Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Réunion du mercredi 4 octobre 2017 à 10h35

Résumé de la réunion

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La réunion

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Présidence

La commission entend, M. François Baroin, président de l'Association des maires de France (AMF), M. Dominique Bussereau, président de l'Assemblée des départements de France (ADF), et M. François Bonneau, président délégué de Régions de France, sur la situation des finances locales.

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Nous avons souhaité que les représentants des associations d'élus des trois niveaux de collectivités territoriales puissent s'exprimer devant nous sur un sujet qui fâche : les questions budgétaires. Avec l'État et la sécurité sociale, les collectivités territoriales constituent l'une des trois acteurs majeurs des finances publiques. Les enjeux considérables dépassent les questions financières. Un débat public et médiatique assez vif a commencé avant même que nous n'ayons examiné le projet de loi de finances (PLF). Il est utile que les collectivités locales participent aujourd'hui avec nous à un débat de clarification.

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François Baroin, président de l'Association des maires de France, AMF

En termes de finances publiques, les collectivités territoriales constituent, comme le président Éric Woerth vient de le rappeler, l'une des trois sources de dépenses de notre pays. Elles viennent derrière la sécurité sociale, qui représente un volume de dépenses de l'ordre de 630 milliards d'euros par an, et derrière l'État, dont les dépenses s'élèvent, hors les 50 milliards de dettes et pensions, à 280 milliards. Les collectivités locales qui dépensent environ 230 milliards se classent donc au dernier rang.

Quelle part prennent-elles dans la structuration d'une dette qui ronge notre économie, qui asphyxie l'investissement et constitue un handicap pour le pays ? Une dette équivalant à 100 % de la richesse nationale est difficile à réduire et signale un pays qui commence à rencontrer des difficultés. Aucun élu local sérieux parmi les maires de France, quelle que soit sa couleur politique, ne conteste la nécessité, s'agissant de cette source de dépenses, d'apporter sa contribution à la maîtrise de l'assainissement des finances publiques. Peu d'entre eux savent, en revanche, comment se répartit la responsabilité des 2 200 milliards d'euros de dette publique. Aujourd'hui, 80 % de la structuration de ce montant revient à l'État, 10 % au bloc sécurité sociale au sens large, et moins de 10 % relève des collectivités territoriales. Le rapport de la Cour des comptes, publié à la fin de l'année dernière, constate une baisse de ce dernier ratio et le fixe à 9,4 % – la part propre aux communes et aux intercommunalités est inférieure à 4,5 %.

C'est dire que l'immense part de l'effort attendu doit être entreprise par l'État. Si notre responsabilité existe bien, et qu'elle justifie des politiques de réduction de nos dépenses publiques, il faut la mesurer à l'aune de la structuration que je viens d'évoquer. Cette mise en perspective est d'autant plus importante que nous sommes soumis à une règle d'or qui nous interdit tout déficit : dans le cas où nos dépenses seraient supérieures à nos recettes, nous passerions sous le contrôle du préfet et de l'État.

Aujourd'hui, en moyenne, le budget d'une collectivité locale dépend à plus de 60 % de dotations extérieures. Cette réalité résiste assez mal au principe constitutionnel de libre administration des collectivités territoriales. Les dotations ne constituent ni une aumône ni une subvention destinée à financer nos fins de mois. Elles entrent dans le cadre juridique validé par notre loi fondamentale, qui a amené l'État, au fur et à mesure qu'il décidait de supprimer des impôts, à s'obliger à compenser ces suppressions – la représentation nationale a été particulièrement attentive en la matière. Les dotations sont donc de l'argent dû aux collectivités locales au nom même du lien constitutionnel qui, dans une République décentralisée, unit l'État et les collectivités locales auxquelles il a confié des missions. Les communes, agissent au nom de l'État dans un certain nombre de domaines. Elles bénéficient encore aujourd'hui de la clause de compétence générale, et développent à ce titre des politiques souverainement administrées.

Depuis la crise de 2008-2009, tous les gouvernements ont demandé un effort à chaque source de dépenses. À l'époque, en tant que ministre du budget en charge de la préparation de la loi de finances, j'ai sans doute porté le texte le plus exigeant en la matière. En effet, après que la crise eut provoqué l'effondrement des recettes de l'impôt sur les sociétés, le déficit public avait atteint 8,2 % du PIB. J'ai défendu un budget comportant 40 milliards d'euros de réduction du déficit. En un exercice budgétaire, nous sommes passés de 8,2 % à 4,2 % de déficit.

J'ai été le premier ministre du budget à proposer le gel des dotations de l'État aux collectivités locales dans la loi de finances pour 2011. Cela m'avait valu « le goudron et les plumes » au Comité des finances locales (CFL), et l'accueil réfrigéré du congrès des maires de France. Jusqu'à cette période, la progression des dotations aux collectivités locales correspondait à l'inflation augmentée d'un taux qui faisait tous les ans l'objet d'une discussion avec l'État. Dans une période où l'inflation s'élevait à 1,7 %, le gel correspondait à un effort budgétaire de 1,5 milliard d'euros. Autrement dit, en un seul exercice, l'État s'octroyait le droit d'imposer aux collectivités une diminution des dotations de 1,5 milliard.

Dans un nouveau contexte, après l'élection de François Hollande, l'objectif des 3 % de déficit a été repoussé à 2014. Le gouvernement de l'époque a alors négocié avec Bruxelles un cadre général d'efforts et de réformes à l'horizon de 2017. Pour parvenir à ses fins, il s'est engagé à accomplir de grandes réformes qui ont principalement concerné les collectivités territoriales. Il y a eu la loi du 27 janvier 2014 de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles, puis celle du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République. Cette loi dite « NOTRe » a donné lieu à un bonneteau généralisé, et elle a favorisé le développement de très grandes intercommunalités. Elle a correspondu à un considérable effort budgétaire puisque, au lendemain des municipales, sans prévenir personne, l'État a annoncé, en présentant la trajectoire de finances publiques, que les collectivités perdraient 11 milliards sur trois ans. Nous sommes tombés de l'armoire, et nous avons constaté que le véritable chiffre était bien supérieur : les collectivités perdaient au total 28 milliards.

J'ai rappelé ces éléments car il est essentiel de comprendre que nous ne venons pas de nulle part. Dans de nombreux domaines, ceux qui ont désormais en main le destin du pays doivent écrire sur des pages blanches. C'est à la fois le sens de l'histoire et une merveilleuse aventure collective. Cependant, s'agissant des collectivités locales, il n'y a pas de pages blanches ; elles viennent plutôt de clore un chapitre très douloureux durant lequel elles ont dû se battre. Pour la première fois de leur histoire, les maires ont dû mobiliser leurs populations et faire signer des pétitions pour protéger l'investissement et les services publics communaux.

Lorsque l'État décide, de manière unilatérale, d'une chute libre du montant des dotations sans même prévoir un calendrier qui permette aux collectivités de s'adapter, il leur refuse ce que la Constitution a prévu, et il ne respecte pas sa parole. Les conséquences sont immédiates : les collectivités sont obligées de faire un choix. Elles doivent soit augmenter la fiscalité locale, soit réduire l'investissement. Elles ne peuvent pas faire de plans sociaux, car le personnel de la fonction publique territoriale bénéficie des garanties de son statut. De fait, 70 % des mesures relatives à ses propres agents échappent à l'exécutif de la collectivité. À l'époque, nous avons alerté le Gouvernement des menaces que faisait peser sa décision, non seulement sur les services publics de proximité, mais aussi sur l'investissement.

Je rappelle que 51 % des Français vivent dans des communes de moins de 10 000 habitants, et 36 % dans des communes comptant moins de 2 500 habitants. Ces derniers sont aussi nombreux que ceux qui résident dans les douze métropoles françaises. Ils paient des impôts, ils ont le droit aux services publics, à la continuité territoriale, et à une couverture numérique. Leurs attentes sont légitimes, et il s'agit souvent de populations plus fragiles et plus âgées qu'ailleurs, qu'il faut accompagner.

Des augmentations spectaculaires de la fiscalité locale ont pu être observées, mais nous avons tenu un discours responsable et lucide refusant le transfert de « l'impopularité fiscale », car ces augmentations étaient directement liées à des mesures décidées par l'État, que nous n'avions pas voulues.

Depuis le début du mandat municipal en cours, il y a trois ans, en 2014, l'investissement est en chute libre. La Cour des comptes constate dans son rapport de 2016 un recul de 25 % de l'investissement public local en deux ans ; c'est du jamais vu !

Je rappelle que le modèle économique de notre pays se fonde sur la recherche et le développement, sur le commerce extérieur, sur la consommation, mais aussi sur l'investissement. L'investissement privé, qui dépend de la conjoncture économique, va repartir, mais il était au point mort durant deux ans, au début de la présidence de François Hollande. L'investissement public représente environ 60 milliards d'euros par an, dont seulement 9 milliards sont dus à l'État, car 75 % de l'investissement public français provient des collectivités territoriales – et 60 % de l'investissement de ces dernières est consenti par le bloc communal. Or la majorité précédente a imposé une clef de répartition exigeant que 60 % de l'effort en termes de baisse des dotations soit fourni par ce bloc. On a donc provoqué un effet de ciseau terrifiant : l'effort le plus soutenu a été imposé à l'acteur le plus dynamique en termes d'investissement, l'acteur qui restitue l'argent aux contribuables et qui préserve la commande publique, l'emploi local, l'investissement local, et les très petites entreprises (TPE) – en particulier dans le secteur du bâtiment et des travaux publics.

Lors de la dernière campagne pour l'élection présidentielle, le candidat Macron s'était engagé devant les maires de France à proposer 10 milliards d'euros de baisses de dotations. Cette proposition avait été fraîchement accueillie, car nous considérions que la ponction était trop élevée.

Une fois élu, le Président de la République a retenu notre idée d'une Conférence nationale des territoires (CNT). Nous l'avons considérée avec bienveillance et intérêt, mais des tensions existent aujourd'hui avec l'État concernant deux ou trois sujets précis – auxquels il faut ajouter celui du logement social.

Nous ne contestons pas le principe de notre participation à l'assainissement des finances publiques à condition qu'elle soit à proportion de ce que nous leur avons apporté. Je vous rappelle que les dépenses des collectivités territoriales sont les seules à avoir baissé en net dans le budget de l'exercice 2017. L'État n'a pas fait sa part du travail, et le bloc social l'a fait dans une faible mesure, alors que les collectivités territoriales ont atteint leur cible au prix de l'effondrement de l'investissement. Je rappelle que 10 % d'investissement public équivaut à 0,2 point de croissance. Un recul de 25 % à 30 % de l'investissement en deux ans et demi se traduit donc par une perte de 0,5 à 0,6 point de croissance, perte directement liée aux relations entre l'État et les collectivités en matière de dotations.

Il est désormais prévu que les dotations baissent de 13 milliards d'euros, et non de 10 milliards, comme cela avait été annoncé. Cela ne correspond pas à l'engagement présidentiel – le Président de la République l'a reconnu lorsqu'il m'a reçu avant la CNT. Nous n'étions pas d'accord avec une baisse de 10 milliards ; nous le sommes encore moins pour qu'elle atteigne 13 milliards. De plus, au lendemain même de la CNT, nous avons appris le « surgel » des dotations, qui porte uniquement sur la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR) et les contrats territoriaux en milieu rural.

À la fin de l'été, la question des emplois aidés a fait pas mal de bruit. Il ne s'agit pas tant d'être pour ou contre ces dispositifs, mais plutôt de respecter la continuité de la parole de l'État, car il n'a cessé d'imposer aux collectivités l'embauche de personnes en contrats aidés, par exemple pour mettre en oeuvre la réforme des rythmes scolaires que nous n'avions pas voulue.

Je ne peux conclure sans évoquer le logement social. La réduction annoncée de l'aide personnalisée au logement (APL) de 60 euros pour les locataires du parc des bailleurs sociaux pourrait avoir des conséquences en chaîne dramatiques. Je dois rencontrer le Premier ministre, à sa demande, en particulier pour discuter de ce sujet. Les bailleurs sociaux n'alignent pas leurs loyers sur le niveau de l'APL : ils se réfèrent à un modèle économique dans lequel les collectivités territoriales jouent un rôle puisqu'elles garantissent leurs emprunts. Sans ces garanties, le bailleur social ne peut pas emprunter au même taux d'intérêt. Les collectivités territoriales apportent 165 milliards de garanties en structure pour les HLM et la partie privée. La baisse de l'APL de 60 euros et l'effondrement de l'autofinancement qui s'élève en moyenne pour les bailleurs sociaux à 4 ou 5 millions d'euros mettent en danger, dans l'année qui vient, cent vingt d'entre eux. Ils risquent de mettre la clef sous la porte, et, éventuellement, de se retourner vers les collectivités locales pour un appel de fonds, ce qui menace de faire sauter la caisse.

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Dominique Bussereau, président de l'Assemblée des départements de France, ADF

Les chiffres globaux que François Baroin a cités, ainsi que ce qu'il a dit de la règle d'or, des conséquences de la baisse du nombre des contrats aidés – particulièrement utilisés dans nos collèges, comme dans les lycées que gèrent les régions –, et des problèmes des bailleurs sociaux, tout cela vaut aussi pour les départements.

Les départements ont deux préoccupations financières essentielles : le financement de la solidarité sociale, c'est-à-dire des allocations individuelles de solidarité – revenu de solidarité active (RSA), prestation de compensation du handicap (PCH), et allocation personnalisée d'autonomie (APA) pour les personnes âgées –, et le coût des mineurs non accompagnés.

En 2016, les départements ont fortement contenu leurs dépenses de fonctionnement et, pour la première fois, la progression du nombre de bénéficiaires du RSA a cessé – peut-être en raison d'une légère reprise sur le front de l'emploi. Cependant la mesure relative aux contrats aidés et l'évolution de l'emploi nous donnent le sentiment que le nombre de foyers percevant le RSA augmente dans la seconde moitié de l'année 2017.

La maîtrise des dépenses de fonctionnement se traduit, par exemple, par la limitation de l'augmentation des dépenses de personnel à 0,7 % l'an dernier, malgré les hausses indiciaires favorables, en particulier, aux agents de catégorie C. Ces hausses nous sont imposées par l'État sans que nous ne soyons consultés ni même informés – nous apprenons la nouvelle par une dépêche de l'Agence France Presse.

Malheureusement, la baisse de l'investissement s'est poursuivie – il est en recul de 4 % en 2016 par rapport à 2015 –, et les aides versées au bloc communal ont diminué au détriment des très petites communes dont le département est le seul banquier. L'investissement des départements concerne principalement les collèges, le très haut débit, chantier soutenu par le Président de la République, et le réseau routier, dont les crédits constituent souvent une variable d'ajustement. Aujourd'hui, certains départements, comme la Seine-Saint-Denis, sont dans l'incapacité de construire de nouveaux collèges alors que leur population augmente fortement.

Heureusement, en 2016, les recettes des départements ont légèrement progressé en raison de la hausse de la taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB). Les majorités nouvellement élues ont procédé à des augmentations de cette taxe pouvant aller jusqu'à 40 % ou 50 % – l'effet de cette hausse peut toutefois être limité pour le contribuable si le taux de départ est faible. Il est vrai que les départements n'ont guère d'autres marges de manoeuvre et ne peuvent vraiment peser que sur une part du foncier bâti.

Par ailleurs, la reprise du marché de l'immobilier a permis de meilleures rentrées des droits de mutation à titre onéreux (DMTO). Cette recette a fortement augmenté dans les départements qui se portent bien – c'est le cas chez moi, en Charente-Maritime, sur le littoral atlantique, alors que la situation est plus difficile dans les Ardennes, en Ariège, en Corrèze, ou ailleurs. Il y a une injustice : les départements dont les dépenses de RSA et d'APA sont les plus fortes sont souvent ceux qui perçoivent le moins de DMTO.

L'année dernière, vingt et un départements se trouvaient en difficulté financière – ils avaient du mal à boucler leur budget –, contre trente l'année précédente. En 2016, certains départements n'ont pas pu payer la totalité du RSA. Cela ne signifie pas que les allocataires n'ont pas perçu leur pension – vous en auriez entendu parler –, mais que la Mutualité sociale agricole (MSA) et la caisse d'allocations familiales ont dû faire une avance et que les départements ne leur ont pas réglé ce qu'ils leur devaient. Cette dette s'élève à deux mois de RSA pour certaines collectivités, pour d'autres à deux semaines ou un mois. De très grands départements, comme le Nord, sont concernés.

La question des mineurs non accompagnés mérite que l'on s'y attarde. Selon un rapport du Sénat, on en comptera 25 000 en France d'ici à la fin de l'année. La plupart sont des garçons qui viennent d'Afrique, de zones en guerre du Proche et du Moyen-Orient, d'Afghanistan... Ils sont transportés par des réseaux de passeurs. Nous devons les prendre en charge dans le cadre de l'aide sociale à l'enfance.

Je me trouvais la semaine dernière dans le département où est élu votre rapporteur général, M. Joël Giraud : les Hautes-Alpes, l'un des trois départements français les moins peuplés, qui accueille 570 mineurs non accompagnés. On a vu, par exemple, leur nombre augmenter considérablement, au mois d'août, dans le Cher, qui est pourtant dépourvu du moindre port et bien loin de Londres...

Ces jeunes disposent de cartes plastifiées, fournies par les réseaux, comportant le numéro de téléphone des travailleurs sociaux. En Hautes-Alpes, vous ne trouvez que des jeunes venant de Guinée-Conakry ; ailleurs ils peuvent venir du Mali, du Niger, d'Afghanistan, d'Érythrée... Au total, le dispositif d'accueil coûtera cette année 1,5 milliard d'euros au bloc départemental. L'État remboursait royalement les cinq premiers jours d'accueil, mais rien de plus. Une négociation avec M. Manuel Valls, lors de la précédente législature, avait permis d'obtenir une amélioration. Une nouvelle discussion avec Mme Nicole Belloubet, garde des Sceaux, ministre de la justice, et Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé, permet une petite prise en charge supplémentaire.

Le Président de la République a pris un engagement très clair en affirmant que les mineurs non accompagnés ne relevaient pas des départements, mais de l'État, du régalien, et de la politique d'immigration. Selon lui, nous n'avons pas à payer. Pour l'instant, les ministères ont du mal à le suivre et à régler l'addition. Cependant l'addition est surtout humaine. Comment les travailleurs sociaux pourraient-ils accueillir correctement des jeunes d'un mètre quatre-vingt-dix et quatre-vingt-quinze kilos qui ne parlent pas le français dans des foyers où se trouvent d'autres enfants enlevés à leurs parents pour cause d'alcoolisme ou de mauvaise entente ?

En ce qui concerne le RSA, vous vous souvenez que la gestion du revenu minimum d'insertion (RMI) avait été transférée aux départements lorsque Jacques Chirac était Président de la République et Jean-Pierre Raffarin Premier ministre, puis que le RMI était devenu RSA sous la houlette de Nicolas Sarkozy et de Martin Hirsch. Ce sont donc des allocations d'État, fruit de la solidarité nationale. Mais, aujourd'hui, l'État ne verse que 57 % de ce qu'il doit aux départements. C'est un peu comme si vous aviez un locataire qui, pour un loyer mensuel de 1 000 euros, ne vous en versait que 570...

La situation est à peu près semblable pour l'APA. Or, grâce aux progrès de l'hygiène de vie et de la science, notre pays compte un nombre croissant de personnes âgées, ce dont on peut se féliciter. Nous prenons aussi de mieux en mieux en considération le handicap.

Bref, l'ensemble des allocations individuelles de solidarité (AIS) augmentent, mais l'État ne rembourse grosso modo aux départements qu'un peu plus de la moitié des montants versés. En 2016, l'État n'a pas versé 4,1 milliards d'euros dus aux départements au titre du RSA.

Or les départements en difficulté économique et sociale concentrent les problèmes. Je prends l'exemple des Ardennes, qui connaissent une décroissance économique en raison de la fin de l'industrialisation et de la petite métallurgie. Ce département compte beaucoup de travailleurs pauvres, donc de retraités pauvres ; beaucoup de gens y perçoivent le RSA et l'APA. Mais on y fait aussi moins construire de résidences secondaires qu'à Royan, et les montants perçus en DMTO sont faibles.

L'ADF prépare donc une plateforme de négociation avec l'État, afin de régler progressivement ce problème au cours de l'année à venir. Les solutions techniques sont nombreuses, et je ne les citerai pas ici. Je souligne toutefois qu'aucun des départements, sauf deux, ne souhaite une recentralisation.

Jusqu'ici, l'État utilisait une solution dont je reconnais qu'elle n'est pas satisfaisante : celle d'un fonds d'urgence, de plusieurs dizaines de millions. L'an dernier, il s'est élevé à 200 millions d'euros. Or, cette année, le Président de la République a dit qu'il allait régler le problème du RSA, et que des négociations allaient s'ouvrir ; il a dit aussi qu'il y aurait un fonds d'urgence pour l'exercice budgétaire 2017. Nous attendions 200 millions d'euros ; je précise qu'il manque à certains départements, comme La Réunion, 100 millions d'euros, à d'autres, comme le Nord, 70 ou 80 millions d'euros.

Mais il n'y a pas eu de projet de loi de finances rectificative, donc pas de fonds d'urgence, et ces 200 millions ne sont pas non plus inscrits dans le projet de loi de finances initiale pour 2018. Un grand nombre de départements attendaient ces sommes mais ne les recevront pas. Encore une fois, le fonds d'urgence était une mauvaise solution, mais un secours nécessaire en fin d'exercice.

L'ADF apprécie l'idée de contractualisation, même si les contrats comportent toujours une part d'injustice... Mais nous avons pris la décision de refuser toute signature tant que les négociations sur les mineurs non accompagnés et sur les AIS n'auront pas abouti, ou tout simplement pas commencé. Sans début de réponse sur ces deux dossiers, nous avons fait savoir au Président de la République et au Gouvernement que nous ne signerions pas. Il ne s'agit pas de contestation gratuite, mais d'une volonté qu'un dialogue s'ouvre sur ces problèmes de financement.

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François Bonneau, président délégué de Régions de France

Merci, mesdames et messieurs les députés, de vous pencher ce matin sur la situation des collectivités territoriales. Je souscris entièrement à ce qui a été dit par MM. Baroin et Bussereau.

Chacun doit garder à l'esprit l'effort absolument considérable consenti par les collectivités territoriales au cours des trois exercices précédents. Les régions ont diminué leurs dépenses de plus de 1,3 milliard. La Cour des comptes a établi que les efforts consentis par les collectivités territoriales ont été beaucoup plus importants que ceux d'autres budgets.

En ce qui concerne la capacité à agir des collectivités, je souligne que l'autonomie des régions est aujourd'hui d'environ 8 % : seul le niveau de la taxe sur les cartes grises dépend du vote des assemblées. La dépendance des régions vis-à-vis des décisions nationales est donc extrême.

En 2016, les dépenses des régions se sont élevées à environ 30 milliards d'euros, soit 7,6 % des dépenses totales des collectivités territoriales. Cela représente une baisse de 3,4 %, dont 0,9 % pour les dépenses de fonctionnement et 6,1 % pour les dépenses d'investissement.

En 2017, il y a un changement d'épure, la loi NOTRe ayant très sensiblement réorganisé les compétences des différentes collectivités territoriales. En particulier, les régions exercent de nouvelles compétences dans le domaine des transports scolaires et des transports routiers non urbains, mais également dans celui du développement économique, ce qui affectera fortement nos dépenses. Ces changements ont entraîné un doublement de la cotisation sur la valeur ajoutée, l'équilibre se faisant en fonction des dépenses réellement engagées, ainsi que la création d'un fonds de soutien pour le développement économique de 450 millions d'euros. En réalité, ce montant est nettement supérieur et ces 450 millions constituaient une compensation apportée aux régions – j'y reviendrai.

En 2017 toujours, la contribution au redressement des finances publiques (CRFP) des régions s'est élevée à 451 millions d'euros et la dotation de compensation de la réforme de la taxe professionnelle (DCRTP) a diminué de 56,4 millions d'euros.

Malgré cela, les économies réalisées sur les dépenses de fonctionnement des régions ainsi que les fusions qui sont intervenues ont permis de maintenir, voire d'augmenter l'investissement, tant en contributions directes qu'en contributions apportées aux autres collectivités ; c'était important après l'année creuse qu'avait été 2016.

L'épargne a été maîtrisée et l'encours de la dette des régions a progressé de façon moindre.

Nous avons récemment tenu notre congrès annuel à Orléans. Il a soulevé beaucoup d'émotion, quelles que soient les sensibilités politiques des uns et des autres. Le président de l'ADF y a assisté et a été le témoin de notre colère.

En effet, le PLF pour 2018 supprime le fonds de soutien au développement économique de 450 millions d'euros – dont le Premier ministre dit maintenant qu'il était exceptionnel. Or, quand les régions ont repris la responsabilité du développement économique, nous avions établi, avec l'État, que cela représentait un montant de 800 millions d'euros annuels. En prenant en considération les économies permises par les mutualisations, le Gouvernement et les régions avaient abouti à une estimation de 600 millions d'euros, ce que la loi de finances pour 2017 a reconnu. Le Gouvernement de l'époque avait proposé un fonds de soutien de 450 millions, complété par l'attribution aux régions d'une part de TVA – ressource dynamique, quand les dotations étaient orientées à la baisse – qui permettrait de récupérer progressivement, en deux ou trois ans, les 150 millions manquants. Voilà le deal que nous avons accepté.

Le fonds de soutien devait être durable, car les compétences transférées sont durables. Il s'agit notamment de soutenir les chambres d'agriculture, les chambres consulaires ayant déjà perdu des moyens importants, ce qui les empêche d'agir de manière autonome et les conduit à solliciter des collectivités territoriales un maintien, à tout le moins, de leurs interventions financières. Nous intervenons également pour soutenir la mise en réseau des entreprises, et plus généralement pour soutenir les PME. Toutes ces actions sont indispensables.

Comment imaginer, alors que notre économie repart, que nous ne puissions pas agir pour la compétitivité de nos petites et moyennes entreprises (PME), de nos entreprises de taille intermédiaire, de notre artisanat, de nos organisations agricoles, pour l'innovation, pour le développement international de nos entreprises ? Nous insistons donc très fortement, et nous l'avons dit au Premier ministre, sur l'utilité de ces 450 millions d'euros.

Quant à la DCRTP, elle avait déjà baissé en 2017 de plus de 50 millions d'euros et doit à nouveau diminuer en 2018 de 38,8 millions d'euros.

La loi NOTRe, avec des pleins et des déliés, des ombres et des lumières, des creux et des bosses, a réorganisé les compétences des collectivités territoriales. Elle peut concourir à plus d'efficacité. À un moment où l'action économique des régions est fondamentale pour que nos PME profitent de la relance économique et créent ainsi de l'emploi, le Gouvernement crée un trou d'air majeur. C'est pourquoi les régions ont été unanimes pour dire leur hostilité à ce projet de budget. Il ne serait pas sérieux de dialoguer avec l'État si celui-ci nous refuse les moyens d'agir. Nous demandons donc instamment au Gouvernement de renouer le dialogue.

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Merci de ces interventions. Le contexte de cette audition est triple : examen du PLF pour 2018, projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022 et Conférence nationale des territoires.

Je ne méconnais pas les difficultés que vous exposez. J'ai été maire pendant très longtemps, et ce n'est que parce que la loi m'y a obligé que j'ai abandonné ce mandat – à regret, car c'est sans doute le mandat le plus affectif de ceux que l'on peut détenir. Je voudrais néanmoins rappeler plusieurs évolutions majeures.

Tout d'abord, je note la fin de la CRFP, qui était assise sur les recettes réelles de fonctionnement et prélevée sur la dotation globale de fonctionnement (DGF). Par rapport à la loi de finances initiale pour 2017, le montant des transferts financiers de l'État aux collectivités, tout compris, augmente à périmètre constant comme à périmètre courant.

Je note également que les instruments de cadrage budgétaire prévus pour les collectivités par le projet de loi de programmation sont modifiés. Vous l'avez rappelé, le dispositif comporte trois volets. Le premier est un plafonnement de la progression des dépenses totales – ce sont les fameux 13 milliards. Il faut souligner que c'est la progression tendancielle qui est visée : là où vous dépensiez 100 et deviez dépenser 104, il ne vous est pas demandé de ne dépenser que 98 mais bien 102. De plus, ce plafonnement ne s'applique qu'aux collectivités territoriales comptant plus de 10 000 habitants, soit 319 collectivités sur 35 533, ces 319 collectivités concentrant 80 % des dépenses. Le deuxième volet consiste en un plafonnement des concours financiers de l'État. Le troisième est une nouvelle règle prudentielle introduite par l'article 24 du projet de loi de programmation, qui vient renforcer la règle d'or applicable aux 319 collectivités évoquées. Cet article vise à améliorer la capacité d'autofinancement des collectivités en plafonnant le nombre d'années nécessaire au remboursement de leur dette, et en prévoyant les modalités de convergence vers les plafonds fixés.

En clair, il s'agit de cibler les plus grosses collectivités – même si cette catégorie est très hétérogène – en épargnant le plus grand nombre. L'objectif de limitation des dépenses est fixé en tendanciel. Il s'agit de passer d'une logique de réduction forfaitaire des recettes de fonctionnement à une logique privilégiant l'investissement sur ressources propres, dont vous avez tous souligné l'importance.

Quelles différences concrètes cette nouvelle méthode aura-t-elle sur la préparation de vos budgets et sur vos choix de gestion, en particulier en matière d'investissement et de ressources humaines ?

J'en viens aux régions et au fonds exceptionnel de 450 millions d'euros. Quel est le montant de vos dépenses de développement économique en 2017 ? Comment ont-elles augmenté par rapport à l'an dernier ? Au début des discussions avec le gouvernement précédent, vous l'avez rappelé, le besoin de financement avait été évalué à 800 millions d'euros, puis réduit à 600 millions ; comment avez-vous absorbé cet écart ?

Pour le transfert de 600 millions, il a été prévu un fonds exceptionnel de 450 millions, l'évolution du produit de TVA permettant d'atteindre un équilibre en quatre ans. Si le fonds exceptionnel n'est plus intégré dans l'assiette de la TVA, à quel horizon cet équilibre serait-il atteint ?

Monsieur Bussereau, à combien chiffrez-vous globalement le reste à charge, en 2017, des départements au titre des AIS ? Quels sont en particulier les montants pour les départements dont la situation est la plus dégradée ?

Disposez-vous d'une estimation des dépenses engagées par les départements pour la prise en charge des mineurs isolés ? Il faut distinguer les cinq jours de prise en charge initiale et le séjour par la suite. Puis-je faire observer là encore que, si la situation est difficile dans certains départements, c'est aussi parce que la solidarité ne joue pas entre les collectivités territoriales ? Vous avez visité, vous l'avez rappelé, un département frontalier qui se situe au nord d'une région méditerranéenne, et qui accueille par volonté politique beaucoup plus de mineurs isolés que d'autres départements plus proches du littoral, qui ont tendance à les rejeter.

Les discussions sur la recentralisation de certaines dépenses, notamment le RSA, doivent reprendre : à quels points de départ tenez-vous ?

Concernant enfin les communes et les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI), monsieur Baroin, vous n'avez que peu évoqué la réforme de la taxe d'habitation. Vous inquiétez-vous néanmoins des conséquences budgétaires de la réforme ? L'article 3 du PLF, tel qu'il est rédigé, ne prévoit pas de pertes de recettes pour les communes et EPCI. Le dégrèvement est accordé par rapport aux taux et aux abattements de 2017, mais l'écart sera dû par les contribuables.

Pour mémoire, sur trois ans, de 2012 à 2015, le taux moyen de taxe d'habitation des communes avait augmenté de 0,35 point.

Pour 2020 et les années suivantes, le Gouvernement annonce la discussion, dans le cadre de la CNT d'un « mécanisme de limitation des hausses de taux décidées par les collectivités et de prise en charge de leurs conséquences », afin de garantir aux contribuables une exonération totale. Si l'écart de taux et d'abattement était alors mis à la charge des communes et des EPCI, à combien estimez-vous la perte de recettes ?

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J'ai été maire, comme d'autres ici. Votre discours sur la trajectoire et la méthode me paraît difficile à entendre, messieurs les présidents. Pendant des années, nous avons subi la baisse des dotations ; aujourd'hui, la méthode est différente, et il faut le dire. Certes, vous êtes mécontents de la diminution des contrats aidés et de la suppression de fonds qui étaient des fonds exceptionnels ou des fonds de compensation.

Je ne répéterai pas ce qu'a dit le rapporteur général. Il me semble que la méthode de la CNT et, plus largement, la discussion avec les collectivités territoriales et les parlementaires, doit être approfondie. Nous sommes tous des élus responsables, et nous savons tous que la fiscalité locale – dotations, dont la DGF qui regroupe d'anciennes taxes et leurs compensations, mais aussi dégrèvement et exonérations, taxe d'habitation – sera un sujet essentiel en 2018. Le PLF pour 2018 intervient dans un moment de transition. La CNT doit permettre de travailler à la réforme. Tout le monde doit s'asseoir autour de la table, et nous devons trouver des solutions pour une nouvelle fiscalité locale. La collectivité, c'est le rassemblement ; le rassemblement fera l'unité. Élu de la Corrèze, je connais très bien les questions posées par le RSA ; c'est un sujet complexe, qui doit être travaillé avec l'ensemble des collectivités territoriales.

Le budget pour 2018 est une transition, et les dotations seront stables. Il faut réformer la fiscalité locale, et nous devons y travailler en vue du prochain budget.

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Merci de vos témoignages, car il est important que les députés puissent mesurer les conséquences des mesures qui nous sont proposées. J'ai été maire jusqu'au mois de juin dernier, et je comprends vos inquiétudes.

En raison de la contractualisation entre les collectivités territoriales et l'État, les dépenses des premières, et plus largement des administrations publiques locales, décéléreraient de 1,8 % en valeur en 2017 à 1,2 % en 2018. À ce propos, le Haut Conseil des finances publiques parle de « pari ». Quel est votre sentiment sur ce point ? Connaissez-vous les critères que souhaite proposer le Gouvernement pour cette contractualisation, et avez-vous été associés à la réflexion à ce sujet ?

S'agissant de la taxe d'habitation, l'État estime que l'autonomie financière des collectivités territoriales sera maintenue, puisqu'un dégrèvement sera appliqué. Là encore, quel est votre sentiment ?

S'agissant du RSA, vous avez noté, monsieur Bussereau, un changement de trajectoire. Est-il possible que cette augmentation que vous remarquez résulte de la diminution brutale des contrats aidés ? Si tel était le cas, cette mesure ne serait finalement qu'un transfert du coût des emplois aidés vers les départements.

Enfin, quelles seront les conséquences du changement de périmètre et de l'intégration de nouvelles variables ? Je suis pour ma part assez inquiète.

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Depuis 2015, la plupart des collectivités locales ont cherché à ralentir leurs dépenses afin de ne pas recourir au levier fiscal, et c'est tant mieux. Néanmoins, toutes n'ont pas été vertueuses : en octobre 2016, la Cour des comptes jugeait « préoccupante » la proportion des collectivités en grave difficulté financière. L'épargne nette de villes comme Marseille ou Nice est négative. La Cour estime que des difficultés sont dues à l'endettement et à des charges de fonctionnement excessives. Des plans de redressement pour accompagner ces collectivités ont-ils été proposés ? Sinon, cela vous semblerait-il utile, voire obligatoire ? Une procédure européenne pour déficit excessif est appliquée à la France. Pourquoi ne pas imaginer un mécanisme semblable pour les collectivités ?

La Cour des comptes demande également aux collectivités locales des efforts sur la gestion de leur masse salariale, les frais de personnel ayant bondi de 2 % en raison des revalorisations dont ont bénéficié les fonctionnaires. Les élus locaux ont-ils appliqué des politiques de ressources humaines suffisamment efficaces ? Comment diminuer le taux d'absentéisme moyen, qui est d'environ 12 % dans les collectivités locales contre 4,5 % dans le secteur privé ?

Enfin, vous avez rappelé le pacte financier proposé par le Gouvernement aux collectivités locales, c'est-à-dire le gel des dotations en contrepartie d'une économie de 13 milliards sur les dépenses de fonctionnement à la fin du quinquennat. Cette année, les dépenses de fonctionnement des collectivités locales devraient augmenter de 1,5 %, soit 181 milliards. Comment entendez-vous respecter vos engagements ?

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Je fais partie des élus qui ont eu la chance de participer à des exécutifs locaux.

Chacun a pu entendre le discours de François Baroin. Je pense qu'il a fait preuve d'une véritable objectivité, et c'est un député qui a proposé dès 2010 de baisser les dotations aux collectivités qui vous le dit ! Nous assumons depuis longtemps qu'il faut être raisonnable, mais il faut savoir ne pas aller trop loin.

Prenons le numérique, sujet particulièrement sensible. Tout le monde le dit : il faut très haut débit pour tous et fibre optique. Mais comment financer cela au cours des cinq prochaines années ? C'est un enjeu stratégique considérable pour notre pays. Nous n'y parviendrons pas si les collectivités ne participent pas, car nous savons que l'engagement de l'État est extrêmement limité à l'heure actuelle – pas plus de 20 % des dépenses éligibles. Comment faire ? Et comment donc, messieurs les présidents, monsieur le président délégué, allez-vous réagir ?

Quant aux contrats de plan État-région, les grands investissements structurants ont été abandonnés. Tout projet non lancé s'arrête. Avez-vous mesuré, avec les trois catégories de collectivités que vous représentez, l'impact de ce coup d'arrêt, notamment en termes d'emplois ?

J'en viens à la contractualisation envisagée pour réduire les dépenses publiques des collectivités. Quelle est la nature du pacte ? Et seriez-vous sensible à l'idée d'un système de bonus-malus en DGF ? Par exemple, ceux qui se sont montrés bons gestionnaires au cours des cinq dernières années seraient accompagnés, mais les moins bons gestionnaires le seraient moins.

M. Bonneau a très justement évoqué le problème de la suppression du fonds de soutien au développement économique, d'un montant de 450 millions d'euros. Il faut y ajouter un coup de rabot de 140 millions d'euros au détriment des chambres de commerce et d'industrie (CCI) – je le dis pour notre rapporteur général qui a toujours agi en faveur des CCI. Comment protéger demain le développement économique, compétence pleine et entière des régions ?

Une grande réforme de la formation professionnelle est évoquée. Très bien, mais, entre l'État, les régions et les organismes collecteurs, c'est un grand chantier que doit ouvrir le Gouvernement. Avez-vous déjà commencé à y réfléchir ? Ce sont 40 milliards d'euros qui sont consacrés à la formation professionnelle – et c'est un échec, comme le montre notre taux de chômage.

Qu'en est-il, enfin, de cette ruralité qui, lors de l'élection présidentielle, a montré, par le vote que l'on sait, qu'elle était fracassée, abandonnée ? Entre la fin du dispositif dit « Pinel », celle du prêt à taux zéro (PTZ), l'enjeu dramatique du très haut débit et la désertification médicale, que va-t-on faire pour aider ces collectivités ? Le projet de loi de finances n'annonce rien. Quel est votre avis ?

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Tout d'abord, je ne conteste pas l'idée que les collectivités locales soient mises à contribution comme l'État ou la sécurité sociale. Je n'étais pas d'accord avec la méthode du coup de rabot uniforme appliqué à toutes les collectivités, qui a prévalu au cours du précédent quinquennat, et je ne le suis toujours pas ; elle montre une méconnaissance de l'hétérogénéité des collectivités. Aussi suis-je tentée de trouver plutôt intelligente cette contractualisation avec les 319 plus grosses collectivités, mais elle me semble mal engagée. Par exemple, l'objectif de contenir dans la limite de 1,2 % précisément la progression des dépenses s'appliquera-t-il indifféremment ? Le même pourcentage est annoncé pour toutes les catégories de collectivités, mais est-ce réaliste ?

Que pensez-vous par ailleurs de cet article 24 du projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022, qui impose une nouvelle règle prudentielle aux collectivités les plus importantes ?

J'en viens à des questions spécifiques aux différentes catégories de collectivités.

Quelle est la position de l'AMF sur l'abandon de la révision des valeurs locatives cadastrales ? Si la taxe d'habitation est injuste, c'est effectivement parce que les bases sont injustes. Or elles continueront à s'appliquer pour les taxes foncières, notamment celles applicables au foncier bâti. On prend le problème à l'envers ! Je souligne également le manque de courage de ce gouvernement et du précédent à propos de la DGF. Si tout le monde s'accorde à dire qu'elle est totalement inégalitaire, qu'attend-on pour la réformer ?

J'en viens à l'investissement public et à un mensonge proféré par Mme la ministre auprès du ministre d'État, ministre de l'intérieur : on ne lui a sans doute pas donné la bonne fiche, car l'investissement public est en baisse. Les fonds de dotation des investissements publics sont en baisse. Certes, le montant de la DETR est inchangé, mais celui de la dotation de soutien à l'investissement public local diminue. Sommes-nous d'accord ?

Je voudrais aussi savoir ce que pense le président de l'AMF du fait que les communes les plus riches – je dis bien : les plus riches – ont une DGF dite « négative ». Elles ne sont donc pas ponctionnées pour financer la péréquation. Les communes les plus riches de France ne paient plus du tout de péréquation !

Dernière question pour le président de l'AMF, qu'est-ce qui se cache donc derrière le fonds de modernisation de 50 millions d'euros, d'ailleurs inclus dans la fameuse dotation de soutien à l'investissement local ? Ne serait-ce pas la mise à contribution de toutes les autres collectivités, via un bonus qui serait donné aux quelque 35 000 communes ?

Monsieur le président de l'ADF, à combien le montant du fonds de péréquation des DMTO est-il estimé ? Ces droits connaissent effectivement une progression importante.

Quant aux régions, j'appelle simplement l'attention de mes collègues nouvellement élus. Ils peuvent se reporter aux propos tenus dans l'hémicycle par le Gouvernement : ces 450 millions d'euros sont un engagement pérenne. Nous devons les retrouver dans ce projet de loi de finances !

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Merci, messieurs les présidents, monsieur le président délégué, pour cette présentation sans langue de bois de l'inquiétante situation des collectivités que représentent vos associations. Je rappelle quand même que tout ce qui nous arrive actuellement vient après une baisse de la DGF, dont le montant est passé de 41,5 milliards d'euros en 2013 à 30,8 milliards d'euros en 2017 – et je ne parle pas de l'annulation de 300 millions d'euros de crédits intervenue au mois de juillet dernier, ni de la baisse des APL, dont M. Baroin a justement indiqué les conséquences.

Le plafonnement à 1,2 % de l'augmentation des dépenses de fonctionnement des 319 plus grosses collectivités vous paraît-il réaliste ? Question corollaire, combien de suppressions de postes dans la fonction publique territoriale la réduction des dépenses de fonctionnement risque-t-elle d'impliquer ? Je rappelle que le candidat Macron avait évoqué un objectif de 70 000 pendant la campagne présidentielle.

Quant aux contrats aidés, quelle est la situation actuelle, après les suppressions intervenues cet été ? Ne redoutez-vous pas que le Gouvernement impose un financement des contrats aidés via la dotation aux collectivités, puisque M. Macron a mentionné la possibilité de maintenir certains contrats aidés utiles dans ce cadre ?

Quant aux régions, comment jugez-vous cette coupe de 450 millions d'euros ? Et comment jugez-vous les compensations prévues en projet de loi de finances initiale pour 2018 ?

En ce qui concerne les communes, quelles garanties le Gouvernement a-t-il données pour la compensation du manque à gagner résultant de la suppression de la taxe d'habitation ?

Enfin, nous savons tous que certains investissements prévus ne sont réalisés qu'à partir du moment où des collectivités territoriales peuvent assumer une part complémentaire qui s'ajoute au financement de l'État ou des régions. Or les dotations dont celles-ci bénéficient vont diminuer. Quand on pense au fonds de prévention des risques naturels majeurs, dit « fonds Barnier », ou à la question du logement, ne peut-on craindre que ce mouvement de baisse des dotations des collectivités ait un effet absolument catastrophique sur ce type d'investissements ?

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« Un préfet fort, une collectivité forte », nous dit le ministre de l'intérieur, mais, avec la mise en place des contrats de confiance et ce système de bonus-malus arbitré par les préfets dont nous ne savons comment il fonctionnera, avez-vous l'impression, messieurs, d'une mise sous tutelle ?

Et pensez-vous que la réduction des dépenses ou la limitation de leur progression affecteront fortement les services publics ?

Quant aux territoires ruraux, sont-ils plus gravement touchés par les orientations prises ? Je pense au problème du logement, aux contrats aidés, à la baisse du budget de la cohésion des territoires, en parfaite contradiction avec les objectifs annoncés par le Gouvernement en matière de très haut débit ou de téléphonie mobile – car, au-delà du très haut débit, le problème est souvent, dans nos départements, la téléphonie mobile.

En ce qui concerne les départements, la question des AIS n'est pas nouvelle, bien entendu, mais le fossé se creuse de plus en plus chaque année. Il en a résulté, le président Bussereau l'a souligné, une baisse de l'investissement direct et indirect, puisque les aides aux collectivités ont également baissé. Et nous avons connu des situations inédites, qui ont conduit l'année dernière certains départements à ne pas verser, pendant quelques jours ou quelques semaines, l'intégralité du RSA. Cela risque-t-il de se reproduire ?

Ma dernière remarque porte sur les régions. Dans mon département de l'Allier, nous avons l'impression d'une forte perte de proximité. Cette impression est-elle partagée ailleurs ? Il est vrai que nous nous situons peut-être un petit peu à la lisière de la grande région Auvergne-Rhône-Alpes.

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François Baroin, président de l'Association des maires de France, AMF

M. le rapporteur général a évoqué plusieurs sujets. En ce qui concerne ces fameux 13 milliards d'euros, il est question de la progression tendancielle. Notre position est de considérer que c'est « moins pire » que ce que l'on pourrait imaginer, mais nous sommes dans un brouillard à couper au couteau. Nous n'avons aujourd'hui aucune base de référence. Or la base de référence change tout. Ancien élu local, entouré de personnes compétentes, vous le savez, monsieur le rapporteur général : si vous prenez un critère ou un autre – un pourcentage du PIB ou l'évolution du coût de la vie, sans parler des différences d'appréciations entre les experts à propos de l'élasticité de tel ou tel point –, cela modifie tout, mais ce n'est pas le sujet. Notre problème, ce sont les 13 milliards d'euros. Vous nous dites ensuite qu'il n'y a pas de baisse de dotation pour l'année prochaine. Soit, mais alors on nous demandera d'atteindre l'objectif non pas en cinq ans mais en quatre ans. Je n'ai effectivement pas entendu le Président de la République ni le Gouvernement remettre en cause ces 13 milliards d'euros – dont je rappelle toutefois qu'ils ne sont pas un engagement du candidat Macron.

Maintenant, étant entendu que nous contestons l'objectif en tant que tel, et son niveau, nous préférons discuter sur la base du tendanciel.

L'idée d'une contractualisation avec ces 319 collectivités est probablement plus séduisante, mais il faudrait s'entendre sur les chiffres. Vous estimez qu'elles représentent 80 % des dépenses, mais nous parvenons plutôt au chiffre de 70 %. On va demander aux 319 plus grandes collectivités – en gros les communes de plus de 50 000 habitants et les agglomérations de plus de 120 000, 130 000 ou 150 000 habitants – de produire une partie de l'effort de solidarité en faveur de la ruralité. Après tout, cela peut se discuter, c'est l'esprit du Fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales (FPIC), c'est l'esprit des péréquations verticales ou horizontales, toutes choses que l'on connaît depuis très longtemps. En revanche, si vous mettez autour de la table des négociations le préfet, la ville centre et l'intercommunalité, et que c'est le préfet qui échenille a priori, potentiellement en opportunité, les différentes dépenses, en indiquant aux collectivités comment respecter la contrainte d'une progression limitée à 1,2 %, c'est simple : c'est l'acte I de la mort de la décentralisation. C'est un choix politique possible, mais il faut le dire.

Comme nous sommes dans le brouillard, il faut en rediscuter avec le Gouvernement, qui propose une méthode. Pour notre part, nous n'avons pas quitté la table des négociations de la CNT, et nous ne souhaitons pas le faire ; je rappelle d'ailleurs que toutes les sensibilités sont représentées au sein de l'AMF et que l'une de ses vice-présidences sera occupée par une représentante de La République en Marche à partir du prochain congrès – si le Front national n'est pas représenté, c'est simplement parce qu'avec neuf, dix ou douze communes il n'est pas représentatif. Les positions que nous prendrons seront donc l'expression d'un consensus, et cette question de la contractualisation inquiète profondément. Potentiellement, si, les uns et les autres, nous nous y prenons mal, c'est le retour du contrôle a priori, et sur des jugements d'opportunité – Jean-Louis Bourlanges connaît cela par coeur, car il a eu à traiter de ce type de sujets.

Quant au renforcement des règles prudentielles, franchement, quel intérêt ? D'ailleurs, à quel titre ? Certes, on peut plafonner le nombre d'annuités, mais nous avons déjà une règle d'or, ce qui n'est pas le cas de l'État : nous n'avons pas le droit de produire du déficit. Que voulez-vous donc de plus ? Des critères d'autofinancement ? Mais comment les fixer et à quel titre ? L'histoire de Nice n'est pas celle de Troyes ni celle de Marseille ou de Strasbourg, qui ont eu des majorités différentes en différentes périodes. C'est la décentralisation, l'État n'administre pas les communes de France ! Nous attendons du Président de la République qu'il garantisse et protège la Constitution, c'est-à-dire qu'il garantisse et protège la libre administration des collectivités territoriales, à moins qu'il n'ait un autre objectif et un autre projet, ce dont nous pouvons discuter, de même que l'on débat en Espagne de l'unité du pays. Il n'est pas douteux que les grandes régions et les organisations ouvriront un jour un débat de cette nature en France. Pouvons-nous avoir un État qui fixe une ambition sans plus en avoir les moyens ? Cela peut-il durer ? C'est un choix, mais il faut le dire. On ne peut pas en tout cas le faire par la bande.

Quant à la taxe d'habitation, il est difficile de demander à un maire d'accepter qu'on l'ampute des deux bras et qu'on lui retire une cheville, tout en lui disant qu'il courra aussi vite. J'ajoute, pour être tout à fait clair, que ma position est constante. J'étais pareillement très critique lorsque le président Sarkozy a annoncé la suppression de la taxe foncière unilatéralement et brutalement, sans informer personne et sans mettre autour de la table les collectivités territoriales. Je ne prétends pas qu'il se passe aujourd'hui la même chose – il y a un engagement du candidat – mais la suppression d'un impôt, quel qu'il soit, quel que soit le président, ne peut être bien vécu par une collectivité locale. Nous sommes déjà dépendants sur nos ressources propres. Le problème posé à la majorité est d'ordre constitutionnel : à quel moment peut-on parler d'une tutelle de l'État, ce qui expose au risque d'une censure ? Selon la jurisprudence du Conseil constitutionnel, la part des ressources propres dans l'ensemble des ressources des communes ne saurait être inférieure à 60,8 %... mais les dotations sont considérées comme des ressources propres. Comme vous, parlementaires, avez la main sur les dotations, la confusion règne dans les esprits, et Descartes n'y retrouvera pas ses enfants. Le risque constitutionnel est donc là. Nous ne l'acceptons pas.

Nous ne contestons pas que la suppression de la taxe d'habitation résulte d'un engagement présidentiel. Il est assez logique que le candidat devenu président, soutenu par une majorité forte et solidaire, l'inscrive dans le projet de loi de finances qui vous occupe – et qui nous préoccupe. Cela étant, 42 % des foyers bénéficient déjà d'exonérations partielles ou totales ou de dégrèvements. Certes, personne ne conteste le caractère injuste, de cet impôt, et personne d'intelligent, de sérieux, de compétent, d'expérimenté ne se risquera à prétendre que c'est un excellent impôt, à l'assiette large et au taux faible, appliqué de manière uniforme ou équilibrée dans les différents territoires, mais ce qui vaut pour la taxe d'habitation vaut aussi pour le foncier bâti et le foncier non bâti. En fait d'injustice, c'est donc toute la problématique de la fiscalité locale qui devrait être traitée. Comment donc ? De nombreuses options peuvent être imaginées, mais la première question à traiter est celle des valeurs locatives – c'est la première poupée russe à ouvrir. Si vous ne travaillez pas sur les bases, l'insincérité et l'injustice se retrouvent partout. Permettez-moi cette remarque malicieuse que j'ai déjà glissée dans le débat public : il sera tout de même difficile en 2020 d'expliquer qu'on a supprimé une injustice pour 80 % et qu'on l'a fait perdurer pour l'éternité pour les 20 % restants. Je dis cela pour animer un peu le débat, la matière des finances locales pouvant – je le comprends aisément – en endormir quelques-uns.

Cela étant, le choix de la modalité du dégrèvement est assez logique. Sinon, le Gouvernement s'exposait à un risque élevé de censure par le Conseil constitutionnel. D'ailleurs, je le dis, si la voie retenue n'est pas celle du dégrèvement, nous saisirons le Conseil constitutionnel, par la voie de la représentation nationale ou par d'autres, par la grande porte ou par la petite porte, en arguant d'une remise en cause du principe de libre administration des collectivités territoriales. Il est normal que le Gouvernement emprunte cette voie. Sinon, le risque de censure est majeur.

Avec le dégrèvement, on remplace un contribuable par un autre : c'est le contribuable national qui remplace le contribuable local. Les collectivités constateront donc les mêmes recettes, mais cela ne nous est garanti que pour 2018. Et comme vous évoquez, par ailleurs, cet objectif de 13 milliards d'euros, que se passera-t-il pour 2019 ?

J'ai déjà répondu aux uns et aux autres sur la contractualisation.

Quant au caractère transitoire du PLF, par définition, tous les PLF ont un caractère transitoire. Ce que le peuple souverain fait, par la voix de ses représentants, il peut le défaire le lendemain par une loi de finances rectificative. Évidemment, c'est transitoire, mais cela nous inquiéterait presque plus que cela ne nous rassure, même si, en nous asseyant autour de la table, nous pouvons imaginer quelque chose. Nous souhaitons le pacte de confiance, mais qui dit pacte suppose la signature de deux partenaires d'égal niveau et d'égal sens des responsabilités. Malheureusement, nous n'avons constaté que des annonces, et aucune des contre-propositions ou propositions adjacentes que nous avons formulées pour nourrir le débat n'a été retenue.

Monsieur Laqhila, en fait, il existe déjà une procédure du type de la procédure de déficit excessif, avec un comité d'alerte. Les chambres régionales des comptes et les préfets signalent à la direction générale des collectivités locales et à la direction générale des finances publiques les situations de possible déficit. Nous n'avons pas besoin de créer une procédure semblable à la procédure européenne : nous en avons déjà une.

Nous approuvons le rétablissement du jour de carence. Nous le demandions, nous le soutenons donc.

Enfin, l'objectif de contenir dans la limite de 1,2 % la progression des dépenses de fonctionnement est-il réaliste ? Nous n'en savons rien, nous n'en sommes qu'au début de la discussion, mais je crois que le Gouvernement retient, dans son projet de loi de finances, l'hypothèse d'une inflation de 0,8 %. Il faudra voir.

Je vous ai répondu sur la règle d'or.

J'approuve votre position sur la révision des valeurs locatives, madame Pires Beaune. C'est la plus logique et la plus saine. Peut-être le Gouvernement pourra-t-il répondre votre proposition.

Quant à la baisse des investissements publics, je vous ai indiqué l'impact d'une réduction de 25 %. Que ferons-nous à la suite du vote du Parlement ? Le ralentissement de l'investissement public local peut se poursuivre, ce qui s'ajoutera aux problèmes en matière de logement, qui ont un effet sur la production. On nous annonce 50 000, 60 000 ou 70 000 disparitions d'emploi dans les secteurs du bâtiment et des travaux publics confondus. Il faut regarder les investissements, et examiner l'effet de ciseau entre blocage des investissements annoncé par le ministère des transports et relance dans les contrats de plan, mais il y aura forcément un effet récessif, sans doute assez rapidement, mais nous ne pouvons dire quelle en sera l'ampleur.

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François Bonneau, président délégué de Régions de France

En raison du nombre de leurs compétences et des budgets qu'elles représentent, les régions souscrivent entièrement aux propos que vient de tenir François Baroin en ce qui concerne le cap à tenir. Nous sommes à un moment crucial pour la décentralisation. Pour arriver à maîtriser la dépense publique, l'État va-t-il exercer une tutelle directe sur les collectivités territoriales ? Ou bien un véritable partenariat se noue-t-il, avec un véritable dialogue, au niveau global et au niveau local ? Je rappelle simplement à ceux qui, ici ou là, seraient tentés par une tutelle déguisée que nous n'avons jamais bien répondu, chaque fois que l'État a tenu ce rôle dans la gestion de la chose publique au plus près du terrain et des attentes des territoires et des citoyens, nous n'avons pas mis en place les dynamiques de modernisation.

Quant à la question centrale de ces 450 millions d'euros, je vous donne un chiffre : nous estimons aujourd'hui que 483 millions d'euros supplémentaires seront dépensés par les régions cette année 2017, un niveau supérieur à ce que nous avions indiqué. Par ailleurs, le montant globalement consacré au développement économique par les régions est de 2,5 milliards d'euros.

En matière de communication, une campagne comme j'en fais à propos de Chambord et de Chaumont dans les couloirs du métro est-elle assimilable à de la publicité pour le président de région ? C'est le sujet. Par la communication, sommes-nous capables de mettre en valeur un certain nombre d'atouts d'un territoire ? Il peut s'agir de l'attractivité de la formation supérieure, de la dynamique d'un secteur économique, du tourisme. Si la communication des collectivités régionales peut être assimilée à la publicité, c'est dans une proportion extrêmement limitée.

Troisième point, je ne peux pas prétendre, aujourd'hui, que les régions se satisfont d'une baisse par rapport au tendanciel. Si l'on perd 450 en tendanciel et que le produit de la TVA ne progresse que de 100, l'écart reste de 350. Notre capacité à agir, notamment dans le domaine économique, s'en trouve directement affaiblie, et cela aura des conséquences sur un certain nombre de points.

Quant aux dépenses de personnel, nous sommes favorables à des économies chaque fois que c'est possible en maintenant la qualité du service public – et nous les faisons. Attention, cependant, dans l'évaluation, au périmètre ! Quand des régions prennent la compétence des transports, du développement économique, etc. on ne peut faire de comparaison avec le niveau auquel se situaient les effectifs avant ces transferts de compétences, car nous ne serons pas dans l'épure. Je pourrais d'ailleurs vous montrer les photographies de proviseurs et de gestionnaires qui s'affairent dans les self-services des lycées pour pallier l'insuffisance des effectifs d'agents à la suite de la fin des contrats aidés. Permettez que je parle de ma région : quand la compétence de la restauration nous a été donnée en 2004, l'État nous a donné 216 emplois aidés. Chaque année, les préfets nous ont demandé si nous conservions ces emplois et, aujourd'hui, nous en sommes à 222. Si demain ils disparaissent totalement, risque que nous courons, suis-je capable de payer 110 emplois supplémentaires, parce qu'il s'agit d'emplois à mi-temps ? Bien sûr, nous souscrivons à l'idée que la mutualisation peut permettre un certain nombre d'économies, mais encore faut-il un vrai dialogue.

Par ailleurs, nous disons mille fois oui à l'optimisation. Lorsque nous avons rencontré Mme Muriel Pénicaud et que nous avons abordé avec elle la question du grand plan d'investissement pour la formation professionnelle, nous l'avons mise en garde contre les doublons. Il ne faudrait pas que les achats de formations de l'État viennent se superposer à ceux des régions. Celles-ci doivent pouvoir assurer pleinement l'exercice de leur compétence en matière de formation professionnelle.

Il en va de même de la réforme de l'apprentissage. Nous aurons – vous aurez – à en débattre. Il faut faire en sorte que la compétence des régions en ce domaine puisse prévaloir, d'autant qu'elles y ont obtenu des résultats. Une fois le cadre redéfini par l'État et la représentation nationale, évitons qu'il y ait trente-six pilotes dans l'avion. C'est comme cela aussi que nous économiserons l'argent public.

En matière d'évolution des dépenses, je voudrais appeler votre attention sur un axe central du budget des régions : la mobilité, en particulier le transport ferroviaire. Les factures arrivent par paquet sur nos bureaux. La SNCF et le Gouvernement nous renvoient à nos responsabilités pour l'entretien de certaines lignes, ce qui entraîne des dizaines des millions d'euros de dépenses. Certains députés connaissent bien cette musique.

Nous essayons de durcir le dialogue avec la SNCF afin que soit assuré ce qui n'a pas été fait par l'État par le passé, notamment au moment du transfert des lignes de trains d'équilibre du territoire et de transport express régional.

Je termine par le numérique, évoqué par Philippe Vigier. Il représente un enjeu collectif pour notre pays. C'est une responsabilité des départements.

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François Bonneau, président délégué de Régions de France

Seules deux régions sont directement impliquées. Cela n'empêche toutefois pas les régions de venir en aide aux départements. Ma région s'est ainsi engagée à hauteur de 170 millions sur cinq ans. Fonctionnement et investissement se rejoignent, comme vous le voyez.

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Dominique Bussereau, président de l'Assemblée des départements de France, ADF

Je commencerai par répondre au rapporteur général à propos du reste à charge en matière de dépenses sociales pour 2016. Il s'est élevé à 9,278 milliards d'euros – 4,2 milliards pour le RSA, 3,7 milliards pour l'APA et 1,2 milliard pour la PCH.

Pour les mineurs non accompagnés, il est difficile de se faire une idée claire car l'année n'est pas terminée et des mesures successives sont venues modifier les conditions de prise en charge. Alors que l'État ne remboursait que cinq jours d'hébergement aux départements, nous avons pu obtenir que celui-ci finance, depuis le mois d'avril, 30 % du coût de la prise en charge à partir de 13 000 mineurs accueillis. La ministre de la justice et la ministre de la santé ont décidé que l'État prendrait également en charge les coûts d'évaluation. Cela nous permettra d'alléger de 20 à 30 millions la dépense globale d'un milliard d'euros.

Je suis d'accord avec Christophe Jerretie : notre système fiscal est absurde. Pour les DMTO, mon département reçoit en compensation en même temps qu'il donne en péréquation !

Madame Louwagie, les chiffres ont montré qu'il y avait eu en août une petite détérioration de la situation de l'emploi. Certains départements ont décidé de verser le RSA aux personnes qui occupaient un contrat aidé. Alors que nous nous situions sur une tendance baissière, le nombre de bénéficiaires du RSA risque donc d'augmenter d'ici à la fin de l'année.

Monsieur Laqhila, attention à ne pas tomber dans l'usage fou que le Front national a fait du terme « dépenses de fonctionnement » lors des dernières élections locales. Elles ne renvoient pas aux petits fours et aux fonctionnaires mais sont constituées à 70 % par des dépenses sociales, il est utile de le rappeler.

Quant au financement du plan très haut débit, monsieur Vigier, il sera assuré conjointement par les départements et les régions, même si ce sont plus souvent les départements qui l'assument.

Pour les contrats de plan État-région, l'exécution accuse un grand retard, comme cela a été le cas sous tous les gouvernements. Lorsque j'étais au Gouvernement, j'expliquais qu'il fallait lisser, et Mme Borne fait de même aujourd'hui. La clause de revoyure concernera donc plutôt les contrats précédents que les actuels. Les objectifs n'ont pas été atteints et nous savons quelles sont les conséquences en matière d'investissement.

Monsieur Coquerel, pour les contrats aidés, je prendrai à la suite de François Bonneau l'exemple de ma collectivité. Je n'ai pas voulu laisser tomber les personnes en difficulté qui auraient dû occuper un contrat aidé à la rentrée ; elles ont donc été recrutées en contrat à durée déterminée au Centre de gestion de la fonction publique territoriale, ce qui va augmenter les dépenses de fonctionnement.

Enfin, pour répondre à la question de Jean-Paul Dufrègne, qui connaît bien les départements, il y a à nouveau des départements qui ne verseront pas la totalité du RSA aux caisses d'allocations familiales ou de la Mutualité sociale agricole. L'année dernière, ils étaient une vingtaine. Peut-être seront-ils un peu moins nombreux en 2017, grâce au bon début d'année.

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Monsieur Baroin, j'aimerais revenir sur votre article publié lundi dans la presse où vous nous faites, toujours avec un brin de condescendance, un procès en amateurisme. Vous avez devant vous des élus de La République en Marche qui ont une très grande expérience : nous comptons dans nos rangs des experts-comptables, des professeurs d'économie, des fiscalistes, des chefs d'entreprise... Et cette grande expérience nous donne toute légitimité pour porter un regard neuf sur les problèmes de la France et promouvoir des projets de transformation innovants que trop de professionnels de la politique, que vous semblez défendre jusqu'au bout, n'ont pas su imaginer lorsqu'ils étaient au pouvoir.

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Laissez-moi exprimer mon incompréhension...

J'ai avec moi le programme de François Fillon que certains d'entre vous ont défendu. À la page 94, je lis : « Pour les collectivités territoriales, un effort de 15 milliards sera demandé sur les cinq ans de mandat prenant une forme de 2 à 3 milliards par an de réduction de la progression des dépenses. ». Autrement dit, vous nous reprochez aujourd'hui, ce que vous proposiez il y a cinq mois. Pire, vous nous accusez d'une certaine brutalité alors que nous souhaitons privilégier la concertation quand vous comptiez procéder de manière unilatérale !

Nous sommes nous aussi, monsieur Baroin, les défenseurs de la ruralité. Pour la première fois depuis longtemps, les transferts de l'État aux collectivités locales ne vont pas baisser et les dotations d'investissement vont être maintenues à un niveau record, à environ 1,8 milliard d'euros.

Nous avons un profond respect pour le travail quotidien effectué par les maires et les élus. C'est la raison pour laquelle nous souhaitons les accompagner et trouver le bon équilibre entre le développement des collectivités, le développement des services publics et le contrôle des dépenses publiques.

Est-il possible d'abandonner la posture politique ? Allez-vous oui ou non favoriser la concertation que nous appelons de nos voeux ?

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Dans un style différent, la question que je souhaitais poser aux trois représentants des collectivités locales est la suivante : n'est-on pas arrivé au bout du système de perfusion budgétaire ?

Un chiffre m'a marqué. François Baroin a souligné qu'en 2011, le gel des dotations avait permis un gain de 1,5 milliard d'euros. Plus tard, Dominique Bussereau a rappelé que le coût pour les départements de la prise en charge des mineurs non accompagnés représentait 1 milliard d'euros. En prenant des mesures extrêmement restrictives, traumatisantes pour les collectivités territoriales, on aboutit à des économies qui sont du même ordre que les coûts qu'entraînent les chocs que ces mêmes collectivités subissent.

Nous discutons de l'avenir des collectivités à un moment où, pour la première fois, les élus nationaux ne sont plus élus locaux, du fait de la fin du cumul des mandats. Nous nous retrouvons confrontés à nos propres contradictions. Faut-il en rester aux solutions proposées pour le financement des collectivités avec un bout d'impôt qui vit sa vie ? Faut-il plutôt écouter certains élus locaux qui en appellent au fédéralisme avec la possibilité pour les collectivités de lever l'impôt ?

Par ailleurs, qu'en est-il des dépenses ? Pour les dépenses de personnel, peut-on continuer à faire vivre les collectivités territoriales sans toucher au statut de la fonction publique territoriale ? Ne devrait-on pas ouvrir un débat sur la possibilité de flexibiliser les dépenses de personnel en permettant aux collectivités de recruter hors statut afin qu'elles disposent de marges de manoeuvre dans cinq ou dix ans, en cas de choc ?

Enfin, il est question de créer une agence nationale pour la cohésion des territoires, mais ses services aux collectivités seraient payants ! Ne trouvez-vous pas choquant que l'État se fasse ainsi rémunérer comme n'importe quel cabinet de consultants ?

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Il est vrai que c'est une situation assez nouvelle : le Sénat est composé d'anciens députés et l'Assemblée nationale risque d'être composée dans de larges proportions d'anciens maires...

J'aimerais poser deux questions : la première à propos des dépenses ; la seconde à propos des recettes.

Une analyse de la structure des dépenses depuis une vingtaine d'années fait apparaître une tendance fondamentale : l'inflation des dépenses de personnel. Considérez-vous globalement que les effectifs sont trop nombreux, même s'il est difficile de les remettre en cause ? Ne faudrait-il pas procéder à une cure d'amaigrissement ?

Par ailleurs, quelles sont les causes structurelles de cette évolution ? Le millefeuille administratif et les compétences croisées ne créent-ils pas des doublons à de multiples niveaux ? Si oui, peut-on agir pour les réduire ?

Enfin, compte tenu du fait qu'une réduction des effectifs est très difficile à réaliser et que celle-ci n'aurait pas d'effets rapides, ne croyez-vous pas qu'il y aurait matière à concertation et à contractualisation avec l'État ? Il s'agirait de gérer solidairement des transferts de personnels qui pourraient passer de la fonction publique territoriale à certains services régaliens. Et puis j'émets une idée un peu téméraire : je ne crois pas du tout au bonus-malus, qui paraît mettre en cause l'autonomie même des collectivités, mais ne pourrait-on envisager que l'État accompagne les efforts de réduction, par exemple en finançant une partie des primes de départ qui seraient versées ?

J'en viens aux recettes. Je suis frappé par le fait que les « quatre vieilles » sont « subclaquantes ». La taxe professionnelle a subi toutes sortes de manipulations et la taxe d'habitation est plus que moribonde. Quand on écoute Dominique Bussereau, on voit bien que le versement disparate des DMTO, ressource importante pour les départements, aboutit à un déséquilibre entre les collectivités territoriales. Ne serait-ce pas un plaidoyer indirect pour le remplacement des ressources par des dotations ? Vous allez hurler, bien évidemment : les dotations sont inconstitutionnelles, le Conseil constitutionnel l'a dit de façon très claire. Mais ne faudrait-il pas briser ce tabou ? Il y a des États très décentralisés comme l'Allemagne où les collectivités territoriales sont financées par des dotations, ce qui évite les disparités que vous signalez. Par ailleurs, le versement de dotations pose problème dans la mesure où il est uniquement contrôlé par l'exécutif mais on pourrait fort bien imaginer un autre mécanisme de répartition. Je vais dire quelque chose d'horrible dans cette assemblée toujours travaillée par des tentations monocaméristes : il serait tout à fait possible d'envisager un accord préalable entre les deux chambres. Cela permettrait de faire respirer le système.

Cessons de diaboliser les dotations ou bien dites-moi quelle pierre philosophale vous avez trouvée pour aller vers des ressources fiscales autonomes et décentralisées.

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Le projet de loi de finances prévoit des baisses de dotations pour les départements et les communes avec une minoration de 16 % des fonds départementaux de péréquation de la taxe professionnelle. Cette disposition vise directement les communes défavorisées auxquelles ces fonds sont destinés. En Savoie, cela se traduira par une baisse de 1,2 million d'euros. Avez-vous procédé au calcul pour la France entière ? Considérez-vous qu'il s'agit d'une disposition équitable et juste ? Soulignons que les territoires bénéficiaires nets de la réforme de la taxe professionnelle ne contribuent pas à cet effort.

Nous avons évoqué la suppression du fonds de 450 millions d'euros qui avait été créé pour accompagner le transfert de compétences économiques aux régions mais nous n'avons pas abordé la question de l'agriculture, domaine où le transfert des compétences n'a pas été entièrement compensé. Citons le cas de la région Auvergne-Rhône-Alpes, qui a subi une baisse de 20 millions d'euros du financement de l'accompagnement des agriculteurs et des filières. Ajoutons à cela les annonces un peu insidieuses du Gouvernement, qui a décidé de supprimer le cofinancement des aides pour le maintien de l'agriculture biologique. Pour ma seule région, cela se traduira par une baisse de 6 millions d'euros. Avez-vous calculé pour l'agriculture le manque à gagner global qu'entraîneront ces mesures ?

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Monsieur Baroin, vous connaissez parfaitement la situation financière de notre pays. Vous avez été ministre du budget et de la réforme de l'État, puis ministre de l'économie, des finances et de l'industrie après que le Premier ministre de l'époque a admis « être à la tête d'un État qui est en faillite sur le plan financier ». Vous savez aussi pertinemment qu'il est de notre responsabilité de mettre les postures partisanes de côté afin de redresser la France et d'offrir des perspectives aux Françaises et aux Français, dans l'intérêt de tous, cet intérêt de tous qui est la motivation quotidienne des maires de notre pays dont vous faites partie depuis 1995. Ils administrent leur commune en prenant en compte tous les citoyens, quelles que soient leurs opinions politiques. Comme nous le faisons à l'échelle de la France, les maires gèrent chaque jour leur budget de manière pragmatique.

Aujourd'hui, vous semblez mettre de côté l'intérêt général au profit de l'intérêt politique. Je m'interroge. Homme de droite, vous souteniez hier François Fillon, candidat de la surenchère qui souhaitait, comme l'a dit Jean-René Cazeneuve, réduire de 15 milliards le budget des collectivités territoriales. Quelques mois après les déclarations de votre candidat, vous contestez les choix budgétaires de notre majorité, une majorité qui a pris avec courage les mesures qui s'imposent, tout en ayant l'ambition d'établir les conditions de la confiance. Être dans l'opposition est toujours confortable mais nous sommes une majorité constructive, prête à travailler avec vous : nous souhaitons, monsieur Baroin, connaître vos propositions, notamment en matière de réforme de la fiscalité locale. Sachez que nous ne sommes pas dans une logique de coups de rabot ; nous comptons sur le sens des responsabilités des élus locaux pour contractualiser. En responsable politique que vous êtes, pouvez-vous nous présenter votre projet pour que les collectivités territoriales puissent, par exemple, mutualiser leurs moyens et retrouver des capacités de financement ?

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Ma question sera courte car les prises de position de vos associations sont connues. Il me semble qu'il y a clairement besoin de dialogue et de pédagogie pour concrétiser le plan de réduction des dépenses publiques. La confiance doit être au coeur des relations entre l'État et les collectivités locales et c'est dans cet esprit que le Président de la République a voulu lancer la CNT. Dans cette perspective, pensez-vous qu'il soit nécessaire de faire évoluer le CFL ? Si oui, avez-vous des propositions concrètes à nous présenter ? Cette instance peut-elle gagner sinon en pertinence du moins en influence ?

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Nous voyons bien, messieurs les présidents, que vos interventions ont suscité beaucoup d'émoi. Les efforts consentis par les collectivités locales ces dernières années ont été importants, vous l'avez souligné, monsieur Baroin. J'ai cru comprendre que M. le ministre de l'action et des comptes publics allait laisser souffler les petites communes puisque la contractualisation concernera 319 collectivités territoriales. Plus de 35 000 communes seront donc épargnées par cette nouvelle baisse.

J'aimerais appeler votre attention sur les collectivités qui ont consenti des efforts importants ces dernières années. La commune de 13 000 habitants dont j'ai été maire a fait l'objet de réductions drastiques – 1,2 million d'euros ! – de la DGF versée par l'État. Toutefois, cette commune a eu la chance, parce qu'elle compte plus de 35 % de logements sociaux, de bénéficier d'un maintien des dotations spécifiques qui a permis de compenser en partie la baisse de la DGF. La question se pose donc de savoir si les dotations spécifiques seront préservées ou si elles feront, elles aussi, l'objet de réductions.

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Je me limiterai à des remarques rapides.

Nous avons conscience de l'importance fondamentale des communes, des départements, des régions comme ancrages de notre démocratie.

S'est toujours posée en France la question centrale des rapports entre les collectivités et l'État central. L'État-nation a une qualité, celle d'offrir à chaque citoyen un traitement strictement égal, mais il souffre d'un défaut majeur, sa totale inaptitude à saisir la diversité de la France, qu'elle soit géographique, culturelle ou sociale. C'est une faille qui a traversé notre histoire. Citons l'affrontement entre les Montagnards, centralisateurs, et les Girondins, plus respectueux de la diversité et des terroirs. En termes diplomatiques, je dirai que nous sommes beaucoup plus proches des uns que des autres.

J'observe que les régions françaises, dans leur majorité, inscrivent leurs revendications dans une décentralisation administrative. Notre combat à nous, en Corse, consiste à faire prendre en compte par la loi, à travers un statut d'autonomie, la dimension politique de la question corse. En parlant de la sorte, je sais bien que je m'attire les soupçons de beaucoup. Pourtant, la loi ne ferait rien d'autre que de prendre en compte une réalité objective, géographique mais aussi sociale, culturelle et historique.

Enfin, plus largement, je voudrais dire aux présidents ici présents que nous sommes solidaires face au non-renouvellement du fonds de soutien exceptionnel aux régions, même si la Corse n'est que faiblement affectée. Nous sommes d'autant plus solidaires que cela entraînera une baisse de l'investissement, pourtant facteur majeur de croissance économique et de création d'emplois.

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Ces cinq dernières années, les petites communes en milieu rural ont subi une baisse importante des dotations d'État, et elles subiront de nouvelles baisses durant les cinq années à venir. C'est simple, clair, net et précis : à cause de cette baisse, ces communes, gérées en bon père de famille, ne pourront plus réaliser d'opérations d'investissement, ce qui portera préjudice à l'économie locale. En outre, elles ne parviendront plus à équilibrer leur section de fonctionnement. Les maires participent pourtant pleinement avec leur équipe municipale à l'aménagement du territoire car ils savent nouer un lien de proximité avec la population : sans ces communes, des déserts ruraux apparaîtront.

Il est évident qu'il faut réduire la dépense publique, mais pas de manière globale et uniforme. Ma question, qui s'adresse à François Baroin, est simple : va-t-on vers la disparition de l'échelon communal en milieu rural ou bien vers une fusion forcée ?

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Personne ne remet en cause le fait que les collectivités territoriales ont fait des efforts importants, qui étaient nécessaires. Personne ne remet en cause non plus le fait que les services de l'État ont également fait des efforts.

Il se trouve que ce matin, en regardant la télévision, je suis tombé sur une interview d'un maire de l'Eure qui déclarait que la suppression partielle de la taxe d'habitation allait faire perdre des crédits aux communes, ce qui les empêcherait d'assurer certains services publics. J'aimerais que vous fassiez passer un message à ce monsieur. Comme il s'agit d'un dégrèvement, cette mesure n'aura aucun impact sur les finances des collectivités. L'autonomie des collectivités ne sera pas non plus remise en cause puisque la liberté des taux est le cadre retenu. Cela me semble important de le rappeler car en remettant en cause les engagements de l'État, on remet aussi en cause la parole publique. Or on ne peut pas faire le procès à ce gouvernement de ne pas respecter les engagements du Président et de la majorité.

Parce que nous sommes dans le même bateau, j'apprécie, monsieur Baroin, que vous ayez fait vôtre la nécessité de réduire le déficit. Vous évoquiez les 2 200 milliards de dette publique. L'effort demandé aux collectivités locales porte sur 13 milliards d'euros. Je me souviens qu'un certain candidat à la présidence de la République avançait le chiffre de 20 milliards d'économies...

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Vous avez tous eu les mêmes éléments de langage !

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Se pose maintenant la question de la méthode. De deux choses, l'une : soit nous considérons, comme nos prédécesseurs l'ont fait, qu'il faut effectuer des coupes aveugles dans les dotations ; soit nous procédons par contractualisation. C'est cette seconde voie que nous avons choisie. Dans ces conditions, vous ne pouvez affirmer que nous remettons en cause la libre administration des collectivités. Ma question est simple : que proposez-vous ? Il vous faut aller au-delà du procès d'intention car à aucun moment il n'a été question de mettre les collectivités sous tutelle.

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Je voudrais, pour ma part, insister sur l'inquiétude que suscite la baisse de l'investissement local consécutive à ces crises financières, inquiétude partagée par nombre de nos compatriotes. Il sera notamment difficile de respecter le calendrier envisagé en matière de raccordement au très haut débit. Le Président de la République a évoqué la date de 2021 ; je ne vois pas très bien comment l'on pourra tenir cette échéance, compte tenu de l'état des finances locales. Par ailleurs, la disparition du prêt à taux zéro constitue une véritable révolution : les aides à l'accession à la propriété disparaissent dans 95 % du territoire. Or, interrogez les banquiers sur le terrain, tous vous diront que le prêt à taux zéro est, pour les jeunes ménages, un élément majeur du déclenchement de l'acte d'achat.

J'en viens à une question qui a été assez peu abordée, celle des taux. Si 80 % des ménages vont être exonérés du paiement de la taxe d'habitation, les 20 % restants continueront à la payer. Or, dans certaines communes modestes, la part de ces ménages peut n'être que de 4 % à 5 %. Très peu de contribuables seront donc concernés par une augmentation de taux, de sorte qu'il est à craindre que l'on assiste à des augmentations un peu démagogiques.

De plus, faute de pouvoir agir sur la taxe d'habitation, les élus locaux se reporteront sur la taxe foncière, laquelle risque d'augmenter d'autant plus nettement que la liaison entre les deux taux – qui n'a plus de sens, dès lors que 80 % des ménages ne paieront plus la taxe d'habitation – va disparaître. Les contraintes pesant sur les collectivités étant ce qu'elles sont, je crains donc que l'on n'impose davantage le peu de contribuables qui restent, au détriment en particulier de nos classes moyennes.

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Dominique Bussereau, président de l'Assemblée des départements de France, ADF

Je répondrai très rapidement aux deux questions concernant les départements.

Julien Aubert a évoqué la création d'une agence nationale de la cohésion des territoires. Honnêtement, une telle agence ne servirait à rien ! Le Commissariat général à l'équipement des territoires – où le précédent gouvernement a jugé bon de recaser le directeur régional des services d'Île-de-France, qui n'avait jamais franchi le périphérique – n'est déjà pas très utile. Si l'État veut faire des économies, qu'il s'abstienne de créer un organisme national de plus, même si tout le monde semble nostalgique de la défunte Délégation interministérielle à l'aménagement du territoire et à l'attractivité régionale (DATAR). Un tel machin ne servirait pas davantage que toute une série de machins analogues dont j'encourage, du reste, les membres de la commission des finances à apprécier l'utilité dans le cadre de l'examen du projet de loi de finances.

Jean-Louis Bourlanges m'a, quant à lui, interrogé sur les personnels. En réalité, la diminution sur le terrain du nombre des personnels de l'État – je ne parle pas, ici, des personnels régaliens – a été terrifiante. Depuis la réforme « Guéant » et celles qui l'ont précédée, une préfecture moyenne qui n'est pas également préfecture de région est réduite au minimum et ne peut pas faire face – je le sais pour l'avoir vécu – à un événement tel que la tempête Xynthia en 2010. Dans de telles circonstances, ce sont les collectivités qui assument, à la place de l'État, ses missions dans le domaine social et régalien et la reconstruction. Cela dit, on peut envisager des passerelles. Ainsi, le périmètre des directions interrégionales des routes, créées par la réforme de Dominique Perben – que je n'ai jamais approuvée –, n'a rien à voir avec les régions. Si les personnels de ces directions étaient affectés aux départements dans lesquels subsistent quelques centaines de kilomètres de routes nationales, on diminuerait le périmètre de l'État et on renforcerait l'efficacité du dispositif.

En ce qui concerne l'inventivité en matière de dotations, je propose qu'à l'instar de ce qui a été fait pour les régions, auxquelles on a donné un peu du produit de la TVA – et le président Rousset a très bien négocié avec Manuel Valls sur ce point –, on transfère aux départements une part du produit de la contribution sociale généralisée (CSG) au titre de la solidarité nationale, dont relèvent le RSA et l'APA. En la matière, les départements ne sont en effet qu'un tuyau dans lequel devrait couler l'eau de l'État. Or, ce n'est pas complètement le cas. Dès lors, pourquoi ne pas affecter une part de la CSG à la solidarité nationale ?

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Dominique Bussereau, président de l'Assemblée des départements de France, ADF

Nous en discuterions avec l'État, après avoir évalué les dépenses.

Je ferai une dernière remarque à propos de la taxe d'habitation. Je vous le dis en tant qu'ancien ministre du budget, méfiez-vous de Bercy ! On compensera la première année puis, l'année suivante, on retranchera l'inflation, et ainsi de suite : la compensation sera de 100 % au départ, et elle diminuera jusqu'à 90 % ou 80 %. C'est toujours ainsi que cela se passe ! Nous sommes quelques-uns, ici, à pouvoir attester, forts de notre expérience, de la malignité et de l'intelligence de la direction du budget. Cette question ne concerne pas les départements mais, en tant que citoyen et ancien ministre du budget, je peux déjà vous annoncer comment cela se terminera.

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François Bonneau, président délégué de Régions de France

S'agissant des personnels, j'ai bien entendu la suggestion d'organiser une mobilité entre la fonction publique d'État et la fonction publique territoriale. À l'échelle des régions, cette mobilité peut être envisagée dans les deux sens. En effet, compte tenu de la décentralisation et du transfert d'un certain nombre de compétences aux régions, certaines directions régionales de l'État dépourvues de moyens pourraient être remises en cause en vue de réaliser des économies de personnels – je pense notamment à certaines interventions culturelles, au domaine économique ou à la formation professionnelle.

Par ailleurs, on va constater qu'en 2017, les dépenses de personnel des régions ont progressé. Il se trouve en effet qu'au moment de la création des grandes régions, c'est le régime indemnitaire le plus favorable parmi ceux des anciennes régions qui a été retenu. On va donc avoir le sentiment que les régions ont relâché les cordons de la bourse, alors que ce n'est pas le cas. La situation est la même que lors du transfert, il y a quelques années, des personnels techniciens, ouvriers et de service (TOS) aux départements et aux régions. Il faut regarder cela de très près.

Je veux redire ici que les régions sont satisfaites de la décision qui a été prise de leur transférer une partie du produit de la TVA. De fait, cette ressource a un lien avec l'économie, laquelle, je le rappelle, fait partie de leurs compétences.

Quant à la question de l'agriculture, elle est absolument fondamentale. On constate en effet un écart important de 1 à 2 milliards d'euros en fin de période, mais s'y ajoutent de nombreux problèmes. Dans toutes les régions, le développement des surfaces consacrées à l'agriculture biologique est beaucoup plus rapide que ce qui avait été prévu au moment de l'élaboration des maquettes européennes. Cette évolution soulève la question du maintien et risque même de créer un frein très puissant par rapport à la transition. Les régions pourront-elles prendre le relais ?

Par ailleurs, la question importante de l'évolution des ressources des agences de l'eau n'a pas été abordée. Pourtant, si ces moyens venaient à baisser, nous serions dans l'incapacité non seulement de les accompagner, mais, en l'absence des contreparties nationales ou régionales, de mobiliser les fonds européens prévus.

Enfin, je suis mille fois d'accord avec Marc Le Fur sur la baisse de l'investissement local : elle serait délétère, au moment où l'activité repart dans la branche du bâtiment et des travaux publics. Un signe nettement baissier des collectivités risquerait de mettre dans le rouge ce secteur très important pour le développement économique national.

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François Baroin, président de l'Association des maires de France, AMF

Je suis navré de vous avoir froissés, monsieur Cazeneuve, madame Verdier-Jouclas. Mais comprenez bien une chose : l'AMF a presque préfiguré En Marche. Depuis des années, en effet, cette institution est la seule dans laquelle des élus de gauche, de droite et du centre laissent leur appartenance politique au vestiaire et s'efforcent de parvenir à un consensus sur des politiques publiques. Je ne m'exprime donc pas depuis la « France d'avant », et je n'ai aucun a priori contre vous : je sais que vous avez accompli de jolies choses dans de belles entreprises, Apple ou Bouygues Télécom. Je sais également que certains d'entre vous sont passionnés d'anthropologie ou de paléoanthropologie et, à ce titre, ils s'intéressent certainement plus que moi à la « France d'avant »...

Permettez-moi, du reste, de compléter votre culture dans ce domaine en vous rappelant que c'est en tant que candidat à la primaire que François Fillon proposait 20 milliards d'économies – nous parlons là, en quelque sorte, de la France « d'avant avant ». Avec Fillon candidat à la présidentielle, nous avons eu des discussions homériques, au point que nous avons claqué la porte – et quand je dis « nous », je parle d'élus de droite, y compris du président du Sénat. Ces discussions ont abouti à un arbitrage et à l'abandon de cette proposition. Vous pouvez continuer à l'invoquer, mais cela me paraît d'autant plus inutile que Fillon a perdu l'élection présidentielle. Vous êtes maintenant aux responsabilités, et personne ne conteste votre légitimité. Souffrez cependant que, dans un débat démocratique qui concerne le coin de la rue et non le bout du monde, nous ne soyons pas toujours d'accord. Mais croyez bien qu'étant profondément républicain – telle est ma paléoanthropologie personnelle –, je vous respecte au plus haut point et je ne mets pas en cause votre légitimité, conférée par le peuple français, pour diriger le pays.

Monsieur Bourlanges, vous avez posé deux très bonnes questions. Il est en effet légitime d'interroger les collectivités territoriales sur les accusations, injustes, dont elles sont l'objet. Comme l'a très bien dit Dominique Bussereau, les dépenses de fonctionnement d'un département ne servent pas à financer l'organisation de cocktails ou la construction de ronds-points dans des champs. Il s'agit de dépenses imposées, souvent par l'État, dans le cadre de transferts de compétences et d'une décentralisation dont vous avez été, monsieur Bourlanges, l'un des hérauts. De fait, la très grande majorité des charges de fonctionnement des départements, dont 60 % à 70 % sont des charges de personnels, sont liées aux différentes vagues de décentralisation, qu'il s'agisse des personnels administratifs, techniques, ouvriers, de service (ATOS) ou du fonctionnement des collèges. Il en va de même pour les régions.

Or, la fonction publique territoriale, je le rappelle, est alignée sur la fonction publique d'État et sur la fonction publique hospitalière, de sorte que les mesures indiciaires négociées par Bercy s'appliquent à l'ensemble des trois fonctions publiques sans que nous ayons notre mot à dire. La très forte progression des dépenses de personnel de ces dernières années est donc liée à des mesures – bonifications indiciaires, augmentation du glissement, vieillesse technicité (GVT) et des cotisations à la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales, sans parler du plan « carrières-retraites », qui représente plus de 4,5 milliards non budgétés – qui n'ont pas été décidées par les élus locaux. Elle n'est pas due à nos décisions, mais à un mauvais fonctionnement.

La question qu'il faut se poser est celle de l'avenir de la fonction publique territoriale. En effet, si l'on veut que les collectivités soient responsables, peut-être faut-il leur conférer l'autonomie de gestion en tant qu'employeur.

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François Baroin, président de l'Association des maires de France, AMF

Nous serons à l'écoute, car cela peut se discuter. Nous en finirions ainsi avec cette caricature malicieuse qui oppose les « vieux d'avant », méchants et incompétents, aux jeunes auréolés d'une victoire triomphale par laquelle ils se voient confier pour l'éternité la gestion de la France et sa modernisation. Ce ne sera pas tout à fait cela, je préfère vous l'annoncer – nous sommes aussi passés par là.

Permettez-moi de citer un autre exemple, celui des emplois aidés. Que fait le maire ou le président du conseil départemental lorsqu'une personne vient le voir en pleurant parce que, trois jours avant la rentrée scolaire, elle s'est rendue à Pôle emploi en étant certaine de signer un nouveau contrat mais s'est entendu répondre : « Désolé, nous n'avons pas les crédits nécessaires » ? Eh bien, il déroge aux règles et signe un contrat. Il recevra peut-être un avertissement au titre du contrôle de légalité ou sera épinglé, trois ou quatre ans plus tard, par la chambre régionale des comptes, mais il assume ses responsabilités.

Il ne s'agit pas d'être pour ou contre, la question n'est pas là. Au fond, si l'on peut faire un reproche au Gouvernement, c'est celui de ne pas avoir présenté, au mois de juillet, un projet de loi de finances rectificative, lequel aurait permis au moins d'assurer la rentrée scolaire et d'aller jusqu'à la fin de l'année. Personne ne considère sérieusement qu'en période de croissance, les emplois aidés sont la solution. Mais en période de chômage de masse – et c'est encore le cas aujourd'hui –, ils sont, pour certaines personnes, le dernier levier d'insertion. Toujours est-il que, dans un an et demi, vous constaterez une augmentation des charges de fonctionnement et de personnel et que celle-ci sera, là encore, liée à une décision de l'État que nous avons compensée, humainement et socialement, parce que nous ne voulions pas laisser des gens au bord de la route.

Il est techniquement possible pour des agents de passer d'une fonction publique à une autre mais les lettres ministérielles et les décrets qui le prévoient, datant des années 1950 ou 1960, sont un peu obsolètes et peu utilisés. En tout état de cause, un tel dispositif nécessiterait de développer la formation. Nous pouvons nous améliorer dans ce domaine ; je crois que l'on peut ouvrir davantage les portes. Mais, là encore, c'est à l'État d'en prendre l'initiative.

Par ailleurs, je crois que c'est au CFL de faire des propositions pour une nouvelle fiscalité locale. Au fond, le choix est politique. La réforme de la taxe d'habitation est un engagement du Président de la République. Nous allons la contester, mais nous ferons des contre-propositions pour nourrir le débat, et le CFL sera un acteur de la CNT dans ce domaine. Il est tout de même difficilement acceptable, dans une république comme la nôtre, de supprimer tout lien entre, d'une part, le fait d'habiter dans un territoire et de bénéficier des services publics de proximité et, d'autre part, le fait de contribuer à leur financement.

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Nous avons la volonté d'étudier la question de la fonction publique territoriale dans le cadre d'une concertation. Il pourrait être également intéressant d'organiser la mobilité au sein des territoires entre les différentes fonctions publiques. À la préfecture d'Évry, par exemple, bien qu'un couloir sépare les services du conseil départemental de ceux de la préfecture, il n'est pas possible de transférer des personnels dans le cadre d'un projet commun. Il faut ouvrir le débat en toute lucidité, en étudiant la question des grilles, de la mobilité et de la rémunération. Mais c'est un bon débat et, dans ce domaine, nous avons beaucoup à faire avec vous.

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C'est, hélas ! un débat qu'il faudrait clore, car il existe depuis longtemps. Toute une série de lois ont été votées qui ont amélioré les choses, mais elles n'ont jamais abouti à cette fameuse mobilité.

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Dominique Bussereau, président de l'Assemblée des départements de France, ADF

Puisque nous évoquons les passerelles, il me semble que nous devrions également y réfléchir pour les élus, puisque l'on a mis fin au cumul des mandats. Le vice-président d'une région qui a été, durant de longues années, chargé du développement économique pourrait, s'il n'était pas réélu, être un bon élément dans l'équipe économique d'une grande ambassade, par exemple. La commission des lois et la commission des finances pourraient utilement réfléchir à ce type de dispositifs afin d'utiliser au mieux les compétences des anciens élus.

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François Baroin, président de l'Association des maires de France, AMF

Jean-Pierre Vigier a soulevé l'important sujet de l'avenir de la ruralité. Il est incontestable que le « surgel » budgétaire intervenu après le 14 juillet, qui a affecté la DETR et le contrat de ruralité, ainsi que la suppression de la réserve parlementaire, qui était un complément d'investissement, doivent trouver des compensations. Bercy a imaginé des schémas qui font intervenir des fonds d'investissement ; il faudra bien veiller à ce qu'ils ne fassent pas partie du surgel du 2 janvier. Car, comme l'a dit Dominique Bussereau, nous savons, en tant qu'anciens ministres du budget, qu'il faut se méfier des propositions de Bercy. Mais si l'on veut sincèrement défendre les collectivités dans une logique d'investissement, il faut accorder la priorité à la ruralité.

Pour conclure, je vous annonce que je vais saisir, en ma qualité de président de l'AMF, le président de l'Assemblée nationale d'une demande de création d'une délégation aux collectivités territoriales sur le modèle de celle qui existe au Sénat. Puisque les députés ne sont plus en situation de cumul, il serait bon qu'il existe, à l'Assemblée, un interlocuteur officiel représentant les collectivités.

Membres présents ou excusés

Réunion du mercredi 4 octobre 2017 à 10 heures 30

Présents. - M. Saïd Ahamada, M. Éric Alauzet, M. Julien Aubert, M. Jean-Noël Barrot, Mme Émilie Bonnivard, M. Jean-Louis Bourlanges, M. Jean-Louis Bricout, Mme Émilie Cariou, M. Gilles Carrez, M. Michel Castellani, Mme Anne-Laure Cattelot, M. Jean-René Cazeneuve, M. Philippe Chassaing, M. Éric Coquerel, M. François Cornut-Gentille, M. Charles de Courson, Mme Marie-Christine Dalloz, M. Olivier Damaisin, Mme Dominique David, M. Jean-Paul Dufrègne, Mme Stella Dupont, Mme Sarah El Haïry, M. Olivier Gaillard, M. Joël Giraud, Mme Perrine Goulet, M. Romain Grau, Mme Olivia Gregoire, M. Stanislas Guerini, Mme Nadia Hai, M. Alexandre Holroyd, M. Christophe Jerretie, M. François Jolivet, Mme Aina Kuric, M. Daniel Labaronne, Mme Valérie Lacroute, M. Mohamed Laqhila, M. Jean Lassalle, M. Michel Lauzzana, M. Vincent Ledoux, M. Marc Le Fur, M. Gilles Le Gendre, M. Fabrice Le Vigoureux, Mme Véronique Louwagie, Mme Marie-Ange Magne, Mme Lise Magnier, M. Jean-Paul Mattei, M. Patrick Mignola, Mme Amélie de Montchalin, Mme Cendra Motin, Mme Catherine Osson, M. Hervé Pellois, Mme Bénédicte Peyrol, Mme Sylvia Pinel, Mme Christine Pires Beaune, M. François Pupponi, Mme Valérie Rabault, Mme Muriel Ressiguier, M. Xavier Roseren, M. Laurent Saint-Martin, M. Olivier Serva, M. Benoit Simian, Mme Marie-Christine Verdier-Jouclas, M. Jean-Pierre Vigier, M. Philippe Vigier, M. Éric Woerth

Excusés. - M. Nicolas Forissier, M. Jacques Savatier

Assistaient également à la réunion. - M. Belkhir Belhaddad, M. Jean-Jacques Gaultier