Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Réunion du mercredi 22 novembre 2017 à 9h05

Résumé de la réunion

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La réunion

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La Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire a entendu M. Sébastien Lecornu, secrétaire d'État auprès de M. Nicolas Hulot, ministre d'État, ministre chargé de la transition écologique et solidaire, sur les contrats de transition écologique.

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Chers collègues, nous avons le plaisir de recevoir M. Sébastien Lecornu, secrétaire d'État auprès du ministre chargé de la transition écologique et solidaire. C'est la troisième fois que nous nous rencontrons, monsieur le secrétaire d'État, après l'examen du projet de loi de ratification des ordonnances environnementales et l'examen des crédits de la mission Écologie.

Nous souhaitons aujourd'hui vous entendre sur les contrats de transition écologique, nouveau dispositif que vous avez, en partie, dévoilé en septembre dernier lors de la conférence des territoires. Dans cette semaine consacrée au congrès des maires, il nous a paru particulièrement important de faire le point avec vous sur ce nouvel outil destiné à tenir compte, au cas par cas, des situations locales, dans une logique de contractualisation entre l'État et les élus locaux.

Monsieur le ministre, nous attendons de cette audition des éléments précis et c'est la raison pour laquelle je me permets de vous soumettre les questions suivantes, dont je ne doute pas qu'elles seront abordées dans votre exposé : Quels seront les moyens financiers mis à disposition de ces contrats de transition écologique ? Quel est le calendrier de montée en puissance du dispositif ? Et enfin, pouvez-vous nous dire comment ces contrats de transition écologique vont s'articuler avec d'autres dispositifs, et notamment avec les TEPCV, territoires à énergie positive pour la croissance verte, mis en place par le précédent gouvernement ?

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Sébastien Lecornu, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre chargé de la transition écologique et solidaire

Madame la présidente, mesdames et messieurs les députés, merci pour votre accueil. Effectivement, je viens pour la troisième fois devant vous et je m'en réjouis, surtout si j'ai la bonne réponse à vos questions… Je vais en tout cas essayer d'être le plus concis et le plus précis possible dans mon propos liminaire, pour laisser ensuite le plus d'espace possible à nos échanges.

Commençons par quelques éléments d'ambiance. Premièrement, ces contrats de transition écologique sont quelque chose de complètement nouveau : n'essayez pas de les comparer avec les dispositifs existants ou antérieurs. Nous cherchons à élaborer une nouvelle philosophie dans la relation entre l'État et les collectivités territoriales. C'est d'ailleurs pour cela que la conférence nationale des territoires sert de cadre à la négociation et à la discussion de la doctrine, au sens noble et premier du terme, de ces contrats. C'est le premier point : ne prenez pas de point de comparaison avec ce que vous connaissez par ailleurs, y compris avec les formes de contractualisation existantes, type contrats de ruralité et autres.

Deuxièmement, ces contrats sont des outils nouveaux, autrement dit qui viennent en plus de ce que nous avons déjà. Je ne viens pas vous proposer de remplacer des outils tels que les plans climat air-énergie territorial (PCAET), les territoires à énergie positive pour la croissance verte (TEPCV) ou les bâtiments à énergie positive (BEPOS), qui existent depuis de nombreuses années, et c'est fort heureux. Je remercie la présidente Pompili de me permettre de faire un point d'étape ce matin, puisque nous devons en même temps nous adresser aux élus locaux, sans qui cette affaire ne pourra fonctionner, et aux parlementaires, députés et sénateurs, à qui il revient d'accompagner le Gouvernement dans l'élaboration d'une telle doctrine. Sachez qu'à ce stade, nous avons quelques intuitions sur des modifications éventuelles de la loi, mais comme, une fois de plus, nous sommes dans une phase d'expérimentation, nous verrons par quels véhicules il faut passer.

Je vous présenterai, dans l'ordre, la philosophie, le calendrier et la méthodologie des contrats de transition écologique.

Commençons par la philosophie des contrats de transition écologique. Premier changement, et en tant qu'ancien maire et ancien président de conseil départemental, je suis très attaché à cet aspect : il s'agit de passer de la logique de costume prêt-à-porter, élaboré par une administration parisienne, envoyé et passé de force aux territoires qui doivent arriver à entrer dedans, à une logique de costume sur mesure. Pas besoin d'être grand clerc pour comprendre que Saint-Denis-de-la-Réunion n'est pas Arras, qui n'est pas La Rochelle, qui n'est pas un territoire de montagne… Au sein même d'un même département ou d'une même région, la diversité territoriale est le plus souvent la règle. Or la transition écologique, pour des raisons évidentes, repose beaucoup sur des éléments de géographie ou d'histoire industrielle locale.

Nous entendons donc faire évoluer toute la logique d'appels à projets – que chacun du reste pouvait jusqu'à présent espérer remporter – pour aller vers une véritable négociation contractuelle. Un contrat met en balance des droits et des devoirs sur lesquels on s'accorde ; c'est le principe de n'importe quel contrat, un contrat de travail comme un contrat de mariage. Tous les contrats supposent un échange contractuel. Et si nous révisons nos cours de droit, nous rappellerons que ces contrats doivent être synallagmatiques dans la mesure où l'une et l'autre partie doivent y trouver un intérêt et une satisfaction.

Le Gouvernement doit donc trouver des interlocuteurs pour co-contracter. Au regard des mouvements de décentralisation que vous, législateurs, avez décidé ces dernières années, les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI), quelle qu'en soit la taille, constituent le bon échelon de contractualisation. Suffisamment proches du terrain pour être ancrés dans une démocratie locale efficiente et suffisamment grands – notamment grâce à la loi portant nouvelle organisation territoriale de la République, dite « loi NOTRE », qui a fixé le seuil à 15 000 habitants – pour agir en vrais maîtres d'ouvrage et exécuter d'eux-mêmes un certain nombre de politiques publiques.

Pour éviter tout le débat sur le millefeuille territorial, en cette semaine hautement symbolique de congrès des maires, il est évident que toutes les collectivités territoriales ont une compétence en matière d'environnement. Là où les régions vont gérer des outils et des schémas de déchets ou d'éco-mobilité, les départements géreront quant à eux les espaces naturels sensibles, qui bénéficient d'une fiscalité affectée. Il ne me semble donc pas pertinent de chercher à opposer les collectivités locales les unes aux autres sur le sujet. Je vous propose donc que toutes les collectivités, dans le cadre du principe de la libre administration territoriale, puissent co-contracter, chacune arrivant avec ses moyens, son histoire, sa doctrine, les compétences que lui a données le législateur, ses envies et priorités.

Que peut-on retrouver dans ces contrats ? Globalement, leur dimension est à la carte : je ne vous aurais pas parlé de costume sur mesure si je commence par imposer la couleur du tissu, sa qualité, etc. Il est évident que, dans certains territoires, il y aura une dimension de mobilité urbaine très marquée ; dans d'autres, c'est la question des circuits courts et du rapprochement d'une économie locale ou semi-circulaire en matière agricole, ou de la valorisation des déchets, qui pourra être beaucoup plus prégnante.

Je vous livre juste deux intuitions, même si la liberté préside à la philosophie du contrat : premièrement, il devra parfois y avoir un peu de tout. Par exemple, nos amis élus locaux n'ont pas toujours le réflexe de la biodiversité : il faudra tout de même qu'on retrouve des éléments dans ce domaine. Deuxièmement, je suis à peu près certain que la transition énergétique est bien souvent le plat principal de la transition écologique : cela pose la question de la performance énergétique des bâtiments, privés ou publics, comme celle, tout aussi importante, des énergies renouvelables, à laquelle il convient, quoi qu'on en dise, de donner des réponses locales. Très vite, on tournera donc autour de la question de l'énergie – mais pas seulement.

Deuxième changement dans l'approche philosophique : il est temps, en matière de transition écologique, de passer de la logique d'obligation de moyens à une logique d'obligation de résultat. Tout ce qui se conçoit bien s'évalue, se mesure et s'analyse. Dès lors que de l'argent public est investi, qu'il soit local ou national, il est légitime de pouvoir évaluer et mesurer. Parce que c'est de l'écologie, on n'aurait pas à mesurer ? Je me demande d'où vient une telle idée… La quantité de kilowattheures produits et issus de l'écologie renouvelable, le nombre de tonnes de dioxyde de carbone non émis, les tonnages de denrées alimentaires non gâchées dans les cantines scolaires, les productions agricoles valorisées en circuit court, les mètres carrés ayant bénéficié d'une rénovation thermique des bâtiments, tout cela se mesure. J'y suis très attaché et Nicolas Hulot aussi.

Il ne s'agit pas forcément de montrer du doigt l'un ou l'autre cocontractant, et dire que c'est la faute de l'État ou de la collectivité territoriale ; mais il est utile pour nos concitoyens de savoir quand cela a fonctionné et quand cela n'a pas fonctionné. Parfois – et je suis bien placé pour le savoir – il y a de bonnes raisons pour que cela ne fonctionne pas : du contentieux, des problèmes d'acceptabilité locale… Tout cela, c'est objectif, c'est la vie. Mais jusqu'à présent, on en est resté à une obligation de moyens : je fais ce que je peux, j'ai fait le maximum… Eh bien non. L'urgence climatique et les moyens financiers en jeu sont tels que l'on doit tout de même se donner quelques obligations de résultat.

Troisième changement d'approche dans notre philosophie : comment peut-on imaginer en 2018 que la transition écologique dans les territoires ne passe que par la puissance publique, soit étatique, soit locale ? Franchement, c'est un anachronisme majeur. Tout en respectant la règle de souplesse dont je vous ai parlé plus haut, nous imaginons trois volets aux contrats de transition écologique.

Premièrement, le volet territorial : c'est la contractualisation entre l'État et les collectivités territoriales, qui organisera de la commande publique locale, ou de l'action publique en direct, ou encore de l'animation de politique publique locale. Une fois de plus, cela tombe bien, mesdames et messieurs les députés : il se trouve que, au fil des ans, vous avez confié aux EPCI toute une série de compétences qui vont précisément dans ce sens-là. Qui plus est, la transition écologique est souvent une affaire de vie quotidienne : déchets, eau, énergies renouvelables, éco-mobilité, maîtrise immobilière, autant de sujets qui sont, en tout ou partie, en prise avec des compétences locales. C'est la bonne nouvelle.

Cela pose, bien sûr, la question des moyens financiers à mobiliser dans le contrat. Et cela suppose un effort de simplification majeur. Quand vous êtes président d'une communauté de communes et que vous souhaitez vous lancer dans un projet de ce type, vous avez en face de vous votre préfet ou votre sous-préfet pour avoir de la dotation de soutien à l'investissement local (DSIL) ou de la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR) ; vous avez en face de vous, mais pas dans le même bureau, l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME), pour solliciter par exemple le fonds chaleur ; dans un autre, la patronne ou le patron régional de la Caisse des dépôts, pour les prêts bonifiés ou autres outils financiers ; et si vous êtes dans un territoire d'outre-mer, l'Agence française de développement ; et pour certains projets particuliers, l'Agence française de la biodiversité ; et si cela touche à l'eau, les agences de l'eau… Je pourrais continuer ainsi pendant des heures. Ce n'est plus possible. Dans la négociation des contrats de transition écologique, il faut une équipe unique de négociation.

Certes, la terminologie de guichet unique a été tellement utilisée que cela en devient désespérant : elle est totalement usée. Mais l'idée n'en demeure pas moins que nos amis élus locaux n'aient qu'un seul interlocuteur de l'État en face d'eux pour expliquer ce qu'ils veulent faire : ici un projet de rénovation énergétique des bâtiments, là développer des circuits courts. Et c'est à l'État qu'il reviendra de trouver, dans tous ses dispositifs et outils internes, les bonnes réponses et les bons instruments. Ce n'est pas à l'élu local de les imaginer.

Cela m'amène évidemment à vous parler du financement – je reviendrai plus loin sur le nombre de contrats et sur la montée en puissance du dispositif. Nous allons d'abord mobiliser les crédits de droit commun en les assortissant de critères et en les hiérarchisant de façon à répondre quasiment à l'intégralité des demandes. À cela s'ajoutent les crédits du grand plan d'investissement annoncé il y a quelques semaines par le Premier ministre – nous y reviendrons dans nos échanges tout à l'heure. On voit ici tout l'intérêt de passer d'une obligation de moyens à une obligation de résultat : si on mélange dans la maquette financière du contrat le financement de l'État et celui des collectivités territoriales sur la fiche d'action d'un contrat, on mélange le risque également, et donc on s'oblige davantage les uns et les autres au regard du résultat.

Voilà pour le premier volet des contrats de transition écologique, le volet territorial, très attendu par les élus locaux.

Deuxième volet, beaucoup plus novateur : le volet entrepreneurial. Une partie de la transition écologique repose totalement sur la vie économique et le monde de l'entreprise. C'est particulièrement le cas dans le domaine de l'animation : j'ai pu constater par moi-même les progrès de Rev3, le projet stratégique de Troisième révolution industrielle porté par la chambre régionale de commerce et d'industrie des Hauts-de-France. Ce projet joue un véritable rôle d'animation territoriale, dans une réelle logique partenariale.

Cela vaut aussi pour l'organisation de la commande publique – dans les limites imparties par le code des marchés publics, cela va sans dire. Il ne sert à rien de mettre sur la table de l'argent public pour engager un certain nombre de travaux si le monde économique local n'est pas totalement en cheville derrière : cela va de la fédération française du bâtiment aux chambres consulaires – à mon avis les interlocuteurs principaux –, en passant par les chambres d'agriculture, les syndicats agricoles et toute la galaxie green tech clean tech qui accomplit un certain nombre d'avancées formidables sur la gestion de l'eau, des déchets, des énergies renouvelables, etc. Et de son côté, lorsque l'État arrive sur un territoire avec un appel à projets sur de l'énergie renouvelable, s'il n'y trouve pas en face l'opérateur pour y répondre, vos méthaniseurs, vos panneaux photovoltaïques ou vos éoliennes resteront virtuels… Trop souvent, la puissance publique – État et collectivités territoriales – fait les choses en amont dans son coin, et seulement après cherche à y raccrocher le monde économique. Or c'est en amont qu'il faut le raccrocher, y compris au moment du diagnostic du territoire et de la négociation.

Cela vaut enfin pour l'innovation : c'est rarement la puissance publique qui la finance directement ; ce rôle revient plutôt aux entreprises, et notamment à nos grandes entreprises françaises, dont nous pouvons être fiers. Des conversations ont lieu en ce moment avec elles, pour voir comment se servir de ces contrats pour accélérer l'innovation territoriale, que ce soit sur la mobilité ou sur la gestion des énergies.

Troisième volet des contrats de transition écologique : le volet social. Nous en avons déjà parlé ensemble dans l'hémicycle, notamment à l'occasion de l'examen du projet de loi relatif aux hydrocarbures. Il est évident que la transition écologique, et notamment la transition énergétique, a un impact sur un certain nombre de bassins d'emplois, qu'il s'agisse du diesel, des hydrocarbures, des centrales à charbon ou demain du nucléaire. Là aussi, cela suppose des réponses fortes.

Ces réponses passent par une négociation approfondie avec les partenaires sociaux, cela va sans dire, les services de l'État dépendant du ministère du travail, les conseils régionaux, entre autres. C'est là que se pose l'énorme question de la formation.

Je reprends l'exemple de Rev3 dans les Hauts-de-France : ces territoires avaient créé leurs richesses à l'occasion des premières révolutions industrielles, autrement dit à partir des énergies fossiles, grâce à l'extraction du charbon et à l'exploitation des mines. Lorsque le choix a été fait de cesser d'exploiter le charbon, tout le monde a mis massivement de l'argent sur la table, qui a servi à gérer les friches minières, à assurer leur mise en sécurité et à sécuriser le parcours des mineurs ou de leur famille. Et encore récemment, mesdames et messieurs les députés, vous avez récemment voté dans le projet de loi de finances pour plus 300 millions d'euros de crédits dédiés à l'accompagnement de l'après-mine.

Mais, une fois la mine rebouchée et le problème des pensions des mineurs réglés, tout le monde est parti et personne ne s'est occupé de revitalisation ; ou quand on l'a fait, c'était à l'ancienne, sans se poser la question de l'avenir du territoire en matière économique. C'est ainsi que, vingt ans plus tard, des chefs d'entreprise de Rev3 disent : « On a fondé notre succès sur les énergies fossiles. On n'est pas plus idiots que la moyenne, nous sommes au contraire pleins de bonne volonté. Nous pouvons complètement organiser le rebond de ce territoire avec les énergies renouvelables, avec la nouvelle manière de produire l'énergie, avec la nouvelle manière de gérer l'écologie. » C'est ainsi qu'ils se sont mis en route pour créer un projet qui, à ce stade, a créé quelque 10 000 emplois.

C'est toute la réflexion que nous proposons de mener, par exemple, autour des quatre centrales à charbon : il ne s'agit plus de se cantonner à un traitement purement défensif de cette affaire ; nous sommes aussi à l'offensive. N'attendons pas vingt ans entre la fin de la mine et le début de la troisième révolution industrielle ; enchaînons et faisons les choses dans le même mouvement. Cela pose évidemment la question de l'éducation et de la formation : on doit pouvoir accompagner les salariés actuels de l'énergie vers des métiers qui soient proches des nouvelles énergies.

Cela vaut évidemment aussi pour l'outremer. J'en ai fait l'expérience à Wallis-et-Futuna : il suffit d'ouvrir à Wallis une filière de baccalauréat « Sciences et techniques de développement durable » pour que toute une jeune génération de Wallisiens apprenne les métiers de l'entretien des panneaux solaires ; pour l'heure, tous les panneaux solaires installés à Wallis-et-Futuna – et il n'y en a pas assez – sont maintenus par des gens qui viennent de Nouméa. Cela prouve bien que la réponse passe aussi par une offre de formation et d'éducation, qui devra trouver sa place dans les contrats.

Mais les contrats ne sont pas seulement affaire d'argent – je viens d'ailleurs de vous parler de formation professionnelle et d'éducation. C'est aussi une question d'adaptation et de simplification des normes. Imaginons qu'un projet agricole fasse consensus sur l'ensemble d'un département, à l'initiative d'un, voire – pourquoi pas ? – de plusieurs EPCI qui se seraient rassemblés à cette occasion et auraient arrêté une liste d'actions : énergie renouvelable, performance énergétique des bâtiments, re-powering du parc éolien existant, développement de la méthanisation en lien avec la profession agricole ou autres. Imaginons que tout le monde, préfet, élus locaux, chambres consulaires, y compris les associations environnementales – ce serait une grave erreur de ne pas les associer – approuve l'ensemble des fiches actions prévues dans le contrat et en plus s'accorde sur son modèle économique et son financement, dont on connaîtrait du coup une bonne part des éléments. Pourquoi ne pas procéder, au titre du droit à l'expérimentation, à des adaptations des normes ? Par exemple, là où une étude d'impact d'un an est requise, pourquoi ne pas en rester à une simple étude au cas par cas dès lors que tout le monde paraît d'accord, que l'acceptabilité locale est bonne et le risque de contentieux à naître peu probable ? Une étude au cas par cas, je vous l'ai déjà dit, est une vraie étude d'impact environnemental, mais plus légère.

Tout cela, ce sont de vraies pistes. Ce faisant, on reboucle avec le monde entrepreneurial. Bien souvent, le monde de l'entreprise ne demande pas d'argent, mais seulement de la prévisibilité et de la stabilité dans le champ normatif, surtout dans le domaine de l'environnement.

J'en viens pour terminer au calendrier des contrats de transition écologique et au choix des territoires. Comme c'est totalement nouveau, il y a encore des parts de flou ; je les assume complètement, mais je préférais les partager avec vous. L'idée est de présenter la doctrine définitive à la conférence des territoires nationale du mois de décembre et d'arrêter quinze à vingt territoires pilotes et démonstrateurs pour l'année 2018 : dès lors qu'on veut faire du sur-mesure et non du prêt-à-porter, il est logique que le maître tailleur se déplace partout et veille à faire des choses qui collent bien au territoire. Cela ne nous permet pas pour autant de nous lancer dans des centaines de contrats : on perdrait de vue la logique initiale, qui participe d'une véritable révolution interne de l'État, dont ce n'était jusqu'alors pas tout à fait la culture. Pour ces quinze à vingt contrats, il faut choisir des territoires pilotes qui montreront un peu de tout : d'outre-mer, de la métropole, du littoral, du montagnard, de l'urbain, du rural, des territoires déjà très engagés dans la troisième révolution industrielle pour accompagner l'innovation, d'autres à l'inverse qui, pour une raison ou un autre, ont besoin de rattrapage.

Le but, avec ces quinze à vingt contrats, est de regarder comment cela vit. Nous sommes, vous l'avez compris, dans une démarche de confiance dans les acteurs locaux ; pour que cela fonctionne, il faut qu'eux aussi soient très engagés dans cette affaire. S'ils n'y croient pas et s'ils n'en ont pas envie, cela ne marchera pas : dans cette affaire-là comme dans d'autres, il faut être deux. Nous formons donc là-dessus beaucoup d'espoir. C'est complètement nouveau et je pense que cela va fonctionner.

Ce calendrier suppose que, si l'expérience réussit sur les quinze à vingt territoires démonstrateurs l'année prochaine, on puisse petit à petit songer à sa généralisation. On pourra alors reparler tous ensemble de ce que cela peut remplacer et des outils de droit commun à utiliser au moment précisément où l'Agence nationale de la cohésion des territoires montera en puissance.

Quant aux TEPCV, ils ont certes un lien avec les contrats, mais ce n'est pas la même chose. En plus des 740 millions d'euros d'autorisations d'engagement, nous vous proposerons, en projet de loi de finances rectificative, 75 millions d'euros supplémentaires, ce qui permettra de passer l'année 2018. Certaines incompréhensions étant apparues ici ou là, nous avons de nouveau donné consigne aux préfets : les collectivités territoriales qui s'étaient engagées dans les TEPCV mais à qui l'État avait demandé de signer avant même que la délibération du conseil municipal ou communautaire n'ait été prise, sont considérées comme ayant valablement passé leur convention. Il y va de la parole donnée, de la continuité de l'État et du respect dû aux élus locaux. C'est en tout cas l'instruction que Nicolas Hulot a donnée aux préfets. Voilà ce que je voulais dire devant vous ce matin.

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Merci, monsieur le secrétaire d'État.

Je vais maintenant donner la parole aux orateurs des groupes.

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Monsieur le secrétaire d'État, je vous remercie pour cette présentation succincte, mais qui nous a permis de mieux comprendre la philosophie de ces contrats de transition écologique, contrats de confiance entre l'État et les collectivités territoriales. La transition écologique est à l'origine d'une profonde mutation industrielle. Nous devons l'anticiper afin que le changement profite à tous et que personne ne reste au bord du chemin.

Le Président de la République déclarait récemment : « C'est la première fois qu'un pays développé décide d'une telle politique pour le climat. Nous l'assumons ». Nous saluons les efforts entrepris par notre Gouvernement pour faire de la France un pays d'avant-garde en matière de transition écologique.

Il n'en reste pas moins que celle-ci devra prendre en compte tous ceux qui sont directement ou indirectement touchés. C'est notamment le cas pour les fermetures de centrales à charbon. Comme le Plan Climat le souligne, elles ont longtemps été essentielles à la production électrique française et à l'équilibre du réseau, mais elles émettent de grandes quantités de CO2 et contribuent à la pollution atmosphérique.

M. Nicolas Hulot a annoncé que les contrats de transition écologique accompagneraient l'arrêt des dernières centrales électriques au charbon d'ici à 2022, pour en finir avec les énergies fossiles et s'engager vers la neutralité carbone, et que ces contrats permettraient de gérer les conséquences qui en découleraient pour les salariés. Monsieur le secrétaire d'État, pourriez-vous nous communiquer vos estimations des pertes d'emplois liées à la fermeture des centrales à charbon ?

Le Gouvernement entend travailler avec les entreprises et les acteurs des territoires concernés pour identifier des projets de reconversion des sites. Les contrats de transition écologique donneront de la visibilité à tous les salariés dont l'emploi est menacé par la transition à moyen terme. Au niveau national, le Gouvernement doit lancer une réflexion avec les organisations professionnelles et syndicales sur l'évolution des métiers dans le secteur de l'énergie. Quels sont d'ores et déjà les efforts menés par le Gouvernement en vue de l'établissement d'un plan de programmation de l'emploi et des compétences, comme le prévoit la loi du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte ?

Les contrats de transition écologique associeront les parties prenantes – salariés, collectivités territoriales, entreprises, État – dans la recherche d'un objectif commun de reclassement optimal pour les salariés, selon un principe de coconstruction. Comment seront prises en compte les spécificités des territoires ? Quelle sera l'articulation entre les contrats de transition écologique et les contrats de ruralité ? Qui sont exactement ces parties prenantes sur les territoires ? Qui sera l'interlocuteur privilégié des collectivités ? Il est important de garantir une certaine simplicité si nous voulons que ces contrats soient facilement et rapidement déployés.

Vous avez précisé que ces contrats viseraient également les « territoires vertueux, sur lesquels la transition écologique a commencé depuis longtemps ». Quelle forme prendra le soutien que l'État leur apportera ?

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Au nom du groupe les Républicains, je souhaitais vous interpeller sur les incidences concrètes des contrats de transition écologique pour les acteurs de terrain. Ces futurs contrats concerneront tout autant des territoires en grande difficulté industrielle ou ayant besoin d'un accompagnement social au titre de la transition énergétique, qu'également des territoires à la pointe dans ce domaine ; l'État s'engage à fournir aux porteurs de projets un soutien à la fois politique, technique et financier ; les contrats seraient conclus au niveau des EPCI. Pourriez-vous nous indiquer de quelle manière sera assuré l'équilibre entre les projets urbains et ruraux ? Comment comptez-vous procéder pour que ces projets soient le plus en adéquation avec les spécificités des territoires ?

Notre seconde préoccupation porte sur l'échéance de la contractualisation. À l'occasion de la dix-septième conférence des villes qui s'est tenue à Paris le 20 septembre dernier, vous avez annoncé vouloir associer de nombreux acteurs à l'élaboration de ces contrats : le monde économique – à travers les chambres consulaires –, les organisations professionnelles et syndicales et le monde de l'éducation. Si la volonté de concerter est louable, cette multiplication des consultations ne risque-t-elle pas d'allonger de façon significative le processus de contractualisation ? Quelles garanties pouvons-nous donner aux territoires en situation d'urgence ?

Le groupe Les Républicains demeure convaincu qu'il faut investir dans les énergies renouvelables ; pour ce faire, notre assemblée doit pouvoir débattre du cadre juridique et contractuel.

Sans doute rattrapés par le principe de réalité, vous vous êtes rendu compte que ramener à 50 % de la part du nucléaire dans notre production d'électricité à l'échéance de 2025 était impossible. Là où les centrales fermeront, quelles compensations seront offertes aux populations locales ? Des personnes consomment, vivent et travaillent autour de ces centrales, souvent en milieu rural. Comment entendez-vous préserver le dynamisme et la vie dans ces territoires, nécessairement touchés par les fermetures ?

Enfin, les alternatives connues aux centrales nucléaires sont encore insuffisantes et lacunaires pour assurer à la France son indépendance énergétique. Dans le cadre de la transition, comment peut-on intégrer une part de recherche pour développer les énergies nouvelles ?

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Monsieur le secrétaire d'État, je vous remercie de cette présentation des contrats de transition écologique, tant attendus. Comme vous le savez, et comme vous avez pu le constater depuis le début de la législature, le groupe Modem et apparentés est et sera toujours aux côtés du Gouvernement pour l'accompagner dans ses réformes qui contribuent à rendre notre société plus vertueuse sur le plan environnemental. Depuis toujours, le Modem fait du développement durable et de la transition énergétique une priorité. Avec un budget en hausse de 3 %, ce Gouvernement et sa majorité traduisent la volonté d'engager la France vers un modèle de croissance plus soutenable et d'enclencher des réformes environnementales irréversibles durant ce quinquennat.

Le mot « transition » revêt pour nous une importance capitale. Ce que nous appelons de nos voeux, c'est que « transition » implique systématiquement « accompagnement ». Le Modem estime que la priorité doit porter sur l'emploi, avec la reconversion des activités et des territoires, sans jamais perdre de vue, tout en restant pragmatique, cette impérieuse nécessité.

Tel fut le sens de nos amendements adoptés en première lecture du projet de loi mettant fin à la recherche ainsi qu'à l'exploitation des hydrocarbures conventionnels et non conventionnels et portant diverses dispositions relatives à l'énergie et à l'environnement, dit projet de loi « Hydrocarbures ». Le texte prévoit désormais que le Gouvernement remette au Parlement un rapport sur l'accompagnement des entreprises et des personnels touchés par la fin progressive des activités d'exploration et d'exploitation des hydrocarbures, ainsi que sur la reconversion des territoires.

Ces contrats de transition, annoncés à l'occasion de la conférence des villes, sont donc accueillis positivement par notre groupe. Ils visent notamment, vous l'avez rappelé, à prendre en compte les aspects sociaux de la fermeture des centrales à charbon, annoncée d'ici à 2022, et plus globalement les territoires en désolation industrielle. Ils viseront aussi, je vous cite, les « territoires vertueux, sur lesquels la transition écologique a commencé depuis longtemps » en leur fournissant un soutien politique, technique, financier et réglementaire. Pourriez-vous nous préciser les modalités de cet accompagnement ?

Le périmètre de ces contrats sera défini, si je vous ai bien compris, à l'occasion de la conférence des territoires de décembre. Comment comptez-vous procéder pour choisir les territoires pilotes et selon quels critères sera-t-il établi qu'un contrat a été passé avec succès et que les conditions sont réunies pour généraliser le dispositif à l'ensemble du territoire national ?

« Il faut arrêter avec les costumes de prêt-à-porter et confectionner un costume sur mesure qui sied aux territoires ». Vous aurez reconnu vos propos. Je ne doute pas que vous les partagiez ! Je me réjouis d'entendre que vous comptez procéder par appels à projets.

Nous veillerons particulièrement à ce que les acteurs économiques et sociaux du territoire concerné soient associés au processus dès les premières étapes de contractualisation. Confirmez-vous la possibilité pour les régions ou les départements de se joindre aux contrats passés avec les EPCI ?

Enfin, même s'il convient d'attendre les premières expérimentations pour juger de l'efficacité du dispositif, les décentralisateurs que nous sommes accueillent avec bienveillance ce changement de paradigme qui consiste à donner aux collectivités une opportunité de prendre part à la transition écologique sans que ce soit imposé par l'État. Dans cette nouvelle relation État-collectivités, n'oubliez pas les communes rurales. Elles aussi doivent pouvoir bénéficier des moyens déployés sur la transition énergétique. Comment imaginez-vous le montage financier de ces contrats, sachant que les communes rurales ont de plus en plus de difficulté à apporter les 20 % à 30 % d'autofinancement nécessaire à leurs projets d'investissements publics ?

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Merci, monsieur le secrétaire d'État, d'être venu présenter ce projet devant les parlementaires. En préalable à mon intervention, je formule le voeu que nous puissions nous retrouver très régulièrement afin de partager le bilan et d'envisager, le cas échéant, des évolutions.

Nous accueillons évidemment les contrats de transition écologique avec beaucoup d'intérêt. Mais chat échaudé craint l'eau froide, et les territoires s'en sont vus déverser une grande quantité ces dernières années… Les TEPCV en sont une illustration, proprement accablante : on a voulu réaliser des opérations de communication, on s'est précipité à dépenser et, du coup, à gâcher l'argent public. La Cour des comptes s'en est d'ailleurs particulièrement émue. Si nous voulons que vos contrats de transition écologique fonctionnent, il faut prendre du temps, respecter les territoires et d'abord travailler sur le cadre. Mais quel est le cadre ? Avec qui va-t-on contractualiser, et dans quelles conditions ? Comment les régions ne pourraient pas se poser en chef de file dans une opération de ce type ? Vous ciblez les structures intercommunales, mais je rappellerai qu'elles ne disposent pas, sauf lorsqu'elles font une certaine taille, des compétences humaines nécessaires pour contractualiser avec l'État. J'étais président d'une communauté d'agglomération de 40 000 habitants ; je n'ai même pas encore réussi à créer une direction de l'environnement. Dans des structures intercommunales de 15 000 habitants, comment cela va-t-il se passer ? Il ne faudrait pas que, constatant que les territoires n'avancent pas assez vite, vous donniez des consignes aux préfets et que ceux-ci se précipitent et contractualisent de nouveau dans n'importe quelles conditions… Le peu d'argent que nous avons serait finalement gâché. Nous n'échapperons par ailleurs pas à une réflexion sur le rôle de chef de file des régions dans ces opérations.

Mais si le cadre est important, le retour d'expérience est fondamental. Si nous pouvions créer l'équivalent d'une agence de l'expérimentation sur tous les sujets environnementaux, nous gagnerions beaucoup de temps. Il est important de mettre tous les acteurs autour de la table, afin de disposer d'un retour sur les bonnes expériences et les modalités de dialogue avec l'État, y compris en termes de souplesse administrative.

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Vous avez raison, monsieur le secrétaire d'État, chaque mot compte : la transition écologique n'est pas la transition énergétique, l'une englobe l'autre. Vous nous avez présenté les contrats de transition écologique. Beaucoup avaient aussi en tête les TEPCV, non par nostalgie ou fétichisme, mais parce qu'ils sont plutôt un succès : plus de cinq cents territoires ont contractualisé, soit 15 000 communes et près de 40 millions d'habitants.

Les critiques existent et viennent souvent de ceux qui ont signé ces contrats. En la matière, il faut éviter les polémiques rabougries. Je sais que ce n'est pas votre état d'esprit, pour trois raisons. D'abord, il y a urgence climatique : il ne faut pas perdre de temps, ce sont les scientifiques qui nous le disent. Ensuite, la lutte contre les changements climatiques est une construction où chaque brique compte : la charte pour l'environnement, le processus de Grenelle, la loi du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte, la loi du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages. Enfin, les finances publiques nous imposent d'être économes. On peut bien évidemment imaginer que l'on n'utilisera plus jamais l'exercice du projet de loi de finances rectificative ; mais l'évolution des prévisions impose d'ajuster la loi au fur et à mesure.

Quatre cents millions d'euros avaient été budgétés pour les TEPCV. Un fond de spécial avait été confié à la Caisse des dépôts et consignations, qui dispose encore de 200 millions d'euros. Vous avez raison, le respect de la signature de l'État est important, même si l'on peut toujours imaginer de nouvelles règles a posteriori.

Bien sûr, il faut évaluer : des travaux ont été réalisés pour mesurer les effets d'aubaine et les effets levier des dispositifs existants. Je ne crois pas que l'on ait jeté de l'argent par les fenêtres : chaque euro dépensé aura été un euro utile au regard de l'action menée dans chaque territoire.

Vous estimez que la bonne maille des contrats de transition écologique serait celle de l'EPCI. Pourquoi pas ? Mais il faudra faire attention aux communes plus rurales ou aux communes membres d'EPCI mais plus volontaires que les autres.

Vous avez également raison d'insister sur la formation, essentielle, mais il faudra entraîner un maximum de personnes.

Pour conclure, vous appelez à tailler des costumes sur mesure ; cela va dans le bon sens. Malheureusement, le maître tailleur reste l'État. Demain, il serait bon que le couturier soit plutôt le territoire. La mode est à l'expérimentation !

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Comme mon collègue, ma première question portera sur le financement. Le 26 septembre dernier, dans une circulaire aux préfets, Nicolas Hulot évoquait les 500 TEPCV lancés par sa prédécesseure, Ségolène Royal en affirmant que les conventions passées n'étaient financées qu'à hauteur de 400 millions d'euros sur 750 millions. Et d'en conclure qu'il fallait en abandonner le plus vite possible pour cause de vice procédural – l'absence de validation par un vote de l'assemblée générale de la collectivité. Vos nouveaux contrats vont-ils déroger à la règle de la pénurie financière ? Pourriez-vous nous apporter des précisions sur ce point, au-delà de votre exposé liminaire ?

Pour ce qui est des quinze à vingt territoires pilotes ciblés pour l'an prochain, vous avez indiqué qu'il y aurait un peu de tout : du littoral, de la montagne, de l'outre-mer, etc. Comment allez-vous les choisir ?

Enfin, vous avez dit vouloir assouplir les normes, expliquant qu'une étude au cas par cas était une véritable étude, mais plus légère. À France Insoumise, on s'inquiète toujours quand les normes sont allégées… Pouvez-vous là aussi nous apporter quelques détails ?

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Je m'attarderai sur l'emploi. La réussite de la transition vers une économie bas-carbone impliquera clairement une réorientation des modèles de production et de notre politique industrielle. Cette réorientation va supposer, et suppose déjà, une politique d'investissement particulièrement soutenue dans les activités concernées. Dès lors, nous nous interrogeons sur le rôle d'impulsion et de coordination qui revient aux pouvoirs publics, ainsi que sur la prise en charge de certains investissements de long terme.

Par ailleurs se pose le problème de la sécurisation des parcours professionnels comme celui de la gestion optimale des transferts de compétences entre les emplois de filières technologiques différentes. Les menaces planent sur les industries du raffinage, de la cimenterie, du papier carton. Des mutations sont indispensables dans le domaine de l'automobile, alors que les industries ferroviaires notamment recèlent des capacités de croissance en termes d'emploi.

Je ne prendrais qu'un seul exemple, à Cléon : la baisse annoncée – à hauteur de 50 % – de la circulation des voitures à moteur diesel est programmée sur huit ans, voire sur cinq ans, selon M. Carlos Ghosn. Or il faut savoir que la fabrication et l'assemblage d'un moteur électrique nécessitent cinq à sept personnes de moins qu'un moteur thermique… Les enjeux sont clairement posés. Ne trouvez-vous pas que votre calendrier n'est pas assez ambitieux, au regard des problématiques d'emploi et de vitalité économique qui très rapidement se poser ? Ne faut-il pas envisager de l'accélérer ?

Reste la question du pilotage de ces contrats. Il reviendra aux métropoles ; certes, mais j'aimerais que vous reveniez sur le rôle des régions en la matière, qui me semble majeur.

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Sébastien Lecornu, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre chargé de la transition écologique et solidaire

Je répondrai le plus brièvement possible, madame la présidente, comme vous venez de me le signifier. Vous me savez très bavard, mais je tente de me discipliner !

Madame Park, je vous remercie pour vos propos. Les questions d'emploi et de compétences sont au coeur de notre sujet. La loi de transition énergétique prévoyait des plans régionaux. Une expérimentation a déjà eu lieu en Île-de-France. Les périmètres des contrats de transition écologique devront comprendre un tel plan à l'échelle des territoires – cela me permet de répondre en partie à la question du député Wulfranc. Cela fait du reste partie des sujets sur lesquels je souhaite que les parlementaires soient le plus possible associés : on apprend en marchant – c'est une image… (Sourires.)

Les EPCI seront bien évidemment parties prenantes de ces contrats, tout comme les entreprises, les organisations non gouvernementales (ONG) lorsqu'il y en a, et les syndicats. Il est indispensable que les représentants des salariés, comme du patronat, soient dans la boucle.

Vous évoquez des pertes d'emplois dans les centrales à charbon. Pour moi, cela ne doit pas être un postulat : à Cordemais, par exemple, la CGT propose de réorienter l'activité de production de l'usine vers la biomasse de nouvelle génération. Je ne me prononce pas sur le fond ; les services du ministère, le ministère des finances, les élus locaux et EDF doivent examiner ces propositions. Le Plan climat le dit clairement : les activités liées au charbon doivent cesser pour des raisons climatiques et environnementales. Mais l'outil de production est là. Partout où l'on peut en faire quelque chose, il faut l'étudier, d'autant plus si cela limite les impacts en termes d'emplois.

De la même façon, les stratégies industrielles d'Uniper ou d'EDF doivent prendre en compte la reconversion des personnels, la création de passerelles ou de trajectoires internes à l'entreprise. Nous sommes aux balbutiements de cette réflexion. Le délai proposé est raisonnable, puisque cela nous amène à 2022, autrement dit à la fin du quinquennat.

Je l'ai dit publiquement et je vous le redis, madame la députée : les quatre territoires où sont implantées les centrales à charbon se verront bien entendu proposer un contrat de transition écologique. C'est plutôt astucieux et surtout de bon aloi. Cela me permet par la même occasion de répondre à ceux qui m'ont interrogé sur le choix des territoires.

Madame Beauvais, je vous remercie également pour vos propos. Les consultations n'allongeront pas le processus car je tiens un bon rythme. Pour l'instant, nous n'enregistrons pas de retard. Par ailleurs, pour être honnête, si les associations d'élus n'étaient pas consultées, elles auraient raison de se plaindre. Il est évident que si l'on ne partage pas cette nouvelle doctrine avec les grands acteurs du monde économique et du monde agricole – j'étais encore avec l'Assemblée permanente des chambres d'agriculture la semaine dernière –, notre stratégie ne redescendra pas dans les territoires et nous nous retrouverons dans une démarche à l'ancienne.

Je l'ai souvent dit lorsque nous avons travaillé ensemble sur les ordonnances réformant le dialogue environnemental : il faut apprendre à perdre du temps en amont pour mieux en gagner ensuite. Nous avons tous suffisamment souffert à cause de gouvernements successifs qui imaginaient des trucs sympas en fin de quinquennat, en les imposant au forceps… Nous sommes en début de quinquennat ; on peut se prendre le temps nécessaire pour expliquer les choses et faire la pédagogie qui convient. C'est le moindre des respects.

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Sébastien Lecornu, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre chargé de la transition écologique et solidaire

Les territoires démonstrateurs seront choisis en 2018, deuxième année du quinquennat. ; la généralisation sera envisagée en 2019. Il me semble que nous sommes sur un bon rythme, sachant par ailleurs que les dispositifs existants perdurent, le tuilage étant envisagé à un horizon de trois à quatre ans. Pour une fois, on prend de l'avance et on garantit une certaine prévisibilité, c'est plutôt une bonne chose.

L'équilibre entre l'urbain et la ruralité est crucial. Je suis un élu municipal urbain, mais un élu départemental rural : je saisis donc parfaitement la problématique. Nous y ferons particulièrement attention dans le choix des quinze à vingt territoires démonstrateurs. Quelque chose me dit que les choses sont parfois plus simples en milieu rural : lorsque quelques acteurs – le président du conseil départemental, un président de Chambre d'agriculture extrêmement motivé, un préfet un peu allant – se mettent d'accord, cela donne rapidement des résultats tout à fait significatifs en milieu rural, alors que c'est parfois plus long dans le monde urbain car il y a plus d'acteurs à convaincre et à réunir autour de la table. En matière d'énergies renouvelables par exemple, certains départements ont rapidement fait le lien entre production d'énergies renouvelables et agriculture – par méthanisation ou installation de panneaux photovoltaïques sur les bâtiments d'élevage. J'ai l'exemple de la Corrèze en tête, mais il y en a d'autres : ce que j'y ai vu est tout à fait saisissant.

Encore faut-il éviter de partir dans tous les sens : je veux faire du circuit court, de la performance énergétique des bâtiments, de l'éco-mobilité en milieu rural, et ceci, et cela, etc., et en plus avec peu de moyens. Nous connaissons ces difficultés dans tous les outils de contractualisation : qui dit finances dit choix. D'ailleurs, j'y reviendrai monsieur Pancher, qui dit ingénierie interne dit également choix. Il faut donc hiérarchiser. Mais il me semble que les élus ruraux hiérarchisent souvent plus rapidement que les élus urbains, si j'en crois mon expérience de président de conseil départemental.

Sur le nucléaire, je ne pourrai pas mieux vous répondre sur la revitalisation. Je partage le constat de M. Wulfranc – je partage souvent ce que dit le député Wulfranc, probablement par amitié normande, même si beaucoup d'autres choses nous séparent. Delphine Batho avait commis un rapport sur le sujet : les mutations liées à l'automobile seront chronologiquement plus « urgentes » que d'autres. Suite aux annonces de la COP21 et de la COP23, c'est le monde automobile qui va connaître de grandes mutations, avant même les centrales nucléaires – nous avons pu le constater avec le député Millienne dans sa circonscription, à Flins.

À ce propos, la question de Fessenheim sera importante : ce sera le démonstrateur qui permettra de prouver notre capacité collective – celle d'EDF, des collectivités territoriales, de l'État, avec le concours des Allemands car le territoire est frontalier – à amorcer une revitalisation. J'ai commencé le cycle des réunions de concertation ; l'année prochaine, je serai amené à vous en présenter les résultats puisque je suis chargé de la fermeture de Fessenheim.

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C'est bien noté, monsieur le secrétaire d'État.

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Sébastien Lecornu, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre chargé de la transition écologique et solidaire

S'agissant de la libération des énergies renouvelables, je le redis : nous menons actuellement une série de travaux sur le modèle économique comme sur les aspects réglementaires. Nicolas Hulot et le Premier ministre m'ont demandé de présenter une feuille de route sur ce sujet début 2018.

Alors que ce n'était pas le cas par le passé, les énergies renouvelables sont devenues économiquement compétitives et permettent de produire de l'électricité à un prix comparable. Ainsi, pour la première fois, le parc éolien offshore déployé en mer du Nord ne bénéficie d'aucune subvention publique, le projet étant économiquement à l'équilibre. Reste à adapter nos normes et nos procédures, parfois encore un peu complexes.

Pour ce qui est du choix des territoires pilotes, monsieur Millienne, l'État a encore quelques outils d'aménagement du territoire, et c'est heureux. L'idée est de faire ce choix en coconstruction ; et mine de rien, les services de l'État, avec les TEPCV, ont bien vu comment cela fonctionnait dans les territoires… Qui plus est, pardon de le dire, il faut être deux. Nous ne sommes pas dans de l'appel à projet du genre : « Bonjour, venez faire un contrat »… C'est plutôt un appel à manifestation d'intérêt : nous examinerons les dossiers de tous ceux qui sont candidats. Mais je suis attaché à la diversité des panels, pour les quinze à vingt territoires démonstrateurs. Si on le fait seulement là où les choses fonctionnent bien et non là où c'est un peu plus compliqué, on nous dira que notre truc n'est pas généralisable. De même si on ne le teste pas outre-mer, on ne manquera pas de nous le reprocher. Il est fondamental d'avoir un bon échantillonnage : le succès même de l'opération en dépend. Cela passe aussi par des interlocuteurs motivés en face : élus locaux et monde économique. Il faudra donc faire des choix, et ils ne sont absolument pas arrêtés aujourd'hui. Ce qui compte pour moi, c'est la doctrine et les financements. Il faudra choisir ces territoires, sans trop se presser d'ailleurs, comme l'a dit M. Pancher, tout au long de l'année 2018.

S'agissant de l'évaluation, j'en ai parlé dans mon introduction. L'échec est facile à voir : quand on met beaucoup d'argent sur la table, on se rend vite compte si c'est « tout ça pour ça ». Tonnages de CO2, mètres carrés, je n'y reviens pas : il y a mille manières de mesurer.

Enfin, puisque le Président de la République et le Premier ministre ont choisi la stabilité en matière de régions et départements, nous n'allons pas commencer, à la faveur des contrats de transition écologique, à mettre en concurrence les compétences des uns et des autres. Chacun a des compétences en matière environnementale ; chacun est propriétaire de bâtiments publics : la performance énergétique du lycée pour le conseil régional, du collège pour le conseil départemental et du groupe scolaire du coin pour la commune, c'est le même enjeu… On ne peut pas non plus traiter de biodiversité en se passant des conseils départementaux : ils ont les espaces naturels sensibles dans leurs compétences, avec leur ingénierie, ils reçoivent à cet effet de la fiscalité affectée, et en bonne quantité… Il serait idiot de commencer à contrarier les élus départementaux là où ils peuvent apporter quelque chose. De même que les élus régionaux sur tout ce qui touche aux transports et à l'éco-mobilité.

Monsieur Pancher, vous souhaitez me voir très régulièrement pour faire état de l'avancée des contrats : je suis à la disposition du Parlement, c'est Mme la présidente Pompili qui décide quand je viens…

Je n'irai pas dire qu'on a gâché de l'argent public sur les TEPCV – M. Bouillon m'en voudrait vraiment –, mais seulement que le niveau d'exigence s'est relâché vers la fin. N'allons pas jouer le rôle de syndicalistes défenseurs des élus locaux : nous en connaissons tous, nous en sommes parfois, vous en avez tous dans vos circonscriptions… Mais un plan de remplacement d'ampoules dans une collectivité méritait-il vraiment d'être appelé « territoire à énergie positive pour la croissance verte », avec un bureau instructeur au ministère, des préfets, des secrétaires généraux aux affaires régionales (SGAR) pour gérer cela ? M. Pancher n'a pas tort : il s'est produit une certaine fuite en avant sur ces projets, au demeurant très inégaux. Je me fais d'ailleurs le porte-voix des élus locaux qui se sont lancés dans des projets très ambitieux, sont passés les premiers, ont essuyé les plâtres avec courage et constance, et qui ont été sidérés en découvrant à quel point le niveau d'exigence s'est relâché sur la fin. Je ne serai pas plus polémique ; j'ai été un peu brutal l'autre jour en séance de questions au Gouvernement et je vous en demande pardon, mais quand j'entends l'ancienne ministre faire la leçon à l'actuel Gouvernement sur le financement, j'avoue avoir du mal à garder mon calme…

Vous avez également mille fois raison, monsieur Pancher, de dire que les problèmes d'ingénierie des collectivités territoriales sont un véritable enjeu. C'est tout l'objet de l'Agence de la cohésion des territoires telle qu'elle est imaginée par le Gouvernement, et c'est tout le sens aussi de l'évolution de certains outils de l'État tels que le Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (CEREMA). Par ailleurs, le président de la Fédération des entreprises publiques locales, ici présent, ne me contredira pas quand j'ajoute que c'est aussi l'objet de la promotion des outils nouveaux que le législateur a imaginés ces dernières années, sociétés d'économie mixte (SEM) et sociétés publiques locales (SPL). Quand un projet très ambitieux est développé dans un territoire, il faut imaginer l'outil que l'on peut créer le temps de la promotion de ce projet : c'est là que l'État peut avoir un rôle à jouer pour l'accompagner. Or cela n'a pas été suffisamment fait, par exemple dans la résorption des friches militaires : lorsque l'armée s'est désengagée de toute une série de sites, on a souvent laissé la propriété foncière de la base aérienne du coin aux élus locaux sur le mode « débrouillez-vous », avec un peu d'argent issu des contrats de redynamisation de sites de défense (CRSD), mais pas suffisamment d'accompagnement d'ingénierie.

J'ajoute que l'adaptation des normes fait également partie de la réponse au monde rural : c'est souvent là qu'il est le plus compliqué de monter des dossiers et de se confronter à la gestion du contentieux. Quand un permis de construire est attaqué, c'est la commune qui paye les frais de justice. L'adaptation et la prévisibilité réglementaires permettent d'améliorer les choses.

Monsieur Bouillon, je vous ai rassuré sur le respect de la signature de l'État pour les TEPCV. Autant je peux être critique, autant je reconnais que cet outil a permis de créer un bon appel d'air. Il a permis aussi une forme de mutation culturelle dans l'esprit des élus locaux, qui ont découvert que le Président de la République et le Président des États-Unis d'Amérique ne sont pas les seuls à avoir la réponse en matière climatique : le maire d'une commune de 500 habitants a lui aussi un rôle à jouer. Les TEPCV ont accompagné le changement des mentalités et cela mérite d'être rappelé. Quand le maire d'une commune rurale a réalisé des travaux de rénovation de son école pour améliorer sa performance énergétique et que la facture en est réduite de 30 ou 40 %, le premier bénéficiaire est le budget communal et cela se voit tout de suite. C'est un bon moyen d'intéresser le monde rural.

Cela vaut aussi pour les énergies renouvelables. J'ai eu le plaisir, il y a deux mois en Vienne, d'annoncer au nom du Gouvernement que le tarif d'utilisation des réseaux publics d'électricité (TURPE) prenait en charge, par exemple, 40 % du raccordement d'un méthaniseur sur le réseau par un agriculteur. Cela permet soit d'aller chercher le réseau plus loin soit d'augmenter la rentabilité du modèle économique du méthaniseur. Une commune rurale qui installe des panneaux photovoltaïques sur le toit de son école bénéficie aussi de cette mesure. Les énergies renouvelables sont pour le coup un bon moyen de créer des recettes pour les communes. Nous faisons beaucoup de choses pour la ruralité mais elles passent parfois inaperçues à cause des difficultés de l'ingénierie.

Madame Panot, vous vous demandiez si les contrats allaient déroger à la pénurie financière – vous vouliez sûrement dire : au bon équilibre budgétaire. Les quinze à vingt contrats prévus l'an prochain, entre la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR), la dotation de soutien à l'investissement local (DSIL), les crédits des agences de l'eau, de l'Agence française pour la biodiversité (AFB), de la Caisse des dépôts, ne poseront aucun problème de financement. De toute façon, un élu local ne partira pas dans tous les sens car jamais un projet n'est financé à 100 % : la loi prévoit toujours un reste à charge pour le maître d'ouvrage. Tout s'équilibrera donc avec beaucoup de rationalité. Quand nous passerons à la généralisation, il faudra bien sûr faire des choix budgétaires et reventiler les dispositifs, entre ceux que nous arrêterons et ceux que nous aurons généralisés ; à ceci près que nous aurons entre-temps énormément simplifié les choses. Aujourd'hui, les crédits et budgets en matière écologique sont partout, et c'est ce qui est infernal pour un maire : quand il reçoit l'autorisation de l'agence de l'eau pour réaliser des travaux, il n'a pas encore celle de la Caisse des dépôts ou celle du préfet. En outre, l'enjeu, pour les élus locaux, n'est pas tant les montants que la pluriannualité : un projet important est généralement à cheval sur plusieurs années budgétaires or l'autorisation du préfet pour la DSIL, par exemple, arrive souvent tardivement alors que le maire est obligé d'aller très vite dans l'annualité budgétaire pour lancer les travaux. Les contrats présentent en plus l'intérêt de donner de la lisibilité sur au moins trois ans ; pour un élu, un chef d'entreprise, un responsable d'association, cela change tout.

L'adaptation des normes n'est envisageable que si elle fait l'objet d'un consensus, y compris avec les associations environnementales. Je le redis, et les associations environnementales elles-mêmes nous le disent : ce sont parfois les normes destinées à protéger l'environnement qui freinent de bons projets pour l'environnement. On le voit bien sur les énergies renouvelables, et tout récemment encore avec ce report d'un parc éolien.

Monsieur Wulfranc, j'ai déjà défloré le sujet du diesel : Bruno Le Maire va bientôt installer un groupe de travail sur le sujet, en lien avec Nicolas Hulot, car le monde automobile connaît en effet des mutations profondes.

Le calendrier de mise en oeuvre des contrats de transition énergétique va-t-il assez vite ? Cela ne va jamais assez vite, je suis le premier à le penser, mais il faut néanmoins, pour que ce soit un succès, que nous prenions notre temps. Les contrats sont quelque chose de nouveau qui va, pour l'instant, se juxtaposer avec l'existant, avant peut-être une généralisation qui remplacera l'existant, mais nous n'en sommes pas encore là.

J'ai également répondu sur le rôle des régions. On en a besoin mais il faut faire attention à ne pas vouloir tout et son contraire. La situation dans la métropole rouennaise est un peu particulière mais, sur le terrain, les régions paraissent souvent bien lointaines pour les élus ruraux. Ce sera le rôle de l'État, monsieur Bouillon, de s'assurer que tous les acteurs s'assoient autour de la même table.

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Merci pour ces réponses précises.

Nous passons aux questions d'une minute.

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Monsieur le secrétaire d'État, vous avez déjà parlé de Rev3 ; je vous parlerai de la communauté de communes de Flandre Intérieure, engagée dans la transition écologique. La CCFI présente son plan climat-air-énergie territorial (PCAET) vendredi et nous aurons samedi un salon de la réduction des déchets dans une petite commune. Nous avons la plus grande centrale solaire des Hauts-de-France, à Merville, de la méthanisation, des bières bio… Autant d'initiatives, autant d'interlocuteurs. Les contrats de transition écologique pourront-ils servir à les articuler toutes ?

Vous avez parlé de formation ; c'est ma deuxième préoccupation car j'ai passé vingt ans dans l'éducation nationale. Est-il possible d'envisager des volets pédagogiques dans ces contrats ? La transition passe aussi par les enfants ; or il est difficile de financer des projets pédagogiques dans les établissements.

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Tout d'abord, merci, madame la présidente, d'avoir pris l'initiative d'envoyer une délégation de notre commission à la COP 23, ce qui affirme avec force notre rôle dans cette assemblée.

Monsieur le secrétaire d'État, je ne doute pas que le fait d'avoir été maire et président de département vous a permis d'acquérir une certaine expérience et vous conduit à faire du développement non un jardin à la française mais un costume parfaitement sur mesure pour chacun des territoires. Je vous remercie d'avoir rappelé l'importance de l'économie mixte dans les territoires ruraux. Vous avez évoqué 75 millions d'euros et vingt projets pour 2018 ; est-ce à dire que l'ordre de grandeur d'un contrat sera de l'ordre de quelques millions d'euros ? Le problème est souvent celui des taux : l'initiative des taux reviendra-t-elle aux territoires ou sera-t-elle le résultat d'une contractualisation avec l'ensemble des partenaires ? Par ailleurs, qui présidera le comité de pilotage que vous avez évoqué ? Enfin, pouvez-vous confirmer le lieu de la prochaine conférence des territoires le 14 décembre ?

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Les contrats de transition écologique font suite aux TEPCV qui ont eux-mêmes succédé aux agendas 21. L'État s'était engagé sur 554 TEPCV avec une sous-budgétisation évaluée à 350 millions d'euros, ce qui laisse craindre que de nombreuses conventions signées avec l'État ne se retrouvent gelées ; certains acteurs territoriaux redoutent que les projets de TEPCV qui ne seront pas prêts à temps soient abandonnés. Pour les collectivités territoriales, quelle continuité existe-t-il entre les agendas 21, les TEPCV et les contrats de transition écologique ? Dans un besoin de vision à long terme et de stabilité, les changements successifs de programmes ne représentent-ils pas un frein pour les collectivités territoriales ? Enfin, j'ai noté l'importance de la temporisation, notamment pour les EPCI.

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Dans le cadre du plan climat-air-énergie, miser sur l'initiative locale pour la mise en place de la transition énergétique paraît être une solution pertinente pour l'ensemble des territoires, tout comme l'idée de passer d'un système d'appels d'offres à des contrats de territoire. Cela dit, je pense que la problématique se décline en trois points : la simplification, la simplification et la simplification des procédures administratives… Tant que nous n'aurons pas travaillé à cette simplification, nous aurons beau tout espérer pour nos territoires, nous resterons aux prises avec les pires inerties – vous le savez très bien, monsieur le secrétaire d'État, puisque nous avons inauguré ensemble à Saint-Nazaire une éolienne flottante qui est un bijou de technologie et de transition énergétique.

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La France est en marche vers une société plus durable, une société qui a compris qu'il était possible d'allier développement écologique et économique. Les contrats de transition écologique en seront la preuve et permettront de continuer sur la bonne voie. Après votre exposé préliminaire, je souhaite avoir plus d'informations sur la reconversion des salariés dans les territoires qui connaîtront une transformation de leurs industries, par exemple ceux ayant une centrale à charbon. Permettre aux territoires de connaître une nouvelle dynamique est important, mais n'oublier personne sur la route est tout aussi primordial. Pouvez-vous nous en dire plus sur l'accompagnement concret pour les salariés et leurs familles dans ces territoires de transition ?

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Sébastien Lecornu, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre chargé de la transition écologique et solidaire

Merci, madame de Temmerman, pour votre accueil à Rev3 : nous avons pu constater à quel point tout cela était validé et non virtuel.

Oui, il faut articuler l'ensemble des outils et des acteurs, et les contrats y contribuent puisqu'ils obligent à une circulation des informations et à la mise en commun des financements, des objectifs comme de l'obligation de résultat.

Jean-Michel Blanquer est favorable à la formation et aux projets pédagogiques. J'ai donné l'exemple, géographiquement lointain, de Wallis-et-Futuna. Il est évident que l'éducation nationale doit être d'une manière ou d'une autre partie prenante de ces contrats.

Les 75 millions d'euros, monsieur Sermier, sont destinés à abonder les crédits affectés aux TEPCV : ce n'est pas la somme dédiée aux contrats. Le taux de contractualisation doit aussi faire l'objet de la négociation. Si un territoire dit qu'il n'a qu'une priorité, par exemple l'éco-mobilité – cela peut aller de l'installation de bornes pour véhicules électriques par le syndicat d'électricité du coin, à un grand projet de tramway dans une métropole –, nous n'allons pas lui imposer de se disperser. Par ailleurs, il existe pour certains crédits d'intervention, comme ceux de l'AFITF – une base légale pour la clé de répartition. Inversement, sur les crédits DE type DETR, c'est à la main du préfet et beaucoup plus souple.

C'est moi qui présiderai les premiers comités de pilotage. Je veux m'assurer que cela fonctionne bien, que l'ensemble des services de l'État sont mis en tension, et j'expliquerai au monde économique ce que nous attendons. Ensuite, ce sera soit les préfets soit une équipe dédiée à la négociation des contrats en lien avec les préfectures. Ce n'est pas encore complètement arrêté ; je me ferai une opinion par moi-même dans les premiers temps.

La seule chose que nous demandons aux TEPCV, madame Luquet, c'est ce qui était écrit dans la convention : des actions doivent avoir été engagées avant le 31 décembre. Ce n'est pas le Gouvernement qui l'exige, mais ce qui était indiqué dans la convention signée par les maires. Là aussi, nous faisons preuve de souplesse : nous avons indiqué aux préfets que cet engagement pouvait prendre des formes très simples : des travaux en régie, un début d'un marché public, des bons de commande… J'entends dire ici ou là que l'État veut coincer les collectivités et leur couper les ailes ; ce sont là des procès d'intention injustes. La bonne foi du Gouvernement est établie. Si des difficultés se présentent dans vos territoires, n'hésitez pas à nous les faire remonter.

S'agissant du lien avec les agendas 21, si cela fonctionne, on le garde et on s'en sert comme une base de négociation pour le contrat ; on ne va pas tout recommencer. Quand on a un PCAET qui fonctionne, avec des fiches d'action, on ne demande pas au territoire de réinventer quelque chose.

Je suis d'accord avec vous, madame Auconie : simplification, simplification, simplification… On n'y insistera jamais assez. Vous avez raison, Floatguen est un bon exemple de démonstrateur. La méthanisation est également un sujet à creuser.

L'accompagnement des salariés dans les territoires faisant face à la fermeture d'une centrale à charbon, madame Couillard, fait partie des négociations que nous devons avoir notamment avec EDF et Uniper. Tout n'est pas encore complètement établi sur le rôle de chacun.

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La nouvelle logique de bottom-up dont relèveront les contrats de transition écologique est-elle selon vous un levier suffisant pour contrer les difficultés d'acceptabilité des riverains ? Quels sont les autres leviers envisagés par le Gouvernement ?

Les TEPCV seront-ils prioritaires pour l'expérimentation des contrats de transition écologique ? Enfin, pouvez-vous préciser les points d'assouplissement que vous allez proposer dans la circulaire concernant les TEPCV ?

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J'ai bien entendu, monsieur le secrétaire d'État, votre volonté de faire de ces nouveaux contrats des contrats adaptables, appropriés à chaque situation, à chaque territoire, passant du prêt à porter au costume sur mesure ; j'espère cependant que vous ne ferez pas dans la haute-couture réservée à quelques privilégiés.

Quid des financements des TEPCV ? Vous avez voulu être rassurant, mais Nicolas Hulot a adressé début octobre une circulaire aux préfets afin de durcir les règles de gestion de ces dispositifs. Quelle est la capacité de l'État à accompagner les collectivités s'étant engagées dans ces programmes, à planifier les dépenses sur les trois années prévues dans les conventions et à inscrire les crédits nécessaires à nos budgets ? Rassurez les territoires ruraux, monsieur le ministre.

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Dans le cadre de sa politique de transition écologique, le Gouvernement a programmé pour 2040 la fin de l'extraction d'hydrocarbures de notre sous-sol – décision conforme à nos convictions puisque l'Assemblée a adopté en première lecture le projet de loi mettant fin à la recherche ainsi qu'à l'exploitation d'hydrocarbures. Son adoption définitive est la suite logique des accords de la COP 21 et fera de la France le premier pays au monde à interdire la recherche et l'exploitation d'hydrocarbures sur son territoire. Cela implique cependant d'importantes conséquences au plan économique, fiscal et social dans certains territoires, dont celui de Parentis-en-Born, petite commune du nord des Landes de 6 000 habitants, où la société canadienne Vermilion, fortement implantée, a permis la création de 400 emplois, dont 300 directs. Afin de ne pas fragiliser tout un territoire, le Gouvernement est-il prêt à s'engager de manière volontariste dans les mois à venir pour mettre en oeuvre un contrat de transition écologique en vue d'amortir la fin programmée pour 2040 de la production de pétrole et prendre des mesures concrètes pour préparer ce site et les salariés à leur reconversion ?

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Je souhaite mieux cerner le contour de ce nouveau dispositif, d'ailleurs séduisant de prime abord. Dans les contrats de transition écologique, vous faites un point fort de la simplification des normes. Je vis dans un territoire où existe un fort enjeu de mobilisation de la ressource en eau : les sécheresses récurrentes témoignent des difficultés posées à l'agriculture familiale. Un projet à l'échelle d'un EPCI ou d'un département visant à développer la petite hydraulique agricole, c'est-à-dire de petites retenues collinaires à l'échelle des exploitations familiales, pour l'irrigation en zone de montagne ou en zone de pente, pourrait-il être éligible à un contrat de transition écologique, sachant que les contraintes administratives pénalisent ce type d'équipements ?

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Comme l'ensemble de mes collègues, je pense que la contractualisation avec les collectivités territoriales, instaurée par le Gouvernement dans la loi de programmation des finances publiques, est une bonne méthode. Il faudrait également le faire pour le logement social…

Monsieur le secrétaire d'État, je crois que vous avez été particulièrement inspiré par votre visite dans le Nord pour élaborer la doctrine de l'État concernant les contrats de transition écologique. Les Hauts-de-France sont une région de tradition industrielle ; la troisième révolution industrielle qui, à l'initiative du président Xavier Bertrand, a associé les collectivités et les acteurs économiques – chambres de commerce et d'industrie notamment – s'appuie sur des outils de financement originaux. D'ores et déjà, huit cents projets ont été labellisés et les créations d'emplois s'élèvent à plusieurs milliers.

Comptez-vous fixer des objectifs de création d'emplois dans les futurs contrats ? L'aspect transformation numérique y sera-t-il intégré, comme dans les Hauts-de-France ? J'insiste enfin sur l'importance d'un guichet unique pour que les contrats soient lisibles et faciles d'accès.

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Sébastien Lecornu, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre chargé de la transition écologique et solidaire

Madame Maillart-Méhaignerie, il y a beaucoup de questions à l'intérieur de votre question… Vous m'interrogez sur l'acceptabilité des projets ; je prendrai le cas du Grenelle de l'environnement dont on vient de fêter les dix ans : s'il y a bien une méthodologie qui a permis de mettre tout le monde autour de la table et d'aboutir à un consensus, c'est bien le Grenelle de l'environnement. Quelque chose qui a été faisable au niveau national doit l'être au plan local. Comme je l'ai déjà dit, il faut associer tout le monde en amont pour éviter de se heurter ensuite à des problèmes et des contentieux, comme c'est le cas avec les éoliennes.

Vous m'interrogez également sur la liaison entre les TEPCV et les territoires d'expérimentation des contrats de transition écologique. Comme pour l'Agenda 21 et les PCAET, il n'y a pas de lien en tant que tel au sens juridique, mais il est évident que des territoires qui ont déjà mis de l'argent, des moyens et de l'ingénierie dans du diagnostic, dans des débuts d'action ou au contraire n'ont pas pu financer certaines actions, pourront se servir des contrats pour les faire repartir. Une innovation pousse l'autre ; nous avons connu les mêmes mutations dans le domaine de l'urbanisme.

La simplification des procédures fait partie des enjeux de travail du Parlement. Plusieurs pistes sont sur la table, comme la question des seuils, de l'octroi de dérogations, des objectifs de résultat, ou encore une autorisation a posteriori plutôt qu'a priori, avec un inspecteur de la direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL) accompagnant, dans la mesure du possible, les choses au quotidien.

Monsieur Bony, je vous renvoie à la réponse que j'ai faite tout à l'heure sur la circulaire envoyée aux préfets par le ministre Nicolas Hulot.

Madame Lasserre-David, vous m'interrogez sur l'impact qu'aura la future loi sur l'interdiction de l'exploitation des hydrocarbures dans les territoires ; il faudra se pencher sur cette question dans le temps et la tranquillité. Je ne serais pas honnête, vis-à-vis par exemple de M. Hubert Wulfranc ou d'autres députés concernés par la question automobile, si l'on ne regardait pas la situation dans leur territoire. Vous me demandez si votre territoire bénéficiera l'année prochaine d'un contrat de transition écologique : je ne le sais pas. À la question de savoir si votre territoire fait partie de la cible pour avoir un contrat, la réponse est oui. Il faut aussi discuter avec les industriels qui font de l'exploration et de l'exploitation des gisements hydrocarbures pour savoir comment eux-mêmes envisagent les mutations.

Monsieur Brun, vous me demandez si un projet visant à développer la petite hydraulique agricole pourra être éligible à un contrat de transition écologique. Je vous répondrai que tout dépend de l'exigence écologique que vous définissez. S'il est exemplaire d'un point de vue écologique et qu'il a par exemple des vertus en matière d'innovation, c'est typiquement l'objet du contrat. Tout cela participe très utilement à la question de la gestion des eaux qui sera, après l'énergie, l'autre sujet fondamental des territoires.

Monsieur Bricout, je vous remercie pour vos propos sur Rev3. Effectivement, Xavier Bertrand accompagne et accélère bien les choses. Il faut aussi rendre hommage au président Percheron pour son intuition et les quelques initiatives qu'il a prises en la matière, ainsi qu'au monde consulaire et en particulier à Philippe Vasseur.

Vous me demandez s'il faut fixer des objectifs en matière d'emplois ; je me méfie de cela. C'est plutôt aux entreprises qui participeront aux contrats qu'il reviendra de définir les objectifs. D'ailleurs, et vous êtes bien placé pour le savoir, ce ne sont pas les politiques mais la chambre consulaire qui communique sur le nombre d'emplois créés dans le cadre de Rev3 : c'est elle qui connaît les carnets de commandes, les logiques de développement des entreprises, etc. Par contre, vous avez eu raison de rappeler, et je vous prie de m'excuser de ne pas l'avoir fait dans mon propos liminaire, que la transition écologique s'accompagne bien évidemment de la transition numérique et que les deux sont nécessaires pour engager des mutations profondes dans les territoires. Rev3, c'est tout autant du numérique que de l'écologie.

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Les contrats de transition écologique sont une formidable opportunité pour nos territoires de démontrer leur capacité à s'inscrire durablement dans le plan climat. Pour ce faire, vous proposez la contractualisation des projets entre l'État et nos territoires, contractualisation qui pourrait être, à l'avenir, vecteur d'efficacité et de réussite.

Après les problèmes liés au manque de financement du dispositif TEPCV, la question du financement de ces contrats est essentielle. Les collectivités, les entreprises et les associations ont besoin que le financement de ces contrats soit sécurisé. Même si l'État apporte un soutien financier important, celui-ci ne suffira pas à lui seul à atteindre les objectifs fixés. Pour cela, vous avez annoncé et encouragé parallèlement la levée de financements privés. Comment garantir un financement sécurisé et faciliter des financements privés ?

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Hier, le Premier ministre a confirmé le retard de la France en matière d'énergies renouvelables. « La mer, c'est une formidable énergie, c'est surtout du retard, un retard qui, au pays de l'usine marémotrice de la Rance, fait un peu désordre », a-t-il dit. Il a raison d'évoquer ce fleuron de notre industrie construit, je vous le rappelle, sous le général de Gaulle et qui est resté jusqu'en 2011 l'usine marémotrice la plus puissante du monde. Aujourd'hui, le marémoteur se relance outre-Manche, avec des projets durables aux multiples avantages. Comment allez-vous y travailler ?

Hier également, l'Agence française pour la biodiversité a annoncé qu'elle reportait sine die sa décision concernant le projet d'éoliennes en mer au large du Tréport et de Mers-les-Bains. Pouvez-vous nous donner les raisons de ce report et nous indiquer si l'avis du parc naturel marin sera respecté, comme l'AFB s'y était engagée ?

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Je suis dans un territoire qui est déjà bien engagé en termes de transition écologique : on y recense 220 éoliennes en fonction ou en cours de construction, et deux unités de méthanisation en fonction. Mais aujourd'hui, cela commence à bloquer : la population résiste, pour plusieurs raisons. S'agissant de l'énergie éolienne, cent projets sont encore en instruction ; or on a l'impression que le développement se fait de façon un peu anarchique. Quant aux projets de méthanisation agricole, ils ne nécessitent pas de concertation avec la population. Mais faute d'être correctement informée, elle est vent debout contre ces projets. Il conviendra donc que les nouveaux contrats de transition écologique prévoient une implantation géographique de l'éolien et de la méthanisation.

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Je suis élu d'un territoire d'outre-mer qui n'est pas connecté puisqu'isolé par les océans. Nous importons notre énergie par la mer, qu'il s'agisse du fioul ou du charbon. Bien évidemment, nous essayons de progresser vers une énergie durable et de nouvelles énergies grâce aux nouvelles technologies. Mais ce souhait se heurte à bien des difficultés. Des difficultés techniques : il faut savoir par exemple que les réseaux d'EDF ne peuvent supporter plus de 30 % de charges intermittentes. Des difficultés juridiques : à cause des schémas d'aménagement, les implantations ne peuvent pas se faire n'importe où sur le territoire. Des difficultés financières enfin : il faut savoir que la Commission de régulation de l'énergie (CRE) dont EDF est un partenaire essentiel ne peut acheter une énergie à n'importe quel prix. Quel est l'interlocuteur capable de régler tous ces problèmes à la fois ? Vous vous doutez bien qu'il faudra énormément de temps pour surmonter tous ces obstacles dans le cadre de ce que j'appellerai un contrat de cohérence écologique.

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Monsieur le secrétaire d'État, je serai brève car vous avez répondu à la plupart des questions que je souhaitais vous poser. Une fois ces contrats conclus, quel suivi sera mis en place afin de savoir si les objectifs fixés sont en phase d'être atteints ?

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Monsieur le secrétaire d'État, vous avez évoqué le volet public des futurs contrats de transition écologique et souligné l'effort de simplification indispensable.

Comment assurer la transition entre les contrats actuels – TEPCV, contrats de ruralité, Agenda 21, c'est-à-dire ceux dans lesquels les collectivités ont engagé des moyens – et les futurs contrats de transition écologique ? Dans ce domaine comme dans d'autres, les élus locaux ont besoin de stabilité dans le temps des dispositifs, et j'ai bien entendu votre engagement en la matière.

Vous avez indiqué que vingt territoires pilotes démonstrateurs seraient retenus à titre expérimental en 2018. Je ne peux m'empêcher de les mettre en regard des quelque 500 territoires qui ont signé un TEPCV, en insistant sur la nécessité de correctement dimensionner ces futurs contrats afin de répondre au souhait que pourraient exprimer des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) de taille modeste, notamment en milieu rural, de s'inscrire dans ce dispositif.

Un mot sur les TEPCV…

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J'ai entendu votre engagement de souplesse. Si le dispositif doit porter ses fruits, je crains tout de même qu'une régulation doive intervenir. Dans ce cas, quels critères seraient retenus ?

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Par solidarité montagnarde, je vais compenser le dépassement de temps de parole de mon collègue Descoeur.

La qualité de l'air sera-t-elle une priorité de ce nouveau dispositif ? Les territoires qui ont actuellement un plan de protection de l'atmosphère (PPA) seront-ils bien prioritaires ?

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Sébastien Lecornu, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre chargé de la transition écologique et solidaire

Monsieur Haury, vous demandez comment garantir un financement sécurisé pour les contrats au regard de ce qui s'est passé pour les TEPCV. S'il ne faut pas reproduire la méthode, parce que ce n'est pas la bonne, il n'en demeure pas moins que la parole de l'État sera tenue en ce qui concerne les TEPCV.

Par ailleurs, il conviendra que le Gouvernement fasse preuve de sincérité budgétaire et que le Parlement soit beaucoup plus rigoureux en ce qui concerne les crédits qu'il vote. Lors de l'examen du projet de loi de finances, j'ai été un peu rude avec certains de vos collègues qui passent leur temps à ne regarder que les autorisations d'engagement et jamais les crédits de paiement. Dans une collectivité territoriale, c'est le compte administratif qui fait foi, non le budget primitif ; c'est forcément pareil dans le budget de la nation. Nous avons un devoir commun de rigueur et de sincérité budgétaire. Qui plus est, le recours à de l'argent privé avec la présence d'entreprises, ou à des crédits de la formation professionnelle gérés par les partenaires sociaux obligera d'autant plus à un véritable sérieux sur le sujet.

Monsieur Maquet, vous m'interrogez sur le projet d'éoliennes au large du Tréport ; ce dossier un peu hors sujet par rapport aux contrats de transition écologique, mais on sait à quel point le développement de l'énergie éolienne en mer est important pour réussir nos objectifs en matière de mix énergétique. On ne peut pas dire, d'un côté qu'il est impossible de sortir du nucléaire d'ici à 2025, et de l'autre ne pas organiser convenablement la libération des énergies renouvelables en respectant les différents usages de la mer. Cela étant, il faut avancer. Je crois savoir que vous participerez prochainement au groupe de travail « éolien », et je vous en remercie.

Monsieur Duvergé, vous avez raison, l'implantation des éoliennes a souvent du mal à être acceptée localement. Cela dépend des territoires. Il en est de même avec la méthanisation. La population découvre souvent à la dernière minute les projets, ce qui n'est plus possible. Nous allons nous pencher, dans le cadre du groupe de travail « éolien », sur l'acceptabilité locale et réfléchir à des pistes techniques, des outils nouveaux, comme le financement participatif. Nous allons ressusciter cette idée très gaulliste de l'intéressement à la participation. S'il y a un projet de parc éolien pas très loin de chez vous, vous pourrez être intéressé à la production d'énergie ; cela devrait améliorer l'acceptabilité locale. Les contrats ne pourront se faire que s'il y a beaucoup de transparence, c'est-à-dire des réunions publiques pour présenter le diagnostic, les fiches action, etc. Pourquoi ne pas s'appuyer aussi sur un site internet dédié pour expliquer le projet et rendre compte de son état d'avancement, comme cela se fait pour Rev3 dont a parlé M. Bricout ? Bref, il est indispensable d'associer les populations à ces contrats.

Monsieur Lorion, vous me lancez sur un sujet dont je pourrais parler pendant des heures… Je me suis entretenu longuement, il y a quelques jours, avec le président Didier Robert. Sans faire d'annonce prématurée, je peux d'ores et déjà vous dire qu'il s'agit d'apporter des réponses sur mesure pour chaque territoire d'outre-mer, notamment dans nos appels à projets sur les énergies renouvelables et, pourquoi pas – en tout cas j'ai donné quelques instructions en ce sens –, un appel à projets sur les énergies renouvelables spécifique à l'île de La Réunion. La transition énergétique y est déjà bien en cours ; on peut aller encore plus loin, notamment sur l'énergie solaire – nous avons quelques idées là-dessus, dont nous avons discuté avec le président Didier Robert. Je me tiens à votre disposition car les outre-mer peuvent constituer de véritables fers de lance pour montrer la voie à la métropole. Mais nous n'ignorons pas que l'insularité crée aussi des difficultés sur lesquelles nous pouvons travailler.

Madame Kerbarh, le contrôle des objectifs est assez facile à faire, et on l'a vu avec les TEPCV. Il faudra se mettre d'accord pour savoir qui mesure – cela pourra se faire à l'aide d'outils numériques. Si vous aviez un objectif de 10 000 mètres carrés de surface de bâtiments en performance énergétique, il sera facile de vérifier si vous avez réalisé 1 000 mètres carrés ou 10 000 mètres carrés et de calculer la baisse d'émissions de gaz à effet de serre que vous aurez obtenue. Tout cela est parfaitement quantifiable. Là aussi, il faudra s'accorder avec les associations, avec le monde local pour garantir toute la transparence sur l'effectivité de la réalisation des objectifs du contrat.

Vous noterez au passage que si l'on se pose ces questions, c'est parce que je parle de « contrats » ; personne ne s'interroge sur l'effectivité des PCAET ou des TEPCV… Pourtant, on pourrait en parler : l'efficacité des PCAET est très inégale d'un territoire à l'autre. Dans certains endroits, c'est devenu un document cadre absolument magique, ambitieux et partagé par tout le monde, alors que dans d'autres ils ont fait la fortune du cabinet d'études qui a écrit le pavé de 400 pages, c'est passé au conseil communautaire et depuis, plus personne n'en entend plus parler ! Pour ma part, je n'ai pas ma langue dans la poche sur le sujet : j'ai été témoin d'un certain nombre de choses…

Monsieur Descoeur, je ne répéterai pas ce que j'ai dit sur l'Agenda 21 et les PCAET. On ne va pas demander à un territoire qui a de l'hydroélectricité, par exemple, de tourner le dos à cette énergie du jour au lendemain. Il y a bien évidemment une continuité.

Je le répète, les contrats de transition écologique n'ont rien à voir avec les TEPCV. Je ne suis pas en train de vous annoncer la suppression des TEPCV. Tout ce qui est en cours dans les territoires et qui correspond au mandat municipal et communautaire va être poursuivi. Je ne connais d'ailleurs pas beaucoup d'élus locaux qui voudraient à tout prix que l'on rajoute une couche maintenant : ils veulent surtout mener à terme et à bien ce sur quoi ils sont engagés.

Les quinze à vingt contrats dont je vous ai parlé sont uniquement des démonstrateurs. Ils sont là pour voir si ce dispositif fonctionne, comment il est vécu outre-mer, ou dans tel et tel territoire. Puis on en tirera les enseignements, y compris sur ce qu'il faut changer du côté des habitudes de l'État, dans les DREAL, les directions départementales des territoires (DDT) et les directions départementales des territoires et de la mer (DDTM). Car on inverse totalement la démarche : auparavant, on demandait d'instruire et d'émettre un avis pour un truc qu'on envoyait à Paris ; dorénavant, c'est Paris qui vous demande d'aller voir les acteurs de terrain pour bâtir le contrat… C'est une vraie révolution interne qu'il faut prendre en compte. Tout cela n'a rien à voir avec le TEPCV, même si bien évidemment on s'en inspire, parce que c'est le même territoire qui est concerné.

Il n'y a pas d'assouplissement des TEPCV ; on revient juste à la convention. Comme je l'ai dit aux sénateurs la semaine dernière, les élus locaux veulent être respectés. Et s'ils veulent être respectés, ils respectent la parole qui était dans la convention. Si l'on n'est pas capable de lancer le projet dans les temps – je rappelle que la fusion des EPCI a parfois freiné certains maîtres d'ouvrage dans leur élan –, ce n'est pas dramatique, mais il est évident que l'État ne peut pas accepter que l'on prolonge d'autant la durée d'engagement. Il faut donc que chacun tienne parole. En tout cas, celle de l'État sera tenue.

Reste une question qui n'est pas totalement tranchée : comment coordonner cela avec les contrats existants qui ne sont pas forcément écologiques mais qui peuvent avoir une portée écologique : contrat de ville, contrat de ruralité ? C'est bien pour cela que je vous propose quinze à vingt démonstrateurs parce que j'ai besoin de voir comment ça fonctionne. Va-t-on se contenter de reprendre les fiches des contrats existants et d'augmenter les participations financières ? L'élu sera content, le territoire aussi. Mais s'agit-il à l'inverse d'aller plus loin en étendant le projet initial sur un périmètre géographique plus vaste ? Seule l'expérimentation nous le dira.

Monsieur Saddier, la qualité de l'air est fondamentale, d'autant que l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME) se lance sur un fonds avec un outil nouveau, lui aussi expérimental. Un plan de protection de l'atmosphère ne déclenchera pas automatiquement un contrat : cela fait maintenant deux heures que j'explique que l'on fera du sur-mesure… Cela étant, cette question est centrale dans les contrats. Comme on revient à l'eau, à l'air, aux énergies, aux mobilités, il est évident que la qualité de l'air est aussi un outil de mesure de l'efficacité de la politique publique sur le terrain. Si vous avez quelques idées sur la question, vous savez où me trouver. (Applaudissements.)

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Merci beaucoup, monsieur le secrétaire d'État, d'avoir pris le temps de nous présenter ces contrats de transition écologique qui sont importants pour nos territoires et pour les politiques que nous voulons mener tous ensemble.

Nous avons pris bonne note que vous étiez à notre disposition pour continuer à discuter sur l'évolution de ces projets, mais aussi sur la transition énergétique en général et notamment le suivi de la centrale de Fessenheim.

Informations relatives à la commission

La Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire a nommé M. Philippe Vigier, rapporteur de la proposition de loi créant une Agence nationale pour la cohésion des territoires (n° 303).

Membres présents ou excusés

Réunion du mercredi 22 novembre 2017 à 9 h 05

Présents. - Mme Sophie Auconie, Mme Nathalie Bassire, Mme Valérie Beauvais, M. Jean-Yves Bony, M. Christophe Bouillon, Mme Pascale Boyer, M. Guy Bricout, Mme Danielle Brulebois, M. Fabrice Brun, M. Stéphane Buchou, M. Lionel Causse, M. Jean-François Cesarini, M. Jean-Charles Colas-Roy, Mme Bérangère Couillard, Mme Yolaine de Courson, M. Vincent Descoeur, Mme Jennifer De Temmerman, M. Jean-Baptiste Djebbari, M. Loïc Dombreval, M. Bruno Duvergé, M. Olivier Falorni, M. Yannick Haury, Mme Sandrine Josso, Mme Stéphanie Kerbarh, M. Jacques Krabal, Mme Florence Lasserre-David, M. Jean-Claude Leclabart, Mme Sandrine Le Feur, M. Stéphane Le Foll, M. David Lorion, Mme Aude Luquet, Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, M. Emmanuel Maquet, Mme Sandra Marsaud, M. Gérard Menuel, Mme Marjolaine Meynier-Millefert, M. Bruno Millienne, M. Adrien Morenas, M. Matthieu Orphelin, M. Jimmy Pahun, M. Ludovic Pajot, M. Bertrand Pancher, Mme Mathilde Panot, Mme Zivka Park, M. Alain Perea, M. Patrice Perrot, M. Damien Pichereau, Mme Barbara Pompili, M. Loïc Prud'homme, Mme Véronique Riotton, Mme Laurianne Rossi, M. Martial Saddier, Mme Nathalie Sarles, M. Hervé Saulignac, M. Jean-Marie Sermier, M. Vincent Thiébaut, Mme Frédérique Tuffnell, Mme Laurence Vanceunebrock-Mialon, M. Pierre Vatin, M. Michel Vialay, M. Philippe Vigier, M. Hubert Wulfranc, M. Jean-Marc Zulesi

Excusés. - Mme Bérangère Abba, M. Christophe Arend, M. Jean-Luc Fugit, M. François-Michel Lambert, M. Thierry Robert, M. Gabriel Serville

Assistaient également à la réunion. - M. Dino Cinieri, M. Pierre Cordier