Étude d'application du règlement relatif à la présence des députés
Session 2010 — 2011

(publication : août 2011)

Regards Citoyens tient à rappeler que cette étude ne constitue pas un « classement des absentéistes de l'Assemblée nationale ». Notre collectif cherche simplement à réaliser le travail de transparence démocratique qui devrait normalement incomber à l'Assemblée nationale.

La liste des députés sanctionnables pour absences le mercredi matin en commission est fournie en annexe de ce rapport pour accréditer les propos développés. La reconstruction de ces données démocratiques a nécessité 5 semaines de travail. Plus de 500 mails ont été échangés avec les députés à partir du 5 juillet pour retracer leur agenda parlementaire et tenter de prendre en compte un maximum d'excuses reconnues valables par le règlement. Malgré ces efforts, certains députés n'ont souhaité réagir qu'après la publication de notre étude, nous la mettons donc naturellement à jour au fur et à mesure en veillant à vérifier les informations communiquées. Les montants totaux ci-dessous sont donc susceptibles de changements.

Nous tenons également à rappeler que les dispositions dont nous étudions les aspects positifs comme négatifs sont définies par le règlement de l'Assemblée que la majorité des sanctionnés ont eux-mêmes voté le 27 mai 2009 (voir la liste des votants et le consensus qui émergeait lors des discussions sur les sanctions).


 Comme l'an passé, Regards Citoyens a mené une étude à partir des données de NosDeputes.fr visant à évaluer les impacts, positifs comme négatifs, de l'application des sanctions encourues par les députés ne participant pas suffisamment aux travaux de l'Assemblée nationale, notamment aux réunions des commissions. Le règlement impose en effet avec ses articles 42 et 159 des sanctions financières sur l'indemnité de fonction des députés manifestant des absences répétées aux réunions de leur commission permanente le mercredi matin ou aux scrutins solennels en hémicycle.

La somme de ces sanctions représenterait 157 268,32 € d'économie possible pour l'Assemblée sur la session 2010 — 2011 :

  • 84 846,79 € correspondant aux sanctions, appliquées par l'Assemblée nationale, dont seraient passibles 95 députés pour leurs absences répétées le mercredi matin en commission (art. 42). Les députés sanctionnés encourent une perte de 355,01 € à 4 615,10 €.
  • 72 421,53 € de sanctions visant 17 députés pour participation insuffisante aux scrutins solennels en hémicycle (art. 159). Ces sanctions ne sont pas appliquées par l'Assemblée d'après nos informations.

Les députés sont parfois plus prompts a réagir auprès des médias qu'auprès des citoyens. Certains députés nous ont ainsi fait part, après la publication de cette étude, d'excuses acceptées par leur commission. Nous intégrons naturellement ces éléments à notre étude progressivement. Les montants totaux ci-dessus sont donc susceptibles de changements.

Sommaire :

Les députés plus assidus en commission

Le premier enseignement de cette étude est une confirmation de la tendance qui se dessinait sur la période 2009 - 2010. Le nouveau règlement adopté en mai 2009 visait notamment à renforcer le poids des commissions, et avait donc été doté de ces sanctions financières relatives à la présence en commission le mercredi matin. Le résultat s'annonce positif puisque la présence des députés en commission a augmenté de manière générale, non seulement fortement le mercredi matin, mais également les autres jours de la semaine. Comme on peut le voir sur le graphique présenté ci-dessous, le nombre moyen de députés présents le mercredi a ainsi doublé entre 2007 et 2011 passant d'environ 23 participants lors de la première session à 49 pour la session 2010 - 2011. Le reste de la semaine, la présence des députés a augmenté de 15 % : ces réunions accueillent désormais 23 députés en moyenne contre 19 en début de législature.

Présence moyenne des députés en commissions permanentes

De la même façon, le nombre moyen de réunions de commissions auxquelles assiste un député a augmenté radicalement depuis l'application du nouveau règlement. Alors qu'en début de législature les députés participaient en moyenne à 17 réunions de commission entre octobre et juin (session ordinaire), ils ont assisté cette année en moyenne à 40 réunions.

Participation moyenne des députés aux commissions

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Médiatisation des députés sanctionnés : un impact positif sur leur présence


Francois Xavier Villain
sur France 3 en juillet 2009

La publication l'an dernier de notre étude sur les sanctions avait créé un petit débat : rendre publique la liste des députés sanctionnés n'avait pas plu à tout le monde et notamment pas à la présidence de l'Assemblée. En nous intéressant d'aussi près à la présence des députés en commission, nous aurions « [contribué] à alimenter l’antiparlementarisme ». Un an après cette publication, nous pouvons évaluer l'impact de la médiatisation des députés cités dans notre étude.

Les députés qui avaient eu l'occasion de commenter l'été passé notre étude se sont montrés dans l'ensemble plus assidus aux réunions de leurs commissions respectives le mercredi matin. Ainsi François-Xavier Villain, député le plus sanctionné l'année passée, n'écope plus que d'une seule sanction financière contre 6 l'an dernier. Quand à Jérôme Bignon, Yves Jego, Marie-José Roig ou David Douillet (député jusqu'en juillet), qui avaient profité d'une certaine visibilité médiatique en juillet 2009, aucun d'entre eux n'est à nouveau sanctionnable cette année. Plus largement, seuls 35 % des députés sanctionnables l'année dernière le sont à nouveau cette année.

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Des sanctions financières à moitié appliquées

Si l'application des sanctions définies au nouvel article 42 du règlement sur la présence en commission a pu être vérifiée et confirmée par plusieurs députés et notamment la présidence de l'Assemblée, un autre mécanisme de sanctions financières existe depuis de nombreuses années sans jamais avoir été appliqué. Défini à l'article 159, celui-ci mesure la participation aux scrutins solennels en hémicycle et sanctionne les députés ayant participé à moins des deux tiers des scrutins.

Plus lourdes pour les députés, ces dispositions prévoient des retenues du tiers des indemnités de fonctions annuelles (4 260 €), voire des deux tiers. D'après notre étude, seule la sanction la plus légère serait encourue cette année par 17 députés, pour un total de 72 421 euros.

Il semble incompréhensible que la présidence de l'Assemblée, comme celles des législatures précédentes, ne se soient jamais préoccupées d'appliquer cet article pourtant simple, ou, si son inefficacité est reconnue, de le supprimer. Il est particulièrement surprenant qu'au sein même du Parlement, artisan de la législation, le propre règlement d'un hémicycle soit ainsi occulté.

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Les députés pas tous égaux devant les sanctions

Le fait que les dispositions du règlement de l'Assemblée ne s'intéressent qu'au mercredi matin, combiné au rythme très inégal d'activité des différentes commissions semblent source d'une certaine inégalité entre députés. Alors que sur l'année, la moyenne des députés assiste à environ 21 réunions de commissions le mercredi matin, une douzaine de députés sanctionnables sont au dessus de cette moyenne, en ayant parfois même assisté jusqu'à 28 de ces réunions.

De même, à niveau semblable d'implication dans le travail parlementaire, les députés sont parfois inégalement sanctionnés. C'est le cas par exemple d'Alain Bocquet (22 semaines de présence, 30 présences en commission) qui écope d'une lourde sanction, alors qu'à investissement parlementaire légèrement inférieur, Conchita Lacuey (17 semaines de présence, 23 présences en commission) n'est pas sanctionnée.

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Des excuses appliquées de manière discrétionnaire


Courrier du Président Accoyer
excusant « exceptionnellement » un député

Alors que le règlement définit de manière très claire les excuses valables dans le cadre des sanctions (article 42-3), il semblerait que les présidences des commissions permanentes et de l'Assemblée traitent de manière particulièrement discrétionnaire ces excuses.

Plusieurs députés nous ont confirmé des absences dues à des implications dans des activités non-parlementaires, tout en nous apportant la preuve qu'ils n'avaitent pas été sanctionnés financièrement par l'Assemblée. Participation à une mission commandée par l'Élysée, mission pour l'ONU, réunion avec un préfet, participation à des conseils d'administration, implication en circonscription, ... si toutes ces activités sont tout à fait importantes et légitimes, elle sortent toutefois du cadre clairement défini des excuses reconnues valables par le règlement. Pourtant, d'autres députés nous ont expliqué avoir réalisé des activités similaires sans se faire excuser pour autant. Comme l'avait révélé l'an dernier LePoint.fr au sujet des missions commandées par l'Élysée, le mécanisme de validation des excuses des députés par les différents services de l'Assemblée fonctionne bien de manière totalement discrétionnaire.

Loin de toute activité parlementaire, l'implication dans la campagne des cantonales de mars dernier est assez symbolique de l'acceptation aléatoire de ces excuses. Alors que plusieurs députés comme Odette Duriez ont été sanctionnés durant cette période pour s'être s'impliqués dans la campagne électorale, d'autres nous ont confirmé avoir été excusés sur la base des mêmes motifs. L'un d'entre eux nous a même fait parvenir une copie d'un courrier du président Bernard Accoyer lui accordant cette excuse « à titre tout à fait exceptionnel » pour cet « empêchement insurmontable ».

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Certains députés ne viennent en commission que pour pointer

Enfin, parmi les critiques nous ayant été remontées par certains députés, une récrimination a attiré notre attention. Comme cela avait déjà été imaginé par les auteurs de la disposition, il semblerait que certains députés ne viennent en commission le mercredi matin que pour signer et repartir aussitôt. Laurent Fabius avait ainsi été « dénoncé » par l'un de ses collègues de la Commission de la Défense : il aurait signé la feuille de présence sans même être entré en commission comme l'avaient rapporté certains médias en octobre dernier.

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Application des sanctions : un vrai problème de transparence

Le président Bernard Accoyer a déjà confirmé implicitement les résultats de notre étude : il a en effet indiqué le 5 juillet 2011 au Nouvel Obs que 30 députés étaient sanctionnés en moyenne chaque mois. Nous obtenons pour notre part une moyenne de 21, ce qui laisse suggérer que nous aurions été plus généreux envers les députés sanctionnables que la présidence.

Selon nos deux études, ce sont 160 députés au total sur deux ans qui ont vu leurs indemnités réduites par ces sanctions. Il semblerait normal que les citoyens soient informés des pénalités prises à l'encontre de leurs représentants élus, dès lors que cet article avait été ajouté au règlement en vue de répondre aux critiques récurrentes d'un supposé absentéisme parlementaire.

Refusant de réaliser le travail de transparence nécessaire pour permettre l'évaluation de son fonctionnement, l'Assemblée ne publie aucune liste officielle des excuses acceptées ni des sanctions appliquées. Nous avons du en conséquence réaliser ce travail nous-mêmes à partir des informations disponibles publiquement (Journal Officiel, sites de l'Assemblée et des institutions parlementaires internationales) et en sollicitant individuellement les députés durant 4 semaines pour nous enquérir des excuses qu'ils avaient pu présenter.

Il est assez surprenant que l'Assemblée refuse de communiquer les éléments permettant de réaliser un tel travail d'évaluation : une institution démocratique comme le Parlement se doit d'être transparente sur l'application de son règlement ainsi que sur son fonctionnement notamment budgétaire.

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Annexes

Sanctions financières relatives à la présence en commission

Pour réaliser cette étude sur les sanctions financières, nous avons compulsé les données de présence des députés en commission qui sont publiées tous les jours au Journal Officiel et que nous reproduisons sur NosDeputes.fr. À partir de ces informations, nous avons appliqué scrupuleusement les termes du règlement et calculé les absences mensuelles des députés absents le mercredi matin en comparant les présences des députés avec le nombre de réunions de leur commission respective. En ne retenant que les députés absents certains mois à plus de 2 réunions du mercredi matin durant la session ordinaire (octobre à juin), nous avons ainsi établi la liste des sanctions théoriques possibles.

Nous avons ensuite retiré de cette liste les députés exonérés de sanctions par le règlement du fait de leur fonction ou de leur circonscription. Afin de prendre compte des implications de chacun dans les organismes parlementaires internationaux, nous avons essayé de retracer ces activités à partir des différents sites et rapports de ces institutions et de la page dédiée par l'Assemblée à ces travaux.

Enfin, nous avons écrit individuellement les 5 et 14 juillet à chacun des députés restant sanctionnables au regard de ces éléments, afin de les informer de notre travail et de leur permettre de nous remonter toute information relative aux excuses inaccessibles publiquement qui nous auraient échappé. Sur 144 députés contactés, 64 ont répondus à nos sollicitations, nous permettant suivant les cas de prendre compte d'éléments complémentaires ou simplement de confirmer les sanctions calculées. La très grande majorité de ces échanges avec les députés ou leurs collaborateurs se sont montrés des plus cordiaux.

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Le règlement

Sanction individuelle d'un député pour chaque absence supplémentaire au delà de deux absences par mois dans sa commission permanente du mercredi matin (article 42-3 du règlement) à l'exception des députés :

  • membres du Bureau de l’Assemblée, à l’exception des secrétaires ;
  • présidents de groupes ;
  • élus dans une circonscription située hors d'Europe.

Les députés ne sont pas soumis à ces sanctions s'ils ont une réunion au même moment dans :

  • une des assemblées internationales ou européennes (APF, APCE, UEO, UIP, APM, APO, ...) ;
  • une commission spéciale.

Enfin, le bureau de l'Assemblée nationale a décidé en début de session que les motifs suivants étaient également jugés valables :

  • maladie, accident ou événement familial grave empêchant le parlementaire de se déplacer ;
  • mission temporaire confiée par le gouvernement ;
  • service militaire ;
  • empêchement insurmontable.

Pour plus de détails, le président de la commission des affaires étrangères a précisé ces critères lors d'une intervention le 21 octobre 2009.

Les sanctions encourues sont calculées sur une base de 355,01 € par absence (au delà de la deuxième absence chaque mois). Cette somme correspond à 25 % de l'indemnité de fonction d'un député, qui s'élève à 1 420,03 €.

Cette règle est entrée en application en octobre 2009 puis repoussée à décembre après une annonce de la présidence.

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Liste des députés

Les données représentées dans le tableau ci-dessous correspondant aux sanctions encourues par les députés pour absences en commission permanente le mercredi matin sont disponibles et réutilisables au format CSV dans le fichier joint ici.

Pour trier sur un critère, cliquez sur le titre de la colonne voulue.
Nom (Groupe) Présences
en commission
le mercredi
Réunions de la
commission le
mercredi matin
Retenues
sur indémnités
 

* : le/la député(e) nous a contacté ou informé par voie de presse après la publication de cette étude pour signaler la présentation à l'Assemblée d'excuses complémentaires pour ses absences.

Jean Glavany a souhaité s'exprimer sur les dispositions de sanctions financières mis en place par l'Assemblée nationale au cours de nos échanges par email. Avec son accord, nous mettons à disposition de nos lecteurs son message afin que chacun puisse en prendre connaissance : Consulter la correspondance avec Jean Glavany.


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Sanctions financières relatives à la participation aux scrutins solennels

  • 17 députés sanctionnables encourant une perte individuelle de 4 260,09 € pour avoir participé à moins de 38 scrutins solennels sur 58.
  • La somme de ces sanctions représenterait 72 421,53 € d'économies pour l'Assemblée

 L'article 159 du règlement prévoit une retenue sur indemnité pour les députés qui ne prennent pas suffisamment part aux scrutins solennels.

  • Si un député n'assiste pas à au moins 2/3 des scrutins solennels, il perd alors 1/3 de ses indemnités de fonction sur la session parlementaire ordinaire, soit 4 260,09 €;
  • Si le député assiste à moins de la moitié de ces scrutins, 2/3 de ses indemnités de fonction sur la session parlementaire ordinaire lui sont alors retirées soit 8 520,18 €.

L'indemnité de fonction d'un député s'élève à 1 420,03 € par mois. La session parlementaire ordinaire se déroule du 1er octobre au 30 juin (9 mois).

Les députés absents peuvent se faire représenter par un collègue via une délégation de vote ou se faire excuser. Selon nos informations, le mécanisme d'excuses n'est pas utilisé. Ces excuses ne sont dans tous les cas pas publicisées.

Cette règle existait avant octobre 2009, date d'application du nouveau règlement, mais elle n'a selon nos informations jamais été appliquée.

Les données nous ayant permis d'évaluer l'application de cette sanction sont disponibles et réutilisables au format CSV dans le fichier joint ici.

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