Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Joël Giraud
Question N° 103140 au Ministère de l'agriculture


Question soumise le 28 février 2017

M. Joël Giraud attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement sur les droits à la retraite des vétérinaires ayant servi l'État dans le cadre de plans de prophylaxie. Dans les années 1955-1970, l'État a été confronté à d'importantes épizooties, ravageant le cheptel bovin français. Ne disposant pas lui-même des moyens matériels de procéder au traitement des cheptels, l'État a fait appel aux vétérinaires libéraux, en leur confiant des mandats sanitaires. En contrepartie de l'exercice de ces mandats sanitaires, l'État a versé des rémunérations (d'ailleurs assez peu importantes) aux vétérinaires libéraux titulaires d'un mandat sanitaire, en présentant les sommes ainsi versées comme constituant des honoraires, excluant toute initiative de l'État en matière d'affiliation des intéressés aux organismes sociaux. Il est toutefois apparu que les vétérinaires concernés étaient en réalité subordonnés à l'État, pour l'exercice de ces missions, dans le cadre d'un lien hiérarchique, caractérisant une activité salariée. Il a en outre été mis en lumière que l'État avait agi, avec la plus grande mauvaise foi, de manière à dissimuler son obligation d'affiliation, en indiquant systématiquement aux vétérinaires concernés que les sommes versées étaient des honoraires, et non des salaires. Par deux arrêts en date du 14 novembre 2011, le Conseil d'État a admis que l'État avait commis une faute à l'égard des vétérinaires titulaires d'un mandat sanitaire, en s'abstenant de les affilier aux organismes de retraite, alors qu'ils avaient la qualité de salariés, et que cette faute avait causé aux intéresses un préjudice, constitué par l'impossibilité de percevoir les arrérages de pension correspondants. Les vétérinaires concernés, ainsi privés d'une part de leur pension de retraite, ont sollicité une indemnisation de la part de l'État. Celui-ci a opposé à un certain nombre d'entre eux l'expiration du délai de la prescription quadriennale prévue par l'article 1er de la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ayant couru, selon lui, à compter de la notification du titre de pension. Le Conseil d'État a validé cette analyse par un arrêt du 27 juillet 2016. Le Conseil d'État a ainsi refusé d'admettre que, jusqu'à ce qu'il se soit lui-même prononcé sur la qualification de travail salarié, par son arrêt du 14 novembre 2011, les vétérinaires concernés ignoraient que l'État avait commis à leur égard une faute leur ayant causé un préjudice, constitué par une perte de leur pension. Cette analyse n'affecte pas les vétérinaires retraités les plus jeunes, ou ceux qui sont encore en fonctions, dès lors qu'ils ont été en mesure de former leur demande dans le délai ainsi imparti par le Conseil d'État (soit dans le délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant la liquidation de la pension). En revanche, les vétérinaires retraités les plus âgés, dont les retraites sont fréquemment les plus faibles, se voient ainsi privés d'une partie de leur retraite. C'est pourquoi il souhaite connaître les dispositions qu'il entendre prendre afin de rétablir la justice et de pallier les défaillances de l'État, et notamment si le Gouvernement prévoit de renoncer au bénéfice de la prescription quadriennale pour permettre aux retraités vétérinaires ayant œuvré dans l'intérêt général de bénéficier des pensions de retraite qui leurs sont dues.

Réponse émise le 21 mars 2017

L'État a tiré toutes les conséquences des deux décisions du Conseil d'État du 14 novembre 2011. Il a mis en place, dès 2012, une procédure harmonisée de traitement des demandes d'indemnisation du préjudice subi par les vétérinaires du fait de leur défaut d'affiliation aux régimes général et complémentaire de sécurité sociale au titre des activités exercées avant 1990 dans le cadre du mandat sanitaire. Cette procédure s'appuie sur la reconstitution des rémunérations perçues annuellement par chaque vétérinaire sur la période d'exercice de son mandat sanitaire. L'activité sanitaire des vétérinaires s'avère, en effet, avoir été très variable et ce indépendamment du département d'exercice. Si le traitement des demandes d'indemnisation peut apparaître long, il convient de souligner que la procédure amiable concerne un pré-contentieux de masse, qu'elle est lourde, car composée d'une analyse de chaque dossier selon des règles harmonisées, et de plusieurs étapes requérant l'implication non seulement du ministère chargé de l'agriculture mais aussi d'un ensemble de partenaires extérieurs. Cette procédure est ouverte aux vétérinaires retraités comme aux vétérinaires actifs. A ce jour, 1 273 dossiers recevables sont parvenus au ministère. 1 100 ont été complètement instruits. Priorité a été accordée, dans le traitement des demandes, aux vétérinaires en retraite qui subissent d'ores et déjà un préjudice. Trois séries de protocoles ont ainsi été envoyées en 2014, 2015 et 2016. Près de 80 % des vétérinaires en retraite, ayant accepté la proposition d'assiette qui leur a été faite, ont ainsi été indemnisés, ce qui montre la pertinence de la procédure retenue. Ce processus se poursuit en 2017. Cent nouvelles propositions d'accord ont d'ailleurs été envoyées depuis le début de l'année. Plus de cinquante d'entre elles sont déjà signées portant au 1er mars 2017 le nombre d'accords conclus à 553. Certains dossiers présentent néanmoins des difficultés particulières. L'article 1er de la loi no 68-1250 du 31 décembre 1968 dispose que « sont prescrites au profit de l'État… toutes créances qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis ». Le Conseil d'État a confirmé, dans ses décisions no 388198 et 388199 du 27 juillet 2016, que le délai de prescription de la demande d'indemnisation courrait à partir du 1er janvier suivant le jour de la liquidation de la retraite. Il a aussi souligné que la nature de salaires des sommes correspondant à la rémunération des missions effectuées par un vétérinaire dans le cadre d'un mandat sanitaire avait été clairement établie par ses décisions du 12 juillet 1969 et du 12 juin 1974 qui ont donné lieu à diffusion et à retranscription dans plusieurs instructions de la direction générale des impôts. Ce n'était qu'à compter du 1er janvier 1990, date d'entrée en vigueur de la loi du 22 juin 1989 modifiant et complétant certaines dispositions du livre deuxième du code rural, que les rémunérations perçues au titre des actes accomplis dans le cadre du mandat sanitaire avaient été « assimilées », pour l'application du code général des impôts et du code de la sécurité sociale, à des revenus tirés de l'exercice d'une profession libérale. Ainsi le Conseil d'État a-t-il jugé que les vétérinaires ne pouvaient être légitimement regardés comme ignorants de leur créance au moment où ils ont liquidé leur droit à pension. Le Conseil d'État, dans une décision du 10 janvier 2007 (Mme Martinez, no 280217), a en outre jugé que l'erreur de l'administration était sans incidence sur la légalité de la décision par laquelle l'administration opposait la prescription quadriennale à la réclamation d'un administré. L'article 6 de la loi précitée dispose également que « les autorités administratives ne peuvent renoncer à opposer la prescription qui découle de la présente loi ». Si l'article 6 de la loi no 68-1250 du 31 décembre 1968 prévoit aussi que les créanciers de l'État peuvent être relevés en tout ou partie de la prescription, ce n'est qu'en raison de circonstances particulières, notamment de la situation du créancier. Cette possibilité ne peut être qu'exceptionnelle, au risque, en cas de généralisation, de remettre en cause toute sécurité juridique et toute égalité des citoyens devant la loi.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette question.

Inscription
ou
Connexion