Commission des affaires économiques

Réunion du 21 février 2017 à 17h45

Résumé de la réunion

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  • CNI
  • industrielle

La réunion

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La commission a entendu M. Jean Grellier sur les travaux du groupe de travail Industrie.

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Mes chers collègues, M. Jean Grellier, vice-président de notre commission, nous présente aujourd'hui les propositions du groupe de travail sur l'industrie qui a été créé en juin dernier, à sa demande. Notre collègue avait constaté qu'il existait, au sein de l'Assemblée nationale, de nombreux groupes d'études spécifiques et thématiques mais qu'il n'y avait pas de structure transversale permettant de débattre des problématiques industrielles globales.

Outre dix-neuf membres de la commission des affaires économiques, ce groupe a rassemblé aussi douze membres de la commission des finances. Dans ce cadre élargi, il s'agissait de développer le dialogue entre parlementaires et industriels et d'élaborer des propositions sur la gouvernance, la formation et la fiscalité. Le groupe s'inscrit ainsi dans la droite ligne des travaux que nous avons conduits au cours de cette législature : auditions sur l'aérospatiale et les télécommunications ; tables rondes sur les secteurs du luxe, du bois, de l'alimentaire, de l'hôtellerie, de la restauration, de l'automobile, de la chimie, de la plasturgie et de l'énergie.

Ces travaux seront utiles à ceux qui siégeront lors de la prochaine législature. J'espère qu'ils se saisiront des propositions, élaborées après dialogue avec les industriels, qui ont fait consensus. Elles traduisent notre volonté commune de favoriser le redressement industriel de notre pays. Elles s'inscrivent dans une perspective de développement des industries du futur dont nous avons beaucoup parlé au sein de notre Assemblée mais qu'il fallait matérialiser dans des propositions concrètes.

Je voulais remercier M. Jean Grellier d'avoir animé ce groupe, les parlementaires d'y avoir participé et les acteurs du monde de l'industrie d'avoir accepté d'être auditionnés. Les industriels étaient très demandeurs de ces échanges destinés à construire ensemble des propositions qui, j'en suis sûre, seront d'actualité dans les semaines à venir.

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Comme vous l'avez rappelé, ce groupe de travail a été mis en place à l'initiative de la commission des affaires économiques et de la commission des finances. Il avait aussi pour particularité d'associer les représentants du monde industriel, notamment à travers le Groupement des fédérations industrielles (GFI), le Cercle de l'industrie et l'Union des industries et métiers de la métallurgie (UIMM).

Son objectif était de traiter de manière transversale les problématiques industrielles de notre pays et de faire quelques propositions afin de mieux définir la priorité donnée à l'industrie et de mieux intégrer cette priorité dans les politiques publiques. Nous avons conduit huit auditions, qui nous ont permis d'entendre les principaux partenaires oeuvrant dans le domaine de la production industrielle et de dresser un constat clair.

Une démarche structurée a été engagée en faveur de l'industrie et a évolué positivement durant le quinquennat en cours. Rappelons qu'après les états généraux de l'industrie qui avaient été organisés par la précédente majorité, la Conférence nationale de l'industrie a été transformée en Conseil national de l'industrie (CNI) par M. Jean-Marc Ayrault, alors Premier ministre.

Dès sa mise en place, en 2012, le CNI s'est structuré en quatorze comités stratégiques de filière, chacun d'eux passant un contrat avec l'État afin de conduire des actions visant à renforcer tous les acteurs des filières et à mettre en place les restructurations nécessaires au développement et à la pérennité des activités industrielles. Cette démarche s'est appuyée sur un dialogue social de qualité, que permet la composition du CNI. Ce dernier a aussi entrepris des travaux sur des questions transversales à toutes les filières, qu'il s'agisse de l'économie circulaire, du financement des entreprises ou encore de la formation. Chaque année, un rapport complet présente les actions conduites par le CNI et avance des propositions dont la mise en oeuvre ultérieure dépend de l'action publique.

L'Assemblée nationale et le Sénat n'avaient que deux représentants au CNI lors de la création de cette structure. Après de nombreuses demandes adressées au ministre du redressement productif puis au ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique, le principe d'un référent parlementaire pour chaque comité stratégique de filière a été retenu. Ces référents sont désignés par la commission des affaires économiques. La présence de parlementaires au sein du CNI constitue une réelle avancée dans certains comités de filière dans lesquels les relations entre le référent parlementaire et le vice-président en charge du comité stratégique concerné se sont développées. Dans d'autres comités stratégiques, ces relations sont plus difficiles, voire inexistantes.

L'objectif demeure néanmoins de renforcer les liens entre les acteurs industriels et l'Assemblée nationale afin d'assurer une plus grande efficacité des politiques industrielles. Un meilleur dialogue entre parlementaires et industriels permettrait également de faire en sorte que les débats au sein du CNI puissent irriguer les territoires. Dans ce cadre, il est nécessaire de veiller à la juste déclinaison de la politique industrielle nationale au niveau des schémas de développement économique des régions, particulièrement depuis l'adoption de la loi NOTRe, portant nouvelle organisation territoriale de la République, qui renforce les compétences économiques des régions.

Parallèlement aux actions conduites par le CNI, le ministère du redressement productif a, en 2013, défini trente-quatre plans industriels qui se sont intégrés, dans un premier temps, dans le concept de la Nouvelle France industrielle. Ce concept visait à réunir, au sein d'un plan industriel, tous les acteurs intéressés à son développement et à sa mise en oeuvre, et cela sous l'égide d'un chef de file déjà responsable industriel. Par la suite, ces trente-quatre plans industriels ont été restructurés en neuf solutions industrielles s'intégrant cette fois dans l'Alliance nationale pour l'industrie du futur. On avait en effet constaté que certains de ces plans initiaux étaient complémentaires et qu'il était intéressant de renforcer la coopération entre eux.

Les neuf solutions industrielles permettent d'envisager cette industrie du futur qui concerne de nombreux secteurs, notamment ceux de la mobilité, de la construction, de la santé, de l'alimentation et du numérique. Les projets correspondant à chacune des solutions sont financés dans le cadre du programme d'investissement d'avenir. Ils ont pour but d'initier de nouvelles activités industrielles ou de renforcer celles qui existent.

Rappelons que les pôles de compétitivité continuent d'exercer leur mission dans une dimension internationale, nationale ou territoriale, et que les centres techniques industriels, plus ou moins liés à des filières, jouent un rôle très important.

Cette évolution structurelle récente montre que l'État entend soutenir la ré-industrialisation du pays et surtout faire de la production industrielle une priorité pour les années à venir, compte tenu de son impact sur l'économie générale du pays. La puissance publique devra cependant continuer à s'assurer que toutes ces structures soient pertinentes et complémentaires. L'État doit également avoir une stratégie industrielle cohérente, en utilisant notamment ses différentes participations financières. Lors des auditions, nous avons constaté l'utilité de ces différentes structures mais aussi la nécessité de les faire évoluer en permanence afin de répondre aux défis des mutations liées au développement du numérique, à l'automatisation, à la robotisation, ou encore à la transition énergétique et écologique de notre économie.

Signalons aussi des mesures qui ont eu un impact positif sur la compétitivité de nos entreprises industrielles : le crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (CICE), le renforcement du crédit d'impôt recherche (CIR), le pacte de responsabilité et de solidarité.

Cependant, le temps industriel est long. Il peut s'écouler cinq à dix ans entre une décision politique, même positive, et ses retombées économiques, ainsi que l'a souligné M. Louis Gallois à maintes reprises. Les auditions ont permis de se rendre compte de la nécessité de tenir un discours positif sur l'industrie, jalon essentiel de notre développement économique, et d'incarner ce discours au plus niveau de l'État, comme le disait l'économiste M. Jean-Hervé Lorenzi. Il faut donc continuer à renforcer et structurer les relations entre le Parlement et les acteurs industriels.

À l'issue de nos travaux, nous avons pu définir des propositions qui pourraient faire l'objet de débats au sein de notre Assemblée et dont certaines mériteraient d'être mises en oeuvre par la Gouvernement. Comme vous pouvez le constater dans le document qui vous a été remis, nos propositions se répartissent en trois chapitres : la gouvernance, la formation, la fiscalité.

En matière de gouvernance, nous faisons six propositions.

Première proposition : conforter le rôle et les moyens du CNI et améliorer la diffusion de ses propositions, notamment grâce à la création d'un groupe de travail parlementaire transversal et permanent sur l'industrie. Personnellement, je pense que nous aurions intérêt à restructurer tous les groupes d'étude relatifs à des filières industrielles en une structure plus consistante, qui pourrait être l'interlocutrice permanente du CNI.

Deuxième proposition : renforcer l'articulation entre la stratégie industrielle au niveau national et les actions conduites par les régions et les métropoles, en particulier celles qui sont inscrites dans les schémas régionaux de développement économique, d'innovation et d'internationalisation (SRDEII), qui sont en cours d'adoption.

Troisième proposition : renforcer l'Alliance pour l'industrie du futur en la dotant des moyens humains nécessaires, ce qui pourrait passer par l'élaboration de contrats de mise à disposition d'industriels auprès d'elle. Il est important de rappeler le leadership des industriels en la matière. Il faudrait aussi renforcer la collaboration entre l'Alliance pour l'industrie du futur et le CNI afin d'accompagner la structuration et la digitalisation des filières industrielles. De même, il faudrait créer davantage de synergies avec d'autres acteurs européens comme l'Industrie 4.0 en Allemagne ou avec l'initiative de la Commission européenne en faveur de la numérisation de l'industrie. Enfin, il faudrait faire de la normalisation un axe différenciateur pour l'espace européen au niveau mondial. À notre avis, la question des normes doit désormais être traitée au niveau européen.

Quatrième proposition : promouvoir auprès de nos partenaires européens un cadre politique et réglementaire commun qui comporte un soutien fort à la recherche et au développement ainsi qu'à l'innovation et à l'investissement, qui comprenne des mesures sectorielles adaptées aux spécificités des filières industrielles, et qui intègre l'impératif de compétitivité industrielle dans les différentes politiques transversales.

Cinquième proposition : mettre en place une commission de la transition énergétique juste, sur le modèle allemand, associant industriels, partenaires sociaux et acteurs publics. Elle serait chargée de définir un contrat de transition écologique, partagé et négocié, qui s'attacherait notamment à la reconversion des salariés des secteurs devenus moins rentables – notamment les industries du charbon. Il nous semble que cette mutation peut constituer une première étape dans la lutte de l'ensemble des secteurs industriels contre les émissions de carbone.

Sixième proposition : renforcer les moyens de Bpifrance, en particulier ceux qui sont consacrés aux activités de garantie et de soutien à l'innovation ; fixer le plancher des aides à l'innovation à 200 millions d'euros annuels ; renforcer les moyens des fonds consacrés au retournement d'entreprises industrielles en difficulté afin d'atteindre une force de frappe cumulée de 500 millions d'euros minimum. Il faudrait aussi donner à Bpifrance les moyens d'aider les nombreuses startups françaises à franchir avec succès « la vallée de la mort », c'est-à-dire le cap de la phase de lancement. Au cours des auditions, nous avons pu constater que notre pays est performant dans la création de startups mais qu'il a ensuite des difficultés à accompagner ces entreprises vers la réalité de la production industrielle et elles sont souvent rachetées par des pays plus offensifs en la matière.

Nos quatre propositions suivantes concernent le domaine de la formation.

Septième proposition : s'appuyer sur les travaux du CNI pour élaborer un diagnostic partagé des besoins en formation de l'industrie en tenant compte des spécificités des bassins d'emploi. Les filières industrielles mériteraient ainsi d'être davantage représentées au sein des campus des métiers qui regroupent différents acteurs autour d'une filière économique sur un territoire, notamment les acteurs de la formation, les laboratoires de recherche et les entreprises.

Huitième proposition : renforcer le lien entre formation et débouchés, en associant les filières industrielles et les ministères chargés de l'éducation et de l'emploi. Lors de la remise du rapport sur la formation, les ministres étaient présents et tout le monde a pris conscience de la nécessité de faire évoluer les formations. Cependant, les freins sont nombreux. La semaine dernière, lors de la table ronde organisée par notre commission sur l'avenir de l'industrie du médicament en France, nous avons pu nous rendre compte que les formations manquent dans certains secteurs, qui seront les plus performants à l'avenir.

Neuvième proposition : réformer et développer l'apprentissage en rapprochant fortement les lycées professionnels et les centres de formation, en instaurant une gouvernance claire entre les entreprises, les régions et l'État, et en simplifiant le système de financement de l'apprentissage, notamment en permettant aux entreprises qui atteignent l'effectif d'alternants requis par la loi d'affecter plus librement leur taxe d'apprentissage.

Dixième proposition : mieux accompagner les mutations économiques en renforçant les outils d'anticipation et d'accompagnement tels que les cellules de reconversion financées par le ministère du travail et de l'emploi ou les fonds de retournement contrôlés par Bpifrance.

La formation est un chantier dont l'importance a été encore rappelée ce matin par la quasi-totalité des personnes qui participaient aux septièmes Rencontres de l'industrie sur le thème « Quelle industrie pour demain ? ». Il faut vraiment accélérer l'adaptation de la formation aux besoins de ces industries.

Nos dernières propositions se rapportent à la fiscalité.

Onzième proposition : prévoir une saisine du CNI par le Gouvernement, portant sur la nécessaire refonte de la fiscalité des entreprises. Le CNI se prononcerait sur les différents scénarios permettant, dans un esprit de péréquation, de répartir le plus équitablement possible les prélèvements sur lesquels repose notre système de protection sociale, afin de ne plus faire financer l'ensemble des prestations universelles ou de solidarité par des cotisations assises spécifiquement sur les revenus d'activité.

Douzième proposition : pour stimuler l'investissement, il faudrait accroître la visibilité de moyen et long termes des industriels en stabilisant les dispositifs fiscaux incitatifs les plus efficaces. On pourrait ainsi envisager la pérennisation, au-delà du 14 avril 2017, du dispositif d'aide à l'investissement productif qu'est le suramortissement, ainsi que la pérennisation du CIR et du crédit d'impôt innovation.

Voilà les conclusions du groupe. À ceux qui participaient ce matin aux septièmes Rencontres de l'industrie, j'indique que nos propositions ne détonnent pas avec les discours ambiants sur l'ensemble des problématiques industrielles qui doivent être une priorité nationale. On peut regretter que les activités productives et industrielles ne soient pas forcément mises en exergue dans les débats concernant les élections présidentielles et législatives. Il faudrait sans doute rectifier le tir.

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L'industrie est sortie d'une phase de déclin, grâce à un contexte favorable – faiblesse des taux d'intérêt et des prix du pétrole – et aussi grâce à des mesures comme le pacte de responsabilité et le plan Nouvelle France industrielle. Les signaux sont donc positifs : la production industrielle a crû de 2 % entre le dernier trimestre de 2015 et le premier trimestre de 2016 ; l'investissement a redémarré ; le nombre d'emplois détruits a diminué puisqu'il était de 38 000 en 2015 contre 70 000 il y a dix ans.

Le redressement industriel doit néanmoins demeurer une priorité nationale. Le poids de l'industrie manufacturière reste faible dans le produit intérieur brut (PIB) alors qu'elle a un effet d'entraînement sur l'ensemble de l'économie. Le secteur industriel assure 74 % des exportations et 80 % du budget de la recherche et du développement dans le privé.

Depuis les états généraux de 2010, la France a mené une politique industrielle active qu'il faut pérenniser, comme vous l'avez rappelé dans votre conclusion, et qu'il faut adapter aux nouveaux défis. Le groupe de travail s'est concentré sur différentes problématiques – la fiscalité, la gouvernance, la formation et la transition énergétique – et il a décliné douze propositions. Certaines d'entre elles me paraissent importantes : conforter le rôle et les moyens du CNI ; renforcer l'articulation entre la stratégie industrielle au niveau national et les actions conduites par les régions et les métropoles ; promouvoir auprès de nos partenaires européens un cadre politique et réglementaire commun ; renforcer les moyens de Bpifrance ; renforcer le lien entre formation et débouchés ; développer l'apprentissage ; accompagner les mutations économiques.

J'aurais souhaité que vous apportiez quelques précisions sur le rôle de l'industrie dans la transition énergétique. L'industrie devra innover pour fournir les biens et services correspondant aux nouveaux marchés de masse qui auront un fort potentiel de développement pendant plusieurs décennies : énergie décarbonée, services énergétiques efficaces, équipements écologiques, processus compétitifs pour le recyclage. Dans la transition énergétique, le rôle de l'industrie s'analyse en trois dimensions : nécessité pour l'entreprise de réduire son impact environnemental ; opportunité de fabriquer des produits innovants ; contribution efficace à la transition énergétique grâce au développement de solutions de services intégrés et permettant une optimisation environnementale. Ces axes sont prometteurs d'emplois et de développement de filières mais la transition énergétique passe aussi par la reconversion de filières.

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Vous avez bien fait d'insister sur le fait qu'il fallait adapter au mieux le système de formation – initiale, en alternance ou par l'apprentissage – aux défis que doit relever notre industrie.

À la suite de la loi relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels, une expérimentation est menée dans sept régions, depuis le 1er janvier dernier, concernant le report de vingt-cinq à trente ans de l'âge limite d'entrée dans l'apprentissage. Qu'en pensez-vous ?

Toujours à titre expérimental et dans deux régions volontaires, la loi prévoit aussi une dérogation aux règles de répartition des fonds relatifs à l'apprentissage et non affectés par les entreprises. Qu'en pensez-vous ? Ces investissements sont-ils suffisants pour renforcer ce type de formation dans le contexte actuel ?

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Merci, cher Jean Grellier de la qualité de votre travail et surtout de l'opiniâtreté avec laquelle vous avez animé, pendant ces cinq années, la relation entre le CNI et le Parlement. Ce n'est pas forcément une chose facile et, comme vous le soulignez, l'industrie n'a pas toujours dans cette maison le rôle et le rang qu'elle mérite. Je souscris complètement à votre proposition de suggérer à l'Assemblée nationale une organisation différente de ses groupes d'études.

Pour ma part, j'anime le groupe d'études sur la chimie. Combien de fois me suis-je retrouvé quasiment seul face à de nombreux responsables de haut niveau de groupes industriels qui s'étaient déplacés pour une audition ? C'est assez déplaisant et cela ne reflète pas l'intérêt que nous portons aux activités industrielles de notre pays.

J'en viens à mes questions. Avons-nous une idée de l'ampleur du mouvement de ré-industrialisation de la France grâce aux efforts consentis tels que les neuf solutions industrielles ? Certes, les effets ne se font sentir qu'à long terme. Le CNI constate-t-il néanmoins qu'un mouvement est en marche ? Je n'ose pas espérer que les 700 000 emplois industriels perdus sont en passe d'être retrouvés. Au moins, j'espère que l'hémorragie a cessé et que la tendance s'inverse.

Vous avez parlé de la nécessaire augmentation du fonds de retournement. Comment a-t-il été utilisé ? Comment fonctionne-t-il ?

En ce qui concerne la fiscalité des entreprises, M. Jean-Marc Ayrault a présidé, au début du quinquennat, une table ronde où avaient été définis des objectifs : la baisse tendancielle de l'impôt sur les sociétés, qui est amorcée ; la suppression de la contribution sociale de solidarité sur les sociétés (C3S), qui est effective dans la plupart des entreprises ; la question des cotisations familiales. Les entreprises avaient alors lourdement insisté sur la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) et sur la cotisation économique territoriale qu'elles estimaient injustes et de plus en plus lourdes. Le CNI réfléchit-il sur ces points que vous n'avez pas mentionnés ?

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Pour ma part, je voudrais réagir sur la formation et sur la fiscalité.

Dans vos propositions, vous évoquez la nécessité d'un diagnostic des besoins en formation en partant des territoires. Je partage tout à fait cette approche. Je pense que nous n'utilisons pas assez le socle le plus petit du territoire pour déterminer des besoins de formation et établir ensuite des débouchés, en lien avec l'éducation nationale et le ministère du travail et de l'emploi. Concernant les quatre points que vous développez dans le cadre de la formation, je pense qu'ils pourraient être applicables à toutes les branches et pas seulement à l'industrie. Au travers des auditions, avez-vous constaté une difficulté à adapter les dispositifs de formation au rythme de l'évolution de la technologie ? Au moment où elles entrent en vigueur, les mesures concernant la formation ne sont-elles pas parfois en décalage par rapport aux technologies qui ont évolué ?

S'agissant de la fiscalité, vous évoquiez une réforme de la protection sociale et une recherche de stabilité pour permettre une visibilité à moyen et long termes. En revanche, vous n'avez pas parlé de la transmission des entreprises. Ce sujet a-t-il fait l'objet d'une attention particulière ou, au contraire, pensez-vous qu'il n'est pas déterminant dans l'évolution de l'industrie ? Vous n'avez pas non plus fait de proposition sur la simplification de la réglementation, ce qui me surprend. Il semble qu'il serait utile de faire en sorte que notre réglementation soit moins complexe et instable et qu'elle soit plus lisible. Avez-vous abordé ou non ce sujet ?

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M. Jean Grellier a rappelé une vérité que M. Louis Gallois avait soulignée à maintes reprises : une politique industrielle doit s'inscrire dans un temps long. Ce groupe de travail mériterait d'être pérennisé pour permettre de rapprocher les points de vue et de faire oeuvre utile, par-delà le temps politique qui se découpe en législatures de cinq ans.

Revenons sur votre deuxième proposition, qui prône le renforcement l'articulation entre la stratégie industrielle au niveau national et les actions conduites par les régions et les métropoles, sachant que la loi NOTRe a accordé de nouvelles compétences aux régions. Quelles modalités concrètes envisagez-vous ? Une réflexion est-elle conduite sur la manière dont peut être renforcée cette articulation ? La politique industrielle implique une démarche et des appuis venant du territoire.

Votre quatrième proposition m'inspire une certaine réserve, peut-être en raison de l'appréciation que je porte sur la construction européenne. Vous appelez de vos voeux la promotion d'un cadre politique et réglementaire commun au niveau européen alors que j'ai en tête les effets de la politique de concurrence libre et non faussée sur notre industrie. Cette politique est l'une des causes de la perte de substance industrielle de notre pays depuis plus d'une dizaine d'années.

Votre onzième proposition se réfère au pacte de responsabilité et au devenir du CICE. Pensez-vous qu'il faille aller, au-delà de la proposition telle qu'elle est rédigée, vers une transformation, une suppression ou une évolution, notamment en termes de modification des cotisations sociales ?

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Merci de m'avoir convié à cette réunion qui m'intéresse notamment en ma qualité de président du groupe d'études « textile et industries de main-d'oeuvre ». Ce groupe couvre un champ d'activités très vaste allant du carrelage au cuir en passant par le jouet.

Vous avez mis le doigt sur un vrai problème : en termes de gouvernance, nous avons l'impérieuse obligation de trouver des solutions pour travailler ensemble, j'allais dire pour chasser en meute, afin que l'industrie française soit encore plus performante. Il s'agit d'un véritable enjeu stratégique auquel je souscris pleinement.

Sur l'innovation, je ferais une observation. Il y a une dizaine d'années, les textiles techniques et connectés étaient considérés comme une activité de niche que les industriels pratiquaient à côté de leurs productions principales. Actuellement, c'est l'inverse : les textiles techniques et connectés représentent leur principale activité.

Il faut être optimiste car notre pays est créatif, inventif. Cependant, il ne peut pas y avoir d'innovation sans protection juridique et une véritable volonté de lutter contre la concurrence déloyale et la contrefaçon. Je suis allé avec quelques collègues aux portes de Paris où nous avons vu le plus grand hub européen de contrefaçons. Nous devons travailler sur ce sujet fondamental. Dans les propositions qui nous sont faites, je ne vois pas suffisamment les aspects juridiques de protection en faveur des brevets ou contre la concurrence déloyale et la contrefaçon. Si nous ne travaillons pas sur ces sujets, nous serons malheureusement concurrencés par des gens qui n'ont pas la même morale économique que nous.

Quoi qu'il en soit, je trouve très intéressant de travailler ensemble à la fédération de nos énergies, indépendamment du groupe d'études auquel nous appartenons.

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Je précise que les présidents de groupes d'études thématiques sur l'industrie étaient invités à notre réunion, même ceux qui n'appartiennent pas à la commission des affaires économiques ou à la commission des finances. Je vous remercie, Monsieur Bernard Gérard, d'avoir accepté notre invitation.

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Au sein de ce groupe de travail sur l'industrie, nous partageons la conviction qu'il n'y a pas de grand pays sans industrie, qu'il n'y a pas de grande nation sans innovation, sans production, sans capacité à anticiper les mutations technologiques, écologiques ou sociales.

À l'instar de nombre de collègues qui se sont exprimés, j'ai accueilli comme un sursaut salutaire la publication du « rapport Gallois » à l'automne 2012 et, de longue date, j'ai acquis trois convictions.

Tout d'abord, je pense que notre pays souffre avant tout d'un déficit d'investissements, en particulier d'investissements productifs.

Ensuite, dans le contexte actuel de concurrence internationale, il ne faut pas oublier que la compétitivité des entreprises repose sur deux jambes : le taux de marge et la qualité des produits. Au cours des dernières années, le taux de marge des entreprises a retrouvé son niveau d'avant la crise, voire son niveau du début des années 2000 dans certains secteurs. Pour autant, il faut veiller aussi à ce que les techniciens appellent la compétitivité hors coûts : l'innovation, la montée en gamme, la qualité qui doit être le principe premier et final d'une stratégie industrielle. C'est le sens de la création de Bpifrance, des innovations de rupture, de la French Tech, des plans de la France industrielle qui ont été évoqués.

Ma troisième conviction est que le dialogue social constitue aussi un levier de compétitivité. Cet élément était très présent dans le rapport Gallois, et des avancées ont été obtenues au cours de la législature.

À la lecture des propositions de notre groupe, on voit apparaître le carré gagnant d'une stratégie industrielle au long cours pour la Nation. Comme tout bon carré, il a quatre côtés : production, formation, innovation et protection. La production doit être forcément durable, d'où ce contrat de transition écologique négocié avec les partenaires sociaux, les filières industrielles et les acteurs publics. La formation doit se faire sur la base d'un diagnostic partagé des besoins de l'industrie, en lien avec les filières et les ministères de l'emploi et de l'éducation. L'innovation doit être soutenue par une fiscalité toujours plus incitative à toutes les étapes. Quant à la protection, elle possède une dimension juridique, une dimension commerciale au plan européen – c'est l'enjeu de la réciprocité.

Nous pourrions utilement ajouter une autre dimension européenne dans notre rapport car il est nécessaire d'avoir une politique de la concurrence qui soit davantage au service de l'industrie, pour le dire de manière polie. Chaque décision de la Commission européenne devrait faire l'objet d'un avis d'expert ; il devrait être possible de faire appel des décisions en matière de concurrence devant le conseil des ministres européens. Cette dimension était présente dans la dernière partie du rapport Gallois, qui traitait de la question européenne et qu'il n'est pas interdit de lire. Je pense qu'il serait utile de renforcer cette dimension européenne dans nos propositions dont j'approuve l'économie générale.

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Les évolutions récentes montrent bien que l'on n'a pas toujours eu conscience de l'importance de l'industrie pour notre pays : la part de ce secteur dans la valeur ajoutée est passée de 18 % à 12 %, et la part de l'industrie française en Europe a reculé de manière continue et significative – notre industrie enregistrant la plus forte chute de tous les États européens. Cette tendance a eu pour conséquence la perte de 700 000 à 800 000 emplois directs, et je ne parle même pas des emplois indirects.

Trois éléments expliquent selon moi ce considérable recul industriel. Tout d'abord, le faible taux de marge des entreprises françaises sur une très longue période a empêché le développement des investissements, de la recherche, et le renouvellement des équipements. Ensuite, le taux de l'impôt sur les sociétés, en France, reste supérieur au taux moyen européen. Enfin, l'environnement juridique global, à la fois complexe et assez hostile envers l'entreprise, est relativement instable.

La renaissance de l'industrie française dépend, à mon sens, des améliorations qui seront apportées sur ces trois points – nous les invoquions déjà avec MM. Daniel Goldberg et Bernard Accoyer dans le rapport d'information de mars 2013 sur les coûts de production en France –, mais aussi de la mise en oeuvre des mesures présentées par le groupe de travail, et de l'existence d'une volonté stratégique globale, développée secteur par secteur.

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À gauche ou à droite, nous avons tous abandonné l'industrie à partir des années 1980. Nous considérions que la production d'1 euro de service avait autant de valeur que celle d'1 euro d'industrie en oubliant la différence des effets multiplicateurs en termes d'emplois. Tout notre travail, au cours de cette législature, a consisté à réhabiliter l'industrie, et à lui rendre sa place dans le système productif français.

Monsieur Jean Grellier, que pensez-vous de la concentration des entreprises qui produisent la valeur ajoutée industrielle ? Selon un récent rapport de l'INSEE, 1 160 d'entre elles produisent 62 % de la valeur ajoutée du secteur. Cette donnée atteste de la place de la sous-traitance et témoigne de l'éclatement du processus de production. Sans cohérence d'ensemble, la fragilité guette le tissu industriel français, que ce soit dans les frontières de l'Hexagone ou dans son environnement européen.

Malgré les efforts que consentent l'État et les régions pour développer l'apprentissage, il reste difficile d'orienter les jeunes vers l'industrie. Ces derniers ainsi que les familles s'en défient. Dans le Nord-Pas-de-Calais, d'où je viens, l'industrie est connotée négativement : dans de nombreux esprits, se former professionnellement dans ce secteur ne peut pas être un chemin qui mène vers l'emploi.

Nous savons également que de nombreuses entreprises sous-traitantes n'ont pas les moyens matériels d'accueillir des apprentis. Ne pourrait-on pas réfléchir à un mode opératoire efficient qui permettrait à toute la chaîne du secteur industriel de former ces derniers ?

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Monsieur Jean Grellier, vous avez souhaité à juste titre « inscrire la formation professionnelle et technologique comme l'un des volets majeurs des politiques publiques en faveur de l'industrie et des services associés ». Je soutiens évidemment cette démarche ainsi que la neuvième proposition du groupe de travail.

Le décalage entre la réalité de l'apprentissage et la perception qu'en ont les familles et les enseignants pose problème. Ces derniers ont tendance à orienter sur ce chemin les jeunes qui rencontrent des difficultés scolaires alors que l'apprentissage est, à mon sens, une voie royale. Ses débouchés réels permettent de véritables réussites. Certains jeunes ont besoin de l'alternance que propose l'apprentissage entre le milieu scolaire et le monde de l'entreprise. Il faut en conséquence mener des actions en faveur de l'apprentissage en direction des enseignants. Il convient également de renforcer la connaissance des filières et de revaloriser l'image des métiers manuels. Une meilleure réactivité est enfin nécessaire pour la mise en place de nouvelles formations qui doivent répondre aux besoins des entreprises et s'adapter à la réalité des bassins d'emploi.

Quel regard portez-vous sur la politique menée aujourd'hui en faveur de l'apprentissage ? Est-elle porteuse d'avancées ou de reculs ? Comment analysez-vous les politiques publiques menées en la matière depuis une vingtaine d'années ?

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En tant que président du groupe d'études sur la « filière véhicules industriels », je vous remercie de m'avoir convié à cette réunion de votre commission.

La neuvième proposition du groupe de travail vise à « réformer et développer l'apprentissage en rapprochant fortement les lycées professionnels et les centres de formation, en instaurant une gouvernance claire entre les entreprises, les régions et l'État ». Pourrions-nous aller jusqu'à proposer de confier la gestion des lycées professionnels et des centres de formation des apprentis aux régions auxquelles seraient évidemment associées les branches professionnelles ?

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Ce matin encore, lors des septièmes Rencontres de l'industrie auxquelles j'assistais, avec M. Jean Grellier, M. Louis Gallois regrettait que l'industrie ne soit pas davantage au coeur du débat politique.

La transformation numérique est un enjeu pour tout le tissu productif français, en particulier pour les TPE et les PME, qui travaillent souvent pour les grands groupes. Les taux de conversions numériques en France sont inférieurs à ceux enregistrés chez nos partenaires étrangers, européens ou non. Quelle méthode employer pour décliner sur les territoires une incitation à la digitalisation ? Il faut faire évoluer les modèles économiques, les process et les organisations en y intégrant la cybersécurité. Sommes-nous en mesure de mettre en place des outils de formation qui s'adapteront aux postes en évolution ?

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Bien qu'il ne soit pas ministre de l'industrie (Rires), M. Jean Grellier, qui a présidé le groupe de travail auquel nombre d'entre vous ont participé, va tenter de nous répondre. Les efforts collectivement entrepris ont permis de poser des jalons afin d'élaborer une méthode de travail qui, je l'espère, perdurera, quelles que soient les futures majorités politiques. Nous avons aussi permis qu'un dialogue plus formalisé s'établisse avec les industriels. On peut également souhaiter qu'il s'installe durablement.

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Madame Marie-Noëlle Battistel, l'industrie aura un rôle fondamental à jouer en matière de transition énergétique. Demain, il faudra en effet réinventer les moyens de production. C'est pourquoi il nous a semblé judicieux de proposer de mettre en place une démarche collaborative entre tous les acteurs pour accompagner une mutation énergétique porteuse de nouvelles productions industrielles et de conséquences sur l'économie du carbone.

Il reste un important problème à régler en matière de formation. Nous n'avons pas encore trouvé aujourd'hui les moyens de répondre précisément aux besoins de l'industrie. Des réflexions peuvent bien avoir lieu au niveau national, mais les déclinaisons sur les territoires sont essentielles, en cohérence avec les besoins des bassins d'emploi. La stratégie pourrait ainsi être définie au niveau national, et mise en oeuvre au niveau régional. Je souhaite, par exemple, que les lycées professionnels pratiquent beaucoup plus qu'ils ne le font aujourd'hui l'alternance et l'apprentissage. Cela dit, tant que la politique d'orientation après la classe de troisième ne sera pas revue – la consigne est d'envoyer 80 % des élèves vers la seconde générale –, nous rencontrerons des difficultés pour mettre en place une dynamique en faveur des formations professionnelles.

Sur le petit territoire qui est le mien, il existe une formation en lycée professionnel de soudure et de chaudronnerie. Nos entreprises ne trouvent plus de soudeurs, mais ces derniers ne sont pas des artisans à l'ancienne : ils utilisent des technologies très avancées. Aussi créons-nous actuellement un cluster, un réseau d'entreprises intéressées par cette formation. Ce type d'expérience au plus près du terrain est positif en termes d'emploi et de formation.

Des décisions ont déjà été prises concernant l'apprentissage ; il faudra mesurer leurs effets. L'apprentissage évolue : avec les incessantes mutations technologiques, il peut aujourd'hui avoir lieu tout au long de la vie. Il reste que nous n'avons pas résolu la question de la connexion permanente qui devrait s'établir entre l'enseignement, qu'il soit général, professionnel ou continu, et les besoins des entreprises.

Nos auditions montrent clairement que la qualité de l'enseignement supérieur est reconnue. La formation des ingénieurs permet par exemple de pourvoir les postes indispensables aux PME, aux grands groupes et aux startups. Les acteurs du secteur du numérique sont d'ailleurs plutôt rassurants : ils reconnaissent que les formations dont ils ont besoin existent en France. Ils expriment toutefois des craintes s'agissant des niveaux bac pro, brevet de technicien supérieur (BTS), et diplôme universitaire de technologie (DUT). Il faudra donc renforcer les formations de ce niveau afin qu'elles correspondent aux compétences et aux qualifications recherchées.

Monsieur Yves Blein, nous ne disposons pas de davantage de précisions sur les fonds de retournement. Nous nous sommes inspirés des travaux de notre collègue Laurent Grandguillaume, qui montraient leur nécessité pour les entreprises en mutation.

La fiscalité des entreprises a donné lieu à de très nombreux travaux de notre Assemblée, lors de la précédente législature, et dès le début de celle qui se termine, mais nous n'avons pas pu aboutir à un consensus. C'est pourquoi, nous proposons, avec l'accord du président du CNI, que le ministre saisisse ce conseil sur la fiscalité et les contributions sociales. J'ai souhaité qu'il soit précisé dans la rédaction de la onzième proposition que le CNI se prononcerait sur les différents scénarios « dans un esprit de péréquation ». En effet, lorsque l'on parle de baisse des dépenses publiques, j'ai peur que l'on oublie l'effet de levier économique qu'elles constituent et qui permet d'accompagner les entreprises sur les territoires. Tout cela mérite qu'une étude générale soit menée pour réfléchir à un système plus dynamique et plus incitatif.

Aujourd'hui, les entreprises qui produisent, qui innovent, et qui font de la recherche en France paient l'essentiel de la protection sociale à partir des cotisations salariales et patronales. Une péréquation ne devrait-elle pas être mise en place afin que d'autres entreprises apportent leur contribution ? Pour ma part, j'ai toujours été un peu réticent à l'idée de supprimer la C3S car elle constituait le seul moyen de faire payer les entreprises qui délocalisent.

Pour parvenir à la simplification que nous appelons de nos voeux avec vous, Madame Véronique Louwagie, il faudra vaincre un certain nombre de réticences. Reconnaissons aussi que la réglementation est édictée pour répondre à certaines déviances, et qu'il faut donc trouver une approche équilibrée sur ce sujet.

Monsieur Jean-Luc Laurent, seule la prochaine Assemblée sera en mesure de se prononcer sur la pérennité du groupe de travail. À mon sens, les relations entre le milieu industriel et le travail parlementaire ne sont pas assez fortes. Chaque parlementaire a évidemment le souci de son propre territoire et peut s'intéresser au développement de telle ou telle filière industrielle, il n'en demeure pas moins que, globalement, un travail conjoint plus fourni devrait être mené avec les structures du secteur, si nous voulons être à la hauteur de ce qu'il représente. Le GFI, le Cercle de l'industrie et l'UIMM partagent cette analyse, et, lors d'une audition, l'économiste Jean-Hervé Lorenzi faisait remarquer qu'à ce jour, dans les allées du pouvoir, le lobby financier était beaucoup plus puissant que le lobby industriel. Il faut espérer que les mesures destinées à faire prendre conscience de la place de l'industrie permettront, demain, de faire évoluer ce rapport de force.

Je crois que nous payons encore aujourd'hui pour les grandes théories relatives à la société « post-industrielles », qui prévalaient dans les années 1990 et 2000. Psychologiquement, les effets de ce concept assez flou ont été très négatifs. Les mutations industrielles semblaient ne plus être une priorité alors qu'elles étaient au contraire indispensables dans une période d'évolutions fortes. Nous nous sommes réveillés après la crise. Les états généraux de l'industrie n'ont alors pu que constater que l'industrie ne comptait plus que pour 12 % dans notre PIB, au lieu de 20 %, et qu'il était grand temps d'agir.

Dans ce cadre, l'innovation constitue un atout considérable. Vous avez eu raison, Monsieur Bernard Gérard, d'évoquer les textiles connectés : demain, ils ne se contenteront plus de nous habiller, ils pourraient même nous soigner.

Je m'interroge sur la protection juridique que vous avez évoquée. Aujourd'hui, ne doit-elle pas être de dimension européenne ? De façon plus générale, ne faut-il pas une politique industrielle européenne ? En 2013, lors des travaux de la commission d'enquête sur la situation de la sidérurgie et de la métallurgie françaises et européennes, le commissaire européen à l'industrie et à l'entreprenariat, M. Antonio Tajani, nous avait confié que, malgré ses efforts, il ne parvenait pas à mobiliser la Commission sur la question de l'industrie, et que son principal « adversaire » était son homologue chargé de la concurrence qui faisait en sorte que les politiques publiques favorisent le consommateur plutôt que le producteur. Il faut revoir tout cela pour faire de la production une priorité. Comme l'indiquait M. Guillaume Bachelay, production, formation, innovation et protection peuvent permettre de structurer une véritable politique industrielle européenne.

L'intervention de M. Laurent Furst me conforte dans l'idée qu'il faut qu'une réflexion soit menée par les acteurs puisque le débat politique a du mal à imaginer une fiscalité dynamique et incitative. Nous avons quelques années de retard en la matière.

Évidemment, Madame Corinne Erhel, la digitalisation constitue un enjeu considérable pour les grands groupes comme pour les TPE et les PME. J'appelle aussi votre attention sur le retard que notre pays accuse en matière de formation à la cybersécurité. Il faut que nous soyons réactifs sur ce sujet, aussi bien pour ce qui concerne la formation initiale que pour la formation continue.

Madame la présidente, je propose que nous transmettions ces propositions au ministre, et que nous saisissions le Conseil national de l'industrie sur la fiscalité. Peut-être pourrions-nous aussi intervenir auprès des ministères concernés sur la nécessité que soit pris en compte le travail du CNI en matière de formation ? Je formule aussi le voeu que, lors du prochain quinquennat, les activités productives et industrielles constituent une priorité au plus haut niveau de l'État.

Les startups et les entreprises du numérique que nous avons entendues étaient particulièrement optimistes : il me semble que nous pouvons donc l'être aussi, et il est dommage que nous ne les entendions pas plus souvent.

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Je vous remercie beaucoup, Monsieur le député. Je transmettrai aux ministres intéressés les propositions du groupe de travail que vous avez présidé.

Membres présents ou excusés

Commission des affaires économiques

Réunion du mardi 21 février 2017 à 17 h 45

Présents. - Mme Marie-Noëlle Battistel, M. Yves Blein, M. Yves Daniel, Mme Jeanine Dubié, Mme Corinne Erhel, Mme Marie-Hélène Fabre, M. Laurent Furst, M. Daniel Goldberg, M. Jean Grellier, M. Philippe Kemel, M. Jean-Luc Laurent, M. Philippe Le Ray, M. Jean-Pierre Le Roch, Mme Marie-Lou Marcel, Mme Frédérique Massat, M. Jean-Claude Mathis, M. Hervé Pellois, Mme Béatrice Santais

Excusés. - M. Damien Abad, M. Jean-Claude Bouchet, M. Georges Ginesta, M. Thierry Lazaro, Mme Annick Le Loch, M. Yannick Moreau

Assistaient également à la réunion. - M. Alexis Bachelay, M. Xavier Breton, M. Bernard Gérard, Mme Véronique Louwagie