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Jacques Krabal
Question N° 7816 au Ministère des solidarités


Question soumise le 24 avril 2018

M. Jacques Krabal attire l'attention de Mme la ministre des solidarités et de la santé sur les conséquences du changement de formule du médicament « Lévothyrox ». Il y a quelques jours, dans sa circonscription, à Château-Thierry, une réunion publique, organisée par un collectif reimois de malades, a réuni plus d'une centaine de personnes. Comme près de 3 millions de patients qui consomment du « Lévothyrox », la nouvelle formule semble produire des effets secondaires (vertiges, maux de tête, crampes, fatigue intense...) pour une grande partie d'entre elles. Elles lui ont fait part de leur mécontentement à deux égards : d'une part, sur l'absence d'informations précises, de l'autre, sur leur difficulté à s'approvisionner en « Lévothyrox » première formule. Il lui demande si elle peut lui indiquer où en est-on de la gestion de cette crise : si la réintroduction de la première formule lui semble envisageable sur l'ensemble du territoire.

Réponse émise le 5 juin 2018

Les médicaments à base de lévothyroxine sodique sont indiqués pour traiter les hypothyroïdies (insuffisance de sécrétion de la glande thyroïde ou absence de celle-ci) ou les situations où il est nécessaire de freiner la sécrétion d'une hormone stimulant la thyroïde, appelée TSH (Thyroid Stimulating Hormone). Un arrêt de traitement peut engager le pronostic vital de certains patients, notamment ceux ayant subi une ablation de la thyroïde (thyroïdectomie). La lévothyroxine sodique est une hormone thyroïdienne de synthèse dite « à marge thérapeutique étroite » ce qui signifie que toute variation ou modification de la concentration de substance active dans l'organisme, même faible, peut conduire à certains effets indésirables. L'ajustement posologique est individuel et nécessite un contrôle clinique et biologique attentif, dans la mesure où l'équilibre thyroïdien du patient peut être sensible à de très faibles variations de dose. En 2010, du fait des notifications de cas de perturbation de l'équilibre thyroïdien des patients lors de la substitution d'une spécialité à base de lévothyroxine par une autre, une enquête de pharmacovigilance a été ouverte. Elle a conclu en 2012 que des différences de spécifications de teneur entre les spécialités génériques et LEVOTHYROX (spécialité de référence) pourraient expliquer la survenue de cas de déséquilibres thyroïdiens, ce raisonnement étant également applicable aux éventuelles variations de teneur en substance active pour une seule et même spécialité. A la suite de cette enquête, l'agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) a demandé aux titulaires des autorisations de mise sur le marché (AMM) des spécialités concernées de resserrer leurs spécifications, afin de pallier les risques d'effets indésirables et de garantir une stabilité plus importante de la teneur en substance active tout le long de la durée de conservation du produit et d'un lot de fabrication à un autre. En conséquence, MERCK SANTE a déposé une demande de modification de formule visant au remplacement du lactose par le mannitol (dépourvu d'effets notoires) et à l'ajout d'acide citrique, la substance active demeurant identique. En revanche, RATIOPHARM a demandé l'abrogation de ses AMM et BIOGARAN a arrêté, à partir d'octobre 2016, de commercialiser ses spécialités. Après autorisation par l'agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM), la nouvelle formule de LEVOTHYROX a été mise sur le marché à partir de mars 2017, sachant qu'elle ne change ni l'efficacité ni le profil de tolérance du médicament. Les professionnels de santé et les patients ont été informés en amont de la commercialisation de la nouvelle formule de LEVOTHYROX, des informations récurrentes ayant été envoyées aux professionnels de santé entre février et avril 2017. Néanmoins, par précaution et en tenant compte du domaine thérapeutique concerné, et bien que la bioéquivalence entre l'ancienne et la nouvelle formule soit démontrée (il existe entre les deux formules une équivalence de la vitesse et de l'intensité de l'absorption de la substance active dans l'organisme), l'ANSM a recommandé, pour certains patients, de réaliser un dosage de TSH quelques semaines après le début de la prise de la nouvelle formule. Dans ce contexte, sans minimiser ni nier les symptômes ressentis par certains patients avec la nouvelle formule de LEVOTHYROX, laquelle convient à la majorité des patients, l'agence les a en premier lieu invités à consulter leur médecin traitant ou leur endocrinologue afin que puisse être déterminé le dosage le plus précis et qui leur convient, de la nouvelle formule du médicament. Le seul danger est que les patients arrêtent de prendre leur traitement, devant se rapprocher de leur médecin pour toute adaptation. En outre, l'ANSM a vérifié la conformité de la nouvelle formule et n'a relevé aucune impureté. Ont en ce sens été mis en ligne sur son site les études de bioéquivalence qui ont été fournies par MERCK SANTE à l'occasion du changement de formule, les rapports de l'ANSM sur ces études, les analyses confirmant la qualité de la nouvelle formulation, ou encore les données disponibles sur les nouveaux excipients. Une enquête de pharmacovigilance a par ailleurs été initiée, dès la commercialisation de la nouvelle formule, afin d'analyser les signalements d'effets indésirables rapportés. Les premiers résultats de cette enquête, portant sur la période allant de fin mars au 15 septembre 2017, ont été présentés lors du Comité technique de pharmacovigilance (CTPV), instance siégeant auprès de l'agence, le 10 octobre 2017. Les cas rapportés par les patients comme ayant des conséquences sur la vie familiale, professionnelle ou sociale, et les cas les plus documentés, soit 5.062 cas, ont pu être enregistrés prioritairement dans la base nationale de pharmacovigilance (BNPV). Les effets les plus fréquemment rapportés étaient la fatigue, les maux de tête, l'insomnie, les vertiges, les douleurs articulaires et musculaires et la chute de cheveux, déjà connus avec l'ancienne formule du médicament. L'enquête a confirmé la survenue de déséquilibres thyroïdiens pour certains patients lors du passage de l'ancienne à la nouvelle formule ; en effet, tout changement de spécialité ou de formule peut modifier l'équilibre hormonal et nécessiter un réajustement du dosage, ce qui peut prendre un certain délai. Elle a conclu que le profil clinique des effets indésirables rapportés avec la nouvelle formule était semblable à celui de des effets indésirables rapportés avec l'ancienne formule. Cette enquête de pharmacovigilance s'est poursuivie sur la période du 15 septembre au 30 novembre 2017 et ses résultats ont été présentés au CTPV du 30 janvier 2018, en présence des associations de patients et des professionnels de santé. Précisément, sur cette période, 12.248 nouveaux cas enregistrés dans la BNPV ont été analysés. Ces cas ont été très majoritairement déclarés par les patients (90%) et globalement, sur l'ensemble des deux périodes, le pourcentage de patients signalant des effets indésirables est estimé à 0,75% des patients traités avec LEVOTHYROX. De nouveau, les effets indésirables les plus fréquemment rapportés dans les observations sont : fatigue et asthénie, céphalées, insomnie, vertiges, dépression, douleurs articulaires et musculaires, alopécie. Ces effets, déjà rapportés avec l'ancienne formule, l'ont cependant été à une fréquence inédite et inattendue. Sur les 12.248 cas, une attention particulière a été portée sur les 339 cas d'effets indésirables sélectionnés selon des critères de gravité (décès, mise en jeu du pronostic vital, invalidité/incapacité, anomalies congénitales, hospitalisations). Depuis le début de l'enquête, 19 cas de décès ont ainsi été rapportés et analysés, mais aucun lien n'a été établi avec la nouvelle formule. Un cas de suicide rapporté a par ailleurs conduit à une analyse approfondie de 79 cas de troubles à type d'idées suicidaires. Toutefois, les données ne sont pas suffisamment complètes pour permettre d'établir un lien entre les effets indésirables de troubles psychiatriques et la nouvelle formule. Parmi les cas déclarés, 4 030 cas comportant une information sur le bilan thyroïdien ont été identifiés dont 1 745 cas suffisamment documentés et permettant une analyse détaillée qui confirme la survenue possible (chez environ 1/3 des cas analysés) de déséquilibres thyroïdiens lors du passage d'une formule à l'autre. L'analyse montre que 2/3 de ces patients déclarent des effets indésirables alors que leurs dosages de TSH sont dans les normes attendues. Le profil d'effets indésirables est similaire chez tous les patients en hypothyroïdie, en hyperthyroïdie ou avec une TSH dans les normes attendues. L'analyse de l'ensemble des cas ne permet pas la mise en évidence de nouveaux effets indésirables avec la nouvelle formule ni de facteurs explicatifs. Aussi, les données de pharmacovigilance continueront à être analysées au regard d'investigations complémentaires. En effet, l'ANSM a initié une étude de pharmaco-épidémiologie sur l'ensemble des patients traités. En complément, une enquête de pharmacovigilance sur les effets indésirables des autres médicaments à base de lévothyroxine disponibles depuis octobre 2017 est en cours. Enfin, s'agissant de l'élargissement de l'offre thérapeutique, le laboratoire Serb a augmenté la production du médicament L-Thyroxine Serb, solution buvable en gouttes. L'utilisation a, dans un premier temps, été réservée prioritairement aux enfants de moins de 8 ans, aux patients qui présentent des troubles de la déglutition et à ceux ayant déjà eu une prescription avant le 31 août 2017. Ces limitations ont été levées le 15 mars 2018. Ensuite, des stocks de produit strictement identique à l'ancienne formulation de LEVOTHYROX ont été mis à disposition sous forme de conditionnement trimestriel. Le médicament Euthyrox, comprimé sécable est importé d'Allemagne et il est accompagné d'une notice traduite en français, remise par le pharmacien ; il ne doit pas être confondu avec le produit Eutirox, destiné au marché italien et dont la formulation ne correspond pas strictement à l'ancienne formulation de LEVOTHYROX. La prescription d'Euthyrox est exclusivement destinée en dernier recours aux patients qui rencontrent des effets indésirables durables. Durant le mois d'octobre 2017, près de 200.000 boîtes ont été importées. Une nouvelle importation, à compter de la mi-décembre, a porté sur près de 215.000 boîtes en vue du renouvellement des traitements. Et à la demande des pouvoirs publics, MERCK SANTE va poursuivre les importations courant 2018. Néanmoins, une procédure est en cours au niveau européen pour autoriser la « nouvelle formule » dans les autres Etats membres où un produit identique à l' « ancienne formule » est encore disponible sous d'autres noms. Si cette procédure aboutit, il n'y aura plus, d'ici fin 2018, dans l'ensemble de l'Union, des spécialités à base de lévothyroxine « ancienne formule », ayant MERCK SANTE pour titulaire d'AMM. Une fois que les importations prendront fin, les patients à ce jour sous Euthyrox pourront se voir prescrire par leur médecin traitant, parmi les alternatives thérapeutiques pérennes disposant d'une AMM pleine et entière en France, la spécialité la plus adaptée à leur situation clinique. Le médicament L-Thyroxin Henning comprimé, commercialisé en Allemagne par SANOFI, a également été mis à disposition dès mi-octobre 2017 par le biais d'importations, une notice traduite en français étant remise au patient par le pharmacien. Ce médicament, qui est donc à ce jour importé, s'est vu délivrer le 25 janvier 2018 des AMM en France pour différents dosages ; il sera commercialisé sous couvert des AMM une fois admis au remboursement. Enfin, est disponible, depuis début décembre 2017, la spécialité générique THYROFIX, comprimé (4 dosages), pour laquelle des AMM ont été délivrées à UNI-PHARMA et qui a été inscrite au répertoire des groupes génériques. Des AMM ont aussi été délivrées aux Laboratoires GENEVRIER pour la spécialité TCAPS sous forme de capsule molle (12 dosages), avec une commercialisation ayant débuté en avril 2018. Dans ce contexte, où des mesures sont effectivement mises en œuvre afin d'offrir de réelles alternatives thérapeutiques de prescription, l'agence, en liaison avec le Conseil national de l'ordre des pharmaciens, assure un suivi des ventes, permettant la plus grande réactivité pour l'approvisionnement du marché. Par ailleurs, un comité ministériel ad hoc, réunissant l'administration, des professionnels de santé et des associations de patients, se réunit régulièrement. Fin 2017, au vu des données de l'Assurance Maladie, il a été estimé à environ 500.000 le nombre de patients traités par l'une des alternatives précitées.

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