Commission élargie : finances - lois constitutionnelles

Réunion du mardi 24 octobre 2017 à 17h05

Résumé de la réunion

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La réunion

Source

COMMISSION ÉLARGIE

(Application de l'article 120 du Règlement)

Mardi 24 octobre 2017

Présidence de M. Éric Woerth, président de la commission des finances, et de Mme Yaël Braun-Pivet, présidente de la commission des lois

La réunion de la commission élargie commence à dix-sept heures cinq.

projet de loi de finances pour 2018

Administration générale et territoriale de l'État

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Monsieur le ministre d'État, ministre de l'intérieur, madame la présidente de la commission des lois, chers collègues, nous sommes aujourd'hui réunis pour la première des vingt-cinq commissions élargies qui se tiendront jusqu'au 9 novembre prochain, à propos des 32 missions budgétaires et des 123 programmes du projet de loi de finances pour l'année 2018.

Je suis heureux, monsieur le ministre d'État, de vous accueillir pour cette réunion conjointe de nos deux commissions. Nous avons essayé d'organiser l'exercice selon des règles assez strictes ; il est de l'intérêt de tous de les respecter, pour qu'elles ne se prolongent pas inutilement. La Conférence des présidents, après en avoir discuté et délibéré, a décidé que le Gouvernement aura la parole pour une dizaine de minutes, avant les rapporteurs des commissions, qui disposeront chacun de cinq minutes. Après la réponse du ministre, nous entendrons tout d'abord les orateurs des groupes, qui disposeront chacun de deux minutes pour s'exprimer, pour que les débats soient les plus interactifs possibles.

Nous verrons à l'usage si ces nouvelles modalités sont pertinentes. Je vous rappelle, chers collègues, que vous pourrez également vous exprimer dans l'hémicycle, un certain nombre de questions ayant été alloué à chaque groupe.

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J'ai à mon tour le plaisir d'inaugurer ce cycle de commissions élargies. Pour moi, c'est également une première, mais ce n'est pas la première fois que nos deux commissions travaillent ensemble au cours de la législature. Il y a quelques semaines, nous avons effectivement lancé une mission d'information commune sur le « verrou de Bercy » et la poursuite des infractions fiscales.

Puisque M. le président de la commission des finances a déjà précisé les règles retenues, entrons maintenant dans le vif du sujet.

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Gérard Collomb, ministre d'état, ministre de l'intérieur

Monsieur le président de la commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire, madame la présidente de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République, c'est avec plaisir que j'ouvre ce cycle d'auditions sur la deuxième partie du projet de loi de finances pour 2018. Mon plaisir est d'autant plus vif que les budgets que je vous présenterai lors de quatre commissions élargies sont de bons budgets. Le Président de la République et le Premier ministre ont effectivement souhaité que les crédits du ministère de l'intérieur, en particulier ceux alloués à la sécurité, augmentent. Au total, ils croissent de 3 %, atteignant un montant de 16,7 milliards d'euros, contre 16,2 milliards d'euros en 2017.

La mission « Administration générale et territoriale de l'État » elle-même voit ses crédits consolidés et préservés, à ceci près que nous n'avons pas prévu de consacrer de budget à l'organisation des élections, puisque, normalement, il n'y en aura pas l'an prochain. Son budget est globalement stable – en baisse de 0,2 %.

La mission comporte plusieurs programmes. D'un montant de 1,2 milliard d'euros, identique à celui de l'an dernier, le budget des préfectures est parfaitement stable. Au cours des dernières années, il avait été l'objet d'un certain nombre de baisses et de nombreux réajustements, avec pas moins de trois projets de réforme : le projet de réforme de l'administration territoriale de l'État, dit « RéATE » ; le plan de modernisation de l'action publique, qui avait vu le jour au cours du quinquennat précédent, entre 2012 et 2014 ; le plan « préfectures nouvelle génération » (PPNG), décidé au début de l'année 2015 et mis en oeuvre à partir du début de l'année 2017. Nous continuons à nous inscrire dans les perspectives définies par le PPNG, qui visait à adapter nos préfectures à cette ère du numérique qui est la nôtre. De nombreuses numérisations sont donc prévues, à commencer par celle de toutes les procédures de délivrance de titres, en partenariat à la fois avec les mairies, les auto-écoles et les professionnels de l'automobile, qui nous permet évidemment de simplifier la tâche pour nos concitoyens et aussi de rendre un certain nombre de postes. Ce sont quelque 1 300 postes qui seront rendus au budget général, et 1 000 postes qui seront redéployés vers des tâches que nous jugeons prioritaires : le contrôle de légalité ; la gestion des crises ; la lutte contre la fraude ; la coordination des politiques publiques.

La nouvelle organisation prévue par le plan « préfectures nouvelle génération » est articulée autour des centres d'expertise et de ressources « titres » (CERT), qui compteront 1 500 emplois : 27 CERT pour les cartes nationales d'identité et les passeports, 21 pour les permis de conduire, dont deux spécialisés dans les permis étrangers, six pour les cartes grises et trois centres polyvalents outre-mer. Ces centres sont évidemment de taille diverse, en fonction des territoires desservis. En ce qui concerne les cartes nationales d'identité, comme pour les passeports d'ailleurs, les demandes sont recueillies par 2 200 mairies équipées de stations biométriques ; 18 millions d'euros ont été dégagés pour accompagner les communes, effort très significatif de l'État, qui prend la forme de la dotation relative à l'enregistrement des demandes et à la remise des titres sécurisés, dite dotation « titres sécurisés » (DTS). Le fichier des titres électroniques sécurisés (fichier TES), qui permet de traiter les demandes, avait suscité quelques inquiétudes. L'Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information (ANSSI), en particulier, avait formulé un certain nombre de remarques sur l'organisation de ce système ; nous y avons répondu, par exemple en renforçant la cryptographie ou la protection contre les risques d'intrusion. Certains ont aussi craint que les petites mairies, perdant un rôle important, ne soient laissées à l'écart, mais celles qui ne délivrent plus de cartes d'identité pourront recourir à des dispositifs de recueil mobiles – il y en aura au moins un par préfecture, qui pourra circuler, à travers le territoire et dans les zones rurales, pour recueillir les demandes de nos concitoyens. Évidemment, les maires qui le souhaitent pourront contribuer à réduire la fracture numérique en déployant un nouveau service public d'aide à la demande de titres. Il suffira pour cela d'un ordinateur et d'un agent pour aider le demandeur, dont la demande sera ensuite transmise au réseau. Ainsi l'ensemble de nos concitoyens pourront avoir recours à un service simplifié, adapté aux normes de l'ère numérique.

Nous souhaitons poursuivre le plan « préfectures nouvelle génération » mais aussi mener une réflexion plus globale, au cours des prochaines années, sur l'administration territoriale de l'État dans toutes ses composantes. Le Premier ministre a donc lancé le programme Action publique 2022, qui vise plusieurs objectifs. Il s'agit d'abord d'essayer de mutualiser un certain nombre de fonctions support, pour plus d'efficience et des coûts réduits. Se pose ensuite la question de la fusion d'un certain nombre de programmes budgétaires, pour donner plus d'autonomie aux préfets. Aujourd'hui, nous voyons bien se former un couple dans les territoires : le représentant de l'État et les collectivités locales. Nous souhaitons des préfets forts, et des collectivités locales qui tendent à se restructurer elles-mêmes et à se renforcer. Cela suppose que le préfet dispose de tous les leviers d'action pour animer l'action publique territoriale. En résulteront des gains d'efficience et un meilleur investissement des agents de l'État sur le coeur de leur mission. C'est le même souci qui nous conduit à créer une nouvelle filière sécurité pour assurer la protection des préfectures, avec la création de 50 emplois – depuis plusieurs années, vous le savez, les gardes réalisées par un certain nombre de policiers ont été réduites. Nous voulons également renforcer le service des étrangers et de l'asile, avec le recrutement de 150 titulaires supplémentaires. C'est tout à fait nécessaire, en prévision d'une loi par laquelle nous souhaitons réduire à six mois le temps d'examen de la demande d'asile. Aujourd'hui, il faut en passer par quelques files d'attente au niveau du guichet unique du demandeur d'asile et des préfectures. L'une de nos priorités sera de parvenir à un traitement correct des dossiers.

Le budget de l'administration centrale est stable : 795 millions d'euros. Le nombre d'emplois sera réduit de 35 par an, l'administration centrale devant évidemment participer aux efforts d'économie, de même que les préfectures, pour lesquelles est prévue une réduction des effectifs de 350 emplois par an au cours des prochaines années – certes, l'effort est important, mais cela n'a rien à voir avec les réductions annuelles de 700 emplois que nous avons pu connaître à certaine époque. Par ailleurs, les crédits de l'administration centrale permettront la création d'un troisième centre pour la direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) et prévoir son rassemblement dans un seul programme.

Après cette introduction, je suis prêt à répondre à l'ensemble de vos questions.

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Chers collègues, la mission « Administration générale et territoriale de l'État » constitue le cadre budgétaire des moyens dont le ministère de l'intérieur dispose pour assumer trois de ses responsabilités : garantir l'exercice des droits des citoyens ; assurer la présence et la continuité de l'État ; mettre en oeuvre des politiques publiques sur l'ensemble du territoire. Cette mission se décline en trois programmes : le programme 307 « Administration territoriale » ; le programme 232 « Vie politique, cultuelle et associative » ; le programme 216 « Conduite et pilotage des politiques de l'intérieur ». Le projet de loi de finances pour 2018 prévoit qu'y seront consacrés environ 2,7 milliards d'euros, montant sensiblement inférieur à celui inscrit en loi de finances initiale de 2017, avec une diminution de 13 % des autorisations d'engagement et de 11 % des crédits de paiement. Cette variation s'explique cependant essentiellement par la réduction, en année post-électorale, des ressources consacrées à l'organisation des élections. Avec environ 33 400 équivalents temps plein travaillé (ETPT), les effectifs sont en légère baisse de 1 %, ce qui correspond, à périmètre constant, à la poursuite du processus d'adaptation engagé en 2016 avec deux objectifs, parfois contradictoires : assurer une présence de l'État sur l'ensemble du territoire et contribuer au redressement des finances publiques.

Si les dispositions de ce projet de loi de finances initiale s'inscrivent dans le prolongement des deux précédents exercices budgétaires, elles correspondent également aux orientations rappelées par le Président de la République dans son discours aux préfets du 5 septembre dernier, notamment sa volonté d'accélérer les téléprocédures, tout en assurant une présence encore plus efficiente des services de l'État sur l'ensemble du territoire. Cette double nécessité est clairement apparue au cours des auditions, revendiquée tant par le cabinet du ministre que par les responsables de l'administration et les délégués syndicaux représentants des personnels du ministère.

Le programme 307 doit permettre la poursuite du plan « préfectures nouvelle génération », dont l'un des objectifs est la réduction d'environ 1 300 du nombre d'agents affectés aux fonctions traditionnelles des préfectures et sous-préfectures. Pour 2018, c'est une réduction de 443, soit le tiers de l'objectif, qui est prévue. La simplification des formalités, dont nous avons pu mesurer l'importance, peut permettre de l'atteindre, avec une dématérialisation des procédures qui s'accélère très nettement et un regroupement des compétences au sein des CERT, sans oublier les pôles d'appui juridique qui ont pris leur essor au cours de ces deux années 2016 et 2017. Cela s'accompagne d'adaptations du réseau des préfectures à la nouvelle carte des régions, en particulier avec l'achèvement de la réorganisation des SGAR (secrétariat général pour les affaires régionales) et le transfert d'un certain nombre de fonctions en région, notamment la gestion des crédits européens. Ces orientations entraînent un nécessaire repyramidage des qualifications, qui conduit, avec l'application du protocole « parcours professionnels, carrières et rémunérations », dit « PPCR », et malgré la baisse des effectifs, à une quasi-stabilité des dépenses en personnel. Le PPNG permet en fait un recentrage de l'activité et des moyens sur ces missions prioritaires que sont la sécurité et l'ordre publics, le contrôle de la légalité, la lutte contre la fraude et la coordination territoriale. Il prévoit aussi le maintien d'un socle minimum de présence sur le territoire par préfecture – c'est un peu nouveau –, au plus près des usagers et des citoyens.

Le programme 232 se caractérise par une décélération conjoncturelle des crédits consacrés aux élections et une grande stabilité globale de la dotation affectée au financement des partis politiques, autour de 68 millions d'euros. Notons, dans ce contexte, le maintien des effectifs affectés à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP), alors qu'elle doit poursuivre l'action engagée sur la voie de la dématérialisation et que la loi organique du 25 avril 2016 de modernisation des règles applicables à l'élection présidentielle et les lois organique et ordinaire du 15 septembre 2017 pour la confiance dans la vie politique étendent le champ de son action.

Le programme 216, consacré aux moyens dévolus à l'activité de pilotage du ministère de l'intérieur, intègre depuis 2016 des missions nouvelles, qui s'ajoutent aux fonctions support : elles portent sur la sécurité et l'éducation routière, le fonds interministériel de prévention de la délinquance (FIPD), le stationnement payant. Ce sont autant de missions qui, avec les mutations engagées et les nouvelles impulsions données pour un service public plus contemporain, supposeront qu'une attention particulière soit accordée à la formation et aux conditions de travail des personnels. À travers leurs représentants, ceux-ci ont témoigné de leur engagement et de leur volonté de participer activement à l'amélioration du service rendu, mais ils ont également exprimé leur inquiétude face à des réorganisations permanentes et parfois mal comprises.

J'aurai peut-être plusieurs questions à vous poser, monsieur le ministre d'État, pour compléter cette présentation, pour préciser l'appréciation que nous pouvons porter sur ce programme et pour mesurer dans quelle mesure des initiatives complémentaires, parlementaires et gouvernementales, seraient opportunes.

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Monsieur le président, madame la présidente, monsieur le ministre d'État, en tant que rapporteur pour avis, je me suis particulièrement arrêté, cette année, sur deux sujets : le contrôle de légalité et la délivrance des titres, d'une part, et l'accueil des publics dans le cadre du PPNG, d'autre part.

Le contrôle par l'État des actes des collectivités locales a été l'objet de travaux d'évaluation de la Cour des comptes, qui l'évoque dans son rapport pour l'année 2016, avant de figurer parmi les priorités du plan « préfectures nouvelle génération » lancé par Bernard Cazeneuve en sa qualité, à l'époque, de ministre de l'intérieur. Le contrôle de légalité et le contrôle budgétaire sont importants. Ils visent à assurer l'application uniforme et tout simplement le respect de la loi dans notre pays, vecteurs très importants de confiance dans l'action publique – le thème est cher au Président de la République et au Gouvernement.

Pourtant, depuis 1982, le contrôle de légalité a souvent souffert de la faiblesse des moyens techniques et humains des préfectures. Depuis dix ans, ceux-ci servent trop souvent de variable d'ajustement. Force est de constater que vous poursuivez sur cette voie et que vous ne saisissez pas forcément l'opportunité que vous offrent notamment les moyens dégagés par la nouvelle organisation de la délivrance des titres pour régler la question. L'action « Contrôle de légalité et conseil aux collectivités territoriales », qui concerne directement les moyens de ces services, sera dotée de 153 millions d'euros en autorisations d'engagement et en crédits de paiement, soit une progression limitée à 3,4 millions d'euros. C'est une forme de coup d'arrêt aux efforts entrepris en loi de finances l'an dernier. Quelles sont donc, monsieur le ministre d'État, les perspectives de rééquilibrage des effectifs pour 2018 ? Combien d'agents se consacreront effectivement au contrôle de légalité et au contrôle budgétaire dans les préfectures et les sous-préfectures au terme du PPNG ? L'effectif cible de six agents par département sera-t-il atteint ? Dans le rapport que j'ai évoqué, la Cour des comptes dénonçait aussi une réorganisation incomplète, avec, en sous-préfecture, 20 % des moyens qui restent affectés à des tâches qui paraissent parfois mal définies et relèvent sans doute plus de la gestion du personnel que d'une réelle organisation locale du contrôle de légalité. Quel sera l'avenir des sous-préfectures une fois qu'elles ne seront plus chargées ni du contrôle de légalité ni de la délivrance des titres ? Que leur restera-t-il ? Quelle ambition leur assignez-vous ?

Les gouvernements successifs ont réduit le périmètre du contrôle de légalité pour alléger la tâche des services. Avez-vous le projet d'aller plus loin ? Ne croyez-vous pas, au contraire, qu'il faudrait peut-être s'intéresser à un certain nombre d'angles morts du contrôle de légalité ? Je suis surpris de voir que le contrôle des sociétés publiques locales (SPL) et des sociétés d'économie mixte (SEM) ne figure pas parmi les priorités nationales du contrôle de légalité ; elles présentent pourtant des risques importants. Je suis aussi très surpris que quatre ans après l'adoption des lois relatives à la transparence de la vie publique et l'instauration de l'obligation, pour les exécutifs locaux, de remplir des déclarations d'intérêts, lesdites déclarations ne sont toujours pas utilisées par les services du contrôle de légalité lors du contrôle des marchés publics. Ce ne serait pourtant pas totalement inutile.

En deuxième lieu, je veux vous interroger sur cet événement majeur de l'année 2017 qu'est la fermeture des guichets d'accueil dans les préfectures pour les permis de conduire et les cartes grises – la fin de l'accueil du public ! –, avec 47 CERT qui prendront le relais. J'en ai visité un en Ille-et-Vilaine. Les agents sont motivés, prêts à s'adapter et à relever le défi ; je crains plutôt les réactions des usagers qui trouveront rideau baissé dans les préfectures. En fait d'accès équitable, quel sera le sort de ceux qui ne disposent pas d'internet ou d'outil informatique ? Pourquoi n'y a-t-il pas eu de campagne d'information ?

Très concrètement, la situation est assez paradoxale : les citoyens français ne seront plus admis dans les préfectures, où ils trouveront porte close et où ne seront plus admis que les étrangers. Je pense que cela mérite un accompagnement. En Ille-et-Vilaine, par exemple, le préfet de région a décidé de recourir à des vacataires pour continuer à faire un peu d'accueil et d'orientation. Votre intention est-elle de systématiser un tel accueil ? Notre collègue Mansour Kamardine nous expliquait par exemple qu'à Mayotte seuls les Comoriens étaient désormais accueillis à la préfecture ; les Mahorais trouvaient porte close. Le sujet ne laisse visiblement pas indifférent.

Au terme de cette réforme, à la fin de l'année 2018, il n'y aura plus, monsieur le ministre d'État, que 1 300 agents dans les préfectures affectés à la délivrance des titres pour les nationaux, contre 3 200 affectés à l'accueil et à la délivrance des titres aux étrangers. Tout cela souligne quand même que l'accueil des demandeurs d'asile et des étrangers et les tentatives d'éloignement infructueuses sont en train d'emboliser le fonctionnement des préfectures : le nombre de délivrances de titres pour les étrangers a progressé 81 % entre 2014 et 2016 ! Finalement, les reproches faits au préfet du Rhône de ce point de vue devraient en réalité adressés à un système ingérable, avec des solutions d'éloignement devenues introuvables. Dans son rapport, l'inspection générale de l'administration indiquait d'ailleurs que si ces dysfonctionnements ont été constatés dans le Rhône il est certain qu'ils se retrouvent dans d'autres départements et appellent des solutions correctives, certaines locales, d'autres nationales. Cela pose le problème, bien réel, de soutenabilité de votre politique. Qu'en dites-vous, monsieur le ministre d'État ?

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J'ajouterai trois questions. Que devient le Fonds interministériel de prévention de la délinquance (FIPD) dans votre planification ? Quel rôle les collectivités locales joueront-elles à terme dans la délivrance des titres ? Comment cette charge leur sera-t-elle compensée ?

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Gérard Collomb, ministre d'état, ministre de l'intérieur

M. Savatier a évoqué les grands axes de la mission que je vous présente aujourd'hui. Il a notamment souligné que huit pôles d'appui juridique seraient destinés à aider et à conseiller les préfectures. Il a rappelé que le contrôle de légalité était désormais effectué dans une unité centralisée à Lyon, cette mutualisation permettant de renforcer l'action des différentes préfectures.

Pour avoir été un élu local, je suis de ceux qui, comme l'a dit M. Marleix, considèrent plutôt ce contrôle de légalité comme une sécurité pour les élus locaux. La soumission de certains actes à ce contrôle évite souvent d'avoir de mauvaises surprises à la lecture des rapports des chambres régionales des comptes. Il a concerné un million d'actes en 2016, sur les 5,1 millions d'actes pris par les collectivités locales cette année-là. Plus de la moitié de ces actes sont télétransmis – 53 % exactement en 2016. Et 80 % des recours contentieux qui ont été engagés au titre du contrôle de légalité ont eu une issue favorable pour les préfectures, ce qui montre que lorsqu'elles rendent un avis, ce dernier est en général autorisé. Bref, encore une fois, le contrôle de légalité me semble garantir la sécurité juridique des collectivités locales.

Nous avons récemment donné aux préfets instruction d'exercer un contrôle sur les SEM, nombre d'entre elles représentant un volume financier important. Nous utilisons régulièrement les déclarations d'intérêts lorsque nous examinons des marchés publics. Je crois donc que nous exerçons sur ces marchés un contrôle étroit. C'est d'ailleurs indispensable : il n'y a pas de bonne administration sans contrôle et plus on renforce l'autonomie des collectivités locales, plus le contrôle doit être rigoureux pour éviter les dérives. Lorsqu'on regarde l'évolution de la vie des collectivités locales depuis une trentaine d'années, on constate qu'elles sont entrées dans une phase beaucoup plus saine, financièrement parlant, notamment grâce au contrôle de légalité et à l'action des chambres régionales des comptes et de la Cour des comptes.

J'en viens à la fermeture des guichets. S'il est vrai que certaines procédures sont aujourd'hui numérisées, l'action des préfectures et des sous-préfectures reste un élément important pour le territoire. Il y a trois semaines, je suis allé inaugurer la sous-préfecture de Pontivy qui venait d'être refaite. Les nombreux élus de petites communes que j'ai rencontrés à cette occasion m'ont expliqué qu'ils considéraient le sous-préfet, et son équipe, comme un partenaire des collectivités locales et un animateur de la vie économie et sociale locale. De fait, le sous-préfet était très à l'écoute des acteurs du tissu économique et prêt à soutenir leur démarche. Nous examinerons dans quelques temps les crédits consacrés à l'action de l'État en faveur des collectivités locales : vous constaterez que les moyens alloués au Fonds de soutien à l'investissement local (FSIL) et aux dotations d'équipement des territoires ruraux (DETR) sont stabilisés, voire renforcés. Nous pensons en effet que l'État doit être un animateur de la vie collective locale et que s'il définit des priorités, il doit les décliner localement en fonction de la diversité des territoires.

Vous avez évoqué la question des étrangers. On ne peut pas demander à la fois que le système d'examen des demandes d'asile fonctionne mieux et que les effectifs des services chargés de cet examen soient réduits. Nous allons même les augmenter cette année de manière à pouvoir résoudre les problèmes importants qui se posent. Vous connaissez la ligne du Gouvernement, qui est déclinée à tous les niveaux : accueillir des réfugiés des théâtres de guerre et, dans le même temps, réduire une immigration économique qui, non maîtrisée, finirait par devenir totalement insoutenable. Cela se traduit notamment par des actions diplomatiques – vous savez quels sont les efforts du Président de la République pour stabiliser la situation en Libye et faire en sorte qu'il y ait à nouveau un État capable de contrôler les flux migratoires. J'aurai également l'occasion de vous reparler de ce que nous faisons au Niger lorsque je vous présenterai la mission « Immigration ».

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Je me réjouis tout d'abord de voir que vous poursuivez le plan « préfectures nouvelle génération ». C'est la réforme la plus importante du réseau des préfectures et sous-préfectures depuis les lois de décentralisation de 1982.

Je souhaiterais vous interroger sur la directive de mars 2016 qui avait été présentée par l'ancien Gouvernement et qui prévoyait le déploiement, à l'échelle locale, de l'ingénierie territoriale. Cette dernière étant très attendue par les collectivités, pourriez-vous, monsieur le ministre d'État, nous donner quelques informations sur la poursuite de ce plan ? Les sous-préfectures pourraient jouer le rôle de coordinateurs entre structures publiques et privées.

Je reviendrai d'autre part sur la dématérialisation des opérations de propagande électorale. Ce débat qui, chaque année, nous anime, tant à l'Assemblée nationale qu'au Sénat, oppose les partisans de la dématérialisation à ceux qui considèrent qu'elle porte atteinte à la qualité de l'information de nos concitoyens. Même si celle-ci ne figure pas dans la mission budgétaire que nous examinons aujourd'hui, je me réjouis d'apprendre que le Gouvernement présentera dans quelques mois un projet de loi sur le sujet. Pouvez-vous d'ores et déjà en dire quelques mots ? La dématérialisation s'appliquera-t-elle à tous les scrutins ? Y aura-t-il des dérogations ou des exceptions, notamment pour les scrutins municipaux ?

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Vous avez exprimé à diverses reprises votre souhait de maintenir sur les territoires la présence de l'État, tant dans sa fonction régalienne que dans sa mission d'animateur et d'accompagnement. Pourtant, les différentes réformes menées jusqu'à présent ont déjà fragilisé cette présence : derrière les préfets et les sous-préfets et leurs services, les directions départementales des territoires (DDT) se trouvent en grande difficulté pour accompagner les collectivités, notamment dans leur politique d'urbanisme. Les préfectures et les sous-préfectures seront-elles capables demain d'assurer un service de qualité auprès des collectivités territoriales ?

Quant au grand public, il perçoit une nette perte de qualité et de proximité du service rendu en préfecture, s'agissant notamment de la délivrance des titres. J'entends bien vos arguments quant à la dématérialisation des procédures mais vous n'êtes pas sans savoir que certains territoires ne sont toujours pas équipés d'infrastructures d'accès à internet. Ces territoires subissent ainsi la double peine puisque non seulement ils sont éloignés des sous-préfectures où l'on pouvait obtenir la délivrance des titres mais en outre, ils n'ont pas de connexion de qualité pour y procéder maintenant. Qu'est-ce qui empêcherait l'État de rendre à nouveau possible la délivrance des titres en mairie ? J'ai déposé un amendement en ce sens. Cette question a été tranchée de manière très abrupte par un décret et dans bon nombre de communes rurale, cela pose aujourd'hui de vraies difficultés. Les mairies sont prêtes à financer une partie de l'équipement nécessaire mais elles demandent qu'on revienne sur la procédure de délivrance des cartes d'identité et des passeports.

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On se targue d'être à la pointe du numérique et de la dématérialisation mais pour ce qui est de la carte d'identité et du passeport, il y a encore beaucoup à faire même si la situation s'est améliorée.

S'agissant de l'accueil des étrangers, vous avez rappelé votre volonté d'accélérer le traitement des dossiers mais pour l'instant, on voit toujours de longues queues devant les préfectures dans les grandes villes. Qu'allez-vous faire dans l'immédiat ?

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J'ai bien noté que 2018 serait la première année d'application d'une nouvelle stratégie de prévention de la délinquance et de la radicalisation, faisant suite au programme stratégique 2013-2017. Ce que je comprends moins, c'est la baisse de plus de 30 % des crédits affectés à l'action n° 10 du programme 216 « Fonds interministériel de prévention de la délinquance » qui passe de 110 millions à 73 millions d'euros. Pourriez-vous nous donner des précisions quant aux objectifs, aux publics et aux moyens de cette nouvelle stratégie de prévention de la délinquance et de la radicalisation ? Pourquoi les crédits de cette action sont-ils en diminution de près de 30 % alors que la menace terroriste est très importante ?

D'autre part, vous parlez beaucoup de dématérialisations. Mais dans les départements ruraux en difficulté, le territoire n'est pas couvert par internet et les secrétaires de mairie ont des difficultés à faire face à cette évolution.

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Le Président de la République a exprimé sa volonté d'accroître le recours aux télé-procédures et de garantir la présence de l'État sur l'ensemble du territoire : cette orientation répond à nos préoccupations et nous satisfait. Simplement, les télé-procédures sont souvent synonymes d'exclusion. Il importe donc de prévoir des moyens d'éviter cette fracture.

Je rejoins les observations de M. Marleix à l'égard du contrôle de légalité. Ce contrôle apporte une sécurité juridique importante, tant aux élus qui prennent des actes qu'aux citoyens qui peuvent les subir. Il importe donc de promouvoir le contrôle de légalité pour éviter la saisine du juge administratif. Il est vrai que s'agissant des SEM, des marchés publics et du domaine de l'eau, nous avons des efforts énormes à faire. Quel engagement pourriez-vous prendre à ce sujet ?

Enfin, la dématérialisation de la propagande électorale permettra une économie de 450 millions d'euros et nous semble répondre aux objectifs de développement durable. Nous l'avions envisagée pour les élections européennes pour finalement y renoncer, après avoir constaté que nombre de nos concitoyens ne s'étaient pas encore pleinement approprié les technologies numériques. Je vous soumettrai donc une question récurrente : quelles mesures envisagez-vous pour que les Français se familiarisent davantage avec ces technologies ?

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La mission « Administration générale et territoriale de l'État » ne bénéficie d'aucun effort particulier. Ce budget est certes assez stable mais il s'inscrit dans la continuité de la révision générale des politiques publiques (RGPP), de la modernisation de l'action publique (MAP) et du programme Action publique 2022. Le projet annuel de performance assigne ainsi au plan « préfectures nouvelle génération » un objectif de diminution des effectifs de 1300 ETPT (équivalents temps plein travaillé). Alors que les fusions de services ont été douloureuses pour de nombreux agents des préfectures et que les SGAR ont, dans beaucoup de régions, des difficultés à trouver un rythme de croisière et à s'organiser, on aurait pu espérer un redéploiement et une légère augmentation des effectifs, pour garantir l'accomplissement des missions essentielles dévolues aux préfectures. C'est finalement, là encore, un budget d'austérité qui nous est proposé alors qu'il devrait traduire cette plus grande présence de l'État sur les territoires que revendique le Gouvernement. La sous-préfecture n'est pas censée jouer seulement un rôle d'animateur des territoires : c'est aussi un interlocuteur au quotidien pour les habitants. Vous leur assignez un rôle de conduite des politiques publiques plutôt que d'accueil des personnes qui se présentent à leur guichet pour obtenir une aide concrète. Pour toutes ces raisons, nous nous opposons à ce budget d'austérité. Nous présenterons des amendements prévoyant des redéploiements de crédits et des demandes de rapports d'information.

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Quitte à passer pour un ringard, je veux dire devant vous, monsieur le ministre d'État, mon attachement à un État fort qui protège ses territoires, à un État présent partout et pour tous. Or je constate, même si ce budget reste stable, que l'ambition pour les services de l'État se résume à des objectifs et à des indicateurs de performance qui se traduisent pour les collectivités locales par d'importants transferts de charges et de responsabilités peu compensés. La gestion des passeports a été digérée mais a entraîné des coûts de fonctionnement considérables, celle des cartes d'identité a créé des dysfonctionnements non négligeables et celle des PACS devrait causer des préjudices aux usagers et engendrer des dépenses de fonctionnement non compensées.

Je note avec satisfaction qu'à l'initiative du ministre Cazeneuve, l'État a assuré une certaine lisibilité grâce notamment aux maisons de l'État dans les territoires. Mais au-delà des conseils que les sous-préfectures donnent aux élus territoriaux, il faudrait qu'elles préservent leur capacité à accueillir l'administré lambda. Le rapport entre la République et le citoyen passe en effet par là, me semble-t-il.

De mon point de vue, la dématérialisation de la propagande électorale est de nature à aggraver l'accès de nos concitoyens à des échéances importantes.

Enfin, je partage l'idée que l'État doit être un partenaire des collectivités locales. Mais on assiste à une inflation des normes – je pense notamment au plan de prévention des risques d'inondations (PPRI) –, qui nécessitent quelquefois de déléguer des prestations à des services extérieurs dont l'expertise n'est pas toujours garantie par l'État. Comment, dans ces conditions, donner aux citoyens et aux élus locaux le sentiment d'une République qui irrigue l'ensemble du territoire national, qui préserve son unité et qui s'étende jusqu'aux confins des territoires oubliés ?

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Gérard Collomb, ministre d'état, ministre de l'intérieur

Monsieur Boudié, nous souhaitons évidemment toujours pouvoir faire de l'ingénierie territoriale : vous pourrez constater, lorsque nous examinerons la mission « Relations avec les collectivités territoriales », que nous consacrerons des sommes à cette action via le FSIL. En effet, certaines communes, parmi les plus petites, ne déposent pas de projets faute d'avoir les moyens de financer cette ingénierie.

Nous nous orientons effectivement vers une dématérialisation de la propagande électorale car nous nous sommes aperçus lors de la dernière campagne qu'il devenait de plus en plus difficile de trouver des sociétés performantes pour distribuer ce matériel. Nous ne le ferons pas cependant pour l'ensemble des élections. Continueront ainsi à donner lieu à une propagande écrite les élections municipales et sénatoriales, compte tenu du faible nombre d'électeurs, de même que les élections organisées dans les départements et les collectivités d'outre-mer, compte tenu des contraintes spécifiques de ces territoires.

Vous dites, monsieur Viala, que la présence de l'État a pu être fragilisée. Je vous rappelle que nous sommes également confrontés à la nécessité de réduire la dépense publique. Comment pourrait-il en être autrement alors que la dette publique atteint 2 200 milliards d'euros ? Nous essayons de tenir compte de cette exigence et de remplir nos missions en ayant recours à la numérisation, à la dématérialisation et à la mutualisation des services préfectoraux. En matière d'urbanisme, vous avez raison de dire que de nombreuses communes ne bénéficient plus aujourd'hui de l'aide qu'elles avaient par le passé. Une réflexion doit être menée concernant la répartition des charges entre l'État et les collectivités locales. S'agissant de la délivrance des titres, nous pouvons toujours y procéder puisque nous avons bien évidemment accès à internet dans toutes les préfectures.

Monsieur Laqhila, nous sommes en train de travailler sur l'identité numérique. Nous aurons l'occasion d'en reparler, notamment lorsque nous évoquerons la réforme de la procédure pénale. Ayant déjà répondu à la question relative aux étrangers, je n'y reviendrai pas. Mais vous avez entièrement raison : on voit en effet de longues files d'attente dans de nombreuses préfectures – certains, je le sais, n'hésitent d'ailleurs pas à vendre des places dans ces files d'attente… Je suis tout à fait conscient du problème.

Monsieur Morel-A-L'Huissier, la baisse de 30 % du FIPD s'explique par deux raisons. D'abord, nous avons fermé un centre qui n'avait en fait jamais fonctionné – cela faisait quelques mois que l'ensemble du personnel était présent mais que le centre était vide. Ensuite, nous disposons encore de 73 millions d'euros de crédits exceptionnels destinés à sécuriser les écoles que nous avons commencé à utiliser l'année dernière. Nous sommes par ailleurs en train de réfléchir aux actions conduites dans le cadre de la lutte contre la radicalisation. Nous considérons qu'elle doit être menée à la base, avec les travailleurs sociaux qui pourront nous aider à déceler les signes de radicalisation précoce, mais aussi avec des universitaires et des chercheurs en mesure de nous donner des pistes pour traiter le problème. J'aurai sans doute l'occasion de vous en dire plus dans les prochains mois.

Mme Untermaier a souligné que certains publics restaient éloignés du numérique. Nous avons précisément chargé M. Christian Gravel d'une mission sur l'inclusion numérique pour éviter que ne se creuse une nouvelle fracture entre les utilisateurs accoutumés aux nouvelles technologies et les autres. Lorsqu'on dit qu'il faut conserver toutes les mairies, encore faut-il qu'elles soient utiles au public. Dans le domaine de la délivrance des cartes d'identité, par exemple, prévoir dans une mairie un agent et un ordinateur pour se connecter au nouveau système permettrait précisément de répondre aux besoins de nos concitoyens.

Je l'ai dit, je suis, comme vous, tout à fait favorable au contrôle de légalité. Nous aurons l'occasion de rediscuter des SEM et du domaine de l'eau dans les prochaines semaines. Ma collègue Jacqueline Gourault, qui est en charge de cette question, vous apportera des réponses.

J'ai déjà dit quelques mots de la dématérialisation. Si elle permet effectivement de réaliser des économies, nous y recourons aussi parce que le système ne fonctionnait plus. Ainsi, bon nombre des contestations de scrutin qui ont été exprimées lors des dernières élections législatives portaient sur l'absence de distribution d'outils de propagande électorale.

Contrairement à vous, monsieur Bernalicis, je ne pense pas que tout soit possible. Le budget de l'État est contraint ; croire que l'on peut l'ouvrir, c'est se leurrer. Je ne connais pas un pays qui ne juge les économies nécessaires – plus exactement, je connais des collectivités et des pays qui ont laissé leurs dépenses dériver et qui s'en sont toujours trouvés très mal. Je suis favorable à une politique fixant des priorités ; c'est ce que nous faisons en recrutant 10 000 personnes pour consolider les forces de sécurité. N'avoir que des priorités c'est n'en avoir aucune, et avoir un budget mal géré. Pour avoir dirigé une collectivité locale qui ne semble pas se trouver mal de cette gestion, je sais d'expérience que si on se limite à additionner les demandes de budget présentées par les différents adjoints, on se trouve avec un budget 2,5 fois plus élevé que ce qui est possible. C'est la noblesse de l'action politique que de trancher. Nous le faisons au niveau de l'État comme je le faisais hier pour la commune que j'administrais.

Le maire agit comme agent de l'État qu'il célèbre un PACS ou un mariage, monsieur Jumel, ce pourquoi cela n'entraîne pas de remboursements, même si cela donne du travail aux municipalités. En général, c'est parfaitement accepté par les maires et leurs adjoints. Je suis d'accord avec vous sur le principe selon lequel l'État doit être présent partout, mais un changement fondamental a eu lieu : l'époque de l'État jacobin où tout était décidé « d'en haut » est révolue. D'une part, la décentralisation est intervenue, d'autre part l'État doit tenir compte de l'Union européenne. Certains diront qu'ils ne sont pas d'accord avec les transferts, mais si l'on veut que l'Europe s'affirme face aux États-Unis, ou à la Chine qui ne cesse de gagner en puissance, nous ne pouvons nous contenter de l'État-nation d'hier. Un triptyque est désormais nécessaire, constitué de l'Union européenne, de l'État et des collectivités territoriales, elles-mêmes organisées de façon différenciée : l'adaptation à la réalité socio-économique, qui diffère selon que l'on est dans une zone urbaine dense et une zone rurale, est nécessaire.

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Plutôt que d'en passer par des plateformes tournantes, dispositif qui laisse sceptique, de nombreuses associations d'élus, notamment de maires ruraux, souhaitent que les titres soient délivrés aux administrés dans la commune ; ils y voient une manière de conserver un lien avec eux, Plusieurs départements pourraient être pilotes en ce domaine. Sur un autre plan, quels moyens supplémentaires sont prévus pour la politique des contrats d'objectifs avec les intercommunalités de plus de 150 000 habitants et les communes de plus de 50 000 habitants, qui seront concernées par les nouveaux contrats d'objectifs et de moyens destinés à réduire les dépenses ? Je crois comprendre que le dialogue avec les collectivités sera dévolu aux préfectures, mais par quel biais ? Y aura-t-il quelques postes supplémentaires ou des personnels seront-ils déplacés à cette fin ? D'autre part, pour encourager au glissement progressif de l'ingénierie vers les intercommunalités, ne peut-on augmenter un peu la dotation globale de fonctionnement (DGF) qui leur est allouée ? Vous avez évoqué les problèmes de suivi par les préfectures des opérateurs privés chargés de diffuser la propagande électorale lors des dernières élections ; avez-vous analysé ces incidents ? Une amélioration est-elle possible ? Enfin, envisagez-vous une réflexion sur le financement de partis politiques ?

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Alors que le plan « préfectures nouvelle génération » pouvait être une perspective d'espoir pour l'État en matière d'organisation territoriale, 443 suppressions d'ETP sont prévues en 2018 dans les préfectures. Les réorganisations se succèdent et chacune se traduit par des suppressions de postes dans les territoires sans que l'on ait connaissance de telles suppressions dans l'administration centrale. D'autre part, vous laisserez 1 300 agents dans les préfectures pour organiser la délivrance de tous les titres pour l'ensemble de la population, cependant que 3 200 agents seront affectés à la délivrance de titres aux étrangers. Ce ratio incohérent traduit une tension dans votre organisation territoriale, notamment au sujet de la politique des étrangers ; j'aimerais des explications. La Cour des comptes a formulé six recommandations essentielles au sujet du contrôle de légalité ; comment l'organiserez-vous ? Enfin, en ma qualité d'élue d'une zone très rurale où l'on n'a pas accès à l'internet sur la moitié du territoire, je m'interroge sur le projet de dématérialisation universelle quand une partie de la population n'est pas desservie par un réseau de connexion à haut débit.

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Il faut certes rationaliser, mais l'on ne peut mettre la charrue avant les boeufs : il faut terminer l'aménagement numérique du territoire avant de dématérialiser les procédures. Et, si dématérialisation il doit y avoir, elle suppose des moyens informatiques. Or plusieurs administrations locales m'ont dit ne pas pouvoir se doter d'équipements informatiques performants. Nous devons savoir investir pour permettre des économies de fonctionnement ensuite. Enfin, à force de raboter les moyens alloués aux préfectures, on en arrive à ce que ces administrations ne sachent plus répondre à nos demandes. Les grandes agglomérations peuvent se doter de services d'ingénierie efficaces, mais les services de l'État sont en train de perdre en compétences. Une réforme de la fonction publique devra permettre que les préfets disposent d'équipes suffisamment dotées en compétences techniques et opérationnelles.

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Je supplée mon collègue David Habib, empêché. Il a été fait état de la stabilité des moyens des préfectures et des sous-préfectures, mais ce réseau contribuera néanmoins à hauteur de 415 ETP en 2018 à la réduction des affectifs de la fonction publique, ce qui fera un total de 1 600 ETP pour la période 2016-2018. Comment, dans ces conditions, préfectures et sous-préfectures peuvent-elles maintenir des équipes polyvalentes et capables d'assister les communes et les intercommunalités en matière d'ingénierie ? Dans la même optique, pouvez-vous garantir que la carte des préfectures et des sous-préfectures ne sera pas revue dans les années qui viennent ? De nombreuses intercommunalités ont développé des services d'aide à l'ingénierie pour se substituer à l'État en palliant la suppression des conventions d'assistance technique pour des raisons de solidarité et d'aménagement du territoire (ATESAT), et des départements inaugurent des agences ou des syndicats d'ingénierie. Quant à l'État, il travaille à l'Agence nationale de cohésion des territoires dont le président de la République a annoncé la création. Mais comment les préfectures et les sous-préfectures, dont le personnel hautement qualifié est en baisse, pourront-elle accompagner la nouvelle Agence ?

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Ce que vous avez dit sur les Jacobins, Monsieur le ministre, était un peu caricatural et l'on peut être Lyonnais et Girondin… Je souhaite revenir sur le projet de dématérialiser la propagande électorale, qui ne laisse pas de m'inquiéter. En réalité, le bilan catastrophique de l'externalisation de la diffusion de ces documents lors des dernières élections vous amène à dire : « Puisque cela ne fonctionne pas, on en finit avec l'envoi du matériel électoral imprimé ». Après cela, que l'on ne s'étonne pas de la montée du taux d'abstention lors des prochaines élections ! Parce que c'est en fonction de ces documents que beaucoup de nos concitoyens se déterminent et vont voter, vous prenez là, monsieur le ministre, une très lourde responsabilité, et je crains que nous ne le regrettions tous. Sur le fond, c'est une démarche singulière d'appauvrir les services de l'État pour se demander ensuite comment ces services pourront être rendus. Aussi vos explications relatives aux suppressions de postes dans les préfectures et les sous-préfectures me laissent-elles très dubitatif. « Il faut bien, à budget contraint » – budget que vous avez contribué à contraindre en donnant aux plus riches 9 milliards d'euros de cadeaux qui sont autant de recettes en moins dans les caisses de l'État – « trouver un équilibre », nous dites-vous. Mais les effectifs alloués à la sécurité ne diminuant pas, cela signifie que moins d'agents seront affectés à la délivrance des permis de conduire, des cartes d'identité et des autres titres. Je me demande donc si l'on ne nous dira pas un jour que l'on va privatiser ces tâches, au motif qu'il n'appartiendrait pas au ministère de l'intérieur, ministère régalien, de continuer à s'en occuper alors qu'il s'agit de tâches « auxiliaires » qui pourraient être dévolues au secteur privé. Il est vrai qu'à force de réduire le personnel, tout cela va moins bien marcher. Nous déposerons un amendement qui rassurera en permettant de créer des postes tout en respectant les dispositions de l'article 40.

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Gérard Collomb, ministre d'état, ministre de l'intérieur

Je veux bien étudier l'hypothèse d'un retour des cartes d'identité en mairie dans les communes rurales, monsieur Rebeyrotte, mais tout porte à croire que cela compliquerait et renchérirait un circuit que nous entendons plutôt simplifier. Je comprends que la délivrance des titres crée un lien entre le maire et les habitants de sa commune, mais il me semble qu'il y a bien d'autres occasions de maintenir ce lien, sauf à ne pas être très bien implanté dans sa collectivité.

La question des contrats d'objectifs dépasse quelque peu le cadre de cette commission élargie mais je puis vous dire que, bien sûr, des attachés de préfecture y travailleront, et qu'ils y travailleront surtout avec la direction générale des finances publiques, puisque l'exercice demande l'analyse des finances locales. C'est une très bonne méthode que de pouvoir discuter avec le préfet plutôt que de se voir appliquer, comme par le passé, des baisses de dotation automatiques qui obligeaient à réduire considérablement tant les investissements que les dépenses de fonctionnement. Une étude récente de la Banque postale a montré que cette manière de faire a conduit à une importante réduction de l'investissement local au cours des dernières années.

Que les intercommunalités fassent de l'ingénierie n'est que normal, le but premier de leur création étant d'assurer le plus grand nombre possible de fonctions « support » aux collectivités considérées. Pour la DGF, il n'y a que deux possibilités : soit en augmenter le volume global, soit prendre aux uns pour donner aux autres, et comme cette solution conviendrait peu à ceux qui se verraient ainsi déshabillés, nous allons tenter de maintenir un mécanisme équilibré. Vous vous souviendrez qu'une grande réforme de la DGF et des systèmes de péréquation avait été prévue ; quand on s'est rendu compte des conséquences que cela pourrait entraîner pour certaines collectivités locales, on s'est avisé qu'il fallait être prudent et tout a été arrêté.

Les sociétés chargées de distribuer les documents électoraux et qui ne l'ont pas fait se sont bien entendu vu imposer des pénalités. La dématérialisation est aussi une manière pour l'État de reprendre la main, avec ses propres services, pour organiser les élections.

Si nous supprimons des postes, madame Dalloz, c'est dans une proportion sans mesure avec l'époque où l'on en supprimait quelque 700 par an. Nous essayons plutôt d'être raisonnables ; la suppression initialement fixée pour 2018 concernait 800 postes, un objectif que nous avons revu parce que des difficultés étaient prévisibles.

On ne peut vouloir résoudre le problème des demandeurs d'asile sans y consacrer des moyens. La commission des lois de votre Assemblée examinera bientôt un projet de loi relatif à l'asile et à l'immigration, que nous élaborerons ensemble ; à terme, quand les objectifs que nous nous serons fixé auront été atteints, les personnels affectés à ces tâches seront reversés dans d'autres services.

Nous voulons rester présents dans l'ensemble des territoires et nous avons ouverts 300 postes numériques en 2017, madame Magnier. La réforme permet aux agents d'avoir des outils plus efficaces, en particulier un double écran, ce qui leur permet, progrès notable, de pouvoir contrôler immédiatement textes et délibérations.

Monsieur Dussopt, nous avons fixé pour toute préfecture un seuil minimum de 100 agents, car une préfecture sans personnel suffisant ne servirait plus à rien – ni à répondre aux citoyens, monsieur Bernalicis, ni à mener l'action publique, les deux objectifs qui constituent leur mission,

Pour ce qui est de l'évolution des implantations, nous sommes au début d'un mandat et nous allons analyser ce qui est nécessaire. Je n'en tiens pas pour l'immutabilité : au fil du temps, un pays évolue et l'on doit en tenir compte. À la métropole lyonnaise, rassembler des fonctions différentes a eu pour double résultat une réduction des coûts et de meilleurs services au public. Ainsi, le fait d'avoir réuni un conseil général et une communauté urbaine a permis que les travailleurs sociaux et les personnels chargés de l'action économique travaillent dans la même direction, ce qui est une très bonne chose pour les allocataires du RSA. La mutualisation ne signifie pas forcément la baisse du service public ; elle permet parfois, au contraire, de le renforcer.

Par l'Agence nationale de cohésion des territoires, nous visons à financer des projets et plus particulièrement de petits projets dans les territoires ruraux. Aussi, au contraire de ce qui valait pour l'Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU), dont les opérations massives devaient être pilotées « d'en haut », ces projets devront être pilotés par les préfets et éventuellement les sous-préfets, au plus près des territoires.

Monsieur Coquerel, tout Lyonnais que je sois, j'ai trouvé bonne l'idée exprimée par le président de la République d'un pacte girondin, visant à faire travailler de conserve l'État et les collectivités locales au développement des services publics. J'ai déjà répondu aux questions relatives à la dématérialisation. Vous avez évoqué la distinction entre les tâches régaliennes et celles qui ne le sont pas. Á ce sujet, permettez-moi un exemple. Aujourd'hui, il y a une triple action en faveur de la sécurité publique, tâche essentielle qui doit rester régalienne et au sujet de laquelle une mission sera sans doute confiée à des parlementaires. Cette action est menée par les services de la police nationale ; par les polices municipales de certaines grandes villes, qui font un travail remarquable et que je n'oppose pas à la police nationale ; par des agences privées de sécurité sans lesquelles les grands manifestations, sportives par exemple, ne pourraient être organisées puisqu'elles ne peuvent être prises en charge par les seules forces de la police nationale. C'est ce qui a conduit, vous vous en souvenez, au débat sur les périmètres de sécurité lors des grands événements. Avec le Conseil national des agences privées de sécurité, régulateur de ces sociétés, je chercherai à renforcer la professionnalisation de ces intervenants.

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J'insiste sur la situation des collectivités locales. Nous pouvons comprendre que l'État doive faire des économies, mais il en résulte que des postes sont supprimés dans les préfectures et les sous-préfectures, où ont lieu des restructurations de grande envergure. Ces départs ne sont pas sans incidence pour les collectivités locales, qui manquent de ce fait de conseils en ingénierie et qui sont confrontées à une surcharge de travail administratif : délivrance des passeports et des cartes nationales d'identité, célébration des PACS, demandes de changement de noms…Certaines municipalités se trouvent devoir faire face à un surcroît de travail très marqué. Ainsi, j'ai été maire d'une commune de 13 000 habitants qui a dû recruter un agent supplémentaire pour faire face à la délivrance des passeports et des cartes nationales d'identité. Or la compensation financière de ces charges supplémentaires est très maigre ; j'ai cru comprendre qu'elle augmenterait, sans que le montant prévu – 8 000 euros – soit à la hauteur d'un salaire et des cotisations sociales afférentes, tant s'en faut. Comptez-vous accorder aux communes un soutien financier supplémentaire pour face à ces tâches supplémentaires ?

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L'administration territoriale se transforme au gré de réformes incessantes. La dernière en date, qui a pris le nom de plan « préfectures nouvelle génération », revoit entièrement le circuit de délivrance des titres aux usagers avec la dématérialisation. Après avoir délégué aux communes la délivrance des cartes nationales d'identité, l'État a décidé de passer à la vitesse supérieure et les communes sont sans cesse sollicitées pour des missions qu'il décide de ne plus assurer. Parallèlement, on constate la multiplication des sites frauduleux et la naissance de prestataires proposant aux usagers de mener des démarches à leur place en leur faisant payer ce service. C'est bien la preuve d'un nouveau recul des services publics. Or, 415 emplois seront encore supprimés en 2018, ce qui portera à 1 300 en trois ans les pertes d'emplois liés au plan « préfectures nouvelle génération ». En contrepartie, vous redéployez 1 000 postes vers les missions prioritaires, notamment la lutte contre la fraude documentaire. Pouvez-vous nous en dire plus sur la réaction des personnels concernés ?

Le programme 232 dévoile les prémices de la dématérialisation de la propagande électorale, avec une économie annoncée de 414 millions d'euros entre 2018 et 2022. Ce projet de réforme me semble attentatoire à la vie démocratique. Cette dématérialisation aura pour conséquence d'accroître un taux d'abstention déjà très fort, dans un pays caractérisé, outre cela, par une fracture numérique si marquée que 3,4 millions de foyers sont sans connexion à l'internet, ce qui fait d'eux des citoyens de seconde classe. Monsieur le ministre, pouvez-vous assurer que l'obligation d'égalité entre les citoyens continuera d'être respectée ?

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Les Français sont ponctionnés de 68 millions d'euros pour financer les partis politiques. Le financement public des partis politiques est décidément un tonneau des Danaïdes. Il est urgent que notre assemblée remette en cause ce principe, alors que le rejet des Français pour les partis et leurs bisbilles va croissant.

D'autant plus qu'ils portent une lourde responsabilité dans les problèmes suivants, et, tout d'abord, les prévisions insincères de la majorité socialiste dans la préparation des coûts des élections présidentielles et législatives. Tant qu'un principe de responsabilité ne pèse pas sur les anciennes majorités, on continuera à tomber des nues devant les mensonges inscrits dans les lois de finances. Ensuite, toutes les dépenses d'intervention de la mission culte du programme 232 concernent l'islam. Par ailleurs, les chiffres de la mission montrent bien qu'après l'expropriation d'État des églises, ce dernier n'assume pas du tout son rôle de soutien financier de ces joyaux spirituels et culturels.

Il y a aussi le coût de la lutte contre la fraude aux identités. On se demande sérieusement si une partie des engagements ne devraient pas être attribués à la mission Asile et immigration, tant la recrudescence des fraudes et le besoin de sécurisation exprimé pour l'Agence nationale des titres sécurisés, ne peut qu'être lié à la libéralisation des flux migratoires dans notre pays.

Il est clair également que dans sa recherche d'économie, le Gouvernement aurait pu supprimer les 72 millions d'euros accordés au fonds interministériel de prévention de la délinquance qui brille depuis 2007 par des résultats douteux. La prévention de la radicalisation dans un groupe intitulé « Réinsertion et citoyenneté » évoque davantage une mauvaise blague à plus de douze millions d'euros, qu'une action légitime de l'État.

Monsieur le ministre, ne faudrait-il pas supprimer les écarts idéologiques entre nos budgets et l'aspiration des Français ? C'est la condition de la restauration du lien de confiance entre la société et notre assemblée.

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Je poserai deux questions.

D'abord, s'agissant des contrats de plan État-régions, outils importants en termes d'aménagement du territoire, une clause de revoyure n'était-elle pas prévue à la mi-2017 ? Ils semblent qu'ils soient à l'arrêt en ce moment. Comme vous le savez, il y a des projets dans toutes les dimensions de la vie quotidienne des habitants, qu'il ne faut pas abandonner.

Ensuite, s'agissant de l'Agence nationale de cohésion des territoires, comment faut-il imaginer son financement et sa gouvernance ? Sera-t-elle comparable à l'Agence nationale de rénovation urbaine (ANRU) ? Beaucoup de nos collègues ont parlé des enjeux numériques, de la téléphonie mobile. J'ajoute la désertification médicale, problème qui frappe non seulement des zones rurales, mais aussi des grandes villes, y compris certains arrondissements de Paris.

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Je m'aperçois que 446 ETPT manquent à l'appel dans le programme 307. J'avais cru qu'ils avaient peut-être été transférés au programme 216, en légère augmentation, mais l'accroissement observé sur celui-ci vient en fait du programme 176. Il y a donc bien, à nouveau, une baisse d'effectifs.

Au fond, faut-il vraiment penser que les personnels des préfectures et des sous-préfectures ont les coudées franches pour agir ou qu'ils se pavanent au contraire dans la fainéantise – font-ils partie des gens ciblés par le Président de la République ? Dans les sous-préfectures notamment, lorsqu'il s'agit de mettre en oeuvre des politiques comme celles de la cohésion sociale, on croule plutôt sous la masse de travail qu'autre chose. Pourquoi alors ne pas redéployer le personnel économisé grâce au plan « préfectures nouvelle génération », plutôt que de réduire la voilure ?

J'en viens à l'externalisation de la procédure de dématérialisation. L'expérience tentée par le ministère des finances pour la réception et la transmission des factures du ministère de l'intérieur a déjà dû être abandonnée à cause de la cacophonie engendrée. Un opérateur privé peut avoir de la perte, mais il n'est pas possible de perdre des factures publiques… L'expérience de l'externalisation n'est donc pas toujours une bonne expérience, surtout sur ces missions régaliennes. Nous aurions aimé que vous nous rassuriez sur ce point.

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Gérard Collomb, ministre d'état, ministre de l'intérieur

Madame Lacroute, j'ai toujours déploré qu'on change d'opinion très vite lorsque l'on passe de la majorité à l'opposition – et vice-versa. Ainsi la mesure que l'on trouvait bonne lorsqu'on appartenait à la première de ces composantes devient objet de critique quand on fait partie de la seconde. Je vous rappelle tout de même que la charge de la dette s'élève chaque année à 48 milliards d'euros, soit davantage que le budget de beaucoup de nos ministères. Encore cela n'est-il possible que grâce à des taux d'intérêt bas, mais la politique monétaire risque de changer maintenant que la croissance revient.

Les taux sont déjà en train de remonter. Je m'en rends compte au niveau des collectivités locales. Les taux où elles empruntent aujourd'hui sont déjà supérieurs, d'un petit delta, à ceux où elles empruntaient il y a six mois. Pour l'État, c'est pareil, et nous serions alors à la merci de dérapages incontrôlés. La France ne doit pas se retrouver sous programme du Fonds monétaire international (FMI). Je pense donc qu'il faut faire baisser les dépenses de l'État et des collectivités locales, de manière intelligente. C'est ce que je vais essayer de faire dans nos préfectures.

Dans nos métropoles, il y a beaucoup de communes petites. Elles ont chacune leurs services de ressources humaines et d'achat. Il me semble intéressant de mutualiser ceux-ci, ce qui ne réduit pas le service au public. Il en va de même pour l'État ; la mutualisation de ses services me semble faisable et c'est un point auquel je vais m'attacher.

Monsieur Bruneel, vous avez parlé de « sites frauduleux » – je préfèrerais, pour ma part, parler de sites payants, car ils ne sont pas tous frauduleux, du moins je l'espère. En tout cas, nous avons fait de la lutte contre la fraude l'une de nos priorités. Dans chaque préfecture, il y a désormais un référent anti-fraude. Des moyens nouveaux sont mis à disposition : un algorithme permet ainsi de détecter des cas suspects. Grâce à lui, les services d'immatriculation procèdent à des vérifications en temps réel. Nous avons aussi un dispositif d'authentification des justificatifs de domicile.

Nos fichiers internationaux sont alimentés par les données relatives aux titres perdus et volés transmises par le système Schengen et par Interpol. Nous avons mis en place une application appelée DOCVERIF, qui permet aux services de police de vérifier en mobilité la validité des cartes nationales d'identité et passeports présentés lors des contrôles d'identité.

Par ailleurs, la sécurisation de la chaîne de délivrance des titres a été améliorée par plusieurs procédures. La transmission dématérialisée des actes de naissance entre les communes et les préfectures, via COMEDEC, deviendra obligatoire au 1er novembre 2018. Pour les cartes nationales d'identité, le recours au fichier TES, permet de confronter les informations contenues dans le système avec celles qui sont présentées par le demandeur. Enfin, la spécialisation de nos deux centres de ressources, à Paris et Nantes, nous permet, sur la procédure à risque d'échanges de permis étrangers, de pouvoir agir préventivement.

Sur la fraude, je vous livre quelques chiffres. En 2016, non moins de 4 733 demandes frauduleuses de titres de séjour ont été détectées, 2 155 échanges frauduleux de permis de conduire ont été évités, 2 245 tentatives frauduleuses d'obtention d'une carte d'identité ont été déjouées, 1 309 demandes de passeport frauduleuses ont été détectées et plus de 1 000 cas d'usurpation d'identité instruits, résolus, et transmis à la justice.

Madame Lorho, s'agissant du financement des partis politiques, je suis partisan de mesures transparentes, mais je reconnais le besoin de financer la vie politique. À une époque de notre histoire, des députés se sont battus pour que l'on finance la vie politique, de sorte qu'il n'y ait pas que les gens fortunés qui puissent y participer. Dans un système politique démocratique, ce financement doit exister.

En outre, je suis contre le dénigrement de la politique, le politic-bashing. Que l'on agisse contre ceux qui agissent frauduleusement, mais qu'on ne les confonde pas avec la grande masse des élus qui, en général, s'engagent en politique parce qu'ils croient à des idées et non parce qu'ils veulent pouvoir s'enrichir. Certaines mises en cause frisent presque le grand n'importe quoi, d'ailleurs. Si l'on interrogeait leurs auteurs sur les difficultés qui peuvent exister dans leur propre écosystème, on en trouverait aussi quelques-unes. Le monde politique ne doit donc pas être, de manière permanente, l'accusé de la scène publique. Beaucoup de gens font de la politique parce qu'ils ont des convictions et veulent transformer le pays.

S'agissant du CIPDR, les associations concernées visent à lutter, non contre l'islam, Madame, mais contre l'islamisme radical, déviation de l'islam particulièrement régressive. Je rappelle que les attentats perpétrés par ses tenants ont fait le plus grand nombre de victimes dans des pays musulmans. Ne confondons pas le djihadisme avec un islam qui peut se pratiquer comme toutes les autres religions. À propos de la loi de 1905, Aristide Briand disait déjà qu'il s'agit d'une loi non pas de lutte contre les cultes, mais qui permet la liberté de croire ou de ne pas croire, la liberté de pratiquer le culte de son choix, pourvu qu'il respecte l'ordre public. Tout est dit dans cette définition à laquelle je me référerai toujours.

Monsieur Vigier, mon collègue Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires, répondra mieux que moi à vos interrogations sur les contrats de plan État-régions. Ma vision est plutôt décentralisée que verticale. La ligne de Jacques Mézard sera sans doute la même, vu son engagement en faveur d'instruments adaptés à la diversité de nos territoires.

Monsieur Bernalicis, il y a tous les ans des transferts d'un programme à l'autre de la mission. Quant à redéployer tous les emplois économisés, ce serait faire peu de cas de notre souci de la charge que représente la dette publique. Si l'on ne fait rien, cela finira mal. Un jour, nous aurons sans doute l'occasion de parler de la faillite de systèmes qui doivent leur chute au défaut de gestion de leurs comptes publics.

Sur la dématérialisation, je vous indique qu'elle aura lieu en interne, non en externe. Puisque vous croyez au service public, cela vous donne peut-être une garantie que les choses seront bien faites. Je sais moi aussi combien les fonctionnaires locaux sont formidables, et les fonctionnaires d'État tout autant. Ils sont tous très engagés.

La réunion de la commission élargie s'achève à dix-huit heures cinquante-cinq.

Le Directeur du service des comptes rendus des commissions,

Nicolas VÉRON© Assemblée nationale