'Azerbaïdjan est un pays jeune, à qui il faut donner du temps et dont une partie du territoire est occupée, il faut laisser faire et ne rien dire. Qu'est-ce qui poussait ces parlementaires à agir de la sorte et à tenir des propos rarement confirmés par des observateurs professionnels, comme l'OSCE, ou par des ONG très réputées comme Reporters sans frontières et Human Rights Watch ? Nous avons essayé de mener l'enquête. Notre travail a fait pas mal de bruit, notamment parce que Rachida Dati, après avoir initialement refusé de répondre à nos questions, a répondu de manière très agressive à Élise Lucet au cours d'une entrevue dans un couloir.

Il est suffisamment rare qu'un État porte plainte contre un journaliste qui a employé le mot de « dictature » pour que ce soit souligné. Le terme est pourtant utilisé par de nombreux médias, de nombreuses ONG pour qualifier un régime qui n'admet nul pluralisme, nulle liberté de la presse, qui emprisonne systématiquement ses opposants – de nombreuses affaires permettent de le constater, y compris quand on est membre du Parlement européen. Je suis donc poursuivi pour avoir utilisé le mot « dictature », et nous en sommes au tout début de la procédure judiciaire. Derrière cette plainte, il n'y a rien d'autre qu'une volonté de déstabilisation et de harcèlement.

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Laurent Richard

Nous en sommes au début, au moment, si j'ai bien compris, où est fixé le calendrier de la procédure. Au début du mois prochain, nous saurons la date du procès – sans doute se tiendra-t-il cette année. Celui-ci sera l'occasion, pour de nombreuses ONG et pour nous-mêmes, d'expliquer pourquoi nous considérons que l'Azerbaïdjan est une dictature. Nous ferons témoigner de nombreuses personnes. Finalement, ce procès est extrêmement attendu par les ONG. Un journaliste est-il libre, en France, de qualifier un régime comme celui de l'Azerbaïdjan de dictature ?

Nous avons évidemment sollicité une interview d'Ilham Aliev et de tous les protagonistes de notre enquête. Nous sommes toujours tristes de ne pas pouvoir aller jusqu'au bout d'un travail aussi important et de ne pouvoir les interroger.

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Je n'ai pas trouvé du meilleur goût les commentaires qu'a pu faire M. Richard sur notre collègue Jean-François Mancel. Je n'ai pas davantage goûté ce qui a été dit ensuite sur la présidence de la République.

Je me suis rendu deux fois en Azerbaïdjan. La première fois, en 2002, alors que je venais d'être élu député. J'étais dans les bagages du ministre délégué au commerce extérieur de l'époque, François Loos, non dans les bagages de l'État d'Azerbaïdjan. J'avais demandé à participer à ce déplacement, parce que j'étais vice-président du groupe d'amitié et que l'ambassadeur de France à Bakou, Chantal Poiret, se trouvait alors être ma cousine germaine, qui m'a tout de suite dit tout l'intérêt qu'elle voyait à ce que je fasse ma première visite en Azerbaïdjan de cette manière. J'y suis retourné il y a quelques semaines, à l'invitation de l'Association des amis de l'Azerbaïdjan. Le voyage s'est déroulé dans d'excellentes conditions, et j'ai pu mesurer l'évolution considérable de l'urbanisme, les efforts fournis en matière d'accueil des touristes, en matière culturelle. Nous n'avons été soumis à aucune contrainte particulière et nous avons pu rencontrer le président ainsi que la première dame – nous nous sommes entretenus exclusivement des relations économiques, culturelles, scolaires et universitaires entre nos deux pays. D'ailleurs, personne ne critique le fait que la compagnie pétrolière de l'État d'Azerbaïdjan finance une université que l'on peut qualifier de « francophile » et des écoles ; le Président de la République s'y est d'ailleurs rendu.

J'en ai donc assez entendu de M. Richard. Certes, l'Azerbaïdjan n'est pas un État qui défend la démocratie et les droits de l'Homme au même niveau que notre pays, mais je répéterai les propos de nombre de ceux qui s'y trouvent : l'Azerbaïdjan est en état de guerre et l'équilibre de la région du Caucase est extrêmement subtil. D'un point de vue géopolitique, un pays comme le nôtre a tout intérêt à développer les relations de tous ordres avec un pays de ce type de manière à le conforter. Vous parlez de dictature, monsieur Richard, je parlerai pour ma part de « pouvoir fort ». Certes, il n'y a pas d'opposition parlementaire, et nous voyons bien que ce n'est pas une démocratie à l'occidentale – nous ne sommes pas idiots ! –, mais nous n'avons pas intérêt à une déstabilisation du Caucase.

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Laurent Richard

J'aurais voulu deux précisions. Avez-vous bien dit que votre deuxième voyage avait été organisé, non par le groupe d'amitié, mais par l'Association des amis de l'Azerbaïdjan ?

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En effet. Jusqu'à présent, par manque de moyens, le groupe d'amitié n'a pas organisé de déplacement en Azerbaïdjan – ce serait pourtant utile.

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Laurent Richard

Qui a financé votre déplacement, concrètement ? Et l'avez-vous déclaré ?

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Avant de partir, conformément aux règles d'éthique de l'Assemblée nationale, j'ai effectivement indiqué au déontologue que je partais pour trois ou quatre jours en Azerbaïdjan, à l'invitation de l'Association des amis de l'Azerbaïdjan et que ce n'était pas moi qui finançais ce voyage.

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Laurent Richard

Les activités de l'association en question étant soutenues financièrement par la fondation Aliev, qui, selon vous, a financé votre voyage en tant que parlementaire français ?

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Je n'en sais rien. Ce que je sais, c'est ce que n'est pas moi.

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Laurent Richard

Êtes-vous en train de me dire que vous ne savez pas qui a financé votre propre voyage en Azerbaïdjan ?

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En effet, et ce n'est pas la première fois que cela se passe ainsi – c'est même relativement courant. À une certaine époque, cela se faisait sans formalité ; désormais, il faut le déclarer au déontologue de l'Assemblée, qui vous donne acte de votre déclaration et vous dit que vous pouvez y aller.

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Laurent Richard

Vous intéresse-t-il de savoir qui a payé votre billet d'avion et votre hôtel ?

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La situation ne me pose pas de problème éthique. Ce n'est pas le seul pays attaqué sur le fonctionnement de ses institutions ou en raison des contraintes auxquelles il soumettrait tel ou tel qui, par l'intermédiaire d'un organisme, invite des parlementaires pour une opération de communication. Car je sais bien – c'est évident – que c'était une opération de communication !

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Laurent Richard

Avez-vous le sentiment d'être l'outil d'une politique de communication ?

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J'ai considéré que ce voyage m'offrait une information complémentaire.

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Je crois que vous avez pu poser vos questions à M. Scellier, monsieur Richard, et des membres de cette mission souhaitent vous en poser d'autres.

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Laurent Richard

La possibilité de poser des questions fait l'intérêt d'un tel échange. J'en ai d'ailleurs une deuxième pour M. Scellier.

Puisque vous avez eu la possibilité de rencontrer qui vous vouliez sans « contrainte particulière » au cours de ce déplacement, avez-vous demandé à rencontrer des prisonniers politiques ?

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Non. Cela aurait été vécu comme une injure par nos hôtes ; quoi qu'il en soit, je ne me sens coupable en rien.

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Laurent Richard

Je voulais juste savoir si vous n'aviez pas demandé à rencontrer des prisonniers politiques parce que justement vous étiez invités par l'Azerbaïdjan.

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Ceci, monsieur Richard, n'est pas une interview ; je vous propose que nous reprenions le cours normal de notre audition.

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Avant d'être élu député, j'étais un journaliste issu du Centre de formation des journalistes. J'ai donc le plus grand respect pour cette profession que j'ai exercée jusqu'au jour où, avec 140 journalistes, j'ai été renvoyé de l'ORTF, le pouvoir de l'époque n'ayant pas souhaité que nous l'exercions librement. Je respecte naturellement le journalisme d'investigation, arrivé trop tardivement en France par rapport aux pays anglo-saxons ; en revanche, j'ai peu de respect pour le journalisme d'inquisition. Hélas ! la dérive de l'un à l'autre se produit parfois – je n'accuse personne en particulier, mais nous pourrions dresser une liste.

M. Richard, qui devrait tâcher de mieux comprendre le fonctionnement des activités internationales de l'Assemblée nationale, ne devrait pas tout confondre. Comme M. Scellier, j'estime qu'il a formulé sur les parlementaires et le Président de la République des jugements politiques qui me semblent manquer d'objectivité. Il a, en outre, caricaturé les propos de certains de mes collègues, qui ne sont pas membres de mon groupe politique.

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Vous avez caricaturé les propos de Jean-François Mancel et Thierry Mariani, avec lesquels je n'ai pourtant pas d'affinités politiques particulières.

J'ajoute que votre défiance à l'égard des parlementaires est l'exact inverse de la confiance totale que vous manifestez aux organisations non gouvernementales (ONG). En tant que parlementaire et ancien journaliste, j'aimerais que les magazines d'investigation enquêtent sur certaines ONG et leurs pratiques. Il serait intéressant, par exemple, de connaître le financement de Transparency International et de sa section française, Transparency France, actuellement présidée par M. Daniel Lebègue, un ancien directeur adjoint du Trésor et directeur général de la Caisse des dépôts et consignations. J'ai même demandé une enquête parlementaire sur ce sujet.

J'en viens aux groupes d'amitié. J'ai fait deux séjours en Azerbaïdjan, dont le premier au cours de la précédente législature, lorsque le groupe d'amitié était présidé par Jean-Louis Dumont. On nous reproche souvent d'appartenir à des groupes d'amitié avec des pays qui ne sont pas démocratiques : il est pourtant indispensable que les membres de la commission des affaires étrangères participent à des groupes d'amitié avec toutes sortes de pays, quel que soit leur régime – car nous n'aurions guère de travail pendant notre mandat si nous nous contentions d'appartenir à des groupes d'amitié avec des démocraties solidement établies !

Voici ce qui me gêne dans le procès que vous avez indirectement fait à François Scellier : au fond, vous estimez, par votre propos et dans vos reportages, que la participation à un voyage qui ne serait pas intégralement financé par l'Assemblée nationale constituerait d'emblée un facteur de corruption.

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J'appartiens à de nombreux groupes d'amitié avec des pays africains qui partagent souvent le financement des déplacements avec nous. Ce n'est pas parce que tel pays finance tout ou partie d'un déplacement que les participants agiront de manière à éveiller des soupçons de corruption, comme vous le croyez régulièrement !

Sur ce sujet, je m'efforce d'adopter un point de vue objectif et mesuré. À cet égard, votre objectivité – tant dans vos propos que s'agissant de votre obsession azerbaïdjanaise en général – ne m'apparaît pas lumineuse.

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Laurent Richard

Je n'ai aucune obsession vis-à-vis de l'Azerbaïdjan ; je ne fais qu'un travail de reportage. Dans le reportage que nous avons fait sur l'Azerbaïdjan, et que vous n'avez sans doute pas vu, nous n'avons pas visé les groupes d'amitié parlementaires mais l'Association des amis de l'Azerbaïdjan, ce qui est très différent. Il va de soi que l'appartenance à un groupe d'amitié avec un pays comme l'Azerbaïdjan ne pose naturellement aucun problème à personne ; c'est même une nécessité pour les parlementaires qui s'intéressent aux affaires internationales.

Nous nous sommes simplement interrogés sur le fonctionnement de l'Association des amis de l'Azerbaïdjan, au conseil d'administration de laquelle siègent plusieurs parlementaires dont M. Thierry Mariani, que nous avons rencontré : il a découvert à cette occasion qu'il siégeait à ce conseil d'administration et n'a pas su nous dire pourquoi.

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Laurent Richard

Notre seul objectif était d'enquêter sur des parlementaires qui, hors du cadre des groupes d'amitié officiels, consacrent du temps dans des groupes d'amitié officieux financés par d'autres pays. Il n'y a rien de suspect dans notre curiosité et notre souhait de poser des questions pour obtenir des réponses.

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Pour compléter mon propos, je précise que j'ai effectué mon deuxième séjour en Azerbaïdjan dans le cadre d'une mission d'observation électorale pour le compte du Conseil de l'Europe et de l'OSCE. Ces missions, dont les participants arrivent souvent dans le pays la veille du scrutin, visent souvent des élections qui se déroulent fort bien mais ne permettent pas d'examiner tout ce qui se déroule en amont, et qui est le plus intéressant. Depuis, je n'ai donc plus jamais participé à une mission d'observation électorale.

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Laurent Richard

Il me semble que M. Voisin a, lui aussi, pris part à une mission d'observation électorale en Azerbaïdjan, au sujet de laquelle il a donné une conférence de presse avec Mme Tana de Zulueta. Or, en début de conférence, M. Voisin avait reconnu des irrégularités lors du scrutin, ce qui a poussé les autres parlementaires à quitter la salle, suite à quoi M. Voisin est revenu sur ses propos pour affirmer que les élections avaient été libres et justes – un revirement relaté dans le rapport de l'European Stability Initiative (ESI).

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Je préside, sous cette législature, le groupe d'amitié France-Azerbaïdjan, ainsi que la délégation française à l'Assemblée parlementaire de l'OSCE. Permettez-moi de vous dire ceci : je préfère la manière dont se tiennent les élections en Azerbaïdjan que celle dont elles se tiennent aux États-Unis, où je me trouvais l'an dernier et où nous avons été tout simplement expulsés des bureaux de vote alors même que nous étions dûment accrédités par les autorités fédérales.

J'ai effectué de nombreuses missions d'observation électorale. On nous a imposé un rapport commun au Parlement européen, au Conseil de l'Europe et aux observateurs à court terme de l'OSCE – rapport avec lequel Mme de Zulueta n'était pas d'accord. J'ai passé plusieurs heures à travailler avec elle sur ce rapport, et je n'ai jamais accepté de cosigner le rapport des observateurs à long terme. Je dispose certes d'une photographie d'une urne dans laquelle une pile de bulletins aurait été introduite ; soit. Je ne me suis rendu en Azerbaïdjan qu'au titre de l'OSCE et j'ai effectué une dizaine de missions d'observation électorale. J'ai pu constater les efforts déployés par l'Azerbaïdjan pour que ces élections soient parfaites. Précisons concrètement comment les observateurs examinent la votation : ils arrivent dans un bureau de vote le matin du scrutin et observent la chaîne du vote, depuis l'identification et l'émargement des électeurs jusqu'à leur passage dans l'isoloir et au vote proprement dit. Au cours de cette observation, je suis resté en lien direct et permanent avec le ministre des affaires étrangères ukrainien (dont le pays assurait la présidence de l'OSCE) ; les opérations se sont parfaitement déroulées.

Permettez-moi une remarque. Les observateurs à long terme sont des vacataires rémunérés, ce qui n'est pas le cas des observateurs parlementaires à court terme. Or cet outil profite à certaines nations qui l'utilisent dans leur politique extérieure à l'égard de différents États.

Le Kazakhstan m'a invité à participer à une conférence sur le terrorisme et les religions. L'Ambassade du Kazakhstan a financé mon déplacement, qui n'a duré en tout que vingt-quatre heures, le temps d'une intervention sur la laïcité en France. Qu'y a-t-il à redire ? En clair, j'estime que le journaliste d'investigation que vous êtes agit en quelque sorte à la manière d'un procureur.

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Laurent Richard

Sans doute un jeu de questions et de réponses serait-il plus utile à votre mission d'information que de simples accusations à mon endroit.

Comment, monsieur Voisin, expliquez-vous votre revirement, puisqu'après avoir affirmé que des restrictions à la liberté de vote avaient été constatées, vous vous êtes rétracté une heure plus tard ?

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Je vous propose de consulter mon intervention devant l'Assemblée parlementaire de l'OSCE concernant le rapport sur les élections en Azerbaïdjan ; vous comprendrez mieux. Je ne me suis aucunement rétracté ; on m'a simplement donné une photographie – que je n'ai pas prise moi-même, même si je ne la conteste pas – de bulletins introduits dans une urne.

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Laurent Richard

N'avez-vous pas déclaré que les élections avaient été entachées d'irrégularités et que la liberté d'expression avait été limitée ?

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Peut-être, puisqu'il existe une photographie, mais cela n'implique pas la nullité de l'ensemble des votations. La délégation d'observateurs à court terme de l'OSCE, qui comptait une trentaine de membres, était présidée par Mme Doris Barnett, députée allemande. Lors de la séance de bilan, nous n'avons relevé qu'une seule irrégularité sur environ 450 bureaux de vote observés. Cela suffit-il à établir que le scrutin était globalement truqué ?

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Laurent Richard

Ma question ne portait que sur votre première conclusion relative à une restriction de la liberté d'expression, sur laquelle vous êtes revenu après le départ de Mme de Zulueta.

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Je rappelle que cette mission d'information a pour but d'éclairer les parlementaires – ce que vous avez d'ailleurs commencé par faire en nous relatant les circonstances de votre déplacement en Azerbaïdjan, monsieur Richard. Vous êtes, comme nous, attaché à la protection de notre parlement et de notre démocratie, que bien des pays nous envient. Certes, vous assumez votre rôle de journaliste, mais rappelons que les parlementaires, dans leur quasi-totalité, agissent – et c'est heureux – dans le respect des lois de la République.

J'ai vu votre reportage, qui ne portait d'ailleurs pas seulement sur l'Azerbaïdjan mais aussi sur le Kazakhstan. Je suis favorable à ce type d'émissions, mais il ne faut pas en faire une inquisition. Les questions que vous posez aux députés sont légitimes, mais elles ne relèvent pas du cadre de notre mission.

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Qu'avez-vous appris sur l'Association des amis de l'Azerbaïdjan et sur son financement ?

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Laurent Richard

Sans doute les parlementaires membres de cette association – ce que je ne suis pas – pourront-ils vous en apprendre davantage que moi. Je sais ceci : l'Association des amis de l'Azerbaïdjan a pour mission d'informer officiellement sur l'Azerbaïdjan et organise des manifestations en France via la fondation Heydar Aliev, en particulier lors des visites de la première dame de ce pays. Plusieurs parlementaires se mobilisent régulièrement pour cette association : Jean-François Mancel, qui en est l'un des dirigeants, Rachida Dati, Thierry Mariani, Nathalie Goulet, ainsi que le maire de Cognac, Michel Gourinchas, et des membres de la société civile, Robert Hossein par exemple. Le discours de cette association est systématiquement à la gloire et à l'honneur de l'Azerbaïdjan.

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Laurent Richard

Il nous est difficile de le savoir. Nous avons interrogé le photographe Reza dont les travaux ont été financés par la fondation Heydar Aliev, ce qui a donné lieu à une exposition dans la mairie du 1er arrondissement de Paris au cours de laquelle nous avons croisé et interviewé M. Mancel. L'association des amis de l'Azerbaïdjan invite régulièrement de nombreux parlementaires. Nous n'en avons guère appris davantage : M. Mariani n'a pas su nous expliquer plus en détail qui était réellement derrière cette association. N'étant ni procureurs ni magistrats, mais simples journalistes, nous n'avons évidemment pas le pouvoir d'obtenir des documents comptables. Nous nous sommes simplement étonnés que des parlementaires aussi visibles que M. Mariani et Mme Dati donnent autant de temps à cette association ; sans doute est-ce au nom d'une grande amitié entre la France et l'Azerbaïdjan. Nous sommes d'autant plus étonnés qu'il existe des groupes d'amitié parlementaires pour mener ce type d'activités.

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M. Voisin, président du groupe d'amitié, regrette précisément qu'une délégation de son groupe n'ait pas pu se rendre en Azerbaïdjan au cours de cette législature.

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En effet. Nous devrions prochainement organiser un déjeuner afin de faire le point sur les relations bilatérales, mais aucun déplacement n'est prévu. Il est arrivé que nous recevions des parlementaires azerbaïdjanais, comme cela doit se faire, y compris avec échange de cadeaux protocolaires, rien de plus.

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Laurent Richard

Permettez-moi de porter une information supplémentaire à votre connaissance. Il y a deux mois, Luca Volontè, parlementaire italien membre de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe, a reconnu dans la presse italienne avoir perçu 2,3 millions d'euros de la part de M. Elkhan Suleymanov, un député azerbaïdjanais que M. Mariani connaît bien puisqu'il organise de nombreux événements en Azerbaïdjan en partenariat avec des parlementaires français. M. Suleymanov aurait transmis cet argent sur le compte de l'une des fondations créées par M. Volontè via les Îles Marshall et d'autres paradis fiscaux – pour rémunérer une mission de consultant, selon M. Volontè. Une enquête pour corruption a été ouverte en Italie.

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Nous connaissions cette information. J'ajoute que M. Pedro Agramunt, président de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe, est également visé par une affaire dans la presse espagnole. Je me garderais bien de tout commentaire tant que ces affirmations n'ont pas été vérifiées.

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M. Richard évoque la fondation Heydar Aliev : nombreux sont les pays dans le monde qui se sont dotés de fondations émanant plus ou moins officiellement du pouvoir pour faire du lobbying. Nous sommes assez grands pour déterminer dans quelle mesure nous pouvons répondre à telle ou telle invitation.

Vos investigations sont naturellement justifiées, y compris au sujet de l'affaire Volontè. Il existe certainement des moutons noirs parmi les quarante-sept parlements qui composent le Conseil de l'Europe. Vos propos me gênent néanmoins, monsieur Richard, parce qu'ils éveillent immédiatement des soupçons de corruption généralisée. Ces amalgames sont insupportables.

Je conclurai par une question simple : êtes-vous capable, dans les mois qui viennent et puisque vous vous trouvez aux États-Unis, de conduire une enquête sur Transparency International et sur sa branche française ?

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Laurent Richard

Nous sommes capables de conduire des enquêtes de toutes sortes, qu'elles portent sur cette organisation ou sur un groupe d'amitié parlementaire. Si vous avez des informations utiles, nous sommes naturellement preneurs.

Permettez-moi de conclure en disant l'immense respect que j'ai pour le mandat parlementaire ; c'est précisément parce que la mission de représentation nationale et de défense de nos valeurs démocratiques est essentielle qu'il est si important de s'interroger sur la nature des activités des parlementaires, y compris la participation à des groupes qui sont en lien avec des pays non démocratiques comme l'Azerbaïdjan.

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Je vous remercie pour cet échange, qui aura permis d'éclairer ceux d'entre nous qui ont visionné votre reportage.

La séance est levée à vingt heures quinze.