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Mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale

Réunion du 30 septembre 2010 à 9h00

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

  • fichier
  • fraude
  • illégal
  • infraction

La séance

Source

COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES

MISSION D'ÉVALUATION ET DE CONTRÔLE DES LOIS DE FINANCEMENT DE LA SÉCURITÉ SOCIALE

Jeudi 30 septembre 2010

La séance est ouverte à neuf heures.

(Présidence de M. Pierre Morange, coprésident de la mission.)

La Mission d'évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale (MECSS) procède d'abord à l'audition de MM. David Galtier, général de division, adjoint au directeur des opérations et de l'emploi à la direction générale de la gendarmerie nationale, Patrick Hefner, contrôleur général de la police nationale, chef du pôle judiciaire, prévention et partenariats, Alain Winter, commissaire divisionnaire, chef adjoint du pôle judiciaire, prévention et partenariats au cabinet du directeur général de la police nationale et Patrick Knittel, chef de l'Office central de lutte contre le travail illégal.

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Dans son rapport d'avril 2010, la Cour des comptes évoque un projet, vieux de plus de dix ans, de partage d'informations entre le ministère de l'intérieur et les organismes sociaux, aux fins de vérifications d'identité, via le fichier AGDREF – application de gestion des dossiers des ressortissants étrangers en France. Où en sommes-nous ? Un agenda opérationnel a-t-il été établi ? Des problèmes d'interprétation étant apparus entre les ministères et la Commission nationale de l'informatique et des libertés, est-il nécessaire d'adopter des dispositions réglementaires ou législatives complémentaires ?

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Alain Winter, commissaire divisionnaire, chef adjoint du pôle judiciaire, prévention et partenariats au cabinet du directeur général de la police nationale

Ce fichier est géré par une autre direction du ministère de l'intérieur, la direction de la modernisation et de l'action territoriale. Je n'ai pas connaissance de ce problème, et je n'ai pas lu le rapport de la Cour des comptes. Mais le policier que je suis est évidemment favorable à l'interconnexion des fichiers.

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Alain Winter, commissaire divisionnaire, chef adjoint du pôle judiciaire, prévention et partenariats au cabinet du directeur général de la police nationale

S'il vous faut des éclaircissements, nous pourrons bien sûr vous les fournir.

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David Galtier, général de division, adjoint au directeur des opérations et de l'emploi à la direction générale de la gendarmerie nationale

Nous avions évoqué ce sujet avec M. Benoît Parlos, délégué national à la lutte contre la fraude au ministère du budget.

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David Galtier, général de division, adjoint au directeur des opérations et de l'emploi à la direction générale de la gendarmerie nationale

Ce sujet technique n'est pas vraiment de notre ressort car nous sommes des acteurs opérationnels, mais nous avions fait part à M. Benoît Parlos de notre souhait de voir ces travaux avancer.

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Cette audition de représentants de la police et de la gendarmerie nous tient à coeur. J'ai présidé une mission d'information sur les fraudes à l'Union nationale interprofessionnelle pour l'emploi dans l'industrie et le commerce (UNÉDIC) et aux Associations pour l'emploi dans l'industrie et le commerce (ASSÉDIC) ; l'une des premières affaires était née à l'occasion d'un contrôle routier de la gendarmerie nationale, qui avait découvert, dans le coffre d'une voiture, des dizaines et des dizaines de « kits de fraude » prêts à servir. Les groupes d'intervention régionaux (GIR) expriment aussi la volonté d'aller plus loin.

Non seulement la fraude sociale coûte très cher, mais elle est souvent liée à d'autres types de malversations. Or, nous sommes particulièrement préoccupés par le développement d'une fraude organisée et de véritables trafics nationaux et internationaux. C'est sur ce thème que nous souhaitions vous entendre.

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Le rapport de M. Dominique Tian, au nom de la mission d'information sur les moyens de contrôle de l'UNÉDIC et des ASSÉDIC, qui a fait grand bruit, s'articule avec les travaux de la MECSS. Le sujet a pu être considéré comme sulfureux mais chacun convient aujourd'hui qu'il est légitime de s'assurer de la bonne utilisation des efforts contributifs de nos concitoyens. Nous souhaitons donc avoir votre avis sur l'actuel dispositif réglementaire et législatif : a-t-il besoin d'être complété pour être pleinement opérationnel ?

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David Galtier, général de division, adjoint au directeur des opérations et de l'emploi à la direction générale de la gendarmerie nationale

La gendarmerie a assez vite ressenti le besoin d'un outil central pour lutter contre la fraude sociale sur l'ensemble du territoire. Cet outil est devenu une réalité avec l'Office central de lutte contre le travail illégal, outil interministériel dont pourra vous parler M. Patrick Knittel. Je me propose, pour ma part, de vous présenter notre analyse du phénomène et de formuler quelques propositions à caractère juridique.

La fraude est un phénomène difficile à appréhender, pour des raisons juridiques, notamment liées à l'éclatement des dispositifs existant entre plusieurs codes. Le champ des infractions, très vaste, va de la simple fraude sociale au blanchiment d'argent, en passant par la corruption, la fraude à l'identité ou l'escroquerie, laquelle peut relever de la criminalité organisée. L'ampleur du phénomène résulte également de la dématérialisation des processus administratifs et financiers, et bien sûr de la mobilité des hommes et des capitaux ; nous nous efforçons de développer de nouveaux outils contre les formes nouvelles de fraude que permettent les nouvelles technologies.

En matière de fraude aux prestations sociales, notre rôle est très limité par rapport à celui des organismes sociaux. La gendarmerie constate moins de 1 000 infractions par an ; ses agents de police judiciaire n'ont pas les moyens de déceler en amont les situations frauduleuses, sinon à la suite de dénonciations ou de plaintes des organismes sociaux. Ainsi, la gendarmerie n'utilise qu'à peine 20 % des 94 incriminations prévues pour ce type de fraude. Sans doute existe-t-il des marges de progression, mais elles supposent des moyens, ainsi qu'une coopération plus affirmée avec les organismes sociaux. En revanche, ces fraudes constatées mènent à des infractions connexes : nous sommes ainsi, avec l'Office central de lutte contre le travail illégal, très présents dans les affaires de travail illégal, qui mobilisent 850 gendarmes « formateurs relais » en ce domaine.

S'agissant de la délinquance « astucieuse », l'intervention des agents de la police judiciaire est évidemment nécessaire. Il s'agit en effet d'infractions relevant du code pénal, allant de la déclaration mensongère à l'escroquerie en passant par la fraude documentaire.

Cette dernière, définie par l'article 441-1 du code pénal, sert de support à de nombreuses formes de criminalité : délinquance financière, blanchiment d'argent et travail dissimulé. Un réseau national d'enquêteurs, formés par l'Institut de recherche criminelle de la gendarmerie, lui est dédié depuis 2007. Nous avons eu l'occasion de passer à l'action : ainsi en 2009, nous avons interpellé quatre individus en région parisienne et à Bordeaux, dans le cadre d'une enquête conduite par la section de recherches de Bordeaux sur une fraude aux allocations logement, qui durait depuis plusieurs mois. Cette fraude consistait à produire de faux baux de location couplés à des comptes bancaires ouverts sous de fausses identités, ce qui permettait la perception indue d'allocations. Le préjudice, pour la caisse d'allocations familiales (CAF), s'était élevé à plusieurs centaines de milliers d'euros.

Quant aux escroqueries, ce sont des fraudes les plus élaborées, avec usage de faux noms, de fausses qualités ou de faux documents, qui peuvent être le fait de bandes organisées. Ce contentieux spécifique ne représente qu'une petite partie de l'ensemble, mais du fait de l'envergure de certaines affaires, le préjudice financier est important. La brigade d'Exelmans, à Paris, a ainsi mis au jour une escroquerie à grande échelle – l'affaire Giordano –, qui fut jugée en 2008 : après avoir racheté huit sociétés en difficulté, un homme de soixante-deux ans en avait fait des coquilles vides destinées à servir de support pour de faux documents. Il recrutait ensuite les candidats à la fraude, le plus souvent à la sortie des antennes de l'Agence nationale pour l'emploi (ANPE), en leur proposant, contre environ 5 000 euros, des « kits assédic » contenant un faux contrat à durée déterminée et des bulletins de salaire et leur permettant de prétendre aux allocations de chômage. Le préjudice subi par les organismes sociaux s'est, ici, élevé à plusieurs millions d'euros.

Mais c'est le travail illégal qui nous occupe le plus, puisqu'il représente près de 90 % des crimes et délits que nous constatons. On peut en la matière distinguer trois volets.

Le premier concerne les infractions d'opportunité, par exemple dans le bâtiment ou les activités saisonnières agricoles. Les brigades territoriales apportent alors leur concours. Souvent associées à l'immigration clandestine, ces infractions sont mises en évidence à la suite d'opérations de contrôle, en général sur réquisition du procureur de la République.

Le deuxième volet recouvre les infractions résultant de stratégies d'entreprise : ce sont des fraudes organisées à grande échelle, visant à contourner la législation. La dimension internationale, sans être systématique, est de plus en plus fréquente. L'exemple typique est celui d'une compagnie aérienne à bas coûts, dont le siège est à l'étranger, et qui, à partir d'une implantation française non déclarée, exerce une activité commerciale pour laquelle elle emploie, sous contrat étranger, des salariés domiciliés en France. Si cela concerne plusieurs centaines de salariés pendant plusieurs années, l'impact financier est évidemment très important.

Troisième volet : les infractions liées à la criminalité organisée. Depuis 2008, nous constatons une augmentation des dossiers de travail illégal qui mettent en évidence ces infractions connexes. Avec le procureur Jacques Dallest, je m'étais ainsi occupé d'un trafic de produits contrefaits et dangereux pour la santé en provenance de Chine, par une famille de la Camorra napolitaine installée dans la Plaine du Var. Pour parvenir à leurs fins, les malfaiteurs s'appuyaient sur un réseau de distribution illégal implanté dans le Sud de la France et déployé dans plus de 90 départements. Une information judiciaire avait été ouverte auprès de la juridiction interrégionale spécialisée de Marseille, laquelle avait saisi le directeur général et l'Office central ainsi que le service national des douanes. Cette opération de grande envergure, déclenchée en juin 2009 en coordination avec l'Office européen de police (Europol) et l'unité de coopération judiciaire de l'Union européenne (Eurojust), avait permis de démanteler le réseau ; lors des 73 perquisitions, plusieurs centaines de machines et d'outils avaient été saisis, tels que des générateurs électriques ou des tronçonneuses. Des commissions rogatoires internationales ont suivi car plusieurs autres pays européens étaient concernés.

Face à ces phénomènes, les capacités de l'institution se sont développées, par exemple avec les pôles d'excellence, les 850 formateurs relais – soit un ou deux par compagnie de gendarmerie – spécialisés dans la lutte contre le travail illégal, l'Office central de lutte contre le travail illégal, le réseau d'enquêteurs sur la fraude documentaire depuis 2007 – composé aujourd'hui d'une cinquantaine d'agents –, et surtout le réseau de 400 enquêteurs spécialisés dans la lutte contre la délinquance et la criminalité organisées en matière économique et financière – qui bénéficient d'une formation de master 2 à l'Université de Strasbourg, chaque promotion comptant une vingtaine d'étudiants. Par ailleurs, nous mettons en place des groupes mixtes et des cellules d'enquête afin de travailler en coordination avec la police nationale et les services douaniers.

Pour l'avenir, la première amélioration souhaitable serait l'acquisition de nouvelles sources de renseignements. La lutte contre la fraude se situe au carrefour de plusieurs administrations qui disposent d'informations et ont des liens avec des partenaires – organisations professionnelles, syndicats, associations –, avec lesquels nous ne devons pas nous interdire de travailler. Afin de développer la coordination, des rencontres régulières seraient souhaitables, aussi bien à l'échelon national que départemental, sur le modèle de ce qui existe dans d'autres domaines, par exemple la lutte contre les cambriolages. La délégation nationale à la lutte contre la fraude pourrait désigner un responsable de ces groupes de travail ; quoi qu'il en soit, nous devons passer d'une coopération institutionnelle à une coopération plus opérationnelle, afin d'échanger des informations précises.

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Certes la délégation nationale à la lutte contre la fraude se réunit et publie un rapport annuel. Mais nous avions demandé au ministre concerné de faire en sorte que la délégation se réunisse davantage.

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David Galtier, général de division, adjoint au directeur des opérations et de l'emploi à la direction générale de la gendarmerie nationale

Les comités opérationnels de lutte contre le travail illégal sont devenus les comités départementaux antifraude. Il faut profiter de ces lieux d'échanges pour améliorer la coopération. Des rapports de confiance doivent se développer entre les enquêteurs et les agents des administrations.

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Vous appelez de vos voeux une coopération plus proche du terrain. J'ai moi-même été à l'initiative du vote, fin 2006, d'une disposition visant à assurer l'interconnexion des fichiers des 1 750 organismes sociaux, médico-sociaux et sanitaires – dont le décret d'application n'a été publié que trois ans plus tard. Cette mesure s'est traduite par l'ouverture du serveur de la Caisse nationale d'assurance vieillesse (CNAV) à Tours : l'interconnexion des fichiers est donc en principe opérationnelle, même si l'alimentation n'en sera achevée qu'au dernier trimestre de 2010. Cette mise en service, effective depuis la mi-2010, a-t-elle déjà fait progresser votre niveau d'information, ou y a-t-il d'autres étapes à attendre ?

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Patrick Hefner, contrôleur général de la police nationale, chef du pôle judiciaire, prévention et partenariats

J'occupais encore, il y a trois semaines, un poste opérationnel, et puis donc vous dire que les informations circulent de mieux en mieux. L'absence d'interconnexion des fichiers posait en effet un vrai problème ; à la caisse d'allocations familiales, on pouvait déposer des dizaines de dossiers sans qu'aucune synthèse ne se fasse.

Pour la police nationale, les comités départementaux antifraude sont un véritable lieu de rencontre et d'échanges sur les nouvelles pratiques frauduleuses et les moyens d'y remédier. Nous avons ainsi participé à 161 des 171 réunions organisées cette année. La direction centrale de la police aux frontières apporte son expertise, et les échanges sont tout à fait opérationnels, dans la mesure où chaque organisme possède, grâce à l'interconnexion des fichiers, une vue synoptique sur les fraudeurs.

Une véritable révolution culturelle a eu lieu au sein des organismes sociaux, qui nous livrent, en quelque sorte, des affaires clés en main. Depuis la convention de 2007 signée avec la Caisse nationale de l'assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS), les directions départementales de la sécurité publique sont des points d'entrée uniques : si nous entrevoyons que la plainte concerne un réseau très organisé, nous pouvons saisir les services les mieux adaptés pour la traiter. En expliquant précisément à la Caisse nationale de l'assurance maladie des travailleurs salariés ce dont nous avions besoin pour être efficaces, nous avons pu effectuer ensemble un travail remarquable. Il ne sert à rien de nous dire que telle ou telle officine pose problème : il faut nous fournir quelques éléments concrets. Ainsi certaines pharmacies, après avoir fait l'avance du tiers-payant, procédaient à des surfacturations que l'on ne pouvait déceler car entre le flux du remboursement informatisé et le flux des ordonnances papier adressées aux caisses d'assurance maladie, il n'y avait pas de croisement. Pour le réaliser, les caisses ont dans un premier temps procédé par sondages ; puis elles nous ont fourni des dossiers nous permettant de procéder à toutes investigations utiles et de confondre les gérants. Du reste, lors des perquisitions réalisées dans le cadre d'enquêtes préliminaires, un simple examen des stocks nous permettait de soupçonner des surfacturations. Compte tenu du marché de médicaments tels que le Subutex, revendu très cher en Europe de l'Est, on conçoit l'intérêt qu'il peut y avoir à organiser ce type d'escroquerie.

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J'ai déposé des amendements au projet de loi portant réforme des retraites pour proposer une interconnexion avec le fichier du Centre social européen et international de données sanitaires.

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David Galtier, général de division, adjoint au directeur des opérations et de l'emploi à la direction générale de la gendarmerie nationale

Peut-être la gendarmerie a-t-elle sur ce point un peu de retard sur la police, mais nous expérimentons une coopération au niveau départemental, dans le Jura, sous l'égide de la délégation nationale à la lutte contre la fraude.

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En ce qui concerne la fraude documentaire, a-t-on une estimation du nombre de fausses cartes Vitale et de leur utilisation ?

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Alain Winter, commissaire divisionnaire, chef adjoint du pôle judiciaire, prévention et partenariats au cabinet du directeur général de la police nationale

Le nombre de faux papiers est en augmentation. Il y en aurait entre 200 000 et 280 000 pour les titres sécurisés régaliens – carte d'identité, passeport, permis de conduire –, c'est-à-dire hors carte Vitale.

Lutter contre la fraude documentaire, c'est sécuriser non seulement le titre lui-même – ce qui est aujourd'hui le cas –, mais aussi la procédure pour l'obtenir. L'une des idées à l'étude est de demander à l'organisme qui délivre le titre de solliciter lui-même la production des actes nécessaires à la constitution du dossier. Ainsi, la mairie qui délivre une carte d'identité ou un passeport aurait à solliciter elle-même l'extrait d'acte de naissance auprès de la mairie du demandeur. Pour le permis de conduire, au sujet duquel une réflexion est également en cours, la problématique est européenne.

La direction centrale de la police aux frontières dispose d'un bureau de la fraude documentaire, lequel participe au groupement interministériel de lutte contre la fraude à l'identité. Lors de la dernière réunion, en novembre 2009, la police aux frontières a donné une boîte à outils à tous les organismes sociaux pour leur permettre une détection précoce de la fraude, y compris à leurs guichets.

La police aux frontières dispose de 300 agents formés à la fraude documentaire, qui constituent des interlocuteurs privilégiés pour les préfectures et les mairies et organisent des formations pour les agents municipaux – chargés de vérifier les dossiers des demandeurs, et qu'il est donc impératif de former.

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Dans quel délai pensez-vous que la procédure d'obtention des titres puisse être modifiée ? Une disposition réglementaire est-elle nécessaire ? Le revers de la simplification des démarches administratives est évidemment qu'elle ouvre de nouvelles opportunités aux fraudeurs.

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Alain Winter, commissaire divisionnaire, chef adjoint du pôle judiciaire, prévention et partenariats au cabinet du directeur général de la police nationale

C'est l'Agence nationale des titres sécurisés qui gère ce dossier ; j'ignore donc quels sont les délais. On crée un flux de dématérialisation des actes ; mais notre pays ne dispose pas de fichier national de l'état civil, ce qui pose problème. Pourrons-nous un jour centraliser les actes d'état civil, afin d'empêcher la fraude « mobile » ? Je l'ignore, tout comme j'ignore s'il manque un acte réglementaire à ce sujet.

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Un débat sur la carte nationale biométrique sécurisée est en cours ; une proposition de loi sur le sujet doit d'ailleurs être débattue prochainement au Sénat. Je pense donc que ce fichier national verra le jour.

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Alain Winter, commissaire divisionnaire, chef adjoint du pôle judiciaire, prévention et partenariats au cabinet du directeur général de la police nationale

L'autre souci est que le Conseil d'État va probablement annuler le décret relatif au passeport biométrique car, comme s'en sont aperçu plusieurs associations, il lui manque un support législatif. La réglementation européenne nous obligeait à mettre en oeuvre le passeport biométrique avant le 30 juin 2009, mais la proposition de loi relative à la protection de l'identité n'a toujours pas été votée, d'où un problème juridique qui nous obligera, sans doute, à détricoter le fichier des titres électroniques sécurisés auquel on a opposé divers arguments : pourquoi huit empreintes ? Pourquoi une base centrale plutôt que territoriale ? Pourquoi pas un photographe professionnel, comme le propose le projet de loi d'orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure ? La Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) exerce une pression très forte sur ces sujets, qui sont en effet assez sensibles. Et je ne suis pas sûr qu'il existe dans le monde un pays qui dispose d'un fichier contenant les données nominatives de tous ses ressortissants, associé à une base biométrique.

La décision du Conseil d'État est attendue pour le mois de décembre. Si le Parlement vote la proposition de loi avant cette date, il y aura peut-être une chance de sauver le fichier des titres électroniques sécurisés.

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Nous allons nous en occuper !

La gendarmerie et la police, je suppose, ont des éléments sur le profil des fraudeurs. Pourriez-vous nous donner quelques précisions ?

S'agissant des sociétés qui sont des coquilles vides, parvenez-vous à mieux identifier les gérants ? Existe-t-il un fichier national des gérants et dirigeants d'entreprises, comme le préconisait la mission d'information sur les moyens de contrôle de l'UNÉDIC et des ASSÉDIC ?

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Patrick Hefner, contrôleur général de la police nationale, chef du pôle judiciaire, prévention et partenariats

Nous n'avons pas encore de données précises mais nous disposerons bientôt de trois outils que nous souhaitions depuis longtemps. En premier lieu, le fichier des interdits de gérer : il était pour le moins paradoxal qu'une personne interdite de gérer dans le ressort du tribunal de commerce de Paris n'ait qu'à franchir le périphérique pour installer une nouvelle société. Ensuite, le fichier des multigérants : la gestion de plusieurs sociétés n'est pas une infraction en soi, mais c'est un indice pour trouver les hommes de paille qui sont à la tête de sociétés fictives. Enfin, l'agrément et le contrôle des sociétés de domiciliation : il nous arrive souvent de trouver, à l'adresse de certaines sociétés que nous souhaitons perquisitionner, une simple boîte à lettres, et d'être renvoyés à des adresses totalement fictives : les nouvelles dispositions rendront les sociétés de domiciliation beaucoup plus regardantes sur les entreprises qu'elles hébergent.

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Pourrez-vous nous apporter des précisions à ce sujet ? Ce sont là en effet des préconisations de la mission d'information, qu'il s'agisse des interdits de gérer ou des sociétés de domiciliation. Il était consternant de penser qu'une personne interdite de gérer à Paris pouvait se réinstaller à Grenoble quelques heures plus tard. Nous étions en outre préoccupés tant par le profil parfois étonnant que par l'identité hasardeuse des personnes enregistrant des sociétés, puisqu'elles pouvaient le faire en fournissant une simple photocopie de pièce d'identité.

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Patrick Hefner, contrôleur général de la police nationale, chef du pôle judiciaire, prévention et partenariats

Pour le fichier des interdits de gérer, tous les acteurs concernés ont donné leur accord. Le dossier est actuellement à la Chancellerie ; la mise en place paraît imminente.

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Patrick Knittel, chef de l'Office central de lutte contre le travail illégal

Il me semble qu'un premier décret est déjà paru, faisant obligation au greffe de signaler les interdictions de gérer à l'Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE), pour éviter les immatriculations multiples. Ces progrès restent cependant insuffisants à mes yeux car les personnes interdites de gérer ne représentent qu'une partie de la population délinquante que nous visons : aux délinquants d'occasion qui profitent d'une situation et aux délinquants rompus à toutes les techniques de l'escroquerie, il faut ajouter, hélas, les grandes sociétés fraudeuses, qui cherchent à contourner la législation et la réglementation françaises par des implantations à l'étranger. Une réflexion sur ce point est nécessaire car nous voyons les cas se multiplier.

Il s'agit notamment d'entreprises françaises qui, pour réduire leurs cotisations sociales, créent une filiale à l'étranger avant de recourir sur le territoire français, via cette filiale, à des employés sous contrat de travail étranger.

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Patrick Knittel, chef de l'Office central de lutte contre le travail illégal

Oui, mais aussi dans le transport routier et le transport aérien. Ce phénomène est évidemment l'une des conséquences de l'ouverture des frontières.

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Les organismes sociaux qui participent aux comités départementaux antifraude ont-ils pris la mesure du défi qui leur est lancé par les fraudeurs ? La Caisse nationale de l'assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS) a fait part des mesures qu'elle a prises pour lutter contre la fraude, la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF) a reconnu qu'il y avait eu 650 millions d'euros de versements indus ou d'argent détourné, contre 80 millions il y a trois ans – augmentation qui ne tient pas à une explosion des fraudes mais à une meilleure détection. Avez-vous l'impression que la culture a changé ?

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Cette nouvelle culture doit être partagée tant par les décideurs que par les agents de terrain. Qu'en est-il des échanges d'informations et de la coopération entre les services ? Nous aimerions avoir des données plus affinées, chiffrées, afin d'identifier les lacunes du système et de le rendre plus opérant.

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Patrick Knittel, chef de l'Office central de lutte contre le travail illégal

S'agissant des affaires traitées par le biais ou sous l'impulsion des comités départementaux antifraude, M. Benoît Parlos a sans doute pu vous répondre. Des opérations sont programmées, comme déjà avec les anciens comités opérationnels de lutte contre le travail illégal. Chaque comité dispose de fiches « action » et de fiches de compte rendu d'affaire, avec chiffrage du préjudice, la remontée de l'information à la délégation nationale permettant de procéder à une synthèse. C'est un dispositif très récent, qui ne fonctionne pas encore parfaitement car les responsables des différentes administrations ont besoin de se roder, mais qui paraît déjà beaucoup plus efficace que ce qui existait auparavant.

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Je comprends bien qu'il faille du temps pour acquérir la culture de la coordination et de la connaissance partagée, mais pensez-vous qu'en 2011, vous serez totalement opérationnels ?

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De l'avis général, le travail illégal, qui est relativement facile à déceler, est le fléau numéro un. Pourtant, on n'a pas le sentiment qu'une véritable pression soit exercée à son encontre : des garagistes clandestins, des vendeurs sur les marchés, des ouvriers dans le bâtiment exercent leurs activités au vu et au su de tout le monde.

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Patrick Hefner, contrôleur général de la police nationale, chef du pôle judiciaire, prévention et partenariats

Voici quelques chiffres, qui portent sur les huit premiers mois de cette année. Ceux provenant de la direction centrale de la police aux frontières sont les suivants : en métropole, 1 114 employeurs ont été interpellés et confondus, pour 2 031 salariés, principalement dans les secteurs de la sécurité, du bâtiment et des travaux publics, des hôtels et restaurants, des spectacles et du commerce. La direction centrale de la sécurité publique a visé pour sa part 152 employeurs. Les données de la préfecture de police sont les suivantes : après 902 opérations en 2009, pour 2010, on en était au 1er septembre à 2 292 opérations, concernant 913 employeurs et 1 266 employés – dans le ressort de Paris et des trois départements de la Petite couronne.

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Concrètement, quel fut le résultat de ces opérations ?

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Patrick Hefner, contrôleur général de la police nationale, chef du pôle judiciaire, prévention et partenariats

Il peut y avoir des objectifs chiffrés en termes de recouvrement, après quantification des redressements envisageables. Mais nombre de ceux qui ont fait l'objet d'un redressement sont insolvables ou ont organisé leur insolvabilité ; l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) peut néanmoins quantifier le manque à gagner que cela représente.

Je me suis réjoui de constater – car on ne peut pas tout judiciariser – que nombre d'organismes sociaux organisent désormais une police interne. Par exemple, lorsque la fraude porte sur moins de quatre fois le plafond de la sécurité sociale, les caisses d'allocations familiales (CAF) utilisent une procédure amiable permettant d'obtenir le remboursement des prestations ou d'en réduire le montant si le fraudeur peut y prétendre dans les mois ou les années à venir.

Les cellules de contrôle de ces organismes ne sont sans doute pas en nombre suffisant, mais elles s'investissent pleinement. Leurs membres bénéficient d'actions de formation, notamment sur la fraude documentaire. Et cette culture se décline jusqu'au personnel de guichet.

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Le Conseil des prélèvements obligatoires – dont nous avons entendu récemment le président suppléant, M. Bertrand Fragonard – considère pour sa part que le travail au noir représente entre 6 et 12 milliards d'euros.

Vous avez évoqué la possibilité, pour le fraudeur démasqué, de rembourser. Mais c'est un système de « risque zéro » pour le fraudeur : il vole, et s'il est pris il se contente de rendre. Plutôt que ces petits arrangements à l'amiable, nous préférons demander aux organismes sociaux de poursuivre les fraudeurs en justice et de saisir les services de police.

Il y a par ailleurs la question des sécurités internes. Il est clair que les reconstitutions de carrière posent un énorme problème – qui nous a amenés à modifier la procédure de déclaration sur l'honneur. Que pouvez-vous nous dire sur ce sujet ?

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Patrick Hefner, contrôleur général de la police nationale, chef du pôle judiciaire, prévention et partenariats

Il a pu en effet y avoir des complicités internes, mais les affaires sont en cours d'instruction. Je n'imagine pas un seul instant que les organismes n'aient pas mis en place des barrières pour éviter à l'avenir ces errements.

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Patrick Hefner, contrôleur général de la police nationale, chef du pôle judiciaire, prévention et partenariats

Non, c'est de leur ressort.

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Monsieur David Galtier, voyez-vous encore d'autres améliorations qu'il serait bon d'apporter, de votre point de vue d'acteur de terrain ?

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David Galtier, général de division, adjoint au directeur des opérations et de l'emploi à la direction générale de la gendarmerie nationale

Permettez-moi tout d'abord de vous donner quelques chiffres actualisés.

En ce qui concerne le travail clandestin, police et gendarmerie confondues ont recensé – au niveau national – 11 031 faits en 2009, sur un ensemble de 14 860 infractions comprenant aussi, notamment, l'emploi d'étrangers sans titre. Le travail clandestin représente donc au moins 75 % de l'ensemble. Le taux d'élucidation de ces affaires est très élevé. Plus de 11 245 personnes ont été mises en cause, dans le cadre de 12 773 procédures. Nous tenons bien sûr à votre disposition tous les chiffres détenus par la direction centrale de la police judiciaire ainsi que par l'Office central de lutte contre le travail illégal – qui diffuse d'ailleurs chaque année une plaquette sur le sujet.

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Il serait intéressant pour nous de savoir comment ces données ont évolué, notamment sur les trois dernières années, afin d'évaluer l'efficacité des dispositifs mis en place.

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David Galtier, général de division, adjoint au directeur des opérations et de l'emploi à la direction générale de la gendarmerie nationale

Il faut néanmoins être prudent car certaines évolutions peuvent résulter de réorganisations au sein de notre ministère. Prenons l'exemple de la plaque parisienne : les unités de gendarmerie laissées en zones de police nationale ont été réorganisées et leurs effectifs transférés en zones de gendarmerie nationale ; par conséquent, ces spécialistes de la lutte contre l'habitat indigne ou le travail illégal ont été envoyés hors de la plaque parisienne, sur des territoires qu'ils ne connaissent pas encore.

J'en reviens à nos souhaits.

Il serait bon que soit mieux connue et davantage utilisée, aussi bien en interne qu'à l'extérieur, la plateforme téléphonique nationale dont nous disposons à l'Office central de lutte contre le travail illégal depuis 2005, qui a vocation à recueillir les renseignements sur le travail illégal. D'autres plateformes nationales fonctionnent très bien, par exemple celle de l'Office central de lutte contre la criminalité liée aux technologies de l'information et de la communication ou la plate-forme de lutte contre les escroqueries.

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Avez-vous dressé le profil ou établi un fichier de personnes que vous retrouvez dans toutes les affaires ? Voit-on les mêmes s'organiser pour piller à la fois la caisse d'allocations familiales, les caisses de retraite et l'assurance maladie ?

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David Galtier, général de division, adjoint au directeur des opérations et de l'emploi à la direction générale de la gendarmerie nationale

Pour l'ensemble des infractions, la base STIC (système de traitement des infractions constatées) de la police nationale et la base JUDEX (système judiciaire de documentation et d'exploitation) de la gendarmerie céderont bientôt la place à une base commune appelée « traitement des procédures judiciaires » – ex-ARIANE (système d'application de rapprochement, d'identification et d'analyse pour les enquêteurs) –, qui nous permettra de mieux définir les profils. Nous constatons déjà que, dans notre base qui compte 3 millions d'auteurs potentiels et dans celle de la police nationale, qui en compte autant, on retrouve les mêmes.

Mais telle n'est pas la vocation de notre plateforme, qui constitue un portail d'accès à la documentation nécessaire.

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Patrick Knittel, chef de l'Office central de lutte contre le travail illégal

Les bases actuelles JUDEX et STIC n'ont pas été conçues pour définir des profils. Quant à notre plateforme, elle permet de faire ce type de travail sur la base des informations qui lui sont transmises par voie de messages – qui nous permettent de rapprocher des auteurs et des situations ; la limite de l'exercice est que nous n'avons pas accès à toutes les informations, émanant notamment de la douane et des services de police.

Retrouve-t-on toujours les mêmes personnes ? Pas systématiquement, mais on en retrouve à l'intérieur de sociétés qui elles-mêmes s'organisent pour frauder. Pour monter des fraudes complexes, il faut un certain savoir-faire : ce sont des personnes capables de racheter des sociétés en difficulté, de réaliser ou trouver des faux documents, et qui par ailleurs connaissent suffisamment bien le fonctionnement des organismes sociaux. En matière de fraudes à la taxe à la valeur ajoutée (TVA), on trouve aussi des profils assez semblables.

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La collaboration avec les services fiscaux est-elle efficace ?

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David Galtier, général de division, adjoint au directeur des opérations et de l'emploi à la direction générale de la gendarmerie nationale

D'une manière générale, oui et elle s'améliore. Dans le cadre des protocoles signés entre le ministère de l'intérieur et le ministère des finances, plus de cinquante fonctionnaires de la direction générale des finances publiques sont aujourd'hui directement associés aux policiers et aux gendarmes, dans les départements, pour traiter les cas les plus sensibles en matière d'économie souterraine. La progression régulière depuis 2007 des saisies d'avoirs criminels témoigne aussi des progrès de la coopération et de la coordination entre les services.

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Patrick Hefner, contrôleur général de la police nationale, chef du pôle judiciaire, prévention et partenariats

Nous avons beaucoup apprécié les dispositions de la loi de finances rectificative pour 2009 sur les éléments de train de vie, mais elles ne peuvent produire leurs effets en termes de recouvrement qu'en année n + 1.

Il reste que la coopération fonctionne bien. Les groupes d'intervention régionaux (GIR) ont en leur sein des représentants de l'administration fiscale, qui font un gros travail en amont sur les sujets patrimoniaux. Puis les agents de l'administration fiscale interviennent dans le cadre de l'article L. 135 L du livre des procédures fiscales.

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Pour avoir une connaissance plus fine de la fraude sociale, il a été suggéré de réaliser des études de cohortes, permettant d'isoler des sous-populations. A-t-on commencé à le faire ?

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David Galtier, général de division, adjoint au directeur des opérations et de l'emploi à la direction générale de la gendarmerie nationale

Pour l'instant, non. Mais nous évoquerons le sujet lors de la prochaine réunion des comités départementaux antifraude.

Permettez-moi de formuler un dernier souhait, qui est peut-être un voeu pieux. Eu égard au décalage qui me semble exister entre les enjeux économiques forts de certaines affaires et la peine encourue, ne serait-il pas possible de passer de trois à cinq ans d'emprisonnement et de créer une circonstance aggravante pour la commission du délit de travail dissimulé en bande organisée ? Cela permettrait d'harmoniser la répression du travail dissimulé avec, notamment, celle de l'emploi d'étrangers sans titre de travail, ainsi que de rechercher l'infraction de non-justification de ressources, afin d'atteindre les personnes, en relation avec l'auteur, qui ont bénéficié du produit de l'infraction.

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Alain Winter, commissaire divisionnaire, chef adjoint du pôle judiciaire, prévention et partenariats au cabinet du directeur général de la police nationale

À mon tour de formuler quelques demandes, au nom de la police.

Nous appuyons la demande de la gendarmerie. Nous soutenons la totalité des initiatives de la délégation nationale à la lutte contre les fraudes (DNLF), notamment celle qui vise à corriger la dispersion des textes réprimant la fraude sociale. Nous souhaiterions que figure dans le code pénal un texte générique renvoyant à tous les autres textes.

Par ailleurs, nous constatons que si la peine encourue est importante, la peine réelle n'est en moyenne que de 1 400 euros, selon le rapport de l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS). Ne faudrait-il pas une peine plancher ?

Enfin, nous n'avons pas accès à certains fichiers, notamment au répertoire national commun de la protection sociale (RNCPS), auquel il n'est possible d'accéder que par voie de réquisition judiciaire et qui nous est indispensable. Nous pouvons apporter de nouvelles garanties : la traçabilité de nos accès au fichier serait assurée par une carte à puce ; on peut même imaginer que le logiciel nous impose de motiver nos demandes.

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Vous confortez notre conviction que c'est l'accès aux fichiers qui doit permettre de résoudre beaucoup de problèmes. Nous espérons que la position de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) sur ce sujet va continuer à progresser.

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En rapportant le texte sur l'interconnexion des fichiers, j'ai mis en évidence le fait qu'il ne portait en aucun cas atteinte à la législation relative à l'informatique et aux libertés et qu'il s'inscrivait même dans les préconisations de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) sur la sécurisation et la confidentialité des données.

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La direction de la police nationale s'est-elle livrée à des études comparatives avec d'autres pays européens ?

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Alain Winter, commissaire divisionnaire, chef adjoint du pôle judiciaire, prévention et partenariats au cabinet du directeur général de la police nationale

Pas sur le fichier de la protection sociale ; on a essayé de le faire sur le fichier TES (titres électroniques sécurisés). Mais la France est un peu atypique car dans les autres pays européens, plus décentralisés, les bases sont très souvent régionales.

Nous souhaiterions accéder aussi à d'autres fichiers, notamment Delphine et TES, également en mode administratif. De manière générale, il faut permettre aux forces de sécurité d'accéder à tous les fichiers, bien entendu en garantissant la traçabilité des accès.

Pour réduire la fraude, le premier impératif me paraît être la sensibilisation des acteurs des prestations sociales : celui qui délivre la prestation doit pouvoir en garantir la bonne affectation. Cette culture du contrôle, de la sanction, du ciblage, que l'on connaît dans l'administration fiscale, doit se répandre chez les prestataires sociaux. Cette révolution culturelle me semble bien partie.

Dès le moment où les acteurs des prestations sociales – qui sont les seuls à maîtriser l'information – arriveront à détecter précocement les fraudes, nous pourrons avoir une action beaucoup plus pertinente, y compris sur le plan judiciaire.

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Vous pouvez aussi prévenir les organismes sociaux que telle personne est défavorablement connue.

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Alain Winter, commissaire divisionnaire, chef adjoint du pôle judiciaire, prévention et partenariats au cabinet du directeur général de la police nationale

Oui, bien sûr. Au sein du comité départemental antifraude, c'est le genre d'information que l'on communique. Je vais même au-delà : de même que nous avons créé un guide de l'enquête patrimoniale propre aux affaires de stupéfiants, nous souhaiterions que, dans le cadre de nos procédures pénales, un procès-verbal d'enquête sociale soit transmis aux organismes sociaux ; sur 1,5 million de personnes mises en cause chaque année, il y en a en effet beaucoup qui fraudent à la sécurité sociale. L'expérimentation du Jura, dont parlait le général David Galtier, porte sur un dispositif de messagerie sécurisée au sein du comité départemental antifraude pour lever le frein psychologique qui fait hésiter les organismes prestataires à communiquer avec les forces de sécurité.

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Alain Winter, commissaire divisionnaire, chef adjoint du pôle judiciaire, prévention et partenariats au cabinet du directeur général de la police nationale

Un des nombreux sujets que traite la délégation est la sécurisation technique de la transmission des informations entre les acteurs du comité départemental antifraude – une fois réglée, sur le plan juridique, la question de la levée du secret professionnel. Nous avons chiffré de manière très simple la messagerie qui permet de transmettre des informations d'un service à l'autre.

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Les informations circulent donc dans les deux sens. Dans le Jura, donc, celles qui concernent, par exemple, des multirécidivistes du montage de fausses sociétés sont communiquées aux organismes sociaux. Pour quand la généralisation du dispositif est-elle prévue ?

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Alain Winter, commissaire divisionnaire, chef adjoint du pôle judiciaire, prévention et partenariats au cabinet du directeur général de la police nationale

Je ne le sais pas, mais techniquement elle semble possible.

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David Galtier, général de division, adjoint au directeur des opérations et de l'emploi à la direction générale de la gendarmerie nationale

D'ici à la fin de l'année, nous pourrons évaluer l'expérience. Si elle est concluante, on pourra aller de l'avant en 2011.

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Ne s'agit-il pas d'abord de vaincre les freins psychologiques et de convaincre les intéressés qu'ils doivent travailler ensemble ?

On pourrait suggérer la mise en place de dossiers types. Nous étions intervenus auprès des ASSÉDIC pour leur conseiller de demander l'original des pièces d'identité ou d'utiliser des détecteurs de faux papiers.

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Pouvez-vous nous dire quand a démarré cette expérience dans le Jura ?

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Patrick Knittel, chef de l'Office central de lutte contre le travail illégal

Très récemment : début septembre.

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Nous serons très attentifs aux conclusions que vous en tirerez.

Messieurs, je vous remercie.

La MECSS procède ensuite à l'audition de MM. Pierre Ricordeau, directeur, Benjamin Ferras, directeur de cabinet du directeur, et Jean-Marie Guerra, adjoint au directeur de la réglementation de l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS).

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Pierre Ricordeau, directeur de l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale, ACOSS

Dans la présentation rapide que je me propose de faire devant vous, je voudrais évoquer successivement le cadre général d'intervention de la branche recouvrement en matière de lutte contre les fraudes, le cas particulier de la lutte contre le travail dissimulé, les modalités d'évaluation de la fraude, enfin le bilan et les perspectives de la lutte contre les fraudes. Nous pourrons aussi, si vous le souhaitez, revenir sur la campagne de communication que nous avons menée l'année dernière sur ce thème.

La lutte contre la fraude s'appuie sur 1 550 inspecteurs du recouvrement, ainsi que sur 220 contrôleurs du recouvrement, nouveau corps de métier créé il y a deux ans, spécialisé dans le contrôle sur pièces.

L'organisation des moyens a beaucoup évolué ces dernières années. En 2006, nous avons créé le réseau des référents régionaux spécialisés dans la lutte contre le travail dissimulé. Puis nous avons mis en place un mode de gestion, d'abord pour les très grandes entreprises, ensuite pour les grandes entreprises, qui a eu un impact sur le contrôle. Enfin, dans le cadre de la convention d'objectifs et de gestion signée au début de cette année, nous avons lancé un processus de régionalisation de l'ensemble de nos activités, avec la création d'unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) régionales d'ici au 1er janvier 2014 et, dès à présent, régionalisation du pilotage du contrôle. Par ailleurs, un processus de professionnalisation des inspecteurs a été engagé.

Quelques chiffres : près de 50 % des cotisations contrôlées en trois ans conformément à notre objectif ; environ 11 % du fichier contrôlé chaque année – ce « taux de couverture » étant variable selon la taille des entreprises, les très grandes étant systématiquement contrôlées tous les trois à cinq ans ; 40 000 établissements contrôlés chaque année au titre de la lutte contre le travail dissimulé ; sur la période 2004-2009, doublement des redressements réalisés par les unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF).

Mais le champ du contrôle est plus large que celui de la lutte contre la fraude. En 2009, les régularisations ont représenté 1,2 milliard d'euros ; elles se répartissent entre 130 millions de redressements au titre de la lutte contre le travail dissimulé, 797 millions au titre d'autres redressements en faveur des unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale (URSSAF) et 266 millions en restitutions aux entreprises. C'est dire que nous sommes confrontés au problème de définition de la fraude : sur le terrain, les contrôleurs rencontrent des cas de figure très différents : erreur matérielle, erreur d'application de la réglementation – éventuellement en défaveur de l'entreprise –, problèmes d'interprétation de cette réglementation, « optimisation » consistant à profiter de certaines failles, fraude au sens le plus strict.

Un champ de fraude clairement délimité est le travail dissimulé, bien défini par le code du travail et le code de la sécurité sociale. Pour le reste de notre activité de contrôle, nous ne sommes pas actuellement en mesure de préciser si les redressements que nous opérons correspondent à des fraudes ou des erreurs d'application de la réglementation. La fraude étant la non-application intentionnelle des textes, il faut d'abord démontrer l'intention, et la définition d'éléments caractérisant la fraude est compliquée. L'un de ces « éléments » est la récidive.

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Le montant de 797 millions que vous avez évoqué pour 2009 correspond-il pour les unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale (URSSAF) à une récupération partielle ou complète ? Quel est le ratio par rapport au préjudice initialement subi ?

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Pierre Ricordeau, directeur de l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale, ACOSS

Il s'agit du chiffrage de ce qui aurait dû être payé par les entreprises et qu'elles ont à reverser. Mais le fait qu'il y ait par ailleurs des restitutions, à hauteur de 266 millions, prouve bien qu'il n'y a pas toujours d'intention frauduleuse et que les difficultés peuvent venir de la complexité de la réglementation.

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D'après ce qui nous a été dit, la fraude sociale porterait pour deux tiers sur les prélèvements, et pour un tiers sur les prestations, le total représentant entre 6 et 14 milliards d'euros. Que pensez-vous de ces données ? Quelles sommes avez-vous pu récupérer ?

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Pierre Ricordeau, directeur de l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale, ACOSS

Ces données figurent dans le rapport du Conseil des prélèvements obligatoires sur la fraude, auquel nous avons d'ailleurs contribué. L'évaluation présente une double difficulté. D'une part, la seule source fiable dont nous disposons est celle des contrôles, lesquels, pour être efficaces, sont ciblés, ce qui nous empêche de faire une simple extrapolation. D'autre part, pour tout ce qui ne relève pas de la lutte contre le travail dissimulé, nous n'avons pas de grille de lecture permettant de distinguer, parmi les redressements que nous opérons, la fraude de la simple erreur. Le Conseil des prélèvements obligatoires s'étant fondé sur les redressements des unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF), les chiffres qu'il a fournis souffrent de cette difficulté – mais cette évaluation me paraît néanmoins tout à fait correcte.

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Pierre Ricordeau, directeur de l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale, ACOSS

Dans la mesure où nous progressons dans les techniques de ciblage de nos contrôles, le biais de l'estimation augmente et, en conséquence, l'évolution de la fraude est difficile à mesurer.

C'est la raison pour laquelle il faut développer en parallèle des actions de contrôle aléatoire – qui permettent d'éviter le biais lié au ciblage. Nous avons commencé à le faire, secteur par secteur, dans un premier temps dans le cadre de notre activité de lutte contre le travail dissimulé – en 2005 dans les hôtels, cafés et restaurants, en 2008 dans le commerce de détail alimentaire, en 2009 et 2010 dans le commerce de détail non alimentaire. Nous sommes arrivés ainsi à une évaluation assez précise de la fraude. Dans le commerce de détail non alimentaire, nous avons constaté qu'environ 12 % des établissements contrôlés de manière aléatoire et 6 % des salariés étaient, au regard du travail dissimulé, en situation de fraude. Les taux varient un peu selon les secteurs mais l'ordre de grandeur reste le même. Nous sommes parvenus à un résultat analogue dans le cadre d'une opération menée depuis plusieurs années sur les activités touristiques. Il va maintenant falloir développer ces contrôles aléatoires également dans le cadre de notre activité de « contrôle comptable d'assiette » – qui s'effectue avec préavis, contrairement à la lutte contre le travail dissimulé, pour laquelle nous nous rendons sans préavis dans une entreprise afin de vérifier si tous les salariés sont déclarés.

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On vous reproche de contrôler toujours les mêmes, et de contrôler ceux qui sont faciles à contrôler. Des pans entiers de l'économie échappent quasiment à tout contrôle. Pensez-vous pouvoir progresser ?

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Pierre Ricordeau, directeur de l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale, ACOSS

Du fait de l'importance du phénomène, nous n'avons pas la capacité de vérifier la totalité des situations de travail dissimulé, mais notre dispositif de contrôle est en forte croissance. Les unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) réalisent plus de 40 000 opérations, auxquelles s'ajoutent celles qui sont menées par nos différents partenaires.

Nous pratiquons un ciblage à partir de la probabilité de fraude, mais aussi à partir des signalements recueillis dans le cadre des comités de lutte contre la fraude. On ne peut pas dire que le contrôle porte toujours sur les mêmes acteurs et sur les mêmes secteurs.

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Vous dites contrôler les grandes entreprises environ tous les quatre ans, ce qui permet de récupérer des sommes importantes. Mais que faites-vous contre l'économie souterraine, qui constitue le véritable problème ? Certains recourent au travail clandestin ou construisent des bâtiments le dimanche au vu et au su de tous. Que fait l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) dans ce genre de cas ?

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Pierre Ricordeau, directeur de l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale, ACOSS

J'ai parlé du contrôle des grandes entreprises à propos du contrôle comptable d'assiette. En matière de lutte contre le travail dissimulé, nous ne faisons pas de ciblage fondé sur la taille des entreprises ; nous agissons sur la base de signalements, tels que ceux que vous évoquez, et nous raisonnons par secteurs, certains d'entre eux ayant été désignés comme prioritaires dans le cadre des orientations nationales fixées par le ministre du travail. La lutte contre le travail dissimulé représente désormais plus de 15 % de notre activité ; les résultats obtenus sont en augmentation sensible, même si nous sommes encore très loin de pouvoir traiter l'ensemble du phénomène.

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Que faut-il faire pour améliorer vos performances ?

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Jean-Marie Guerra, adjoint au directeur de la réglementation à l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale, ACOSS

Je m'inscris en faux contre l'idée selon laquelle nous nous concentrons toujours sur les mêmes secteurs d'activité, tels que le bâtiment ou la restauration. Le comportement des entreprises est certes lié au secteur auquel elles appartiennent, mais nous prenons en considération d'autres facteurs. Le fait qu'une entreprise ait connu des difficultés économiques constitue, en particulier, un risque accru de fraude sociale. Nous avons pu le vérifier sur le segment, très vivant et très divers, des petites et moyennes entreprises : 80 % des entreprises ciblées avec ce critère font l'objet d'un redressement.

En ce qui concerne le « reste à liquider », une autre approche est nécessaire puisque nous sommes confrontés à un phénomène souterrain.

Dans ce cas, le premier volet de notre action est la prévention et l'accompagnement : nous nous efforçons de travailler systématiquement avec les organismes professionnels, avec les syndicats, mais aussi avec les donneurs d'ordres et les maîtres d'ouvrage du secteur du bâtiment afin de mettre en place des systèmes d'information, accompagnés d'opérations de suivi sur le terrain et, le cas échéant, de sanctions.

Les contrôles aléatoires constituent le second volet. Une expérience a été menée pendant sept ans dans la région Nord-Pas-de-Calais, qui a fait l'objet d'un quadrillage portant sur l'ensemble des activités touristiques – restauration, campings, spectacles – du 1er juillet au 31 août. Un taux d'irrégularité quasiment identique a été constaté tous les ans : entre 10 % et 12 % d'entreprises en infraction, entre 5 % et 7 % de salariés non déclarés.

Ce constat conduit à s'interroger sur les sanctions. Sur le plan financier, nous disposons de la procédure du redressement forfaitaire. En matière de sanctions pénales, on serait certainement assez surpris des disparités de traitement, entre les tribunaux correctionnels, d'un même type d'infraction.

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Quel regard portez-vous sur ces disparités ? Comment expliquer leur existence, au regard des principes républicains ? Comment le peuple français peut-il comprendre ? N'est-ce pas là une menace pour le creuset intégrateur républicain ? Je crains pour ma part que cette situation ne favorise les communautarismes.

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Jean-Marie Guerra, adjoint au directeur de la réglementation à l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale, ACOSS

Nous voyons bien que pour certains parquets, les délits « en col blanc », d'ordre économique, ne sont pas la priorité, alors qu'avec d'autres nous pouvons au contraire travailler très efficacement. Les tribunaux correctionnels établissent également des priorités entre les différents types d'infraction. Or, à quoi bon multiplier les procès-verbaux s'ils ne débouchent que sur des rappels à la loi ou sur des sanctions dénuées d'effet ? Cette situation pose problème, vis-à-vis de nos concitoyens, du monde économique et aussi des opérateurs que nous sommes – qui finissent par être gagnés par une certaine lassitude.

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On peut aisément le concevoir. Pensez-vous que ces disparités de traitement ne relèvent que d'un facteur « culturel » ?

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Jean-Marie Guerra, adjoint au directeur de la réglementation à l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale, ACOSS

On peut l'espérer. Tout cela est très subjectif.

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Nous n'irons donc pas plus loin. Pourriez-vous tout de même nous donner des exemples concrets de ces suites judiciaires qui discréditent votre action ?

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Jean-Marie Guerra, adjoint au directeur de la réglementation à l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale, ACOSS

Un des objectifs de notre plan d'action est d'assurer un suivi judiciaire, mais ce sera une tâche difficile.

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Vous connaissez sans doute une liste de tribunaux qui vous posent problème…

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Il est possible que les disparités soient géographiques : certains dossiers peuvent perdre de leur relief là où les affaires sont très nombreuses… Les tribunaux ne sont-ils pas, comme vous-mêmes, un peu dépassés par l'ampleur du phénomène du travail illégal ?

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Jean-Marie Guerra, adjoint au directeur de la réglementation à l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale, ACOSS

Il y a une embolie à tous les niveaux du système judiciaire. Par voie de conséquence, un tribunal peut faire passer certaines thématiques ou certaines affaires avant d'autres.

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Permettez-moi donc cette question : où faut-il frauder en France ? Dans quels tribunaux la délinquance « en col blanc » est-elle le plus considérée comme secondaire, malgré le préjudice qu'elle porte à la collectivité ?

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Jean-Marie Guerra, adjoint au directeur de la réglementation à l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale, ACOSS

Nous n'avons pas encore les moyens d'établir une carte de cette nature.

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Pourriez-vous réaliser, à la demande de la MECSS, une étude des différences de traitement judiciaire des infractions constatées ? Ce travail présenterait une grande vertu pédagogique s'il figurait dans notre rapport.

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Pierre Ricordeau, directeur de l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale, ACOSS

Nous pourrons porter à votre connaissance des exemples concrets.

Les sanctions pénales sont nécessaires dans les cas les plus graves, mais les sanctions financières sont également très importantes. L'instauration du redressement forfaitaire a notamment permis de combler une lacune dans les cas où l'on constate une situation de travail dissimulé sans pouvoir procéder à une évaluation, faute de données. Nous disposons aujourd'hui d'une palette assez complète de sanctions financières, auxquelles s'ajoute la possibilité d'annuler les exonérations de charges. Nous sommes donc en mesure d'apporter une réponse rapide, efficace et relativement uniforme sur l'ensemble du territoire – elle le sera d'autant plus que nous sommes en train de renforcer les outils de pilotage national et régional.

Certaines études ont, par ailleurs, établi que la réalisation d'un contrôle conduit à une augmentation des déclarations, que ce contrôle ait été suivi d'un redressement ou non. Notre action a donc des effets très clairs sur les comportements.

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Sans revenir sur le détail d'une affaire qui suscite actuellement une certaine passion médiatique, je rappelle que des syndicats sont allés devant justice parce que des compagnies aériennes ne respectaient pas la réglementation. La situation étant connue depuis longtemps, ne vous appartenait-il pas d'y remédier ?

S'agissant de la sous-traitance, qui pose le problème du paiement des cotisations et des distorsions de concurrence – notamment dans le bâtiment –, l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS) relève-t-elle le défi ?

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Jean-Marie Guerra, adjoint au directeur de la réglementation à l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale, ACOSS

Easyjet et Ryanair ont fait l'objet de redressements. Nous n'avons pas été entièrement suivis par le tribunal en ce qui concerne Easyjet, mais l'affaire est maintenant pendante devant les juridictions d'appel ; en ce qui concerne Ryanair, l'évaluation est en cours.

En matière de sous-traitance, nous nous efforçons de mettre en cause les donneurs d'ouvrage par le biais de la solidarité financière. Même s'il en résulte une augmentation considérable de la durée des opérations, et donc une baisse de rendement des contrôles, nous avons eu recours à cette solution dans un certain nombre de dossiers. La mise en cause systématique des donneurs d'ouvrages fait partie des préconisations de notre plan d'action de lutte contre le travail dissimulé.

La dimension communautaire est une difficulté supplémentaire. Quand l'immeuble du Monde a été construit, par exemple, chacun savait dans quelles conditions le chantier se déroulait, mais nous nous sommes trouvés assez désemparés pour traiter le problème.

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Jean-Marie Guerra, adjoint au directeur de la réglementation à l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale, ACOSS

Il y avait beaucoup de ressortissants étrangers, employés grâce à un montage juridique.

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Dans le secteur du bâtiment, il est arrivé que de grandes entreprises françaises perdent un appel d'offres face à des concurrents chinois dont les coûts étaient inférieurs de 30 % aux leurs. Cela explique le recours à une sous-traitance européenne sans paiement des cotisations. L'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS) ne peut-elle pas intervenir préventivement auprès des entreprises en leur indiquant qu'elle s'assurera du versement des cotisations ?

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Pierre Ricordeau, directeur de l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale, ACOSS

De tels comportements peuvent faire l'objet de signalements et d'une intervention de notre part. Malgré les limites de notre action dans ce domaine, nous exerçons un contrôle très actif sur les détachements. Un contrôle en cours vise ainsi des sociétés d'intérim basées au Luxembourg qui ont manifestement contourné le dispositif relatif au détachement dans le cadre de travaux réalisés en France. L'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) travaille sur ce dossier avec l'État, avec la caisse primaire d'assurance maladie et avec le Centre des liaisons européennes et internationales de sécurité sociale. Une fois prouvée l'existence d'un faux détachement, nous nous tournerons vers le Centre des liaisons européennes et internationales de sécurité sociale et vers le Luxembourg pour demander qu'on mette un terme à ces opérations. Nous sommes très présents dans ce type de dossiers. Il reste que nous nous heurtons à un problème de moyens.

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De quels moyens humains auriez-vous besoin pour aller plus loin ? Et quelles modifications faudrait-il apporter à la législation en vigueur ? Si l'on en croit les estimations, il y a une différence considérable entre les contrôles que vous réalisez et le montant global de la fraude.

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Pierre Ricordeau, directeur de l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale, ACOSS

Le taux de redressement est aujourd'hui considérable – nos contrôles en matière de travail illégal conduisent à une sanction financière dans 70 % des cas. On peut envisager d'aller au-delà, mais ce sera difficile…

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C'est surtout le taux de récupération des sommes qui nous intéresse.

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Pierre Ricordeau, directeur de l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale, ACOSS

Le montant des redressements s'élève aujourd'hui à 130 millions d'euros, alors que le montant global des fraudes est estimé jusqu'à 12 milliards. On peut envisager d'améliorer encore l'efficacité de nos contrôles, comme je l'indiquais, mais elle est déjà grande. Pour aller plus loin, nous aurions besoin, avec nos partenaires, de plus de moyens.

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Vous récupérez environ 1 % du montant estimé des fraudes. Quelles sont les marges de progression envisageables ? Où en est-on dans d'autres pays européens ? Existe-t-il des dispositifs plus efficients que le nôtre ?

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Pierre Ricordeau, directeur de l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale, ACOSS

L'objectif qui nous a été fixé est d'atteindre, en 2013, 200 millions d'euros de redressements, ce qui représente un doublement du rendement financier de nos contrôles en matière de travail dissimulé. Ce sera évidemment encore peu par rapport aux estimations de la fraude.

Cela étant, les contrôles réalisés ont un effet dissuasif et pédagogique. Il importe de faire savoir que les contrôles existent, afin de faire évoluer les comportements. C'est pourquoi nous avons lancé, l'année dernière, une campagne de communication. Les enquêtes montrent qu'il existe une tolérance par rapport à la fraude, notamment le travail dissimulé, qui est parfois considéré comme acceptable dans certaines limites. Au-delà du rendement direct des contrôles, la multiplication des opérations engagées et notre effort de communication sur leur existence devraient avoir un impact important.

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Vous prêchez des convaincus, mais vous nous avez indiqué que vous rencontrez les mêmes types d'acteurs, année après année.

Comme l'a indiqué notre rapporteur, il faut établir une distinction entre la fraude « artisanale », qui concerne surtout certains secteurs d'activité, notamment en période touristique, et une fraude que l'on pourrait qualifier d'« institutionnelle » : de dimension internationale, cette dernière recourt à des holdings et à des sociétés écrans pour éviter le versement des cotisations dues. Quelle est votre stratégie contre ces pratiques qui limitent la collecte de ressources pour le financement de notre système de protection sanitaire et sociale, et participent au développement d'un dumping fiscal et social pénalisant pour les entreprises françaises ?

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Jean-Marie Guerra, adjoint au directeur de la réglementation à l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale, ACOSS

On peut effectivement distinguer la fraude « artisanale » et la fraude « professionnelle ».

En ce qui concerne la fraude « artisanale », nous devons continuer à affirmer notre présence. Le rendement de nos contrôles est à peu près identique tous les ans. Je souligne que certaines évolutions législatives, au motif de simplification, viennent perturber le jeu économique. Ainsi, il est assez facile de se déclarer auto-entrepreneur pour bénéficier d'un régime fiscal spécifique, tout en continuant à exercer une autre activité en parallèle – on peut être auto-entrepreneur et salarié à temps plein d'une entreprise. Ce dispositif a, d'une certaine façon, contribué à « nettoyer le paysage »…

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Jean-Marie Guerra, adjoint au directeur de la réglementation à l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale, ACOSS

Oui. On constate cependant que 60 % des auto-entrepreneurs ne déclarent pas de revenu.

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Benjamin Ferras, directeur de cabinet du directeur de l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale, ACOSS

Précisons qu'il n'existe d'obligation déclarative qu'en présence d'un chiffre d'affaires. Il y a un écart entre le nombre des auto-entrepreneurs inscrits et celui des auto-entrepreneurs qui déclarent un chiffre d'affaires.

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Quelle devrait être la périodicité de la déclaration du chiffre d'affaires ? Une fois tous les six mois ?

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Pierre Ricordeau, directeur de l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale, ACOSS

Elle est au moins trimestrielle pour les autres entreprises. Même si l'on ne retient pas cette périodicité dans le cas des auto-entrepreneurs, une obligation de déclaration paraît nécessaire. Dans le droit commun, toute entreprise doit faire une déclaration, même pour un chiffre nul, ce qui permet ensuite de procéder à des vérifications. Elles sont beaucoup plus difficiles à réaliser pour les auto-entrepreneurs.

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Jean-Marie Guerra, adjoint au directeur de la réglementation à l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale, ACOSS

Nous nous heurtons à un autre problème, qui est le recours à un faux statut. Dans un certain nombre de cas, difficiles à repérer, l'auto-entrepreneur est en réalité un fournisseur exclusif de l'entreprise dont il était antérieurement salarié.

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Ou pas antérieurement… Que faites-vous face à ce genre de situation ?

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Jean-Marie Guerra, adjoint au directeur de la réglementation à l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale, ACOSS

Nous effectuons un redressement après avoir requalifié la situation juridique des intéressés – en leur appliquant le statut de salarié. Nous cherchons à croiser certaines informations – par exemple l'adresse de l'auto-entrepreneur et celle du salarié. Mais le statut d'auto-entrepreneur nous pose problème en raison de son faible encadrement, qui rend les contrôles très difficiles. Nous avons procédé à des contrôles aléatoires, mais ils sont très chronophages. Nous manquons de moyens pour contrôler les 500 000 auto-entrepreneurs qui se sont déclarés en France.

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Ne pouvez-vous pas directement contrôler les entreprises qui ont un chiffre d'affaires et pas de salariés ? Elles ont nécessairement recours à des sous-traitants, qui peuvent être des auto-entrepreneurs. Dans ce cas, la situation n'est-elle pas suffisamment claire ?

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Jean-Marie Guerra, adjoint au directeur de la réglementation à l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale, ACOSS

Le problème résulte avant tout du nombre considérable d'auto-entrepreneurs, et du fait que 60 % d'entre eux ne produisent aucune déclaration. Certains ne déclarent pas de revenu afin de se soustraire aux prélèvements. D'autres survalorisent, au contraire, leur chiffre d'affaires pour bénéficier de droits plus étendus.

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Benjamin Ferras, directeur de cabinet du directeur de l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale, ACOSS

Les contrôles exercés sur les entreprises peuvent conduire à la requalification juridique des contrats de travail, mais on peut s'interroger sur les moyens disponibles face aux différents types de fraude qui sont susceptibles d'être commis par une population aussi nombreuse et aussi récente – il faut du temps pour adapter les modalités du contrôle.

S'agissant de la performance de notre activité de contrôle, je rappelle que notre compétence a été étendue à des champs nouveaux, notamment l'assurance chômage et certains régimes de sécurité sociale. La panoplie des outils juridiques à la disposition des corps de contrôle a également été renforcée. Ce sont des évolutions importantes, même si la formation du personnel de contrôle prend du temps : il faut faire évoluer la culture et les pratiques.

Le développement des partenariats est un autre levier d'action, en particulier dans le cadre des fraudes transnationales. Dans ce domaine, il appartient aux pouvoirs publics de favoriser une véritable coopération entre les administrations, laquelle relève du cadre européen, et surtout de conventions bilatérales. Le cadre partenarial permet une meilleure communication et une meilleure identification des moyens susceptibles d'améliorer notre boîte à outils.

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On peut avoir quelques doutes à l'égard des stratégies reposant sur le développement de conventions internationales tendant à mettre en cohérence les dispositifs fiscaux et sociaux. Dans un contexte de compétition économique acharnée, il est en effet peu probable que les pays émergents adoptent notre système de protection sanitaire et sociale.

Disposez-vous d'un mécanisme de veille permettant de déceler les mécanismes tendant à échapper au paiement des cotisations sociales ? Vous avez souligné les progrès qui ont été réalisés en matière de contrôle et d'échange d'informations. Peut-on encore améliorer les outils disponibles ?

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Jean-Marie Guerra, adjoint au directeur de la réglementation à l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale, ACOSS

Pour lutter contre les professionnels de la fraude, il faut adopter une démarche pragmatique. Nous devons travailler avec les autres acteurs, notamment la direction générale des finances publiques, en veillant à mettre en commun les informations disponibles. C'est pourquoi nous avons récemment lancé un travail conjoint avec la direction des résidents à l'étranger et des services généraux de la direction générale des finances publiques, avec la délégation nationale à la lutte contre les fraudes et avec le centre national des firmes étrangères. Le but est d'élaborer en commun des « fiches de travail » : nous nous sommes rendu compte que nos missions étaient mal comprises et nos pouvoirs mal utilisés ; une marge de progrès notable nous paraît possible. Il vaut mieux commencer par mutualiser les pratiques afin d'agir là où il faut et au bon moment. Le travail est engagé, et nous allons former les personnels afin de bien appréhender les cultures, les pratiques et les procédures de chacun. Ces dernières sont parfois très encadrées, notamment en matière fiscale, et il faut faire attention à ce que le travail réalisé en commun ne les fasse pas tomber.

Dans un second temps, on peut envisager de développer des coopérations internationales sous la forme de conventions bilatérales ou dans d'autres cadres, tels que le programme ICENUW lancé par la Belgique, la France, l'Espagne et l'Italie. Pour le compte de la France, l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS) a été sollicitée en vue d'élaborer des standards communs à tous les États membres de l'Union ; les travaux lancés par l'Espagne consistent à créer une sorte de « Facebook » des amis de la lutte contre le travail non déclaré, dans le but d'instaurer une plus grande proximité entre les acteurs, et ainsi de favoriser les contacts et de réduire les temps de réaction ; un autre programme, développé par la Belgique, vise à constituer une base juridique commune aux États membres.

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La constitution de cette sorte de « Facebook » n'est-elle pas l'aveu que les acteurs chargés de lutter, au niveau européen, contre la fraude en particulier et le crime en général n'exercent pas leurs missions ?

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Pouvez-vous nous en dire davantage sur le système belge ? Diverses informations de nature sociale ont été regroupées sur une même carte, ce qui pourrait sembler difficile à défendre, dans notre pays, vis-à-vis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés.

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Jean-Marie Guerra, adjoint au directeur de la réglementation à l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale, ACOSS

Je ne peux pas vous apporter de réponse dans l'immédiat.

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Si nous ne luttons pas contre les dérives, le processus de délocalisation va se poursuivre. Quel est le calendrier de la démarche engagée ?

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Jean-Marie Guerra, adjoint au directeur de la réglementation à l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale, ACOSS

Il faut d'abord signer une convention, ce qui permet de clarifier divers éléments. Pour l'année 2010, notre objectif est de former les opérateurs de terrain, afin de pouvoir dès l'année prochaine commencer à travailler sur la fraude transnationale en collaboration systématique avec la direction générale des finances publiques. Les référents régionaux que nous avons installés serviront de correspondants vis-à-vis de l'administration fiscale sur l'ensemble du territoire – les régions frontalières sont plus concernées que d'autres, mais on ne saurait se limiter à elles. La lutte contre la fraude transnationale fait partie des priorités définies dans le cadre de nos orientations pour 2010-2011, avec la fraude électronique.

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Nous serons très attentifs aux recommandations et aux préconisations de nature opérationnelle que vous pourriez porter à notre connaissance afin d'améliorer l'efficience de vos services, qu'il s'agisse de dispositions législatives ou de dispositions réglementaires dans les différents domaines que nous avons évoqués – statut de l'auto-entrepreneur, fraude « artisanale », fraude systémique dans le cadre du dumping fiscal et social.

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Pierre Ricordeau, directeur de l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale, ACOSS

Nous pourrons vous adresser des préconisations, mais il me semble que les besoins ne se situent pas principalement sur le plan juridique, sauf peut-être au niveau européen ou international. Ils concernent plutôt la méthode et l'organisation du travail.

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Vous avez tout de même évoqué une fragilité juridique liée au statut de l'auto-entrepreneur. Vous avez, en particulier, appelé de vos voeux une obligation de déclaration annuelle. Le statut de l'auto-entrepreneur est un vrai succès, mais force est de constater qu'il fait l'objet de stratégies de détournement et de contournement. De simples adaptations du cadre réglementaire pourraient peut-être suffire.

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Pierre Ricordeau, directeur de l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale, ACOSS

Je pense qu'il faudra passer par la loi. Nous avions demandé une obligation de déclaration, mais cette question n'a pas été traitée à l'époque, car la priorité n'était pas là. De façon générale, nous n'avons pas besoin de nouveaux outils juridiques pour exercer notre activité répressive. Le message que nous souhaitons vous adresser est qu'on facilite souvent la fraude et les mécanismes d'optimisation soit en complexifiant la législation, par exemple par l'instauration d'exonérations de charges, soit au contraire en la simplifiant à l'excès.

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Eu égard au calendrier d'examen des lois de finances et de financement de la sécurité sociale, nous aurions besoin de connaître vos éventuelles recommandations dans les plus brefs délais.

Merci d'avoir répondu à nos questions.

La séance est levée à douze heures dix.