Séance en hémicycle du 17 novembre 2015 à 15h00

Résumé de la séance

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La séance

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La séance est ouverte à quinze heures.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

L’ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

La parole est à Mme Barbara Pompili, pour le groupe écologiste.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Je sais exprimer le sentiment de l’ensemble de cet hémicycle en disant que nos pensées vont vers les victimes des attentats de vendredi : les victimes assassinées, celles qui luttent pour leur vie, celles qui souffrent de blessures physiques ou psychologiques, celles qui sont confrontées à une absence inacceptable, avec laquelle il leur faudra vivre à jamais.

Monsieur le Premier ministre, le Président de la République a annoncé hier des mesures à la hauteur de l’attaque perpétrée vendredi soir. Il a tracé des perspectives pour répondre concrètement et collectivement, sur la scène internationale, sur les plans diplomatique et militaire, aux défis de Daech et pour combattre à la source le mouvement terroriste en Syrie.

Il a également annoncé des mesures permettant de rehausser encore les dispositifs de sécurité et d’adapter notre droit à la réalité de la menace que fait peser la guerre menée par Daech et à laquelle il nous faut faire face.

La décision d’instaurer l’état d’urgence, prise vendredi soir par le Gouvernement, apporte utilement, de manière provisoire, les réponses adaptées à l’imminence du risque.

Le Gouvernement trouvera jeudi des soutiens dans les rangs écologistes afin de prolonger pour trois mois cet état d’exception.

Pendant ces trois mois, le Parlement aura à examiner des propositions qui visent, elles, à fixer un cadre légal, mais aussi budgétaire, rénové et pérenne, adapté au péril terroriste : réforme constitutionnelle, modifications de la procédure pénale, nouvelle affectation de moyens aux services concernés par la lutte antiterroriste.

Ces modifications nécessaires rencontreront d’autant plus le soutien et l’unité du pays qu’elles seront élaborées dans le respect scrupuleux de la procédure démocratique, qui permet de légiférer avec le sang-froid indispensable à une telle responsabilité. Nous serons ainsi collectivement à la hauteur de l’exigence démocratique qui fait la force de notre République.

Ma question est donc simple : pouvez-vous nous éclairer sur le calendrier et les dispositions envisagés par le Gouvernement pour mener à bien ces réformes ?

Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste et sur quelques bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, Premier ministre

Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, madame la députée, permettez-moi d’abord de saluer l’ensemble des interventions prononcées hier à Versailles, à l’occasion de la réunion du Parlement en Congrès pour entendre le chef de l’État et les présidents de l’ensemble des groupes parlementaires. Je suis resté jusqu’à la fin du débat – et c’est bien normal : c’est ma mission – pour entendre l’ensemble des propositions des groupes, qui représentent non seulement les deux assemblées, mais aussi, comme l’a rappelé le Président de la République, la nation.

Je n’y reviendrai pas dans le détail. Plusieurs questions me permettront ou permettront aux ministres concernés de revenir sur tel ou tel aspect. Mais il faut aller vite. Il faut aller vite, pour répondre à l’attente et à l’exigence des Français. Il faut aller vite, parce que les Français, et c’est normal, posent des questions et attendent un engagement – pas seulement de l’exécutif, mais de l’ensemble de la représentation nationale. Il faut aller vite, parce que les proches et les familles des victimes, qui sont dans une profonde souffrance, attendent une riposte à la hauteur de l’attaque que nous avons subie.

Le Président de la République a rappelé quels étaient les axes de cette réponse, d’abord sur le plan diplomatique, à travers les initiatives, qu’il a lui-même détaillées, qui seront prises dans les tout prochains jours, à savoir une résolution du Conseil de sécurité, mais surtout des rencontres importantes avec le président russe et le président américain. Chaque pays est aujourd’hui mis devant ses responsabilités, et s’il y a un changement qui s’est imposé, ce n’est pas celui de la diplomatie française, mais le changement lié – très directement – à ce qui s’est passé en France, à Paris, vendredi dernier : c’est cela, je me permets de le rappeler, qui est en train de faire bouger les lignes.

C’est le choix, bien sûr, de continuer à renforcer notre appareil de sécurité, les moyens donnés à la police, à la gendarmerie, à nos services de renseignement, à la justice, à l’administration pénitentiaire. C’est aussi le choix d’évolutions juridiques.

J’aurai l’occasion de m’exprimer jeudi matin, en présentant avec Bernard Cazeneuve le projet de loi prorogeant l’état d’urgence, avec les modifications qui s’imposent, car la loi qui le régit date de 1955. J’en appelle, comme le Président de la République, à la responsabilité de tous pour que ce texte puisse être adopté dans les meilleurs délais : ces dispositions sont indispensables pour l’action de nos forces de sécurité.

Enfin, nous engagerons une révision de la Constitution, sur la base des propositions faites par le Président de la République…

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, Premier ministre

…à la fois parce qu’il faut intégrer un nouvel état de sécurité pour notre pays et parce que des réformes constitutionnelles s’imposent si nous voulons aller plus loin en ce qui concerne la déchéance de nationalité ou le retour d’un certain nombre de terroristes ; et sans doute y aura-t-il d’autres propositions.

J’aurai l’occasion de consulter l’ensemble des groupes et les présidents des deux assemblées sur le calendrier. Mais là aussi, nous devons aller vite, notamment dans le délai des trois mois de l’état d’urgence, qui sera, je l’espère, mis en oeuvre d’ici la fin de la semaine. Quoi qu’il en soit, vous pouvez compter sur la volonté du Gouvernement d’associer étroitement le Parlement. Dans ces moments-là, où nous devons prendre des dispositifs exceptionnels, vous représentez la démocratie, vous représentez les droits fondamentaux du Parlement, et nous les respecterons pleinement !

Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et du groupe écologiste et sur quelques bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

La parole est à M. Stéphane Demilly, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Monsieur le Premier ministre, dans la nuit de vendredi à samedi, la France a connu l’horreur : l’horreur dans sa capitale, dans des quartiers où la vie, la fête et la jeunesse s’épanouissent dans tout ce qu’il y a de plus beau. La France a été frappée au coeur dans des lieux symboles de sa vitalité et de sa diversité culturelle et sociale. Notre groupe rend hommage aux victimes et s’associe naturellement à l’union nationale.

Ce drame appelle notre responsabilité collective. Il ne s’agit pas ici de se rejeter la faute, de se lancer dans une compétition de propositions miracle : ce serait indécent. Il s’agit d’apporter des réponses réalistes pour protéger les Françaises et les Français. Les premières propositions vont dans ce sens, monsieur le Premier ministre, mais il faut aller plus loin. Aux conflits armés qui se tiennent aux portes de l’Europe, nous devons apporter une réponse européenne.

Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union des démocrates et sur quelques bancs du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Comme l’a rappelé hier le président Vigier, le groupe UDI est convaincu qu’il faut mutualiser les moyens de la défense au niveau européen. Ce n’est qu’à cette condition que le pacte de sécurité pourra rimer avec le pacte de stabilité. La France ne peut plus agir seule, comme elle le fait actuellement en Centrafrique et au Mali.

Naturellement, la grande idée d’une Europe de la défense soulève de nombreuses questions, et j’entends déjà les conservatismes s’exprimer. Mais face à un ennemi nouveau, nous devons apporter des réponses nouvelles et collectives. Jean Monnet déclarait : « Ce qui est important, ce n’est ni d’être optimiste, ni d’être pessimiste, mais d’être déterminé. » Monsieur le Premier ministre, êtes-vous déterminé à prendre le leadership de cette Europe de la défense ?

Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.

Debut de section - Permalien
Jean-Yves le Drian, ministre de la défense

Monsieur Demilly, vous avez raison, à ce moment de notre histoire, d’invoquer la nécessité du renforcement de l’Europe de la défense.

Debut de section - Permalien
Jean-Yves le Drian, ministre de la défense

C’est ce que j’ai fait, de mon côté, ce matin, à la réunion des ministres de la défense de l’Union européenne, qui m’ont fait part de leur solidarité et de leur émotion. Par ailleurs, comme cela a été indiqué par le Président de la République hier, je les ai également saisis au titre de l’article 42, point 7 du traité de Lisbonne, eu égard à la catastrophe que nous avons vécue. Chacun des pays membres a soutenu ma proposition.

Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et du groupe écologiste.

Debut de section - Permalien
Jean-Yves le Drian, ministre de la défense

Une avancée est donc en cours tant sur le plan politique qu’en termes d’efficacité.

Debut de section - Permalien
Jean-Yves le Drian, ministre de la défense

J’aurai l’occasion d’en reparler prochainement.

Par ailleurs, la réunion des ministres de la défense a permis de progresser sur le plan du partage et de la mutualisation concernant trois opérations lancées à l’initiative de la France, qu’elle conduit actuellement, en particulier au Mali et en République Centrafricaine. On assiste, je crois, à un saut qualitatif, mais ce n’est que le début d’un renforcement qu’il nous faudra poursuivre avec votre soutien. La France sera à l’initiative et, j’en suis convaincu, l’Europe sera au rendez-vous.

Applaudissements sur les bancs des groupes socialiste, républicain et citoyen et sur quelques bancs du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

La parole est à M. Jean Glavany, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Notre pays est en guerre. Le Président de la République nous l’a dit hier. Monsieur le Premier ministre, vous l’avez affirmé à de nombreuses reprises depuis plusieurs mois. Personne ne peut nier cette évidence, à moins d’être dépourvu de toute lucidité. Notre République doit donc mener cette guerre par tous les moyens, et d’abord par le rassemblement et l’unité nationale. Quiconque s’en abstiendrait serait rejeté aux oubliettes de l’histoire.

Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains. – Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Nous devons ensuite mener cette guerre par la dignité de nos débats. Mes chers collègues, nous avons tous l’impérieux devoir de nous hisser à la hauteur du moment, d’être digne de ce moment et de ces débats.

Il faut également évoquer les moyens que nous nous donnerons sur le plan juridique. J’affirme que c’est l’honneur d’une démocratie parlementaire que de rechercher tous les moyens du droit pour mener efficacement ce combat. Le Parlement le fera, même si l’exercice est difficile.

Enfin, et surtout, il y a le peuple français, qui saigne, qui entoure de son affection et de sa solidarité les victimes et leurs proches, le peuple français qui est sonné, désemparé,…

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

...mais qui s’accroche à ses valeurs de liberté, d’égalité et peut-être, surtout, de fraternité. Le peuple français, profondément laïc, sait vivre avec ses différences, les respecter et les dépasser. Le peuple français est debout et courageux.

Mes chers collègues, Nelson Mandela disait : « Être courageux, ce n’est pas ignorer la peur, mais la surmonter. » Monsieur le Premier ministre, le peuple français est debout, courageux. Il veut dominer sa peur. Il faut le mobiliser.

Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, Premier ministre

Monsieur Jean Glavany, comme j’ai déjà eu l’occasion de le dire, nous allons vite, aussi bien dans l’analyse…

Huées sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Monsieur de La Verpillière, veuillez retrouver votre calme légendaire !

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, Premier ministre

…que dans l’action. Encore une fois, nous allons revenir précisément sur toutes les annonces, les mesures, les actions qui ont été annoncées par le Président de la République. Mais, au moment où nous parlons, les victimes, leurs familles, leurs proches, sont dans la souffrance. Des corps n’ont pas été identifiés. Les corps n’ont pas encore été rendus aux familles.

Le processus sera long. Les Français sont choqués, meurtris, manifestent d’ailleurs spontanément, dans la rue, au nom même des valeurs que vous avez soulignées. Nous devons accompagner en permanence ces victimes, ces blessés, leurs familles, leurs proches. Je veux rendre une nouvelle fois hommage à l’action des forces de l’ordre,

Applaudissements sur tous les bancs

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, Premier ministre

aux policiers, qui sont intervenus dans des conditions particulièrement difficiles, en particulier les policiers de la police de Paris et ceux de la Brigade de recherche et d’intervention – la BRI.

Je vous le dis avec la plus grande fermeté : avec le ministre de l’intérieur, nous ne laisserons jamais mettre en cause l’action de ces hommes

Applaudissements sur les bancs des groupes socialiste, républicain et citoyen, écologiste, radical, républicain, démocrate et progressiste, du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et sur plusieurs bancs du groupe de l’Union des démocrates et indépendants

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, Premier ministre

qui, dans des conditions difficiles, ont sauvé des vies. Je pense à ce commissaire qui est entré dans le Bataclan et a abattu un terroriste, à ces unités d’élite de la BRI qui y ont pénétré dans des conditions particulièrement difficiles. Je veux rendre hommage aux policiers, aux gendarmes, à nos militaires. Je veux rendre hommage aux services de santé, à la sécurité civile, aux sapeurs-pompiers.

Applaudissements sur tous les bancs.

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, Premier ministre

Je veux rendre hommage aux enseignants qui, lundi, ont accompli leur travail d’accueil des élèves et qui font vivre la République à chaque instant.

Mmes et MM. les députés des groupes socialiste, républicain et citoyen et écologiste se lèvent et continuent à applaudir. - Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et sur quelques bancs du groupe Les Républicains.

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, Premier ministre

Je veux rendre hommage à ces hommes et à ces femmes qui sont debout et qui représentent nos services publics, la force et la puissance de l’État.

Debut de section - Permalien
Un député du groupe socialiste, républicain et citoyen

Debout, la droite !

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, Premier ministre

Oui, ce sont ces hommes et ces femmes, comme tous ces Français qui, aujourd’hui, manifestent leur volonté de faire face au terrorisme.

Donc, aujourd’hui comme demain, nous devrons en permanence penser aux victimes, à leurs proches, à ceux qui permettent à la France de résister – car c’est bien de cela qu’il s’agit. Nous devons le faire non par intermittence, mais en permanence.

Bien sûr, la vie politique reprend toujours le dessus, il y a des élections, hier départementales, aujourd’hui régionales : elles sont indispensables pour faire vivre la démocratie, parce que la démocratie est notre bien le plus précieux. Mais, plus que jamais, vous l’avez dit, nous devons tous être à la hauteur de nos responsabilités, de l’exigence des Français.

Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, Premier ministre

Mesdames, messieurs les députés, j’ai eu l’occasion de le dire : j’ai un regret personnel, que je veux partager avec vous.

Exclamations sur quelques bancs du groupe Les Républicains.

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, Premier ministre

Au lendemain des attentats de janvier, dans les semaines qui ont suivi, nous n’avons pas réussi, collectivement, à être à la hauteur de ces responsabilités et de cette exigence.

Quoi qu’on en dise, quels que soient les cris, les provocations, les propositions, je tiendrai debout, parce que c’est la mission que nous a donnée le Président de la République, parce que c’est l’honneur de ce gouvernement et que cela doit être l’honneur de la représentation nationale d’être à la hauteur de l’exigence des Français.

Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, Premier ministre

Vous pouvez compter sur moi : je ferai tout pour que l’unité, l’union sacrée soit préservée. Lors de l’examen de la réforme constitutionnelle, nous examinerons toutes les propositions à condition qu’elles respectent les valeurs fondamentales, nos libertés, et qu’elles soient efficaces.

Mmes et MM. les députés du groupe socialiste, républicain et citoyen, du groupe écologiste et sur plusieurs bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine se lèvent et applaudissent.

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, Premier ministre

Mesdames, messieurs qui représentez la nation, de la majorité comme de l’opposition, soyons dignes, à la hauteur des Français, soyons des patriotes rassemblés pour abattre le terrorisme.

Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et du groupe écologiste.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

La parole est à M. Laurent Wauquiez, pour le groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Monsieur le président, mes chers collègues, ma question s’adresse à M. le Premier ministre.

Nous éprouvons tous, sur tous les bancs, un sentiment de révolte. Toute la France est en deuil. Il faut se recueillir, mais il faut surtout agir, et nous serons jugés non pas sur de grands discours, mais sur nos actions.

Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains et sur certains bancs du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Allons-nous faire subir à nos enfants ce monde de terreur ? Cela suffit. Monsieur le Premier ministre, nous n’avons que trop attendu. Il faut se tourner vers demain, mais en ayant tiré les leçons des échecs d’hier. Et il n’y a plus de place pour les demi-mesures, monsieur le Premier ministre.

Merah, Kouachi, Coulibaly, Mostefaï : ils étaient tous fichés et leur dérive islamiste connue grâce au travail de nos forces de l’ordre. Cependant, ce que personne ne comprend aujourd’hui, c’est pourquoi ces terroristes en puissance, tapis dans l’ombre, prêts à nous frapper, étaient laissés dans la nature. Il ne suffit pas de les suivre : il faut les arrêter avant qu’ils ne passent à l’acte, même si cela implique un changement profond de notre droit.

Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Tous les individus fichés « S » pour radicalisation ne peuvent plus être en liberté.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Expulsion des étrangers, déchéance de nationalité pour les binationaux mais aussi, et c’est le coeur du problème, centre de rétention pour ceux qui sont nés français : c’est ce que nous devons envisager aujourd’hui sans prendre le risque d’attendre. L’heure n’est plus aux arguties juridiques.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Dès lors que vous avez décidé de changer la Constitution, il n’y a pas lieu de saisir le Conseil d’État du sujet. La question est de savoir jusqu’où nous sommes décidés à aller. Changer la Constitution pour le seul fait de la changer ne servirait à rien.

Ma question est précise, monsieur le Premier ministre : avez-vous l’intention d’appliquer ce principe de protection pour arrêter les terroristes en puissance avant qu’ils ne passent à l’acte ? Les Français veulent des mesures concrètes, ils veulent des mesures immédiates. Il faut mettre les terroristes en puissance hors d’état de nuire. Il n’y a pas de liberté pour les ennemis de la France.

Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, Premier ministre

Monsieur Wauquiez, je vais prendre un peu de temps et vous répondre le plus précisément possible sur l’ensemble des propositions qui ont pu être faites.

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, Premier ministre

Face à la menace terroriste et au besoin de définir des moyens juridiques exceptionnels pour affronter le terrorisme de guerre, nous devons tous, et nous pouvons nous accorder sur ce point, privilégier l’intérêt national et l’efficacité concrète. Et il ne devrait y avoir de place ni pour l’invective ni pour la polémique.

Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, Premier ministre

Il est absolument faux de dire que les propositions de l’opposition n’ont pas été intégrées dans le travail législatif conduit ces trois dernières années. À cet égard, soyons précis et rigoureux.

Il y a d’abord les propositions qui figuraient dans le projet de loi élaboré par le gouvernement de François Fillon en avril 2012 à la suite des crimes commis par Mohammed Merah en mars 2012. Afin d’en renforcer la répression, les délits de provocation à la commission d’actes terroristes et d’apologie du terrorisme ont été transférés de la loi de 1881 sur la liberté de la presse vers le code pénal et différents dispositifs judiciaires ont été prévus. Parce que nous savons que la radicalisation a lieu sur Internet, nous avons repris l’incrimination de la consultation habituelle de sites internet djihadistes en l’incluant dans un ensemble plus cohérent et plus sévère encore. Nous avons, je vous le rappelle, voté deux lois antiterroristes,…

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, Premier ministre

… l’une en décembre 2012, et j’avais déjà évoqué alors cet ennemi intérieur et extérieur, l’autre en décembre 2014. Nous sommes d’ailleurs allés plus loin encore sur ce sujet-là, puisque les sites provoquant au terrorisme ou en faisant l’apologie peuvent désormais être bloqués et déréférencés dans le cadre administratif à titre préventif, donc pas seulement sur l’initiative d’un magistrat judiciaire, comme vous l’aviez proposé en 2012.

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, Premier ministre

Nous avons également instauré l’incrimination des actes terroristes intégralement commis à l’étranger.

Il y a ensuite les propositions que l’opposition avance aujourd’hui mais qu’elle n’avait pas jugé bon de faire après les crimes commis par Mohammed Merah. Elles sont de trois ordres. Premièrement, il y a celles qui correspondent à nos propres réflexions et sur lesquelles un consensus républicain est souhaitable, comme l’extension aux personnes nées en France de la possibilité de déchéance de nationalité en cas de condamnation pour terrorisme. Le Président de la République l’a proposé. Cependant, mesdames, messieurs les députés de l’opposition, il faut faire preuve de cohérence. Une révision constitutionnelle est nécessaire pour inscrire une telle disposition dans notre droit.

« Non ! » sur les bancs du groupe Les Républicains.

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, Premier ministre

Soit vous êtes d’accord, et vous votez cette réforme constitutionnelle, soit vous ne l’êtes pas, et alors vous n’êtes pas cohérents.

Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, Premier ministre

D’autres propositions méritaient d’être examinées sans a priori mais, à la réflexion, ne paraissent pas porteuses d’efficacité opérationnelle dans la lutte contre le terrorisme. C’est par exemple le cas de la peine d’indignité nationale : un rapport parlementaire a démontré que cette disposition n’était pas adaptée.

Enfin, des propositions soulèvent de sérieuses questions juridiques si nous voulons éviter de tomber dans un régime d’exception, comme le placement sous bracelet électronique ou en internement d’office de toute personne faisant l’objet d’une fiche S , même lorsqu’il n’existe à son encontre que de simples soupçons ou renseignements non recoupés. Celles-ci soulèvent de graves problèmes de droit par rapport à la Constitution et à nos obligations internationales. Dans un esprit constructif et d’unité nationale, le Président de la République a proposé de les soumettre au Conseil d’État, et ce, pas uniquement pour savoir si elles sont conformes à la Constitution, monsieur Wauquiez, mais pour bien analyser leur conformité aux conventions internationales.

Je vous invite à les affiner, à les formuler, à les travailler ; le Gouvernement est prêt à une discussion afin que toute proposition efficace et conforme aux accords internationaux dont nous sommes partie puisse être signée, encadrée, intégrée dans une réforme constitutionnelle.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

On attend la proposition ! Ils n’en ont aucune !

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, Premier ministre

Je vous rappelle que le Conseil d’État avait en effet considéré en 2012 que cette proposition était disproportionnée. Nous sommes prêts à examiner toute solution.

Enfin, je voudrais dire que ce gouvernement, qui est à l’écoute de l’ensemble de la représentation internationale, n’a pas non plus attendu l’opposition pour renforcer la protection des Français, ce dont témoigne la loi relative au renseignement qui, sans y être exclusivement consacrée, comporte des dispositions spécifiques en matière de terrorisme. Le recours aux nouvelles techniques de renseignement sera particulièrement utile. De même, la création d’une filature électronique permanente des djihadistes était une nécessité opérationnelle forte, et le Gouvernement mettra cette disposition en oeuvre dès lors que la proposition de loi actuellement soumise à l’examen du Conseil constitutionnel sera promulguée.

Monsieur Wauquiez, nous sommes ouverts à cette discussion. Vous voulez parler du passé, mais je ne suis pas sûr que cela intéresse les Français.

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, Premier ministre

Pour ma part, je pourrais vous parler de ceux qui ont pris la responsabilité de dissoudre les renseignements généraux, c’est-à-dire le renseignement territorial.

Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen. – Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, Premier ministre

Je pourrais vous parler – ce serait si facile – de la suppression des 13 000 postes de policiers et de gendarmes qui a affaibli l’appareil sécuritaire.

Nouveaux applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen. – Brouhaha sur les bancs du groupe Les Républicains.

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, Premier ministre

Ce type de débat n’intéresse pas nos compatriotes, monsieur Wauquiez ; ce qui les intéresse, et nous pouvons nous accorder sur ce point, c’est la sécurité des Français. Avec le Gouvernement et avec la représentation nationale, au sens le plus large possible, je m’engage à tout faire pour assurer la sécurité des Français.

Par conséquent, si vous voulez discuter, en particulier pour réformer la Constitution, nous sommes prêts à avancer.

Applaudissements sur les bancs des groupes socialiste, républicain et citoyen et écologiste et sur plusieurs bancs du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.

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La parole est à M. Patrick Mennucci, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

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Monsieur le ministre de l’intérieur, l’état d’urgence a été décrété dans la nuit de vendredi à samedi à la suite des infâmes attaques dont Paris et Saint-Denis – donc la France – ont été victimes.

Dans le cadre de l’état d’urgence, vous avez à votre disposition des mesures d’exception. Vous avez activé la possibilité de faire des perquisitions administratives sur l’ensemble du territoire. Vous l’avez souvent rappelé, monsieur le ministre, on sait la porosité entre le milieu du banditisme, le trafic de stupéfiants, le trafic d’armes et les filières terroristes. Lutter contre ces filières et contre les trafics est essentiel pour assécher les réseaux djihadistes, et le Premier ministre a parfaitement raison de dire combien les renseignements généraux nous manquent aujourd’hui.

Le Président de la République, dont je veux saluer la hauteur de vue et l’engagement, a annoncé que les perquisitions administratives pourraient avoir lieu sur l’ensemble du territoire dans tous nos départements. Nous nous félicitons de sa décision de proposer au Parlement la prolongation de trois mois de l’état d’urgence.

Monsieur le ministre, vous avez annoncé hier que 168 perquisitions avaient été effectuées dans la nuit de dimanche à lundi et que 128 autres auraient lieu dans la nuit de lundi à mardi. Cela témoigne de votre totale détermination. Le Président de la République a annoncé la réforme de la loi de 1955. Monsieur le ministre, vous avez fait connaître le bilan des perquisitions de dimanche, au cours desquelles des armes de poing et même des roquettes ont été saisies.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Pourriez-vous nous faire état du bilan des perquisitions de la nuit dernière et nous indiquer les éléments de la réforme qui sera présentée devant le Parlement demain ?

Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur

Monsieur le député, la décision prise par le Président de la République d’instaurer l’état d’urgence a été dictée par les circonstances tragiques que traverse notre pays.

L’état d’urgence permet de mettre en oeuvre des mesures de police administrative extrêmement amples sur l’ensemble du territoire national afin de prévenir des troubles graves à l’ordre public. Deux types de mesures sont plus particulièrement activées pour faire face à ces risques et, bien entendu, les prévenir : les perquisitions dont vous avez parlé et les assignations à résidence, qui peuvent être prises dans le cadre de mesures de police administrative et s’avérer, elles aussi, extrêmement protectrices.

Pour ce qui concerne les perquisitions, 168 ont été faites dans la nuit de dimanche à lundi et 128 perquisitions sont intervenues ce matin. Elles ont permis de récupérer près de cinquante armes, dont des armes de guerre, des armes longues utilisées par des acteurs du trafic de stupéfiants, et on connaît la porosité qui existe entre le trafic de stupéfiants, le grand banditisme et le terrorisme.

Debut de section - Permalien
Plusieurs députés du groupe Les Républicains

Pourquoi ne pas l’avoir fait avant ?

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur

Par ailleurs, l’ensemble de ces perquisitions a donné lieu à l’enclenchement de l’action publique, car elles sont en effet enclenchées par les préfets en très étroite liaison avec les procureurs de la République, et des gardes à vue ont été décidées à l’issue de celles-ci qui permettront de démarrer des enquêtes de façon extrêmement rapide.

Les perquisitions, comme les assignations à résidence parfois décidées dans la foulée de celles-ci, offrent un haut niveau de protection dans un contexte où la rapidité de l’action publique compte. Seul l’état d’urgence permettait cela. Notre détermination est totale.

Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

La parole est à M. Christian Estrosi, pour le groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Nul n’a de leçons de dignité à donner, monsieur le Premier ministre !

Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.

Rires sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Tandis que le Président de la République a enfin reconnu que la France est depuis longtemps en guerre contre l’État islamique, à l’extérieur comme à l’intérieur, nous devons avant tout partager l’immense chagrin de notre peuple en pensant à toutes les victimes innocentes et l’infinie colère que notre nation exprime avec dignité ici et là. Nous nous félicitons que certaines de nos propositions, suggérées ici même depuis de si longs mois, soient enfin retenues. Nous les soutiendrons. Pourquoi si tard ? Pourquoi tant de sang versé et tant de larmes pour être entendus ?

Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.- Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

J’en donnerai deux exemples. Nous demandons depuis des mois la mise hors d’état de nuire des sympathisants terroristes fichés, véritables bombes ambulantes laissées en liberté. Cette proposition brocardée hier est donc devenue acceptable pour vous ! Après la tentative d’attentat du Thalys, j’ai proposé la mise en place de portiques de sécurité dans les gares afin d’en contrôler les accès. On m’a répondu, chez vous, que cette mesure est inapplicable, en harmonie avec une députée d’extrême-droite qui la disait stupide. Je me félicite d’avoir entendu aujourd’hui Mme Royal plaider pour cette mesure !

Par-delà les annonces, nous demandons au Gouvernement d’aller plus vite en prenant des mesures telles que les contrôles aux frontières, les bracelets électroniques, l’isolement, le renvoi des prêcheurs de haine et la fermeture de tout lieu salafiste en évitant tout amalgame entre communauté musulmane et terrorisme islamiste. Ces mesures, vous pouvez les prendre sans attendre par décret ou par ordonnance afin qu’elles soient applicables sans délai, monsieur le Premier ministre. Y êtes-vous prêt ? Dire qu’on est en guerre, c’est la faire tout de suite !

Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur

Votre question comporte plusieurs propositions, monsieur Estrosi. Elles doivent faire l’objet, si l’on considère qu’elles sont susceptibles d’être mises en oeuvre, d’un examen très précis en matière de faisabilité juridique.

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur

Je précise d’abord ce qu’est une fiche S.

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur

Ce n’est pas une fiche désignant des individus ayant commis des infractions pénales ni une fiche de surveillance ou de culpabilité. En droit français, une fiche S est une fiche de mise en attention permettant aux services de suivre plus particulièrement un certain nombre de personnes et de déclencher à leur endroit si nécessaire des interceptions de sécurité ou des dispositifs de surveillance particuliers. Ce que je dis là n’est rien d’autre que l’état du droit.

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur

Si nous voulons combattre le terrorisme dans la République, il faut selon nous le faire dans le respect scrupuleux du droit. Si celui-ci ne permet pas d’atteindre l’objectif, alors il faut le changer, comme l’a proposé hier le Président de la République.

Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur

Il n’est pas possible de lutter efficacement contre le terrorisme sans cette exigence républicaine de légalité et de rigueur intellectuelle. Je ne dis rien d’autre. Deuxièmement, vous avez proposé de placer sous surveillance électronique ceux qui font l’objet d’une fiche S. C’est tout simplement impossible compte tenu de l’article 66 de la Constitution. Tous les constitutionnalistes reconnaissent cette réalité. Votre proposition, nous la ferons examiner par le Conseil d’État car nous avons le souci de prendre en compte toutes les propositions. Quant à la sécurité dans les transports en commun, nous avons pris des dispositions précises transcrites dans la proposition de loi du député Savary qui sera examinée dans les meilleurs délais.

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La parole est à M. Patrick Bloche, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Dans la nuit de vendredi à samedi, à peine trois heures après le début des terribles attentats qui ont frappé Paris et Saint-Denis, plusieurs lieux d’accueil ouvraient leurs portes aux personnes concernées. J’ai pu constater à la mairie du 11e arrondissement l’engagement total des équipes professionnelles et bénévoles de la Croix rouge et de la protection civile afin d’assurer la prise en charge de celles et ceux ayant survécu. Je tiens à saluer ici leur réactivité et leur dévouement.

Applaudissements su de très nombreux bancs.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Dès le lendemain, les premières familles de victimes étaient accueillies dans les mêmes lieux ainsi qu’à l’École militaire afin de bénéficier d’un indispensable soutien psychologique grâce à une mobilisation toute particulière des équipes médicales du Samu. Le caractère exceptionnel de la tragédie induit un long et difficile travail d’identification qui n’est pas encore achevé. Il donnera progressivement à tous ces morts, au-delà de Paris et dans tous les territoires, un visage, une identité et une histoire.

Comment ne pas penser également à ces femmes et ces hommes, jeunes pour la plupart, qui luttent encore contre la mort grâce à l’engagement total de tous les personnels hospitaliers mobilisés dès la première heure ? Tandis que le deuil frappe tant de nos concitoyennes et de nos concitoyens, et tant de familles, tandis que celles et ceux qui resteront blessés dans leur chair mais aussi dans leur tête sont nombreux, pouvez-vous indiquer, madame la garde des Sceaux, comment le soutien aux victimes, expression du devoir de solidarité de la nation et illustration de la belle valeur républicaine de fraternité, sera durablement assuré ?

Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

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La parole est à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.

Huées sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains.

Debut de section - Permalien
Plusieurs députés du groupe socialiste, républicain et citoyen

Minable !

Debut de section - Permalien
Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice

Comme toujours, monsieur le député Patrick Bloche, vous avez su trouver les mots à la fois d’une très grande décence et d’une très grande force pour parler de ces blessures profondes dont nous savons qu’elles resteront tenaces. Nous savons que le chagrin et le deuil de celles et ceux qui ont perdu une et parfois plusieurs personnes qu’ils aiment dureront longtemps. Dès vendredi soir, nous avons activé la cellule interministérielle d’aide aux victimes mobilisant les ressources humaines et logistiques des ministères de la justice, des affaires étrangères et de la santé ainsi que celles de la sécurité civile. Nous avons également mobilisé nos partenaires associatifs, notamment la fédération nationale des victimes d’attentats et d’accidents collectifs et l’union nationale des accueils des villes françaises dont le réseau couvre tout le territoire et qui a mobilisé ses ressources humaines afin de répondre aux besoins des victimes.

Nous avons également mobilisé l’association « Paris aide aux victimes » et la mairie de Paris a été très active, tout comme le fonds de garantie. Les 350 blessés ont aussi droit à nos services, ce à quoi nous sommes attentifs. 117 personnes décédées ont été identifiées et l’institut médico-légal, en coopération avec le parquet de Paris, procède activement aux dernières identifications aussi vite que les exigences de sécurité et d’attention à la sensibilité des familles le permettent. Dix-sept nationalités sont concernées. Nous avons perdu de très nombreux compatriotes et des personnes qui aiment Paris et s’y trouvaient ont péri à côté des nôtres. 7 000 appels ont été traités pendant tout le week-end et des parlementaires de toutes sensibilités ont relayé les inquiétudes de personnes de leur circonscription qui rencontraient des difficultés. Nous avons veillé à y répondre. Notre exigence restera durablement ce qu’elle a été tout le week-end afin d’assurer un soutien et un suivi personnalisé à toutes ces personnes dont la douleur durera très longtemps.

Applaudissements sur les bancs des groupes socialiste, républicain et citoyen, écologiste et radical, républicain, démocrate et progressiste.

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La parole est à Mme Valérie Pécresse, pour le groupe Les Républicains.

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Vendredi dernier, le terrorisme islamiste aveugle et barbare a frappé de nouveau notre pays. À mon tour, je veux avoir une pensée émue et chaleureuse pour les victimes et leurs proches, et rendre hommage au dévouement des forces de sécurité et de secours.

Aujourd’hui, l’unité nationale exige l’action. Nous devons construire un bouclier de sécurité pour protéger les Français. Je souhaite vous parler plus particulièrement des réseaux de transports qui sont, nous le savons tous, des points de vulnérabilité face à la menace terroriste.

Nous avons appris avec satisfaction le renforcement des moyens civils et militaires dans les gares et sur les réseaux. Néanmoins, ce matin, lors de l’audition des présidents de la SNCF, de la RATP et des réseaux de bus, il est apparu qu’il fallait aller beaucoup plus loin pour renforcer la sécurité dans nos transports.

Je vous fais quatre propositions. Je vous propose à nouveau, comme le demandent depuis janvier la SNCF et le groupement des autorités responsables de transports – GART –, le port obligatoire de la carte d’identité dans les transports publics pour faciliter le travail des forces de sécurité.

Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Je vous propose, pour éviter les inégalités en matière de sécurité entre les Français – elles seraient intolérables –, de créer des polices de transports dans chaque région, compétentes pour tous les transports : ferroviaire, métro, bus, y compris les transports scolaires.

Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains.

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Je vous propose de généraliser la vidéoprotection et d’installer des portiques de sécurité et de contrôle des bagages sur les grandes lignes, les lignes internationales et dans les grandes gares.

Enfin, je vous propose d’instaurer un régime de partage d’informations entre les services de renseignement et tous les services publics. Il s’agirait de signaler aux responsables des transports les individus fichés S dangereux qu’ils sont susceptibles de recruter ou qui font partie de leurs employés, afin qu’ils évitent de les intégrer à leur personnel ou qu’ils les licencient. Un fiché S radicalisé ne doit pas être autorisé à conduire un train, un RER ou un métro !

Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur

Madame la députée, vous proposez des orientations qui ont été évoquées dans le cadre de la réunion du Comité national de sécurité dans les transports en commun, qui avait été créé en 2011, et qui s’est réuni pour la première fois en 2013, alors que M. Valls était ministre de l’intérieur, pour prendre un certain nombre de dispositions.

Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.- Protestations sur quelques bancs du groupe Les Républicains.

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur

À cette occasion, l’ensemble des grands présidents des organismes de transports ont fait des propositions que vous venez de relayer de façon très fidèle, madame Pécresse ! Elles correspondent très exactement au sujet dont nous traitons et ont vocation, pour certaines d’entre elles, à aboutir dans les prochains mois.

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur

D’abord, vous parlez de la nécessité de passer davantage au crible les personnes qui travaillent dans les entreprises de transports en commun. Cela existe pour un certain nombre de professions – c’est le cas des employés des centrales nucléaires ou d’autres sites sensibles. Il est donc possible, dans le cadre de la Constitution, d’étendre aux réseaux de transports ces dispositions. Nous l’avons envisagé avec les sociétés de transport en commun, nous sommes donc tout à fait prêts à le faire.

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur

Vous proposez aussi que l’on renforce la sécurité dans les grandes gares. C’est ce que nous avons fait en augmentant très significativement les effectifs des forces de sécurité dans les gares.

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur

Avec le Premier ministre et le ministre de la défense, nous avons visité les dispositifs mis en place. Par ailleurs, nous allons mettre en place des brigades multinationales à bord des trains transfrontaliers, de manière à procéder à des contrôles d’identité, repérer les individus fichés et arrêter ceux qui doivent l’être.

Vous proposez la création de forces de sécurité supplémentaires pour les transports en commun. C’est exactement ce que nous faisons grâce aux postes créés dans la police et la gendarmerie.

Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.

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La parole est à Mme Patricia Adam, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Ma question s’adresse à M. le ministre de la défense. Le Président de la République a affirmé hier avec force, au Congrès, que le pacte de stabilité ne devait pas nous empêcher de nous défendre. Il y va de notre sécurité nationale, et de notre sécurité collective. Nous n’avons pas le choix.

La solidarité européenne en matière de défense doit s’affirmer de façon crédible. Nombreux sont ceux qui partagent ici cette vision. Yves Fromion et Joachim Pueyo travaillent sur ces questions depuis longtemps et ils rendront prochainement un rapport.

Monsieur le ministre, vous avez rencontré ce matin à Bruxelles vos homologues européens, afin de discuter de l’application, pour la première fois, de l’article 42, alinéa 7, du traité de Lisbonne. Vous avez expliqué que chaque pays européen avait répondu de manière favorable ; nous nous en félicitons.

Pouvez-vous préciser à la représentation nationale quelles sont les mesures concrètes auxquelles donnera lieu cette solidarité européenne, et évoquer en particulier la question du pacte de stabilité ?

Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.

Debut de section - Permalien
Jean-Yves le Drian, ministre de la défense

Madame la présidente de la commission de la défense nationale est des forces armées, j’ai déjà évoqué la clause d’assistance mutuelle en répondant à M. Demilly, mais je serai plus précis à la suite de votre question. L’article 42, alinéa 7, du traité de Lisbonne prévoit qu’« Au cas où un État membre serait l’objet d’une agression armée sur son territoire, les autres États membres lui doivent aide et assistance par tous les moyens en leur pouvoir, conformément à l’article 51 de la Charte des Nations unies. »

Debut de section - Permalien
Jean-Yves le Drian, ministre de la défense

À la demande du Président de la République, nous avons invoqué cet article devant le conseil des ministres de la défense, car nous estimons être victimes d’une agression armée. C’est effectivement la première fois que cet article est invoqué et c’est la première fois qu’il sera appliqué.

Debut de section - Permalien
Jean-Yves le Drian, ministre de la défense

L’ensemble des pays membres a apporté son soutien à cette initiative, de même que la Haute représentante de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité. Cela signifie que dans les jours qui viennent, chacun des pays membres proposera un type de soutien à la France, que ce soit dans les opérations au Levant ou, pour alléger la tâche de nos forces armées, dans d’autres opérations comme au Mali, en République Centrafricaine, voire au Liban. Chaque État membre fera une proposition d’action et de complémentarité pour aider et soutenir la France.

C’est une décision très importante qui a été prise ce matin, dans l’émotion et la solidarité. Beaucoup ont d’ailleurs tenu à s’exprimer en français pour marquer leur soutien. Il s’agira d’actions concrètes, et cette réunion marquera une date dans l’histoire de l’Europe de la défense.

Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.

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La parole est à M. Philippe Meunier, pour le groupe Les Républicains.

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Monsieur le Premier ministre, gouverner, c’est prévoir. Après cette série d’attentats perpétrés par des islamistes dont certains ont la nationalité française, la colère gronde dans nos villes et nos campagnes. Nos compatriotes ne supportent plus, et avec raison, de voir leur identité de Français ainsi dégradée et bafouée.

Le 4 décembre 2014, votre majorité a balayé d’un revers de main notre proposition de loi visant à déchoir de la nationalité française les islamistes binationaux, proposition qui n’a pas besoin d’une révision constitutionnelle.

Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Le 2 avril dernier, après les attentats de janvier, nous avons déposé une seconde fois cette proposition de loi que vous avez à nouveau écartée sous prétexte que la législation actuelle était suffisante.

Mêmes mouvements.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Hier, le Président Hollande a reconnu que la législation ne répondait pas à nos besoins de sécurité, ce qui revient de facto à soutenir notre proposition au mot près. Que de temps perdu !

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Mais si déchoir de la nationalité française les islamistes est une nécessité absolue pour expulser du territoire ces traîtres à la nation, il est tout aussi important d’accorder la nationalité française avec parcimonie.

Or, depuis l’élection de François Hollande, le nombre de naturalisations augmente sans cesse. La semaine dernière, vous avez décidé d’attribuer plus largement encore la qualité de Français aux étrangers, allant jusqu’à déclarer vouloir en doubler le nombre.

Outre le caractère symboliquement fort de cette acquisition, vous n’êtes pas sans savoir qu’accorder la nationalité française à un étranger donne à celui-ci des droits conséquents, notamment en termes de liberté de circulation et de résidence sur notre territoire.

« Eh oui ! » sur les bancs du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Ma question est donc directe : allez-vous sans plus attendre revoir votre politique, afin de rendre plus restrictives les conditions permettant d’obtenir la nationalité française ?

Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, Premier ministre

Monsieur le député, l’action contre le terrorisme de guerre se mène sur tous les fronts. Il n’y a pas une mesure particulière – personne d’ailleurs ne le dit – qui permettrait de régler le problème. Le combat se mène d’abord – je le souligne à la suite de Jean-Yves Le Drian – sur le terrain extérieur, en frappant Daech, l’État islamique, en Irak comme en Syrie.

C’est ce que nous faisons en Irak depuis 2014.

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, Premier ministre

C’est ce que nous faisons depuis plusieurs jours en Syrie.

Les événements terribles que nous avons connus permettent aujourd’hui de faire bouger les lignes dans un certain nombre de pays et, nous l’espérons, de créer une grande coalition contre le terrorisme. Je veux ici saluer l’engagement de nos pilotes qui, à bord de leurs Rafale et de leurs Mirage, conduisent des opérations de frappes aériennes tous les soirs, toutes les nuits.

Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et du groupe Les Républicains.

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, Premier ministre

Le combat se mène également sur le front intérieur. Qui peut l’ignorer ? Il se mène grâce aux moyens que nous allons donner à la police, à la gendarmerie, aux services de renseignement, aux services de la justice, aux douanes.

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, Premier ministre

Ces moyens, en termes d’hommes, de femmes, de postes, nous n’avons cessé de les augmenter depuis 2012, et nous allons poursuivre notre engagement. Ce sont là des investissements importants tant les budgets de fonctionnement ont baissé entre 2007 et 2012. Or, nos forces de l’ordre ont besoin de moyens pour faire face au terrorisme.

Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, Premier ministre

Ce combat, ce sont encore les choix évoqués hier par le Président de la République, en particulier une révision constitutionnelle pour adapter la loi de 1955, que nous présenterons demain en conseil des ministres. Des mesures seront également prévues concernant la déchéance de la nationalité.

Apporter une réponse juridique et efficace au défi du terrorisme, comme le précisait le ministre de l’intérieur, c’est élargir les possibilités de déchoir une personne de sa nationalité française. Le code civil permet une telle déchéance pour une personne qui, ayant acquis la nationalité française, est condamnée pour des faits de terrorisme, sauf si cela a pour effet de la rendre apatride.

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, Premier ministre

La révision constitutionnelle proposée permettra de déchoir également de sa nationalité une personne née française, disposant de la double nationalité, et condamnée pour des faits de terrorisme ou pour atteinte aux intérêts fondamentaux de la nation.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

On n’a pas besoin que vous nous le rappeliez !

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, Premier ministre

Je vous réponds très précisément.

Enfin, monsieur le député, dans ce débat où se mêlent la colère, les angoisses, les peurs de nos concitoyens, je pense sincèrement que nous avons une responsabilité : préserver l’unité de la nation.

Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, Premier ministre

Pas uniquement l’unité de la représentation nationale, mais celle de la nation tout entière. Chaque fois que vous jouerez sur la confusion, comme vous le faites avec votre question, chaque fois que vous rendrez, par vos propos, tout étranger suspect, vous nous trouverez devant vous pour dire non.

Vifs applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et du groupe écologiste. – Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, Premier ministre

Je veux rappeler que, sur les trottoirs de Paris, monsieur le député, et dans la salle du Bataclan, des étrangers ont été tués, des Français d’origine étrangère ont été tués, peut-être même des Français qui avaient acquis leur nationalité

Mêmes mouvements.

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, Premier ministre

Parce que moi, parmi d’autres, je fais partie de ceux qui ont décidé un jour de devenir Français, parce que j’aime ce pays par-dessus tout, je ne permettrai jamais cet amalgame qui met en cause les valeurs de notre pays.

Mmes et MM. les députés du groupe socialiste, républicain et citoyen, du groupe écologiste et du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste se lèvent et applaudissent vivement.– Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.

Debut de section - Permalien
Un député du groupe Les Républicains

C’est de la manipulation !

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La parole est à M. Bruno Nestor Azerot, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

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Monsieur le Premier ministre, j’interviens au nom du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et en tant que représentant de l’Outre-mer.

Ce que nous voulons vous dire et, à travers vous, à la nation française tout entière, c’est notre sympathie pour les victimes des terroristes, notre fierté devant le travail des forces de l’ordre – et vous savez que l’outre-mer a déjà payé le prix du sang de ce point de vue avec le sacrifice de la policière Clarissa Jean-Philippe, assassinée en janvier dernier. Nous saluons aussi l’action exemplaire des personnels de santé et de secours.

Mais, monsieur le Premier ministre, aujourd’hui, si c’est la patrie qui est touchée, c’est aussi une France jeune et ouverte sur le monde qui l’est. Pas moins de dix-sept nationalités parmi les victimes : c’est un symbole ! Et nous devons être là pour relever le défi du monde libre que nous incarnons.

Beaucoup de questions restent sans réponse, mais l’heure est au rassemblement du peuple et de la patrie autour du chef de l’État, de vous-même, monsieur le Premier ministre, et de votre combat, qui est le nôtre.

Ce que je veux vous exprimer ici, quant à moi, c’est la solidarité de la nation, et notamment de l’outre-mer.

Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et du groupe socialiste, républicain et citoyen.

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La France est la France parce qu’elle est présente sur tous les continents et sur tous les océans. La France est la France parce qu’elle a diffusé des mots simples et des valeurs fortes à l’humanité tout entière : la liberté, l’égalité et la fraternité.

Mêmes mouvements

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Monsieur le Premier ministre, parfois l’outre-mer réclame plus de fraternité. Aujourd’hui, cette fraternité c’est nous qui vous l’offrons en vous soutenant dans vos efforts et votre lutte dans cette épreuve qui est la nôtre. En créole, en Martinique, devant des difficultés, nous avons l’habitude de dire « Ce an lanmin ka lavé lotre ». Une main ne peut se laver seule, c’est ensemble que nous vaincrons. C’est unis que nous devons être.

Mmes et MM. les députés du groupe de la Gauche démocrate et républicaine, du groupe socialiste, républicain et citoyen, du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste et du groupe écologiste se lèvent et applaudissent.

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, Premier ministre

Monsieur le député, c’est d’abord un beau symbole que vous posiez cette question, d’autant plus que nos compatriotes de Martinique ont été touchés, il y a encore quelques jours, par de graves inondations. Je veux vous redire, comme je l’ai dit au président de la région Serge Letchimy, la solidarité de l’État à l’égard de la Martinique et des Martiniquais.

C’est un beau symbole que vous posiez cette question et que vous offriez le soutien de la Martinique et des outre-mer à tous vos compatriotes.

Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen, du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et du groupe écologiste.

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, Premier ministre

Nous partageons, bien sûr, les mêmes valeurs. Les terroristes s’en prennent à la France parce que nous sommes un pays libre qui parle au monde depuis tant d’années, et qui est le symbole des valeurs universelles. Chacun a pu remarquer une nouvelle fois, après ces attentats, combien en Europe, les dirigeants, les peuples, s’étaient associés au recueillement et au deuil. Les couleurs nationales, les couleurs tricolores, la fraternité, la liberté, l’égalité, étaient chantées partout, inscrites au coeur des capitales, sur les monuments. C’est dans ces moments, malgré l’épreuve, monsieur le député, que nous pouvons tous être fiers d’être Français. Paris était une nouvelle fois dans l’épreuve et dans le sang, mais elle était debout, elle était la capitale du monde.

C’est, enfin, un beau symbole, car les terroristes ont voulu atteindre Paris,…

Debut de section - Permalien
Manuel Valls, Premier ministre

…la capitale, la diversité, cette jeunesse qui a soif de vie, de culture, qui était là pour s’amuser, pour vivre ensemble, au-delà des différences. Nous devons être forts, implacables à l’endroit du terrorisme. Nous devons nous donner tous les moyens pour lutter contre les terroristes, écraser l’État islamique, Daech. Nous ne devons éluder aucune question pour lutter contre l’islamisme radical, le djihadisme. Nous savons que nous avons un ennemi extérieur que nous devons combattre, mais aussi un ennemi intérieur. Nous savons qu’il ronge une partie de notre société, et vous pouvez compter sur notre détermination.

La réponse, c’est bien sûr la sécurité, l’État de droit, l’État tel qu’il était, hier, incarné par le Président de la République. Ce sont les moyens que nous donnons aux forces de l’ordre. C’est aussi la culture, l’éducation. C’est encore la force de notre pays, de ce que nous sommes : la diversité depuis toujours, la culture, les valeurs, celles qui sont les vôtres, celles qui étaient les valeurs de Césaire, et qui résonnent plus que jamais aujourd’hui dans la France atteinte mais debout.

Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen, du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et du groupe écologiste.

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La parole est à M. Jean-Pierre Door, pour le groupe Les Républicains.

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Ma question s’adresse à vous, monsieur le Premier ministre.

Après la nuit noire, apocalyptique, du 13 novembre, où la réalité la plus barbare a dépassé toute fiction, nous sommes en deuil et nous sommes en colère.

Les médecins, les chirurgiens, les personnels de santé ont unanimement décidé d’annuler leur manifestation de ce vendredi 13 contre le projet de loi relatif à la santé.

Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains et du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.

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Ils ont respecté le serment d’Hippocrate. Beaucoup d’entre eux ont participé au soutien logistique et médical toute la nuit du 13 novembre. Nous les en remercions chaleureusement.

Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains et du groupe de l’Union des démocrates et indépendants et sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

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Monsieur le Premier ministre, c’est à vous que je m’adresse. Loin de toute polémique, le groupe Les Républicains vous pose la question : comment envisager actuellement un débat sur le projet de loi relatif à la santé ici, dans l’hémicycle ? Vous n’ignorez pas l’opposition et la réticence que suscite ce texte. C’est un texte qui déchire, qui oppose. Alors ne légiférez pas par un passage en force de votre majorité ! Ce serait irresponsable. En cette période de deuil national, le moment n’est pas venu. Il est de votre devoir de nous entendre, de nous écouter, d’écouter les professionnels de santé et de reporter ce débat. Ne les entraînez pas à reprendre leurs manifestations.

Le débat sur la sécurité et l’état d’urgence annoncé hier est primordial et prioritaire pour tous les Français. Vous avez bien annulé le congrès des maires, reporté à 2016. Ne fragilisez pas l’unité nationale : reportez également le texte sur la santé à 2016.

Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains et du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.

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La parole est à Mme la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes.

Debut de section - Permalien
Marisol Touraine, ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes

Selon le dernier bilan dont nous disposons, monsieur le député, il y a encore dans les hôpitaux de Paris ou de la petite couronne 221 victimes, dont 57 en réanimation. C’est à ces hommes et à ces femmes qu’aujourd’hui, à l’instant où je vous parle, vont mes pensées (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen), ainsi qu’à l’ensemble des professionnels de santé qui, dans la nuit de vendredi soir et ensuite, se sont mobilisés d’une manière absolument extraordinaire.

Applaudissements sur tous les bancs.

Debut de section - Permalien
Marisol Touraine, ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes

Nous voulons leur dire combien nous sommes fiers du travail exceptionnel qu’ils ont réalisé.

Debut de section - Permalien
Plusieurs députés du groupe Les Républicains

Répondez à la question !

Debut de section - Permalien
Marisol Touraine, ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes

Les SAMU, les hôpitaux parisiens et les hôpitaux de la petite couronne, les hôpitaux militaires Bégin et Percy, ont travaillé dans les conditions extrêmes et, pour autant, ont délivré une médecine exceptionnelle. Je me suis rendue sur place pour leur rendre hommage et pour rendre hommage aux victimes.

Debut de section - Permalien
De nombreux député du groupe Les Républicains

La question !

Debut de section - Permalien
Marisol Touraine, ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes

Monsieur le député, le débat consacré au projet de loi de modernisation de notre système de santé a été reporté à jeudi,

Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains

Debut de section - Permalien
Marisol Touraine, ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes

après la discussion sur l’état d’urgence. Je suis certaine qu’au moment où ce débat aura lieu dans l’hémicycle, nous aurons tous à l’esprit et au coeur le formidable engagement des professionnels de santé (Mêmes mouvements), en particulier dans nos hôpitaux, pour éviter que la tragédie que nous avons connue ne se double d’une tragédie sanitaire.

Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

La parole est à Mme Anne-Lise Dufour-Tonini, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

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Ma question s’adresse à M. le ministre de l’intérieur.

La France est touchée au coeur et nous ressentons tous la gravité exceptionnelle de la situation. Quasiment chaque victime a désormais un nom, un visage qui nous renvoie à l’atrocité de ces crimes.

À mon tour, je veux rendre hommage au dévouement, à l’engagement et au professionnalisme des forces de l’ordre et des équipes de secours et de santé, qui, alors que l’effroi et la sidération frappaient le pays tout entier, se sont immédiatement mobilisées pour faire front, pour faire face. La mobilisation exceptionnelle des services publics est une garantie de la cohésion de la nation face au terrorisme.

Hier, devant le Parlement réuni en Congrès, le Président de la République a annoncé un très important renforcement des effectifs de police, de justice et de sécurité afin de garantir la lutte la plus efficace et la plus implacable contre le terrorisme et la barbarie, déclarant à juste titre que le pacte de sécurité devait l’emporter sur le pacte de stabilité.

Nous savons malheureusement que cet état de guerre va s’inscrire dans la durée et réclamer en effet des moyens et des effectifs supplémentaires. Moyens, effectifs et formation de nos forces de l’ordre vont donc être renforcés très rapidement face à la menace, d’autant qu’il s’agit, somme toute, de revenir au niveau que nous connaissions en 2007. Depuis 2012, cette majorité a d’ores et déjà recruté près de 2 000 personnels de police et de gendarmerie, mais 13 000 emplois supprimés en cinq ans, cela laisse forcément des traces ! Un responsable politique de l’opposition, ancien Premier ministre, reconnaissait ce matin l’erreur qu’ont représenté de telles suppressions dans ces domaines durant le précédent quinquennat.

Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.

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Plus de sécurité, plus de moyens aux forces de l’ordre, tels sont la volonté et l’engagement du Président de la République et du Gouvernement. Il s’agit aussi, et nous le savons tous, d’une attente très forte et légitime de nos concitoyens.

Ma question, monsieur le ministre, porte sur les moyens concrets affectés dans l’urgence au renforcement de nos forces de l’ordre et de sécurité. Pouvez-vous nous donner plus de renseignements sur le calendrier et sur le déploiement de ces moyens ?

Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur

Vous m’interrogez, madame la députée, sur les moyens des forces de sécurité dans un contexte de menace terroriste extrêmement élevé.

Je veux d’abord rappeler qu’au début du quinquennat, après que 13 000 postes avaient été supprimés, le Président de la République et le Premier ministre ont annoncé la création de 500 postes par an. Ce contrat est d’ores et déjà rempli. À la fin du quinquennat, 2 500 postes de policiers et de gendarmes auront été créés dans ce cadre.

Il a également été décidé au mois de janvier, dans le cadre du plan de lutte antiterroriste, de créer 1 500 postes supplémentaires : 500 au sein de la direction générale de la sécurité intérieure, 500 au sein du service central de renseignement territorial, 126 au sein de la direction centrale de la police judiciaire, le reste se répartissant entre la police de l’air et des frontières, les services de renseignement de la préfecture de police de Paris et le service de la protection des personnalités.

Hier, le Président de la République a décidé de rehausser encore de 5 000 personnes le niveau des effectifs. Nous aurons donc créé, d’ici à la fin du quinquennat, 10 000 emplois.

Nous souhaitons que les concours permettant le recrutement de ces policiers soient rapidement ouverts. Nous examinons d’ores et déjà les conditions dans lesquelles nous pourrons recruter des promotions supplémentaires. Je travaillerai avec les services du ministère et les organisations syndicales pour déterminer la répartition de ces effectifs.

Nous avons également besoin de crédits de fonctionnement hors dépenses de personnel, avec un objectif clair : donner à tous les policiers de France qui sont exposés les armes, les boucliers, les gilets pare-balles, les véhicules dont ils ont besoin. Je m’engage devant la représentation nationale à traiter ces sujets avant la fin du premier semestre de l’année 2016. Je ferai des propositions au Premier ministre dès la fin de cette semaine pour atteindre cet objectif et pour donner à la police les moyens qui lui sont nécessaires.

Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.

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La parole est à M. Olivier Falorni, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.

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Oui, monsieur le Premier ministre, nous sommes en guerre. Mais pour gagner une guerre, il faut d’abord bien cibler l’ennemi. L’ennemi, c’est bien sûr le terrorisme djihadiste. Mais le terrorisme c’est le moyen d’action. L’ennemi, il faut le dire clairement et sans tabou, c’est l’idéologie qui produit ces crimes abominables et cette idéologie, c’est le salafisme.

Je l’ai dit ici même il y a un an, le salafisme est le carburant du djihadisme. Le salafisme, cette idéologie qui porte en elle la violence par le verbe, par le texte et par les armes ; le salafisme, cette idéologie qui proclame que la démocratie est une mécréance ; le salafisme, cette idéologie qui rejette absolument toutes nos valeurs universelles.

Il faut le dire et le redire : l’islam est parfaitement compatible avec la République, mais le salafisme, lui, ne l’est pas.

Applaudissements sur les bancs du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste et sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains, du groupe de l’Union des démocrates et indépendants et du groupe socialiste, républicain et citoyen.

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Le dire, c’est protéger nos compatriotes musulmans de l’amalgame et de la stigmatisation. Le dire, c’est aussi exiger la clarté de la part des États du Golfe, notamment de l’Arabie saoudite wahhabite…

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…afin qu’ils cessent de nourrir, dans tous les sens du terme, ce totalitarisme barbare.

Applaudissements sur les bancs du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste et sur quelques bancs du groupe Les Républicains.

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Mais le dire ne suffit pas : il faut frapper, il faut combattre le salafisme.

Monsieur le Premier ministre, vous avez récemment déclaré que les discours salafistes n’auront plus le droit de cité en France. Je vous approuve totalement. Alors quelles mesures allez-vous prendre pour éradiquer cette idéologie qui ne produit que de la haine et que du sang ?

Applaudissements sur les bancs du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste, du groupe de l’Union des démocrates et indépendants et du groupe Les Républicains et sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur

Monsieur le député, vous avez parfaitement raison de dire que nous devons aussi, dans notre souci de lutter contre le terrorisme, protéger tous les musulmans de France, qui sont de plain-pied dans la République, des effets qu’ont les discours de haine sur l’image de leur religion et de la souffrance que cela occasionne pour eux.

Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur

Les témoignages de musulmans français qui aiment la République et ressentent une tristesse comparable à la nôtre sont nombreux. Il faut bien entendu les prendre en compte et les valoriser car nous avons aussi besoin de leur parole forte dans ce contexte.

Je partage votre sentiment : si nous voulons les protéger du dévoiement de leur religion par une poignée de barbares, il faut que nous soyons, à l’égard de ceux qui appellent à la haine dans les mosquées, très clairs, très forts, très fermes, très puissants.

Aujourd’hui, nos dispositions législatives ne permettent pas de dissoudre les mosquées dans lesquelles un certain nombre d’acteurs appellent à la haine, parfois jusqu’à provoquer au terrorisme.

D’ailleurs, il n’y a pas eu, au cours des quinze dernières années, une seule dissolution de mosquée salafiste. Pas une ! La première sera, au terme d’une longue procédure – car j’ai souhaité qu’on examine tous les dossiers et qu’on aille au terme de ce combat –, présentée en Conseil des ministres dans les prochaines semaines.

Il nous faut absolument, pour aller plus loin et être plus efficaces et plus rapides, modifier la législation en vigueur.

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur

Car ce que nous souhaitons, c’est agir contre le terrorisme et les pensées de haine dans le respect scrupuleux des règles de droit, ce qui devrait vous rassurer totalement, vous qui êtes dans l’opposition. Pour cela, nous allons présenter de nouvelles dispositions législatives et modifier la Constitution, dans l’esprit voulu par le Président de la République.

Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.

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La parole est à M. Claude Sturni, pour le groupe Les Républicains.

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Ma question s’adresse à M. le Premier ministre.

Samedi dernier, la SNCF et l’Alsace ont également connu un drame avec le déraillement d’une rame TGV testant la nouvelle ligne grande vitesse reliant Paris à Strasbourg sur un pont de la commune d’Eckwersheim, dans ma circonscription. Cette tragédie a causé le décès de onze personnes et fait une quarantaine de blessés.

Avec Mme la ministre Ségolène Royal et le secrétaire d’État Alain Vidalies, j’étais présent sur les lieux de cette catastrophe. Nous avons été témoins d’une scène de chaos et de désespoir qui était alors et est aujourd’hui encore inexplicable et incompréhensible.

Je souhaite tout d’abord saluer tous les services de secours qui ont, là aussi, été remarquables

Applaudissements sur de nombreux bancs

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ainsi que l’efficacité de la chaîne d’urgence mise en oeuvre jusqu’aux hôpitaux de Strasbourg et de Haguenau.

J’adresse aux victimes et aux familles des cheminots blessés mes plus sincères condoléances et mes souhaits de rétablissement.

Mon intervention comporte plusieurs questions.

À ce jour, monsieur le Premier ministre, pourriez-vous éclairer la représentation nationale sur les circonstances exactes de cet accident et sur les progrès de l’enquête ?

Les Français sont légitimement fiers du succès de leur TGV. Cet accident doit donc être expliqué pour ne pas compromettre le développement de celui-ci et la confiance des Français. Nous comptons tous sur une liaison efficace et compétitive entre notre capitale du Grand Est et Paris. Quelles seront les conséquences de cette tragédie sur la mise en route de la deuxième phase de la LGV ?

Enfin, je souhaiterais insister sur le maintien nécessaire de la ligne aérienne Paris-Strasbourg par Air France. La compagnie avait annoncé l’arrêt de cette ligne en avril 2016 au moment du lancement commercial de la deuxième phase de la LGV. Si j’en conteste la logique dans l’absolu, je demande que cette décision soit remise en cause.

Applaudissements sur quelques bancs du groupe Les Républicains.

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La parole est à M. le secrétaire d’État chargé des transports, de la mer et de la pêche.

Debut de section - Permalien
Alain Vidalies, secrétaire d’état chargé des transports, de la mer et de la pêche

Monsieur le député, effectivement, samedi après-midi, un accident effroyable s’est produit. Un TGV qui effectuait des essais sur la future ligne tant attendue du TGV Est a heurté la pile d’un pont ferroviaire. La motrice est tombée dans un canal et les wagons se sont éclatés sur plusieurs centaines de mètres. Bilan : onze morts, quarante-deux victimes, dont deux sont encore entre la vie et la mort.

Le Gouvernement partage vos mots et je veux exprimer ici notre solidarité et notre compassion envers les victimes et l’ensemble de la famille cheminote pour qui c’est un drame inédit.

Comme vous l’avez fait fort justement, je voudrais moi aussi remercier les services de secours. Nous étions sur place avec Ségolène Royal, à la demande du Président de la République et du Premier ministre, et nous avons vu à l’oeuvre, là aussi, les pompiers, les gendarmes, le SAMU, les services publics – tous ceux qui sont au rendez-vous dans ces moments-là.

Les questions que vous posez sont légitimes. L’accident s’est produit dans une courbe située après la partie nouvelle où le train procédait à des essais à 350 kilomètres à l’heure. Dans cette courbe qui rejoint la voie historique, il devait rouler à 175 kilomètres à l’heure. Nous ne savons pas aujourd’hui si cet accident est dû à la vitesse. J’entends et je lis comme vous des commentaires, mais personne ne le sait encore. Nous disposerons d’éléments techniques grâce aux boîtes noires qui ont été retrouvées.

Par ailleurs, cet accident va probablement entraîner des conséquences sur la mise en service de la ligne, prévue le 3 avril. Mais là aussi, pour l’instant, rien n’est définitif.

Enfin, au cas où il y aurait un retard, il faudrait en effet se poser la question de la poursuite de la liaison aérienne puisqu’il existait un lien entre les deux. Aujourd’hui, les mots sont clairs : solidarité, transparence et espérance dans l’avenir de la LGV.

Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.

La séance, suspendue à seize heures quinze, est reprise à seize heures vingt-cinq.

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L’ordre du jour appelle les explications de vote au nom des groupes et le vote par scrutin public sur l’ensemble du projet de loi de finances pour 2016 (no 3096, 3110, 3112, 3116).

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Dans les explications de vote, la parole est à Mme Eva Sas, pour le groupe écologiste.

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Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État au budget, madame la rapporteure générale, mes chers collègues, les circonstances de ce vote sont difficiles. Nous étions tous, il y a quelques jours, dans le recueillement, rue de Charonne, boulevard Voltaire, ou ailleurs. Aujourd’hui nous sommes toujours en deuil et il nous faut pourtant prendre position sur le projet de budget pour 2016.

Nous sommes dans une période troublée. Devant nous un piège est tendu : celui de la division, celle des forces politiques, mais bien plus grave encore, celle de notre société. La suspicion, la stigmatisation, la surenchère sécuritaire sur fond de polémique politicienne, tels sont les dangers qui sont à nos portes, comme ceux, réels, du terrorisme qui nous menace, nous et nos enfants, chaque jour.

C’est pourquoi nous devons à la fois combattre la menace terroriste et ancrer dans notre société, aujourd’hui plus encore qu’hier, nos valeurs de tolérance et d’humanité, celles-là mêmes qu’ils ont voulu abattre.

Liberté, égalité, fraternité : le Président Obama reprenait, il y a quelques jours, notre devise dans notre langue. La liberté, c’est d’abord celle d’aller et venir en paix ; assurer la sécurité de tous, c’est défendre la liberté. Les écologistes saluent donc l’effort constant depuis 2012 en faveur du budget de la mission « Sécurités » : 1 828 postes ont été créés depuis le début du quinquennat, en faveur notamment du renseignement, qui est plus que jamais nécessaire pour combattre les menaces qui pèsent sur notre société.

Combattre le terrorisme et la radicalisation, c’est aussi s’appuyer sur les deux autres piliers de notre devise, l’égalité et la fraternité. Je voudrais insister sur la nécessité, dans ces heures douloureuses, de préserver et de développer ce qui fait notre capacité à vivre ensemble et rappeler ici à quel point l’école est un élément fondamental de notre contrat social, à quel point les mesures en faveur de la jeunesse, de l’égalité des territoires, de l’éducation populaire, le soutien aux associations et aux politiques locales contribuent à ce que chacun se sente inclus dans notre société et ne parte pas à la dérive.

Or, monsieur le secrétaire d’État, nous ne vous avons pas caché notre inquiétude sur l’évolution des crédits consacrés à ces missions, particulièrement sur l’incidence de la baisse abrupte des dotations aux collectivités – 11 milliards sur trois ans –, sur les services publics de proximité, sur l’investissement dans des projets collectifs locaux et sur les subventions aux associations.

Les échanges que nous avons depuis le début de cette discussion vous ont conduit à faire évoluer votre budget et à adopter deux avancées majeures : la convergence des fiscalités de l’essence et du diesel d’une part, l’allégement de la CSG payée par les ménages modestes d’autre part. Les écologistes sont heureux d’avoir contribué à cette inflexion positive.

La convergence des fiscalités de l’essence et du diesel est une avancée en termes de santé publique. La hausse d’un centime de la taxe sur le diesel et la baisse du même montant de la taxe sur l’essence marquent le début d’une convergence essentielle si on veut cesser d’encourager fiscalement des technologies polluantes qui nuisent à notre santé.

La baisse de la CSG jusqu’à 1,34 SMIC à compter du 1er janvier 2017 est une mesure nécessaire et juste. Elle permettra de redonner du pouvoir d’achat aux ménages modestes, de rendre l’impôt plus juste et de faire un premier pas important sur le chemin de la fusion de l’impôt sur le revenu et de la CSG.

Nous souhaitons poursuivre le dialogue qui a permis ces avancées dans le cadre de la deuxième lecture du projet de loi de finances pour 2016 et de l’examen du projet de loi de finances rectificative.

Comme pour la première partie de ce projet de loi de finances, les votes des députés écologistes se partageront entre soutien et abstention. Mais ils seront tous présents pour faire évoluer avec vous les prochains textes budgétaires dans le sens d’un renforcement des moyens consacrés à la sécurité de notre pays, mais aussi de la cohésion de notre société et de la diminution de notre dépendance vis-à-vis des pays producteurs de pétrole. La France doit répondre d’une seule voix à ceux qui veulent porter atteinte à ses valeurs ; les écologistes sont prêts à construire cette réponse avec vous.

Applaudissements sur quelques bancs du groupe écologiste.

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La parole est à M. Joël Giraud, pour le groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.

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Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, madame la rapporteure générale, mes chers collègues, nous nous apprêtons à adopter en première lecture le projet de loi de finances pour 2016. Cette année particulièrement, l’examen du texte a permis de l’amender substantiellement et utilement, dans une coproduction législative réelle et apaisée.

Nous avons procédé au bilan de la première partie le 20 octobre. Pour cette seconde partie, notre groupe est satisfait de l’adoption d’assez nombreuses mesures, telles que la création d’une dotation de compensation spécifique à l’extension de l’abattement de 30 % de taxe foncière sur les propriétés bâties aux 1 500 quartiers prioritaires de la ville, à l’initiative de mon collègue Jacques Krabal ; l’exclusion de l’assiette de l’impôt sur le revenu des indemnités journalières attribuées aux travailleurs indépendants au régime réel en cas de maladie en rapport avec une affection de longue durée ; la liquidation des astreintes dès le prononcé de l’injonction par le juge compétent pour le contentieux spécifique du droit au logement, qui permettra un financement stable et pérenne du Fonds national d’accompagnement vers et dans le logement ; la modulation, voire l’exonération en zone non déficitaire, de la taxe au profit des agences de l’eau pour prélèvement en eau potable, dans les fontaines patrimoniales situées en zone de montagne – vous comprendrez que cela me touche particulièrement – ; le maintien de la réduction d’impôt pour les entreprises qui mettent une flotte de vélos à la disposition de leurs salariés ; la mise sur un pied d’égalité fiscale de tous les gîtes dans nos territoires ruraux ; les mesures fiscales favorables aux maisons de santé pluri-professionnelles ; enfin la remise par le Gouvernement d’un rapport sur les moyens de garantir aux veuves d’anciens combattants un revenu stable.

J’en viens à la mission « Relations avec les collectivités territoriales ». Je m’étais placé du côté des réformateurs en proposant de nombreux amendements à l’article 58, permettant de résoudre, selon les dernières simulations de la DGCL – la direction générale des collectivités locales –, une grande partie des difficultés soulevées par la réforme de la dotation globale de fonctionnement initialement proposée. Cette réforme structurelle, notre groupe l’appelle de ses voeux. Son report in extremis par Matignon n’a toutefois pas empêché notre Parlement d’examiner les amendements déposés par l’ensemble des groupes, ouvrant ainsi la voie aux réflexions du groupe de travail qui oeuvrera l’an prochain. Ils concernent notamment les villes moyennes, dont certaines cumulent difficultés sociales et territoriales, et qui auraient beaucoup à perdre dans l’adoption d’une telle réforme. Ils concernent aussi la dotation de centralité et la répartition finale entre communes membres d’un EPCI : l’on doit revenir au critère de la population totale, et non au critère de la population au sens de la dotation globale de fonctionnement, sans quoi l’on détournerait les charges de centralité vers les stations de tourisme au détriment des bourgs centres Ils concernent enfin les communes d’une vaste superficie, notamment les communes situées en zone de montagne, où des superficies allant jusqu’à 200 kilomètres carrés doivent être prises en compte, et celles qui sont situées en tout ou partie à l’intérieur d’un parc national, où il faut respecter le pacte fondateur de la loi de 2006.

Ces mesures constitueront sans nul doute en 2017 les bases d’une réforme de justice pour l’ensemble de nos communes.

Je me félicite également de la prorogation jusqu’au 30 juin du dispositif de garanties financières pour les communes nouvelles, sous réserve de délibérations concordantes avant le 31 mars. Plus encore, je salue le fait que la commission des finances ait convenu que lorsqu’une commune nouvelle sera rejointe par une ou plusieurs communes supplémentaires, le bénéfice de la garantie de maintien du niveau de DGF sera sauvegardé. Il s’agissait là de deux demandes de notre groupe.

Deux autres mesures phares ont été adoptées au cours de l’examen en séance publique de la seconde partie : premièrement la transformation d’une partie de la prime d’activité en allégement d’impôt sous forme d’une réduction automatique et dégressive de CSG jusqu’à 1,34 SMIC à partir de 2017, que notre groupe a soutenue – l’application en 2017 permettra de résoudre l’impact attendu de cette mesure sur le revenu fiscal de référence de ses bénéficiaires – ; deuxièmement, la prorogation pour deux ans de l’exonération de taxe d’habitation, de dégrèvement de la contribution à l’audiovisuel public, ainsi que de taxe foncière sur les propriétés bâties, pour les personnes âgées, veuves, ou en situation de handicap ou d’invalidité, qui l’étaient en 2014.

Pour conclure, je rappelle que notre groupe avait proposé plusieurs mesures de rendement pour le budget de l’État et pour celui de la Sécurité sociale, devant s’appliquer dès 2016 : par exemple, un relèvement minime du taux de notre impôt de bourse, ou encore de celui de la taxe sur le risque systémique des plus grands établissements bancaires, ou de la taxe sur les boissons sucrées et édulcorées, qui bénéficient d’un taux réduit de TVA – contrairement à certains produits féminins de première nécessité ! Nous avons aussi soutenu un amendement mettant fin à l’insupportable optimisation fiscale du crédit impôt recherche.

Après les mesures annoncées au Congrès hier par le Président de la République, qui remettent en cause l’équilibre budgétaire que nous nous apprêtons à voter, nous sommes prêts à faire de nouvelles propositions de financement. Nous rappelons la volonté du Parlement : il faut que la Commission européenne prenne en compte les dépenses militaires exceptionnelles que nous assumons au nom de l’Europe afin de défendre les objectifs de paix, de sécurité et de respect entre les peuples énoncés dans ses traités fondateurs.

Applaudissements sur les bancs du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.

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La parole est à M. André Chassaigne, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

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Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, madame la rapporteure générale, mes chers collègues, le vote de cette loi de finances pour 2016 se fait dans des circonstances pour le moins exceptionnelles, gravissimes pour le pays. L’effroi, l’horreur, la barbarie viennent de frapper vilement la République en plein coeur. Le terrorisme, la lâcheté, viennent d’emporter d’innombrables vies innocentes, de meurtrir des familles. La tristesse, l’indignation sont en chacun de nous, pour longtemps.

Oui, notre pays a été attaqué lâchement ; oui, les défis auxquels nous devons faire face sont immenses ; plus que jamais, la République doit être forte et les Français unis, soudés, solidaires, car face à la terreur, le pire serait la division. Le pire peut arriver, mais aussi le meilleur, comme nous l’avons vu avec la formidable mobilisation de nos services de secours, de santé et de sécurité. Je tiens, une nouvelle fois, à leur rendre hommage.

Notre pays, notre peuple, ont surmonté bien des événements dramatiques au cours de leur histoire ; nous voyons aujourd’hui que notre pays aspire à plus de solidarité, au renouveau du vivre ensemble. La réponse de l’État doit être à la hauteur ; à l’évidence, cette réponse ne peut se faire qu’avec des moyens et des services publics consolidés, permettant à l’État d’accomplir ses missions essentielles : sécurité, éducation, justice, emploi, culture, cohésion sociale.

Après les événements de ce vendredi noir, la question de la sécurité est évidemment fondamentale. Nous ne pouvons plus continuer à affaiblir les effectifs de sécurité. Je rappelle que 13 700 emplois ont été supprimés entre 2007 et 2012, ce qui a mis à terre l’ambition d’une police et d’une gendarmerie de proximité. Je rappelle également la réorganisation permanente de l’administration des douanes et les 3 000 suppressions de postes que nous n’avons cessé de dénoncer, budget après budget. Les annonces faites par le Président de la République au Congrès vont assurément dans le bon sens, et nous espérons que ces engagements seront garantis dans le temps.

Mes chers collègues, l’unité nationale que nous devons à nos concitoyens sera d’autant plus forte qu’elle intégrera la diversité républicaine et son expression. Aussi, c’est à l’aune des valeurs de notre république – liberté, égalité, fraternité et laïcité – que les députés du Front de Gauche et du groupe GDR forgent leur appréciation sur ce budget. L’heure n’est pas aux disputes puériles ; elle n’est pas non plus à l’effacement de la diversité.

Les questions que nous nous posons aujourd’hui sont essentielles. Ce projet de budget pour 2016 est-il susceptible de répondre aux enjeux d’égalité, de solidarité et de développement de notre pays ? Peut-il répondre aux inquiétudes de nos concitoyens quant à leur sécurité, mais aussi à leur peur du lendemain, à leur crainte de la précarité et du déclassement ? Relève-t-il le défi de la cohésion nationale ? Redonne-t-il à l’expression populaire et aux choix souverains leur juste place face à une finance démesurée ? Nous avons noté que le renforcement des effectifs de sécurité sera fait en s’affranchissant des dogmes budgétaires de l’Europe qui ont fait tant de mal à nos peuples.

Quand neuf millions de nos concitoyens vivent sous le seuil de pauvreté ; quand cinq millions d’entre eux sont inscrits à Pôle emploi ; quand de plus en plus de retraités fréquentent les associations caritatives ; quand nombre d’artisans et commerçants ne peuvent se verser un salaire, quand notre jeunesse n’a pas de perspectives, il est temps de déclarer la guerre aux inégalités, la guerre au règne et aux règles de la finance. À l’évidence, la riposte sécuritaire ne saurait suffire. Notre pays, la France, est grand non seulement par les valeurs universelles qu’il porte, mais aussi par ses réussites, sa vitalité culturelle, la force de ses territoires. Nous créons tant et tant de richesses qui devraient nous permettre de faire vivre la République et ses valeurs !

Malheureusement, une nouvelle fois, l’effort budgétaire sera ciblé quasi exclusivement au bénéfice des entreprises, avec des aides massives accordées sans sélectivité, sans contrepartie, dont les effets sur le chômage sont invisibles. Ce faisant, on continue d’assécher l’État et nos territoires, au détriment de l’emploi, des services publics, des investissements, bref, du lien économique et social local ! Disons-le clairement : c’est d’un pacte de fraternité dont nous avons besoin, en lieu et place du mal nommé pacte de responsabilité.

Les moyens existent : substituons aux 18 milliards d’euros annuels du CICE un grand plan de politiques publiques audacieuses au service de l’égalité des territoires, de l’éducation, de la solidarité et de la culture, qui sont les vrais remèdes contre l’obscurantisme. Regrettant que les conditions budgétaires soient loin d’être réunies pour garantir la cohésion et un avenir ambitieux et juste pour notre pays et sa jeunesse, les députés du Front de gauche voteront contre ce projet de loi de finances.

Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

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Le scrutin public sur l’ensemble du projet de loi de finances pour 2016 est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à M. Dominique Lefebvre, pour le groupe socialiste, républicain et citoyen.

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Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, madame la rapporteure générale, mes chers collègues, notre assemblée se prononcera dans quelques instants sur l’ensemble du projet de loi de finances pour 2016 dans des circonstances particulières, qui ne sont pas exactement celles dans lesquelles nous avons engagé ce débat démocratique essentiel.

Je salue, monsieur le secrétaire d’État, la richesse de nos débats, leur qualité, leur tenue, qui vous doivent beaucoup. L’engagement, la précision, la clarté de vos interventions, qui n’ont évacué aucun débat, ont pleinement respecté le Parlement.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Je tiens, au nom de mon groupe, à vous en remercier, comme je tiens à saluer l’esprit de dialogue et d’écoute mutuelle qui a régné entre le Gouvernement et sa majorité parlementaire.

Au moment de voter l’ensemble de ce projet de loi de finances, il nous faut, dans ces circonstances, revenir davantage encore à l’essentiel, c’est-à-dire à nos priorités : la sécurité, la défense et la justice ; la croissance, l’emploi et la justice sociale ; l’éducation et la culture ; la transition énergétique. Nous finançons ces priorités tout en poursuivant le redressement de nos finances publiques. Ce sont là des choix de sociétés, et c’est là un choix de souveraineté : les deux vont d’ailleurs de pair.

Ce sont ces choix, des choix globaux et cohérents, que l’opposition de droite a contestés tout au long de nos débats. Elle a réclamé une réduction drastique des dépenses publiques, sans jamais préciser desquelles, mais si ses amendements avaient été adoptés, ils auraient fait exploser le déficit et la dette ! Ce sont ces choix-là que nous confirmerons aujourd’hui par notre vote et que nous accentuerons en deuxième lecture.

Car nous l’avons tous compris : les circonstances nous obligent à aller plus loin, plus vite, plus fort, pour nous donner les moyens de gagner la guerre qui nous a été déclarée. Le groupe socialiste accompagnera donc pleinement le Gouvernement dans le renforcement des moyens alloués à la sécurité des Français, comme l’a annoncé hier, à Versailles, le Président de la République. Nous adapterons en conséquence la trajectoire de redressement des finances publiques. Personne ne comprendrait qu’il en fût autrement : ce sont les efforts réalisés depuis 2012, et ceux qui sont contenus dans ce projet de loi de finances, qui nous le permettent.

Le texte initialement déposé par le Gouvernement donnait déjà la priorité à la sécurité, la défense et la justice. Nous avons renforcé cette priorité, pour accroître la capacité opérationnelle des forces de sécurité chargées d’assurer la sécurisation de nos frontières et la lutte contre les filières d’immigration irrégulières, tout en renforçant nos capacités de lutte contre le terrorisme et la délinquance. C’est près de 1 000 emplois, monsieur le secrétaire d’État, que nous avons ajoutés au cours de cette discussion. Ils permettront de donner corps à cet engagement.

Avec les mesures annoncées hier, que nous adopterons en deuxième lecture, nous aurons ainsi restauré le niveau de nos forces de sécurité et de défense à son niveau de 2007 – auquel il aurait dû rester, si des politiques hasardeuses ne les avaient pas affaiblies au cours du précédent quinquennat.

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À coté de la sécurité, de la défense, de la justice, les autres priorités de ce projet de loi de finances sont l’emploi et la croissance, l’éducation et la culture, la justice sociale, la transition énergétique, à travers un ensemble de mesures qui font, elles aussi, partie de la défense de notre pacte républicain, de notre modèle démocratique et culturel, celui-là même que nous entendons, ensemble, défendre.

Nous poursuivons donc la mise en oeuvre du pacte de responsabilité et de solidarité, un pacte nécessaire pour faire baisser le chômage et renforcer la justice sociale, deux enjeux essentiels pour notre cohésion nationale. Ce pacte commence à produire ses premiers effets avec une croissance d’au moins 1 % en 2015, un investissement qui repart à la hausse à plus de 2 %, une économie qui crée à nouveau des emplois plus qu’elle n’en détruit, même s’il faudra en créer davantage pour absorber l’arrivée de 100 000 actifs chaque année sur le marché du travail.

S’agissant de l’emploi et de la croissance, nous ne devons pas davantage baisser la garde et il nous faut poursuivre cet effort. L’essentiel aujourd’hui est dans la visibilité et la stabilité des règles fiscales et sociales, indispensables au retour de la confiance des ménages comme des entrepreneurs. C’est ce que nous assurons avec ce texte.

Nous poursuivons également notre effort pour l’éducation et la culture qui sont aussi des armes de défense de notre modèle français. Nous pouvons nous féliciter de mesures telles que la poursuite du programme de recrutement des enseignants ou la sauvegarde des crédits de la politique culturelle, mesure que nous avons complétée par des dispositions sur le cinéma, l’un des symboles de cette exception culturelle que le monde entier nous demande de sauvegarder.

Nous poursuivons enfin notre politique de justice sociale pour revenir, là aussi, sur les mesures hasardeuses du précédent quinquennat. Nous poursuivons la baisse des prélèvements obligatoires engagée en 2014 et 2015, baisse qui concernera en 2016 huit millions de foyers fiscaux : c’est la grande mesure fiscale et sociale de ce projet de loi de finances.

Nous avons aussi adopté une solution durable au problème de l’assujettissement brutal à la fiscalité locale notamment des personnes seules et des retraités aux revenus modestes, en réparation, là encore, des mesures inconséquentes prises sous le mandat précédent.

Au total, plus d’un milliard d’euros a ainsi été mobilisé à l’initiative des parlementaires, entièrement financé par de nouvelles économies, comme je m’y étais engagé au nom du groupe socialiste. Je veux aussi souligner, en matière de régulation de la finance, les premières mesures d’application du programme BEPS – Base erosion and profit shifting – que nous avons mises en place avec Michel Sapin. C’est un signal fort envoyé par la France à ses partenaires, un pas qui n’aurait pas été possible sans l’action déterminante du Gouvernement et des parlementaires.

En définitive, cette première lecture du projet de loi de finances respecte pleinement nos engagements, nos priorités politiques sans remettre en cause le nécessaire redressement de nos finances publiques, notamment pour sauvegarder notre souveraineté. C’est pourquoi le groupe socialiste votera l’ensemble de ce texte.

Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.

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La parole est à M. Hervé Mariton, pour le groupe Les Républicains.

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Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, dans le moment tragique que nous vivons, notre groupe veut affirmer sa responsabilité pour la cohésion de notre pays, mais aussi, bien sûr, notre liberté dans le débat budgétaire. Nous voterons contre le projet de loi de finances, monsieur le secrétaire d’État, parce que les constats le commandent.

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Parce que vos amendements n’ont pas été acceptés ?

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Les prélèvements obligatoires ne baissent pas. L’impôt sur le revenu a augmenté de plus de 40 % depuis 2012, alors que le nombre de contribuables a baissé : c’est dire la souffrance des classes moyennes. Le pire est à craindre de vos projets de retenue à la source et de fusion de l’impôt sur le revenu et de la CSG.

Le solde des finances publiques, le déficit du budget de l’État ne baissent pas non plus, ou si peu. À dire vrai, monsieur le secrétaire d’État, la masse salariale a augmenté depuis 2011 ; les achats comme les prestations sociales ont augmenté. Dans les dépenses de l’État, seul l’investissement a baissé.

En même temps, la dette a augmenté, vous le savez. Elle atteint aujourd’hui 96,5 % du produit intérieur brut. La Commission européenne s’est exprimée ce matin : elle doute de votre capacité à tenir à l’horizon de 2017 les engagements que vous prenez. Mais le problème, nous le mesurons bien, ne vient pas principalement des critères de Bruxelles. Le danger, particulièrement aujourd’hui dans les moments tragiques que nous vivons, c’est que la France par votre faute ne maîtrise pas sa trajectoire. Notre pays ne maîtrise pas son avenir.

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S’il s’agit de défendre nos concitoyens, en France et dans le monde, il faut alors une France souveraine. Mais il n’y a pas, monsieur le secrétaire d’État, de souveraineté sans budget sérieux, sans finances publiques solides, sans économie prospère.

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Dans le contexte actuel, monsieur le secrétaire d’État, chers collègues, tous ici nous comprenons que l’impératif est la cohésion de la nation. Mais la cohésion de la nation exige la cohérence de vos choix, de nos choix collectivement. Or la cohérence n’est pas au rendez-vous.

Quand le Président de la République oppose pacte de sécurité et pacte de stabilité, comme il l’a fait hier, hélas ! il prend une très lourde responsabilité.

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Il ouvre ainsi les vannes au laxisme de sa majorité et à l’irresponsabilité de trop d’entre vous.

Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.

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Et vos promesses de 100 milliards d’économies ?

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Oui, l’impératif de sécurité de notre pays dans les heures sombres que nous vivons exige la souveraineté. Mais que reste-t-il de notre souveraineté lorsque la dette s’envole ? Et lorsque les pays vis-à-vis desquels nous exprimons tant de réserve sur le plan de nos engagements internationaux sont parmi les premiers souscripteurs de la dette française ?

Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains – Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen

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La relation avec tel ou tel pays du Golfe, le Qatar par exemple, peut susciter des inquiétudes. Or vous le savez, monsieur le secrétaire d’État, ce sont les principaux financeurs de la dette de la France.

Quel choix nous reste-t-il alors que les taux d’intérêt menacent demain d’asphyxier toute capacité d’action des pouvoirs publics ?

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Gouverner, c’est choisir ; c’est donc avoir une marge de liberté, une marge de choix. Ce doit être la capacité de répondre aux enjeux, aux urgences telles que celles qui se présentent aujourd’hui.

Mais notre budget est de plus en plus asphyxié et notre pays est de moins capable de répondre aux urgences quand elles surgissent. C’est depuis 2012, monsieur le secrétaire d’État, qu’il fallait assainir nos comptes, et peut-être même avant …

« Ah ! » sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen

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afin d’être en mesure de répondre aux crises quand elles se présentent, qu’elle soit économique ou sécuritaire, comme c’est le cas aujourd’hui. Or nous ne sommes pas capables budgétairement de répondre aux impératifs de la situation d’urgence et de tragédie où se trouve notre pays.

Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.

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Monsieur le secrétaire d’État, ce qu’il faut faire quand on est responsable – mais vous ne l’êtes pas – c’est choisir. Oui, c’est simple, c’est traditionnel : gouverner, c’est choisir.

Vous ne faites pas de choix dans les dépenses. Comment allez-vous assurer la prochaine et nécessaire loi de programmation militaire ? C’est vrai, il faut davantage de moyens pour la défense, la police, la sécurité, la justice. Mais dans le même temps, vous continuez à augmenter les effectifs de bien d’autres ministères, à augmenter les dépenses publiques. De ce fait vous n’aurez pas véritablement les moyens de vos engagements.

Aujourd’hui, le Président de la République, le Gouvernement prennent des engagements dans le domaine de la sécurité. Compte tenu de l’impasse budgétaire dans laquelle vous acculez notre pays, ces engagements, que nous pouvons partager, nous sommes en devoir de douter de votre capacité à les tenir et de votre volonté réelle de le faire. Gouverner, c’est choisir. Or vous ne choisissez pas. Le Haut conseil des finances publiques et la Cour des comptes le rappellent : les dépenses ne sont pas maîtrisées dans bien d’autres domaines de l’action publique. Les économies que vous présentez en loi de finances sont le plus souvent virtuelles.

Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.

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Oui, monsieur le secrétaire d’État, nous sommes d’accord avec vous quand vous dites que la sécurité des Français est une priorité. Mais cette priorité, vous ne l’honorez pas, du moins dans ce projet de budget et c’est pourquoi nous voterons contre.

Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains et du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.

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La parole est à M. Charles de Courson, pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants.

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Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le groupe UDI votera contre ce quatrième projet de loi de finances initiale de la mandature, et ce pour trois raisons.

Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union des démocrates et indépendants et du groupe Les Républicains.

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Première raison, contrairement aux affirmations du Gouvernement, les impôts et cotisations sociales continueront à augmenter rapidement en 2016.

« Bien sûr » sur les bancs du groupe Les Républicains.

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Les prélèvements obligatoires vont augmenter de 22 milliards d’euros, passant de 970 milliards en 2015 à 992 milliards en 2016, soit une hausse de 2,3 %, à comparer avec une augmentation de la richesse nationale qui devrait être de 2,5 %.

Le taux des prélèvements obligatoires, selon vos propres prévisions, ne baissera pratiquement pas puisqu’il devrait passer de 44,6 % en 2015 à 44,5 % en 2016, soit à peine 0,1 point de la richesse nationale. Il suffirait que le taux d’inflation passe de 1 %, hypothèse retenue par le Gouvernement, à 0,7 % en 2016 pour effacer cette prétendue baisse du taux de prélèvements obligatoires.

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Il n’y a donc pas de pause fiscale en 2016, pas plus qu’il n’y en a eu en 2015 ni en 2014 ! Pour paraphraser Jacques Brel : « t’as voulu voir la baisse et on a vu la hausse. »

Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union des démocrates et indépendants et du groupe Les Républicains.

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Ce que vous annoncez comme une baisse de 2 milliards de l’impôt sur le revenu n’est en réalité qu’une hausse moindre puisque l’impôt sur le revenu augmentera encore de 2,7 milliards en 2016. Où est la baisse ?

Vous avez fait mine de découvrir que 600 000 personnes seules allaient perdre le bénéfice de l’exonération ou de la réduction de leur taxe d’habitation et de leur taxe foncière.

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Mais, monsieur le secrétaire d’État, pour 350 000 d’entre elles, c’est le résultat de deux mesures prises par votre Gouvernement : la fiscalisation des majorations pour enfants des retraites et pensions, qui a eu pour effet de priver de cette exonération ou de cette réduction 200 000 personnes seules ; l’amendement de votre porte-parole Dominique Lefebvre adopté en projet de loi de finances rectificative, qui a fait basculer dans cette situation 150 000 personnes seules supplémentaires.

Quant aux 250 000 autres personnes, cette situation résultait d’un amendement voté il y a sept ans, certes sous l’ancienne majorité, mais avec l’appui de votre porte-parole de l’époque, qui n’était autre que Jérôme Cahuzac !

Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.

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Quant à l’amendement adopté, il ne résout pas le problème, mai ne fait que reporter sa résolution de deux ans, probablement parce que vous escomptez ne plus être au pouvoir à cette date.

(« En effet ! » sur les bancs du groupe Les Républicains.)

Quant à l’amendement, probablement anticonstitutionnel, de notre collègue Jean-Marc Ayrault, adopté par la majorité contre l’avis du Gouvernement, il vise à engager la fusion de l’impôt sur le revenu et de la CSG, réforme à laquelle s’oppose le groupe UDI parce qu’elle ne pourra se faire qu’au détriment des classes moyennes et des familles, qui paieront plus d’impôts.

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Deuxième raison de notre vote négatif, les dépenses publiques continueront d’augmenter trop vite en 2016 parce que les économies sont insuffisantes. Crédits d’impôts compris, les dépenses publiques consolidées passeront de 1 260 milliards d’euros en 2015 à 1 278 milliards en 2016, soit une hausse de 1,4 % !

En matière de dépenses fiscales, on atteint un sommet : celles-ci ont explosé depuis l’arrivée au pouvoir de l’actuel Président de la République, passant de 71 milliards en 2012 à 84 en 2016, soit une augmentation de 13 milliards en trois ans alors que le candidat Hollande avait promis de les réduire de 20 milliards ! Là encore,« t’as voulu voir la baisse et tu as vu la hausse ! »

Au lieu des 16 milliards d’économies annoncées par le Gouvernement, notre rapporteure générale elle-même ne trouve que 6 milliards d’économies inventoriées, et encore, les 3,4 milliards d’économies sur les collectivités locales ne constitueront une économie que si leurs organes délibérants réduisent leurs dépenses de fonctionnement sans augmenter les impôts locaux.

La réforme improvisée de la dotation globale de fonctionnement, retirée en catastrophe et repoussée d’un an, est un nouvel exemple de l’improvisation de votre politique. Tel Diogène, le groupe UDI cherche encore vos 16 milliards d’économies.

La troisième raison de notre vote négatif est que la réduction du déficit du budget de l’État en 2016 ne sera que symbolique et celle de l’ensemble des déficits public insuffisante.

Pour ce qui concerne le déficit du budget de l’État, celui-ci devrait passer de 73,3 milliards d’euros en 2015 à 72,3 milliards en 2016 ; il s’est même dégradé de 500 millions par suite des nouvelles dépenses acceptées par le Gouvernement. Cette baisse, très faible, de 1 milliard d’euros est purement symbolique et se réduira encore du fait des annonces de dépenses supplémentaires pour lutter contre le terrorisme.

Quant à l’amélioration annoncée du déficit des organismes de sécurité sociale, il manque 3 milliards d’euros.

En conclusion, mes chers collègues,

(« Enfin ! » sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.)

ce dernier budget de plein exercice de la législature révèle l’échec de la politique des finances publiques du Gouvernement.

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Souvenez-vous de l’engagement no 9 du candidat Hollande, qui promettait de ramener les déficits publics à moins de 3 % du PIB dès 2013.

Vives exclamations sur de nombreux bancs.

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Trois ans plus tard, nous n’avons toujours pas atteint cet objectif et les prélèvements obligatoires augmentent toujours, comme les dépenses publiques.

Mêmes mouvements.

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Messieurs les membres du Gouvernement, vous ressemblez au Julien de Rubempré des Illusions perdues d’Honoré de Balzac qui déclarait qu’« à force de parler, un homme finit par croire à ce qu’il dit ».

Rires sur les bancs du groupe de l’Union des démocrates et indépendants et du groupe Les Républicains – Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.

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Le Groupe UDI n’ayant, quant à lui, jamais eu d’illusions sur votre gestion des finances publiques, il votera contre ce projet de budget.

Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union des démocrates et indépendants et du groupe Les Républicains – Exclamations sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.

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Merci, monsieur de Courson, de nous avoir avoué que vous croyiez à ce que vous disiez.

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Je mets aux voix l’ensemble du projet de loi de finances.

Il est procédé au scrutin.

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Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants: 564 Nombre de suffrages exprimés: 534 Majorité absolue: 268 Pour l’adoption: 290 contre: 244 (Le projet de loi est adopté.)

La séance, suspendue à dix-sept heures, est reprise à dix-sept heures dix, sous la présidence de M. Denis Baupin.

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L’ordre du jour appelle la discussion, après engagement de la procédure accélérée, de la proposition de loi ( nos 3122, 3198) et de la proposition de loi organique (nos 3121, 3197) adoptées par le Sénat, portant dématérialisation du Journal officiel de la République française.

La Conférence des présidents a décidé que ces deux textes donneraient lieu à une discussion générale commune.

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La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée de la réforme de l’État et de la simplification.

Debut de section - Permalien
Clotilde Valter, secrétaire d’état chargée de la réforme de l’état et de la simplification

Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames et messieurs les députés, je tiens tout d’abord à vous remercier de votre réactivité et de votre mobilisation, qui nous permettent d’examiner ce texte avec quelques jours d’avance sur l’agenda parlementaire. Les circonstances ont en effet conduit le Président de la République et le Gouvernement à souhaiter que votre ordre du jour soit considérablement modifié. Je remercie donc les membres de la commission des lois, son rapporteur et les parlementaires présents aujourd’hui de s’être mobilisés pour être prêts à examiner ce texte dès cet après-midi.

La proposition de loi que nous examinons est une avancée de bon sens. Elle a en effet pour objet la dématérialisation du Journal officiel, acte important qui s’inscrit dans le cadre de la transformation numérique de l’État et d’une évolution vers une meilleure qualité de service rendu aux usagers et à nos concitoyens.

Je rappellerai en quelques mots les enjeux de ce texte. Il s’agit tout d’abord de mettre fin à la coexistence, qui durait depuis 2004, entre les deux versions du Journal officiel, la version papier et la version électronique. Cette simplification et surtout cette modernisation nous semblaient importantes pour accompagner les souhaits et les pratiques des usagers. Le service public doit s’adapter aux pratiques de notre époque. À l’ère de la révolution numérique, nous constatons que le nombre des abonnés au Journal officiel est tombé de 33 000 en 2004 à 2 261 aujourd’hui, alors qu’on comptait 65 000 abonnements électroniques fin 2014. Nos concitoyens utilisateurs du service public nous montrent la voie par leurs pratiques et leurs souhaits : au service public de s’y adapter.

La raison pour laquelle nous souhaitons transformer le Journal officiel n’est pas d’ordre budgétaire – l’économie est de 1 million d’euros, soit 400 000 euros en net –, mais tient à la volonté de nous adapter aux pratiques et aux usages de nos concitoyens.

N’oublions pas non plus l’impact environnemental, auquel M. le président sera sûrement sensible. La suppression de l’impression du Journal officiel entraînera une économie de 660 tonnes d’équivalents CO2. C’est là un élément à prendre en compte, surtout à quelques semaines de la COP 21.

Deux points ont appelé plus particulièrement la vigilance des parlementaires, tant au Sénat qu’au sein de la commission des lois de l’Assemblée nationale. Il s’agit tout d’abord de la protection des informations nominatives. Figurent en effet au Journal officiel des actes relatifs à l’état et à la nationalité des personnes. Il était important que les moteurs de recherche ne puissent pas se saisir de ces éléments à l’occasion de la dématérialisation pour en faire des usages qui ne sont pas souhaités.

Dans le souci de protéger ces données, ce texte met en place un dispositif particulier, avec une annexe qui sera toujours accessible mais de façon séquentielle, date par date, afin qu’elle ne puisse pas être traitée par les moteurs de recherche.

Le deuxième point de vigilance concernait l’organisation et les métiers de la DILA – direction de l’information légale et administrative. La dématérialisation totale du Journal officiel n’a pas d’impact sur les métiers de rédaction puisqu’une version électronique existe déjà depuis 2004. Les agents affectés aux tables seront déployés vers d’autres activités d’impression au sein de la DILA. En tant qu’employeur, la DILA se doit également d’accompagner les agents. Un accord a été conclu en ce sens, qui a recueilli l’approbation de l’ensemble des organisations syndicales.

Quant au fond du texte, la commission des lois du Sénat a adopté un amendement qui dispose que « sur demande faite par un administré, l’administration communique sur papier l’extrait concerné du Journal officiel de la République française ». Il n’entrait pas dans l’intention des sénateurs ni de leur commission des lois de refuser la logique de la dématérialisation, loin de là. Leur préoccupation était de faire en sorte que toute personne, même si elle n’utilise pas les services en ligne, puisse avoir accès aux éléments publiés dans le Journal officiel.

Le Gouvernement, même s’il encourage le déploiement des services et des démarches effectués par voie numérique, avec l’objectif de dépasser les 50 % en 2016, veille avec un soin tout particulier à ce que cette évolution ne laisse personne sur le bord du chemin et c’est la raison pour laquelle nous avons réservé un accueil favorable à la proposition du Sénat. Elle n’était cependant pas complètement applicable en l’état et c’est pourquoi je m’étais engagée devant le Sénat à apporter les modifications nécessaires, afin notamment de parer à l’utilisation abusive de cette faculté. Le Gouvernement a soumis ces modifications à la commission des lois, qui les a votés.

Le texte qui vous est présenté nous semble pouvoir être adopté dans les termes qui vous sont proposés. Il répond aux préoccupations des sénateurs comme à celles des députés qui se sont exprimés en commission des lois.

Le Gouvernement souhaite que ce texte entre en vigueur à compter du 1er janvier 2016, cette date correspondant, d’un point de vue pratique, à ce qui s’analyse comme une rupture dans la mise en oeuvre du Journal officiel. Je vous remercie d’avoir tout mis en oeuvre pour que le texte puisse être adopté dans les mêmes termes en commission mixte paritaire par les deux assemblées.

Pour conclure, je remercie les parlementaires et en particulier votre rapporteur, Luc Belot, ainsi que tous ceux qui se sont mobilisés autour de ce texte, non seulement avant le vote en commission des lois mais aussi depuis quelques heures, pour s’adapter aux modifications de l’ordre du jour que vous avez bien voulu accepter.

Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.

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La parole est à M. Luc Belot, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République.

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Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, chers collègues, c’est un honneur d’accélérer le calendrier d’examen de ce texte puisqu’il s’agit de libérer la matinée de jeudi pour l’examen du projet de loi prorogeant l’état d’urgence. Je remercie ceux de nos collègues qui se sont investis sur ce texte d’avoir maintenu leur mobilisation et adapté leur agenda pour être présents dans l’hémicycle à cet instant.

Présentant au Premier consul le projet de code civil, Portalis indiquait que « dans un gouvernement, il est essentiel que les citoyens puissent connaître les lois sous lesquelles ils vivent et auxquelles ils doivent obéir. () Il est nécessaire que le peuple sache ou puisse savoir que la loi existe, et qu’elle existe comme loi ».

Faire connaître la loi, c’est le rôle du Journal officiel de la République française et l’esprit des deux textes, de loi et de loi organique, qui nous occupent aujourd’hui. Ces deux propositions s’inscrivent dans la logique qui prévaut depuis la création du Journal officiel en 1868 : d’abord, conserver les caractéristiques essentielles du Journal officiel de la République française et ensuite poursuivre l’ensemble du travail de connaissance de la loi, notamment autour des aspects dématérialisés.

Puisque, madame la secrétaire d’État, vous avez présenté l’essentiel du contenu de ces deux propositions de loi, je voudrais concentrer mon propos sur les modifications apportées par le Sénat.

Celui-ci a adopté un amendement permettant à tout administré de demander à l’administration communication sur papier de l’extrait concerné du Journal officiel de la République française, considérant qu’« un certain nombre de citoyens sont incapables de manipuler l’outil informatique, alors que d’autres, qui vivent dans des secteurs de notre territoire situés outre-mer ou dans l’Hexagone, n’ont pas accès à internet ou, en tout cas, ne disposent pas d’un débit suffisant. » J’ai eu l’occasion d’exprimer mes réserves tant vis-à-vis de ces arguments que quant au bien-fondé de l’ajout d’un tel alinéa.

La publication dans le seul format électronique constitue en effet un indéniable progrès par rapport au Journal officiel dans son format papier, qui n’est de fait disponible que moyennant un règlement de 360 euros, coût de l’abonnement annuel. Sous réserve d’avoir accès à l’Internet, les citoyens pourront disposer du Journal officiel de la République française et des versions consolidées des textes de manière permanente et gratuite, comme c’est le cas aujourd’hui dans ce format.

Le nombre d’abonnés au format papier n’a cessé de diminuer, passant de 43 450 exemplaires en 2000 à 2 261 en 2015, tandis que le nombre d’abonnés à la version électronique ne cessait de croître, atteignant presque 66 000 aujourd’hui. En outre, 97 % des abonnés à la version papier sont des professionnels, dont on peut légitimement penser qu’ils ont accès à internet. Il s’agit d’abonnements publics à 76 %, dont 90 % des collectivités territoriales ; environ 20 % sont le fait de personnes de droit privé, dont 3 % d’avocats, 4 % de notaires et 87 % d’entreprises. La dématérialisation du Journal officiel constitue donc déjà une réalité quotidienne.

Il reste aujourd’hui, sur tout le territoire, une soixantaine d’abonnés « physiques », dont rien n’indique d’ailleurs qu’ils ne disposent pas d’une connexion à l’Internet. En outre, l’argument tiré des besoins spécifiques de l’outre-mer ayant été évoqué au Sénat, il faut rappeler que la DILA n’y compte que huit abonnements, et aucun d’une personne physique. Il faut parallèlement insister sur les fonctionnalités de la version numérique en termes d’accessibilité pour les personnes handicapées.

Il existait dans la version du Sénat un vrai risque de détournement de ce nouveau droit à communication d’un extrait papier. Le sénateur Alain Richard a justement fait remarquer qu’il ne fallait pas minimiser le risque de campagnes de mobilisation, notamment sur l’Internet, tendant à adresser à l’administration des demandes outrancières de reproduction de telle ou telle page en milliers d’exemplaires, en vue d’épuiser ses ressources en papier et en temps de travail et de nuire au projet qui pourrait être concerné par ladite page. Cela pourrait notamment se produire à l’occasion de débats environnementaux.

L’amendement adopté par notre commission à l’initiative du Gouvernement apporte une vraie réponse aux craintes exprimées quant à ce risque de détournement de procédure. Je me suis donc rallié à cette solution de compromis, sans toutefois partager les raisons qui ont conduit le Sénat à adopter cet alinéa.

Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.

Debut de section - Permalien
Clotilde Valter, secrétaire d’état chargée de la réforme de l’état et de la simplification

Je vous en remercie !

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Dans la discussion générale commune, la parole est à Mme Marie-George Buffet.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, chers collègues, la proposition de loi dont nous avons à débattre n’est pas anodine : elle concerne l’accès des citoyens aux décisions prises par les institutions de la République.

Ainsi, au-delà de sa numérisation, je voudrais m’attarder sur l’outil démocratique qu’est le Journal officiel puisqu’il permet à chacun de connaître tous les actes officiels de la République. Son édition papier est liée à son histoire, héritière de la loi du 14 frimaire de l’an II de la République faisant du Bulletin des lois le recueil officiel des lois de la République. Quand on touche au Journal officiel, on touche donc à un des symboles de la République.

La République Française, pour être une et indivisible, n’en est pas moins en permanente évolution, fruit de l’action des femmes et des hommes qui la composent. Il est donc logique que l’outil de connaissance par les citoyens des actes officiels de la République évolue aussi.

On nous propose aujourd’hui d’en supprimer la version papier. Cela s’inscrit dans un mouvement général de dématérialisation des publications officielles : 40 % des textes sont aujourd’hui publiés uniquement dans un format électronique. Ce mouvement permet la gratuité de l’accès, une diffusion rapide sur l’ensemble du territoire et une permanence d’accès. Mais cela n’est pas sans soulever un certain nombre de questions, en matière d’égalité d’accès, tout d’abord : il reste en effet des zones qui ne sont pas couvertes en France par internet et 12 % de nos concitoyens n’ont jamais utilisé internet de leur vie.

En matière de respect des libertés aussi : la Commission nationale de l’informatique et des libertés indique en effet que le passage au numérique doit être neutre pour la protection des données personnelles. Le risque existe de constitution de fichiers par les moteurs de recherche, portant par exemple sur les personnes qui ont fait l’objet d’une naturalisation ou d’un changement de nom : un amendement répond à cette préoccupation.

Enfin, cela interroge sur l’avenir des activités d’édition et d’impression et surtout sur le devenir des personnels, alors que des réductions d’effectifs ont déjà eu lieu. Or les missions de service public de la DILA doivent être sauvegardées et ne sauraient obéir à une logique comptable.

Pourtant le risque existe de privatisation de la fabrication des supports de l’information officielle. Pour éviter cette dérive, qui entraînerait une dispersion de l’information légale et poserait des difficultés en termes de transparence, il convient de définir urgemment et précisément les missions de la DILA au sein de l’État.

L’ensemble de ses missions est concerné par la révolution numérique. Elle doit donc évoluer pour continuer à offrir un service public de qualité, adapté aux nouvelles pratiques. Mais cette révolution numérique ne saurait s’effectuer sans les agents de la DILA et je me félicite qu’une négociation ait permis d’avancer en ce sens.

Un projet d’avenir pour la DILA pourrait d’abord passer par la recherche d’une compensation à la numérisation du Journal officiel afin de continuer à utiliser la rotative achetée en 2008 pour un coût de huit millions d’euros. On pourrait ainsi faire converger vers la DILA les missions d’impression aujourd’hui dispersées dans diverses administrations ou sociétés privées, afin de lui octroyer un marché solide.

Le rôle d’éditeur public de la DILA pourrait également être renforcé. Un rapport d’information du Sénat du 1erjuillet 2014 soulignait justement que « dans la mesure où l’édition est un véritable métier, une compétence unique, centralisée à la DILA et dont pourrait bénéficier l’ensemble des administrations permettrait de donner une cohérence à la politique éditoriale de l’État, tout en évitant des coéditions avec le secteur privé qui peuvent s’avérer coûteuses. »

Il convient également de réorienter les missions de la DILA vers les activités numériques en préparant les agents aux métiers de demain par un plan de formation ambitieux. Ils y sont prêts.

En effet, madame la secrétaire d’État, vous nous avez dit à l’instant que cette numérisation n’était pas due à la lancinante obligation de la réduction des dépenses publique, mais qu’elle était guidée par l’ambition de renforcer la transparence des actes officiels de la République et, par là, le caractère démocratique de notre société.

Les députés du Front de gauche souhaitent, pour leur part, que le Gouvernement poursuive le travail dans cette deuxième direction pour, à la fois, améliorer le service rendu à la population et garantir la pérennité des emplois et du savoir-faire des personnels de la DILA.

Dans l’attente de réponses positives à ces exigences, nous nous abstiendrons.

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Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous examinons ce soir la proposition de loi et la proposition de loi organique de notre collègue sénateur Vincent Eblé portant sur la dématérialisation du Journal officiel de la République française. Il s’agit d’adapter nos pratiques à celles que déploient désormais nos concitoyens pour accéder à la connaissance.

Ce texte se veut pragmatique puisqu’il tient compte de la baisse drastique du lectorat de la version papier du Journal officiel et de l’augmentation des abonnés de sa version numérique. Il paraît pertinent d’entériner cette modification des pratiques et de substituer à la version papier du Journal officiel sa version électronique à partir du 1er janvier 2016.

Depuis plusieurs années, notre Gouvernement mène une politique ambitieuse de dématérialisation des publications officielles, qui s’est traduite par exemple par la publication sous format numérique du Bulletin officiel des annonces de marchés publics depuis 2012, et du Bulletin officiel des annonces civiles et commerciales depuis cette année. La transition s’est faite dans une parfaite compréhension.

Pour permettre cette dématérialisation, des modifications de trois ordres doivent être apportées à notre droit.

Tout d’abord, il faut supprimer les références à la publication du Journal officiel de la République française sur papier pour les remplacer par une référence à une publication sous forme électronique. Ensuite, il est nécessaire de mettre en place des modalités spécifiques de publication par voie électronique pour les actes qui, actuellement, ne doivent pas faire l’objet d’une publication sous cette forme. Enfin, il convient de supprimer les références aux catégories d’actes administratifs dont la publication au Journal officiel sous forme électronique suffit à assurer leur entrée en vigueur. En effet, la dématérialisation rend cette disposition inutile.

Précisons également que suite à un amendement du Sénat, un administré qui en fait la demande pourra toujours se voir transmettre une version papier de l’extrait concerné du Journal officiel. J’aurais préféré qu’on s’occupe de la réduction des zones blanches, qui me semble plus opportune et plus efficace que cette mesure, et qu’on oeuvre à améliorer l’accès de tous, notamment des plus fragiles aux nouvelles technologies. Bon, ce sera sans doute pour une prochaine fois.

Sourires.

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Lors de l’examen en commission, notre assemblée a complété ce texte par deux dispositions. Il s’agissait d’une part de tenir compte de l’ordonnance du 23 octobre 2015 qui abroge l’ordonnance du 20 février 2004 relative aux modalités et effets de la publication des lois et de certains actes administratifs, et d’autre part de préciser que l’administration n’est pas tenue de donner suite à des demandes abusives de transmission sur papier d’un extrait du Journal officiel, en particulier si ces sollicitations se caractérisent par leur nombre, leur caractère répétitif ou systématique.

En commission, ces textes ont fait l’objet d’un large consensus. Le Journal officiel de la République française est, depuis la Révolution, l’outil qui permet aux citoyens de prendre connaissance de la loi. Sa dématérialisation complète permet aujourd’hui de l’adapter à notre temps, le rend plus accessible et s’inscrit pleinement dans la volonté du Gouvernement de simplifier les relations entre le public et l’administration. Rappelons également que cette mesure devrait générer une économie brute d’environ un million d’euros, et cela sans remettre en cause l’imprimerie du Journal officiel , sans que sa consultation soit rendus plus difficile et dans le respect des libertés publiques, puisqu’un dispositif spécifique est prévu pour éviter la constitution automatisée de fichiers.

On m’a demandé par tweet si le Journal officiel aurait bientôt un compteTwitter officiel. Madame la secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, peut-être pouvons-nous saisir la balle au bond et, si ce n’est déjà fait, créer un compteTwitter du JO.

Pour les raisons que j’ai exposées, mes chers collègues, le groupe SRC adoptera ces propositions.

Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.

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Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous le savons, le Journal officiel est diffusé en deux versions, l’une sur papier, l’autre électronique, selon des modalités définies par une ordonnance de février 2004.

La version électronique, dont le succès ne se dément pas, a la même valeur probante que la version papier et c’est à partir de cette réalité juridiquement établie que nous pouvons valablement légiférer aujourd’hui.

Cependant, toutes les publications ne paraissent pas en version électronique, notamment celles relatives aux actes individuels que sont l’état civil, la nationalité, les changements de nom. Cette catégorie de publication représente 8 % des textes publiés, ce qui n’est pas rien.

A contrario, certains actes sont d’ores et déjà exclusivement diffusés en version électronique : ce sont les actes réglementaires, les nominations de fonctionnaires et de magistrats ainsi que les actes relatifs à l’exécution du budget de l’État.

L’objet des deux propositions de loi est donc simple et nous l’approuvons : mettre un terme à la version papier du Journal officiel, et cela avec une célérité peu commune, puisque cette suppression doit intervenir dès le 1er janvier prochain. Cette dématérialisation concernera l’ensemble du territoire métropolitain, mais aussi l’ensemble de nos collectivités ultramarines, d’où la nécessité d’une loi organique en plus de la loi ordinaire, comme cela a été rappelé en commission.

Venons-en au fond, même si les raisons de cette réforme ont déjà été expliquées. La dématérialisation permettra d’atteindre plusieurs objectifs : le premier, c’est de rendre la consultation du Journal officiel entièrement gratuite, alors que l’abonnement à la version papier coûte actuellement 360 euros par an. Pour une collectivité, ce n’est pas grand-chose mais pour un particulier c’est énorme.

Deuxième objectif : rendre le Journal officiel accessible très rapidement et partout, sur le territoire national mais aussi où que l’on se trouve sur la planète.Troisièmement, il s’agit de rendre l’intégralité du Journal officiel consultable en permanence.

Nous savons que la législation et la réglementation sont en évolution constante et que la connaissance appropriée du point exact qui s’applique à un moment déterminé nécessite une mise à jour permanente. Ce sera possible grâce à la dématérialisation.

Enfin, même si la somme n’est pas considérable, l’économie sera réelle. On parlait tout à l’heure d’un million d’euros. Elle sera au minimum de 400 000 euros par an. C’est tout de même appréciable par les temps qui courent.

Il fallait que des garanties soient prises : elles l’ont été. Je vais les rappeler.

En matière de protection des données individuelles, il fallait que la dématérialisation ne facilite pas la constitution de fichiers par des moteurs de recherche – je pense plus particulièrement à ceux de nos concitoyens qui ont souhaité changer de nom. C’est la raison pour laquelle ont été envisagés différents dispositifs de restriction d’accès, comportant un système de sommaire ainsi qu’un système d’insertion de chiffres et de lettres pour l’accès à certains contenus.

D’autre part, afin de remédier à la difficulté que pourraient rencontrer certains de nos concitoyens à accéder au Journal officiel électronique, en raison de la fracture numérique qui concernerait encore 20 % des Français, le Sénat, première chambre saisie du texte, a souhaité que tout administré puisse obtenir de l’administration une copie sur papier du Journal officiel. La commission des lois n’a pas supprimé ce droit de communication sur papier, alors que cette suppression aurait peut-être eu l’assentiment de notre rapporteur.

Mais tout en laissant cette porte ouverte à nos concitoyens les plus éloignés de la capacité numérique, nous avons néanmoins voulu prévenir les abus éventuels, en prévoyant que l’administration ne serait pas tenue de donner suite aux demandes manifestement systématiques et répétitives, c’est-à-dire exorbitantes de ce nouveau droit commun que nous voulons établir.

En conclusion, vous l’aurez compris, notre groupe est satisfait à la fois du texte originel et de la manière dont il a évolué : je tiens à mon tour à remercier le Gouvernement et notre rapporteur pour leur disponibilité dans nos échanges, qui sans être complexes étaient nécessaires. Ce sont de bons textes et le groupe Les Républicains les votera.

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Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, le 1er janvier 2016, l’histoire du Journal officiel de la République française va basculer dans une nouvelle ère : celle du numérique.

Depuis 1790, la loi promulguée est portée à la connaissance des citoyens par sa publication. Cette règle permet de faire vivre, depuis plus de deux cents ans, l’un des principes les plus essentiels de notre République, celui de l’accès de tous au droit.

À plusieurs reprises, les évolutions de la société ont nécessité de modifier les modalités de publication de la loi. Aujourd’hui, à l’heure où l’e-mail et le clavier ont remplacé les sons de trompe et le placard public, alors que l’ordonnance du 20 février 2004 a ouvert la voie à la dématérialisation du Journal officiel, une nouvelle adaptation apparaît nécessaire.

Ainsi, cette proposition de loi et cette proposition de loi organique visent « à mettre un terme à la version papier de la publication du Journal officiel de la République française pour ne conserver que la version électronique ».

La dématérialisation du Journal officiel constitue une adaptation nécessaire de notre droit pour conformer cette publication aux usages de lecture de nos contemporains. En effet, le nombre d’abonnés au format papier a été divisé par 12 en une décennie, passant de 33 500 lecteurs à seulement 2 700 en 2014. En parallèle, la version numérique du Journal officiel compte plus de 66 000 abonnés et a fait l’objet en 2013 de plus de 1,7 million de consultations sur le site Legifrance. C’est ce qui a conduit la Cour des comptes à estimer que « la réduction du nombre d’exemplaires du Journal officiel conduit à considérer comme inéluctable à court terme la suppression de son édition papier. »

Cette mesure est aussi une mesure de simplification alors que coexistent, depuis plus de deux ans, deux formes du JO : une version papier et une version électronique.

Le passage à un format électronique permettra, en outre, une économie de papier non négligeable : vous parliez, madame la secrétaire d’État, de l’équivalent de 660 tonnes de dioxyde de carbone. À quelques jours de la COP 21, il n’y a pas de petits gestes. La préservation de notre planète se fera par une prise de conscience collective, mais chacun peut agir individuellement à son échelle.

En matière financière, l’économie nette attendue du passage au numérique serait, selon le rapport du Sénat, de 400 000 euros par an : une économie certes modeste mais non négligeable ! Là encore, il n’y a pas de petits gestes.

Une partie de cette économie permettra de compenser les besoins d’investissement liés à l’évolution vers un format électronique, estimés à 100 000 euros.

Rappelons, en outre, que la dématérialisation permet un accès gratuit au Journal officiel alors que l’abonnement à la version papier coûte actuellement 360 euros par an. En termes d’égalité d’accès à la loi, il est difficile de faire mieux !

Sur le fond, nous devons nous assurer que la dématérialisation ne porte pas atteinte à la protection des informations relatives aux individus. Dans cette perspective, nous approuvons la mesure visant à ce que les actes individuels ne fassent pas l’objet d’une indexation sur les moteurs de recherche. Nous éviterons ainsi que des fichiers soient créés sur la base d’un document émanant de surcroît de la République.

Il faut en outre souligner l’apport du Sénat, qui a inscrit dans le texte la possibilité pour un administré qui en fait la demande d’obtenir un extrait du Journal Officiel dans sa version papier. Bien que, selon l’INSEE, 83 % des ménages aient eu accès à Internet en 2014, il était effectivement nécessaire de prévoir un cadre permettant à chacun de se procurer cette fameuse publication bicentenaire.

Si 90 % des abonnés sont des administrations publiques, qui n’ont théoriquement pas de problème pour accéder à l’Internet, il faut s’assurer que les 10 % d’abonnés privés aient bien accès au JO puisque « nul n’est censé ignorer la loi ».

L’examen du texte par la commission des lois de notre assemblée a permis en outre de prévoir le cas de demandes abusives d’extraits du JO au format papier.

Plus généralement, cette proposition de loi est aussi l’occasion d’évoquer la question du numérique, thématique qui prendra de plus en plus de place dans notre travail législatif avec l’examen du projet de loi pour une République numérique ou encore du projet de loi relatif aux nouvelles opportunités économiques, dit projet de loi NOE.

La France doit innover en modernisant son fonctionnement administratif dans ce domaine. Adapter les institutions de l’État à ces nouvelles technologies, c’est être exemplaire, sensibiliser nos concitoyens à cette évolution et promouvoir ce secteur économique puisque les administrations auront besoin d’un accompagnement technique en la matière.

Mes chers collègues, vous l’avez compris, le groupe UDI est favorable à l’adoption de cette proposition de loi.

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Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, chers collègues, le Journal officiel de la République française n’est plus imprimé qu’à 1 676 exemplaires par jour, pour un coût d’un million d’euros, couvert en partie par le montant des abonnements – dont 90 % sont souscrits par l’administration – lequel s’élève à 600 000 euros, chiffre qui est en baisse constante. On dénombre par ailleurs 66 000 abonnés au sommaire de la version électronique du JO et 1,6 million de visites annuelles de la version électronique authentique. On voit que l’immense majorité des consultations du Journal officiel se fait déjà en ligne.

Si les actes individuels, qui représentent 8 % des textes, ne font l’objet que d’une publication papier compte tenu des informations personnelles qu’ils contiennent, a contrario des dispositions générales d’importance secondaire ne font l’objet que d’une publication électronique. Ainsi 40 % des textes ne sont publiés qu’en version électronique. C’est le cas des questions écrites posée par les parlementaires au Gouvernement.

Ces deux propositions de loi portant dématérialisation du Journal officiel de la République ne font donc que confirmer une tendance très lourde à la dématérialisation de l’information officielle. Ainsi neuf bulletins ministériels sont uniquement publiés sous forme électronique, de même que le Bulletin officiel des annonces des marchés publics depuis 2012.

N’oublions pas non plus que la dématérialisation des déclarations de revenus et des avis d’imposition sur le revenu sont des mesures emblématiques désormais très bien acceptées par les citoyens à qui elles sont proposées. En 2014, treize millions de contribuables ont opté pour la déclaration en ligne de leurs revenus ; quatre millions reçoivent même directement leur avis d’imposition en ligne. C’est donc une culture qui ne cesse de se développer et c’est pourquoi nous soutiendrons ces propositions de loi visant à supprimer la version papier du Journal officiel à compter du 1er janvier 2016 et à le dématérialiser intégralement.

Des dispositions permettront que les actes individuels, notamment ceux relatifs à un changement de nom ou de sexe, une naturalisation ou encore une déchéance de nationalité – sujet qui fait beaucoup parler ces temps-ci– ne puissent pas être retrouvés par des moteurs de recherche. Cela nous semble sensé, tout comme l’est la possibilité pour toute personne physique d’obtenir communication d’un extrait papier du Journal officiel – sans obligation de donner suite aux demandes abusives – afin de prendre en compte la situation des personnes n’ayant pas accès à l’Internet. Il importe en effet de ne pas oublier que notre pays souffre d’une fracture numérique, essentiellement générationnelle.

Nous soutiendrons d’autant plus cette dématérialisation que son impact sur l’emploi sera très limitée. Nous avons affaire à une société entièrement financée par l’État, qui est son seul donner d’ordre. Une réduction de ses effectifs a déjà été décidée dans le cadre d’un protocole d’accord signé en 2015 avec les organisations syndicales. Toutefois, cette mesure est davantage liée à la réorganisation progressive consécutive au développement numérique qu’à la disparition annoncée de la version papier du JO.

Enfin, la dématérialisation constitue une mesure véritablement écologique : elle contribue à réduire l’empreinte carbone de notre société en diminuant les transports et la part de papier destinée à finir dans la benne. Certes celui-ci peut être réutilisé mais il vaut mieux qu’il ne soit pas utilisé du tout.

De plus, cela permet à l’État, aux collectivités locales et à toute autre personne publique ou privée de s’affranchir en partie des problématiques liées à l’archivage et au stockage des données papier. Rien n’est plus pratique que de disposer d’un disque dur externe. Pour ne parler que de mon cas personnel, je ne sais pas quelle surface couvriraient mes archives de député si je ne disposais pas d’un disque dur que je peux apporter toutes les semaines à l’Assemblée nationale.

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Le passage au numérique touche donc aussi les députés !

Telles sont, chers collègues, les raisons de notre soutien enthousiaste à ces propositions de loi, dont nous espérons qu’elles seront adoptées à la très grande majorité de notre assemblée.

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La parole est à M. Jacques Krabal, dernier orateur inscrit.

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Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous nous retrouvons aujourd’hui pour examiner une proposition de loi et une proposition de loi organique portant dématérialisation du Journal officiel de la République française.

Selon l’adage, « nul n’est censé ignorer la loi », et la loi qu’ autrefois on annonçait avec tambours et trompettes est aujourd’hui portée à la connaissance des citoyens par sa publication via le Journal officiel de la République française, à la fois dans sa version papier et sous forme numérique. Pourquoi changer cela ?

L’emprise des nouvelles technologies de l’information et de la communication pousse à la publication de certains actes administratifs sous la seule forme numérique. L’objectif de ces propositions de loi est de permettre l’extension de cette faculté à tous les textes, y compris législatifs, de façon à ce qu’on dispose de la seule publication sous format électronique, ce qui nous interpelle.

Vous avez rappelé, madame la secrétaire d’État, les arguments avancés par nos collègues sénateurs : simplifier et rationaliser la dépense publique – même si vous avez insisté pour dire que ce n’était pas là la motivation principale – et favoriser le développement durable.

Pour ce service comme pour bon nombre d’administrations, il est aujourd’hui un seul mot d’ordre, un seul leitmotiv : dématérialiser !

Je sais, madame la secrétaire d’État, que vous ayez travaillé en concertation avec les syndicats de la direction de l’information légale et administrative, la DILA. Je sais aussi que plus de 85 % des personnes interrogées dans le cadre d’un certain sondage sont favorables à la dématérialisation, par exemple de la feuille d’imposition ou du BO. Il faut cependant préciser, mes chers collègues que ce sondage a été réalisé exclusivement via l’Internet. Qu’en est-il de l’avis de tous les autres, ceux qui n’ont pas accès à l’Internet ou ceux qui souhaitent le maintien des deux formats ?

Au-delà des avantages indéniables, qui ont été rappelés, tels que la vitesse ou la gratuité, j’aimerais que vous nous disiez sur quelle étude d’impact vous vous appuyez pour défendre ces objectifs.

En outre, le bénéfice de cette mesure devrait être de 400 000 euros sur une dépense d’un million. Même s’il n’y a pas de petites économies, ce n’est pas l’argument primordial. Avez-vous pris en compte le coût de la sécurisation, point crucial à l’heure de l’espionnage informatique – même si vous avez vanté le système de sécurité CAPTCHA, pour completely automated public turing test to tell computers and humans apart, et même si toutes les informations personnelles ne seront pas incluses – mais, aussi, du stockage et de la gestion des données ? Avez-vous considéré les coûts de formation du personnel spécialisé ?

Enfin, madame la secrétaire d’État, vous assurez que le bilan carbone sera meilleur avec une économie de 660 tonnes de C02. D’où tirez-vous ce chiffre ? Arrêtons d’incriminer encore et toujours le format papier ! Le papier a sept vies ! Il est issu de la forêt durable ! Un mail accompagné d’une pièce jointe équivaut à une dépense de 25 watts par heure selon l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie. En une heure ce sont plus de dix milliards de courriels qui sont envoyés, soit une dépense énergétique équivalente à 4 000 tonnes de pétrole ! En 2011 en France, on a échangé 60 000 mails par heure. Alors que la COP 21 se profile, nous devons intégrer l’ensemble de ces données.

Qu’on prenne garde dans cette fureur de dématérialisation à ne pas enlever de la matière aux relations humaines. De notre point de vue, il faut renforcer la démocratie et non l’affaiblir encore davantage. Comme l’a dit l’excellent rapporteur en faisant allusion à Portalis, à l’heure où il est nécessaire que nos concitoyens se réapproprient la loi, il ne faudrait pas les en éloigner. Certes, il faudrait légiférer moins, mieux, simplifier les textes mais il faudrait aussi multiplier et renforcer tous les moyens d’information et de sensibilisation, au lieu de faire l’inverse.

Même si cela ne vous concerne pas, madame la secrétaire d’État, mon collègue Jean-Pierre Maggi et moi-même sommes également interpellés par les projets envisagés de suppression de la propagande électorale sous format papier pour les échéances de 2017. Je n’ignore rien des difficultés budgétaires de notre pays mais, là encore, l’objectif que nous devrions tout faire pour susciter l’intérêt de nos concitoyens pour la chose publique. Je n’ignore rien non plus de leur état d’esprit. Notre démocratie a besoin d’être renforcée et non affaiblie comme cela serait le cas si ces propositions devaient aboutir.

Alexandre Dumas écrivait dans La Tulipe noire : « Le terrible des mauvaises idées c’est que peu à peu les mauvais esprits se familiarisent avec elles. » C’est le cas des idées de haine, mais c’est aussi peut-être le cas de cette idée de dématérialisation.

Je suis navré de ne pas proclamer le « Un pour tous, tous pour un » des mousquetaires, madame la secrétaire d’État, car nous aurions aimé vous accompagner, mais vous comprendrez que le groupe Radical, Républicain, Démocrate et Progressiste, une fois n’est pas coutume, s’abstiendra.

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J’appelle maintenant, dans le texte de la commission, les articles de la proposition de loi portant dématérialisation du Journal officiel de la République française (no 3122, no 3198).

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Comme l’on dit les orateurs qui se sont exprimés dans la discussion générale, l’examen de ces deux propositions de loi ne soulève pas de problème, la dématérialisation du Journal officiel s’inscrivant évidemment dans le sens de l’histoire. En 2014, la Cour des comptes recommandait de dématérialiser complètement la publication du Journal officiel. En mars 2015, en réponse à l’une de mes questions écrites, le Premier ministre annonçait le passage au tout numérique pour 2016.

Le seul étonnement que l’on peut avoir concerne, encore une fois, la gestion du temps parlementaire : il n’était peut-être pas nécessaire d’attendre le mois de novembre pour discuter de ces textes. Heureusement, la DILA semble avoir pris ses dispositions pour que l’application soit effective le 1er janvier 2016.

Le Sénat a visiblement réussi à régler la question des actes individuels, lesquels doivent rester « confidentiels » et surtout, « anonymes » – ils ne représentent d’ailleurs que 8 % des textes publiés. Je souhaiterais simplement savoir comment il sera fait obstacle à l’indexation de ces actes sur les moteurs de recherche. Je crois que la DILA et la CNIL y ont travaillé mais j’aimerais connaître les moyens qui seront concrètement mis en oeuvre pour parvenir à cet objectif.

Si l’on ajoute que cette dématérialisation permettra de faire des économies – mineures, mais toujours bonnes à prendre – on ne peut qu’être favorable à l’adoption de ces deux textes.

J’en profite pour dire qu’être partisan de la dématérialisation n’empêche pas d’être réaliste : dans une moindre mesure, pour le paiement des impôts ou la propagande électorale, il ne faut pas négliger ceux qui n’ont pas accès à Internet.

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La possibilité de demander un extrait du Journal Officiel en format papier n’est donc pas aberrante, même si elle sera peu utilisée.

En revanche, comme l’a proposé notre collègue Guy Geoffroy en commission, il aurait sans doute fallu un décret d’application, notamment pour préciser les délais de réponse de l’administration.

Pour conclure, j’espère que ces deux lois seront rapidement opérantes car, malgré ces interrogations secondaires, la dématérialisation du Journal officiel est d’une logique incontestable.

L’article 1er est adopté.

Les articles 2 et 3 sont successivement adoptés.

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La parole est à M. Jacques Krabal, pour soutenir l’amendement no 1.

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La défense de cet amendement vaudra pour l’amendement no 2 au titre de la proposition de loi organique.

Il me semble important de distinguer les termes de « dématérialisation » et de « numérisation ». Tandis que la dématérialisation consiste à rendre immatériel quelque chose et à le dépouiller de sa matière concrète, la numérisation conserve une part de matérialité, à travers les pixels.La numérisation s’entend en effet de l’action de numériser, c’est-à-dire de convertir une matière papier en version numérique, donc de convertir des systèmes. Or cette conversion a un coût, dont rend mieux compte la notion de « numérisation ». Le passage d’un support papier à un support numérique, en effet, n’est pas neutre financièrement et a des conséquences sur l’environnement.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Nous avons là un vrai désaccord de fond,monsieur Krabal, y compris sur la définition des deux termes.

Très concrètement, dématérialiser consiste à rendre immatériel quelqu’un ou quelque chose, à le dépouiller de sa matière concrète. Numériser, c’est rendre accessible au format numérique, convertir une information analogique. Or le Journal officiel est nativement numérique. Il s’agit donc bien de dématérialiser la version papier, et en aucun cas de la numériser. Nous pourrions parler de matérialisation si nous convertissions au format numérique les anciennes versions papier du Journal officiel. Mais ce n’est pas le cas ici puisqu’on dématérialise bien une version papier. Pour toutes ces raisons, je vous demande le retrait de cet amendement. Dans le cas contraire, j’émettrai un avis défavorable.

Debut de section - Permalien
Clotilde Valter, secrétaire d’état chargée de la réforme de l’état et de la simplification

Mes arguments sont proches de ceux du rapporteur. Pourquoi préférer le terme de « dématérialisation » ? D’abord, sur le plan juridique, l’ordonnance du 20 février 2004 parle bien de dématérialisation à propos de la version électronique du Journal officiel. Ensuite, le rapporteur a raison de faire une distinction entre la numérisation d’un document papier, qui consiste à le scanner, et la dématérialisation, qui consiste à produire un document en version électronique dès l’origine. Je vous invite donc, comme le rapporteur, à retirer votre amendement, faute de quoi j’émettrai un avis défavorable.

L’amendement no 1 est retiré.

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Nous avons achevé l’examen des articles de la proposition de loi.

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Je mets aux voix l’ensemble de la proposition de loi.

La proposition de loi est adoptée.

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J’appelle maintenant, dans le texte de la commission, les articles de la proposition de loi organique portant dématérialisation du Journal officiel de la République française.

Les articles 1er, 2, 3, 4, 5, 6 et 7 sont successivement adoptés.

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La parole est à M. Jacques Krabal, pour soutenir l’amendement no 2.

L’amendement no 2 est retiré.

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Nous avons achevé l’examen des articles de la proposition de loi organique.

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Je mets aux voix l’ensemble de la proposition de loi organique.

La proposition de loi organique est adoptée.

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L’ordre du jour appelle la discussion, sur le rapport de la commission mixte paritaire, du projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne dans le domaine de la prévention des risques (no 3207).

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La parole est à Mme Viviane Le Dissez, rapporteur de la commission mixte paritaire.

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Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement, chers collègues, l’Assemblée nationale a examiné en septembre le projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne dans le domaine de la prévention des risques environnementaux, couramment appelée DDADUE « risques ». Le Sénat, à son tour, a examiné ce texte au mois d’octobre, et la commission mixte paritaire, qui s’est réunie mardi dernier, a permis d’aboutir à un texte commun.

Les projets de loi dits « DDADUE » nous laissent très peu de marge de manoeuvre, puisque le Parlement prend acte de directives déjà adoptées, en les transposant de manière à respecter strictement les obligations de la France vis-à-vis de ses partenaires européens. Ces textes nous donnent néanmoins l’occasion de débattre publiquement de sujets pour lesquels nos concitoyens n’ont peut-être pas toutes les informations nécessaires sur ce qui se décide à Bruxelles. Cela a été le cas, en l’occurrence, pour les règles applicables à la culture d’organismes génétiquement modifiés – OGM – ou aux forages offshore.

L’unité de ce texte est assurée par l’objectif transversal de prévention des risques environnementaux, sur lequel nous ne pouvons qu’être d’accord. L’amélioration de la sécurité des opérations pétrolières et gazières en mer, le contrôle de l’utilisation et du commerce de substances dangereuses et l’harmonisation des législations sur les équipements, notamment ceux utilisés sur les navires, ont rassemblé facilement les deux assemblées.

Le nouveau dispositif d’autorisation de mise en culture des OGM place chaque État devant ses responsabilités, et nous avons utilement introduit des précisions relatives à la procédure de participation du public, préalable à la prise de décisions nationales, que le Sénat n’a pas remises en cause. La quasi-totalité des articles a d’ailleurs fait l’objet d’un consensus entre les deux assemblées : de nombreux articles ont été adoptés conformes au Sénat, ou ont seulement fait l’objet d’amendements rédactionnels.

Le seul point qui restait à débattre à l’issue de la première lecture concernait l’application de la procédure relative aux installations classées pour la protection de l’environnement – ICPE –, et non plus du code minier, aux travaux concernant les stockages souterrains de gaz naturel et d’hydrocarbures, exception faite de l’autorisation d’utiliser les sous-sols.

La proposition de porter à trente ans – au lieu de dix actuellement – la durée pendant laquelle les entreprises pouvaient voir engager leur responsabilité pendant la cessation d’activité de l’exploitant, avait suscité des inquiétudes au Sénat. Toutefois, cette charge doit bien incomber aux exploitants, et non à l’État. C’est d’ailleurs le cas pour d’autres installations relevant du domaine des ICPE. Je me félicite donc que la commission mixte paritaire ait pu aboutir au rétablissement de l’article 9 dans la rédaction issue de l’Assemblée nationale. Cette solution était en effet la plus à même de garantir la protection de l’environnement et la responsabilisation des acteurs.

L’adoption de ce texte constitue un signal fort à l’approche de la COP 21 : la France ne cherche pas à se défausser des responsabilités qui lui incombent en matière de protection de l’environnement, qu’il s’agisse de lutte contre la pollution marine ou de réduction des gaz à effet de serre. Je vous invite donc, mes chers collègues, à approuver le texte issu des travaux de la commission mixte paritaire.

Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et du groupe écologiste.

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La parole est à M. le secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement.

Debut de section - Permalien
Jean-Marie le Guen, secrétaire d’état chargé des relations avec le Parlement

Monsieur le président, madame la rapporteure, mesdames et messieurs les députés, le projet de loi qui vous avait été soumis avait pour objet d’adapter notre droit national aux dispositions issues du droit européen en matière de prévention des risques et de protection de l’environnement.

Après son examen à l’Assemblée nationale, qui a permis d’enrichir certaines dispositions, visant notamment à rendre plus cohérentes certaines sanctions ou certaines pratiques de contrôle, le Sénat a validé le projet de loi dans la plupart des domaines concernés. Il est vrai que la transposition de textes européens laisse peu de marge pour les adapter. C’est probablement l’une des raisons qui a conduit le Sénat à ne pas modifier profondément le texte.

Concernant les dispositions du titre Ier sur les forages pétroliers, les articles de loi qui vous avaient été soumis permettaient, je vous le rappelle, de modifier la législation française, afin de renforcer la protection de l’environnement et de mieux protéger les activités de pêche concernées au premier titre par les risques liés à l’exploration ou l’exploitation pétrolières ; d’améliorer les procédures de contrôle de la sécurité des opérations pétrolières et gazières en mer ; de mieux informer le public sur les risques liés à l’exploration et l’exploitation d’hydrocarbures en mer, notamment en cas d’incident ou d’accident ; d’étendre, enfin, le champ de la transposition de la directive sur la responsabilité environnementale, qui prévoit un régime de réparation, sans qu’il soit besoin de constater une faute de l’exploitant.

Ces dispositions ont été adoptées conformes par le Sénat. Seul l’article 9, qui prévoyait d’acter le transfert du contrôle, au sein du code de l’environnement, des stockages souterrains d’hydrocarbures, a fait l’objet de discussions. En effet, le rapporteur au Sénat a souhaité que les modalités de cessation d’activités restent gouvernées par les dispositions du code minier. Ségolène Royal, pour sa part, a souhaité réaffirmer tout l’intérêt d’un transfert complet dans le code de l’environnement de la procédure d’autorisation et de contrôle, y compris de la phase de cessation d’activité. En effet, ce transfert évite, une fois l’exploitation d’un stockage souterrain achevée, de laisser la charge de la surveillance de ces stockages à l’État. L’article 9, après avoir fait l’objet d’un amendement, n’a finalement pas été adopté par le Sénat. Il constituait donc un point de discussion pour la commission mixte paritaire. Je me félicite, et je félicite également votre rapporteure, que la rédaction de l’article 9 retenue en CMP corresponde à celle votée par votre Assemblée.

Concernant les dispositions relatives aux produits et équipements à risques, qui visaient à améliorer les procédures d’autorisation, de contrôle et de sanction pour les équipements sous pression, les équipements sous atmosphère explosive, les dispositifs pyrotechniques et les équipements de sécurité à bord des navires, le Sénat a apporté des modifications de forme et de cohérence aux articles 11 et 12. C’est donc la version issue du Sénat qui a été retenue par la commission mixte paritaire.

Il en est de même pour le titre relatif aux produits chimiques, où une modification de cohérence a été apportée à l’article 15, relatif aux produits biocides. Sur ce sujet, également, nous pouvons nous féliciter que le transfert des autorisations de produits biocides à l’Agence nationale de sécurité sanitaire – ANSES – ait été acté. Il constitue une simplification administrative pour les porteurs de projet, qui n’auront plus à attendre une décision ministérielle après une évaluation scientifique par l’ANSES. Nous avons, avec les rapporteurs, répondu aux craintes formulées par certains parlementaires sur le maintien d’un niveau de décision politique, car le ministre chargé de l’environnement continue à garder un droit de veto sur les décisions prises par l’ANSES.

Concernant les organismes génétiquement modifiés, le Président de la République s’était engagé à maintenir le moratoire sur la culture des OGM en France. La nouvelle directive de mars 2015 prévoit deux phases dans le processus d’autorisation de mise en culture. Une première phase, que l’on peut qualifier d’amiable, permet à la France de demander à une entreprise de renoncer à inclure le territoire français dans le champ géographique de la demande. La ministre de l’écologie a adressé des courriers en ce sens à toutes les entreprises en août dernier. À la suite de cette demande, et dans le délai de réponse établi par la directive, aucune d’entre elle n’a indiqué qu’elle souhaitait maintenir le territoire français dans le champ géographique de sa demande. C’est également le cas pour dix-neuf autres États membres, qui ont suivi la France et engagé les mêmes démarches. Toutefois, puisque les entreprises produisant des semences OGM pourraient, à l’avenir, ne pas donner une suite favorable à ce type de demande, le projet de loi a instauré une deuxième étape, qui prévoit que des mesures nationales d’interdiction puissent être prononcées.

Des amendements avaient été adoptés, tant à l’Assemblée nationale qu’au Sénat, relativement à la commercialisation de produits alimentaires à base d’animaux nourris aux OGM.

Le projet de règlement, proposé par la Commission européenne, est en cours de négociation au Parlement européen et au Conseil européen. Ces dispositions entrant pleinement dans le champ du droit européen, il était difficile de prendre des mesures qui se seraient révélées non conformes à l’application des traités européens. Le Sénat a donc repris les articles tels que votre Assemblée les avait adoptés, à l’exception de l’article 18 qui a également fait l’objet d’un amendement de cohérence.

La Commission mixte paritaire a donc repris à son compte les améliorations apportées au texte par le Sénat.

Le titre V relatif aux droits acquis en matière d’installations classées pour la protection de l’environnement a été adopté conforme par le Sénat.

L’article 18, unique article du titre VI relatif aux quotas d’émissions de gaz à effet de serre, a fait l’objet d’une modification de forme par le Sénat : c’est donc la version du Sénat qui a été retenue par la Commission mixte paritaire.

Le Gouvernement avait enclenché la procédure d’urgence sur ce projet de loi qui visait à harmoniser nos pratiques législatives et réglementaires vis-à-vis du droit européen, en assurant ainsi un haut niveau de protection de sécurité de l’environnement. J’exprime donc aujourd’hui solennellement ma satisfaction et la satisfaction du Gouvernement, en constatant le succès de la commission mixte paritaire et en vous demandant de bien vouloir adopter définitivement le projet de loi qui vous est soumis aujourd’hui.

Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.

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Dans la discussion générale, la parole est à M. Antoine Herth.

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Monsieur le président, permettez-moi tout d’abord de remercier au nom de l’opposition les services de l’Assemblée nationale d’avoir remonté les aiguilles de la pendule. J’avais fait une demande en ce sens lors des séances précédentes.

Monsieur le secrétaire d’État, madame la rapporteure, mes chers collègues, le groupe Les Républicains ne votera pas ce texte pour trois raisons.

En soumettant tout d’abord les installations visées à l’article 9 au régime des installations classées pour l’environnement, vous apportez une fois de plus la preuve que le « choc de simplification » n’était qu’un élément de langage destiné à alimenter une presse avide de nouveauté. De fait, vous n’aviez jamais l’intention de transposer ce choc en actes.

Michel Raison, le rapporteur du Sénat, voulait soumettre les stockages souterrains d’hydrocarbures et de gaz naturel au code minier, ce qui aurait apporté une réelle simplification. En effet, s’agissant des installations en sous-sol profond, les dispositions du code minier ont fait leurs preuves. Plusieurs stockages en cavité ont déjà été fermés en France sous le régime minier, la durée de la surveillance pouvant aller de dix à vingt ans. Le système est donc rodé, notamment en matière de bouchage des puits et il n’est nul besoin d’imposer aux opérateurs des contraintes supplémentaires.

Monsieur le secrétaire d’État, ces petites mesures contraignantes sont comme autant de clous que vous dispersez sur les chemins de la croissance. Ils finissent toujours par crever les pneus de ceux qui ont malgré tout la volonté d’entreprendre.

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J’ai souvent eu l’occasion d’intervenir les dispositions relatives aux produits biocides – sujet visé à l’article 15 –, lorsque nous avons débattu de l’autorisation de la mise sur le marché de produits phytopharmaceutiques. Nous avons largement critiqué cet article et avons souhaité sa suppression : il comporte des dispositions qui n’ont pas lieu d’être puisqu’elles ne sont pas prévues par le règlement. Il s’agit donc d’une sur-transposition des textes européens.

En effet ce règlement ne prévoit pas de dispositions contraignantes quant à la désignation de l’autorité nationale compétente pour la délivrance des autorisations de mise sur le marché des biocides, justement parce qu’il s’agit d’une autorisation nationale attribuée aux États membres à côté de l’autorisation de mise sur le marché délivré par l’agence européenne.

La majorité profite de la référence à ce règlement pour imposer une modification à nos yeux majeure dans la pratique politique des institutions de la Ve République, qui est celle de confier une décision politique à un organisme indépendant, en l’occurrence l’ANSES, dont le rôle est de réaliser des études techniques, d’évaluer et d’émettre des avis, alors que la décision politique doit rester au politique. Le texte prévoit en effet de demander à l’ANSES d’apprécier et de gérer à la fois l’équilibre entre les risques et les bénéfices et l’application du principe de précaution, notions éminemment politiques qui relèvent du seul Gouvernement contrôlé par les électeurs et les députés.

Or, comme elle l’a fait pour les produits phytosanitaires dans la loi de modernisation agricole, la majorité veut maintenant confier toute la gestion des produits biocides à l’ANSES.

Enfin, vous ne serez pas étonné de mon intérêt pour l’article 18, qui vise les dispositions relatives à l’encadrement de la mise en culture d’organismes génétiquement modifiés. J’ai en effet été le rapporteur du précédent texte de loi sur les dispositions de mise en culture des OGM.

La modification de la réglementation européenne permet enfin à la France de demander au pétitionnaire d’une demande européenne d’autorisation de mise sur le marché d’un OGM de ne pas inclure le territoire national pour ce qui concerne la culture. En cas de refus du pétitionnaire, la France pourra demander à la Commission d’exclure le territoire national de la portée géographique de l’autorisation ou de restreindre ou interdire la mise en culture de l’OGM sur le territoire national pour des motifs très larges liés notamment à la politique de l’environnement, à l’aménagement du territoire, à l’affectation des sols ou aux incidences socio-économiques, sans avoir à prouver les dangers réels ou supposés des produits interdits.

S’il s’agit là – je le répète – d’un changement majeur dans la législation européenne, l’article 18 va encore plus loin, puisqu’il organise un pouvoir d’interdiction rétroactive.

Il n’est pas question ici de revenir sur l’épineux sujet des OGM et nous ne pouvons que nous réjouir du caractère apaisé des débats sur ce texte. Il convient simplement de constater que l’Union européenne renonce à toute harmonisation dans ce domaine et laisse les États membres libres de décider s’ils veulent ou non cultiver des OGM.

Attention toutefois à respecter les avertissements de la directive elle-même, notamment le considérant 16, qui précise que « les dispositions prévues ne doivent concerner que les cultures et ne pas avoir d’effet sur la libre circulation et la libre importation de semences et de matériel de multiplication végétale génétiquement modifiés », et, surtout le considérant 19, selon lequel « les décisions des États membres visant à restreindre ou interdire la culture des OGM sur tout ou partie de leur territoire ne devraient pas entraver la recherche sur les biotechnologies ». Ces deux points nous posent problème.

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S’agissant de la recherche, à l’occasion de sa visite au salon international de l’agriculture de 2015, le Président de la République avait laissé entendre qu’il souhaitait relancer les recherches sur les biotechnologies végétales. Or, depuis : rien ! Il faut croire qu’une fois de plus, il s’agissait d’un propos de circonstance visant à faire plaisir à une partie de l’opinion publique à laquelle il fallait donner un os à ronger. Ce texte que vous adopterez ce soir laisse craindre que la recherche ne passe définitivement aux oubliettes.

S’agissant de la libre circulation des OGM, si le texte que nous avons sous les yeux ne l’évoque pas, nous savons que le Parlement européen a ouvert le débat avec la Commission – vous l’avez rappelé, monsieur le secrétaire d’État. Une restriction de l’importation, de la circulation ou de l’utilisation de plantes ou de produits issus d’OGM peut paraître une mesure anodine pour la Finlande ou pour Malte. Appliquée à la France, et en particulier à son élevage, une telle interdiction aurait des conséquences catastrophiques. Alors que nos éleveurs souffrent de la perte de débouchés à la suite de l’embargo vers la Russie, ils seraient frappés cette fois dans l’organisation de leur circuit d’approvisionnement. Les conséquences seraient désastreuses car les coûts de production exploseraient, ce qui les mettrait hors du marché.

Voter ce texte de loi supposerait que nous puissions avoir confiance dans la parole du Gouvernement. Or le doute est croissant sur ce que vous dites aux uns et aux autres, sur ce que vous écrivez dans la loi et sur ce qu’en définitive vous ferez réellement. Aussi nous ne le voterons pas.

Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.

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Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, madame la rapporteure, mes chers collègues, plus qu’un simple texte de transposition, ce projet de loi recouvre une problématique que je qualifierai à la fois d’essentielle pour notre avenir et de particulièrement sensible pour notre époque. En effet, la prévention des risques, qu’ils soient environnementaux ou sanitaires, reste une notion difficilement appréhendable tant elle est subjective.

L’Homme commence seulement à prendre conscience, et de manière encore progressive, des conséquences que peuvent avoir certaines de ses actions sur l’avenir de notre planète. De nouveaux modèles tendent à émerger, pour une croissance plus verte, plus durable et surtout plus respectueuse de nos ressources et de notre biodiversité.

Ce texte recouvre finalement plusieurs problématiques dont nous devons absolument débattre si nous voulons préparer correctement notre futur. Si l’on en croit Woody Allen : « Il est important de s’intéresser à l’avenir car nous sommes condamnés à y passer le restant de nos jours ». Ce truisme humoristique cache malheureusement des sujets très graves : OGM, sécurité du forage d’hydrocarbures en mer, conditions de stockages souterrains ou encore commerce de produits chimiques dangereux. Ces différents thèmes doivent être abordés avec sérieux, prioritairement à l’échelle européenne qui reste le niveau le plus pertinent pour répondre à de tels enjeux.

Ceux-ci sont d’autant plus importants que ces dernières années ont été marquées par des catastrophes qui auraient certainement pu être évitées si nous nous étions posé en amont les bonnes questions. L’accident de Tianjin, en Chine, reste l’un des exemples les plus frappants des dérives qui peuvent être liées à un développement économique irraisonné et sans limites. Les pays émergents sont, plus que jamais, les premières victimes de ces erreurs, eux qui préfèrent opposer progrès et responsabilité au détriment d’une politique économique équilibrée.

Toutefois, comment leur jeter la pierre alors que les pays occidentaux ont longtemps été les chantres de cette doctrine ? Ce qui me rappelle une seconde citation, d’un philosophe bulgare, Tzvetan Todorov, selon lequel « donner des leçons de morale n’a jamais été une preuve de vertu ». Les pays occidentaux, les pays européens en tête, doivent montrer l’exemple, en proposant une alternative à cette voie, alternative qui ne doit pas être conçue comme un recul pour le développement ou la croissance d’un pays, bien au contraire. Adopter une politique de prévention des risques doit nous pousser à innover pour trouver de nouvelles technologies plus performantes et plus sûres.

Monsieur le secrétaire d’État, le groupe UDI partage une grande partie des dispositions inscrites dans ce texte, notamment sur la sécurité des opérations pétrolières et gazières en mer. L’explosion qui s’est produite sur la plateforme pétrolière Deepwater Horizon, en avril 2010, a montré au monde entier les failles que pouvait comporter ce type d’infrastructures. Le bilan humain a été lourd et le préjudice écologique absolument catastrophique. Cet accident est d’autant plus marquant que cette plateforme était louée par une entreprise britannique de notoriété mondiale : BP. Nous sommes donc bien loin du cliché selon lequel ce genre d’incidents n’arriverait que dans les pays émergents ou en voie de développement.

Nous avons donc encore beaucoup à apprendre si nous voulons gagner non seulement en vigilance mais aussi en transparence. Je suis d’ailleurs intimement convaincu que l’opinion publique attend des prises de position fortes de la part des décideurs publics sur ces sujets.

Ce projet de loi apporte une première réponse, en renforçant les exigences de sécurité dans le cadre des opérations d’exploration et d’exploitation de pétrole ou de gaz en mer. Il nous semble qu’il était nécessaire de moderniser un cadre législatif un peu désuet et déconnecté des défis qui nous attendent. Cependant, comme l’avait déjà évoqué mon collègue Bertrand Pancher en première lecture, le groupe UDI craint que certaines de ces mesures ne soient la source de complexification pour les entreprises, déjà étouffées par le poids de normes toujours plus importantes et bien trop souvent illisibles.

La partie sur les stockages souterrains a d’ailleurs donné lieu à d’importants débats aussi bien à l’Assemblée nationale qu’au Sénat. En effet, la transposition propose d’intégrer ces stockages à la nomenclature des installations classées pour la protection de l’environnement, les ICPE.

Ces stockages relèveront donc désormais du code de l’environnement, alors qu’ils relevaient auparavant du code minier. Si d’aucuns assurent que cette mesure participe d’une volonté de simplification, nous continuons de nous interroger sur les conséquences directes de ce changement de code. Je pense, par exemple, à la responsabilité des exploitants, après l’arrêt du stockage, sur les résidus de gaz. Les entreprises ayant stocké des produits se retrouveront, de facto, responsables de sites fermés pendant plus de trente ans, au lieu d’une dizaine d’années aujourd’hui.

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Cette mesure risque à la fois de complexifier le quotidien des entreprises et de participer à une insécurité juridique néfaste. Si la majorité du texte n’a pas été dénaturée par une désormais traditionnelle sur-transposition, je crains que cet article ne fasse les frais de ce terrible mal français, qui nous a souvent joué des tours vis-à-vis de nos voisins européens.

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Permettez-nous également d’être perplexes sur la partie qui traite des biocides. Actuellement, les produits biocides ne sont pas soumis à la même réglementation que les produits phytopharmaceutiques – réglementation récente, puisqu’elle a été adoptée dans la loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt. Lors des débats sur ce texte à l’Assemblée nationale, le groupe UDI s’était d’ailleurs vivement opposé à la mise en place d’une nouvelle procédure pour les produits phytopharmaceutiques et les matières fertilisantes.

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Or le texte que nous examinons aujourd’hui reproduit exactement la même erreur…

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…en confiant à l’ANSES l’avis et la décision de mise en marché des produits biocides. Sans pour autant revenir aux débats qui nous ont animés l’année dernière, nous émettons des inquiétudes quant à l’indépendance de l’expertise scientifique.

Enfin, j’aimerais m’arrêter un peu plus longtemps sur la partie qui concerne les OGM, et qui me semble absolument primordiale.

Alors que ce sujet a souvent passionné les foules, la nouvelle directive européenne sur les OGM, adoptée en mars 2015, n’a pas connu une médiatisation à la hauteur des enjeux qu’elle représente. Désormais, les États membres feront face à un choix simple et binaire : celui de mettre ou non en culture des OGM sur leur territoire.

Si le cadre de l’interdiction a été élargi, notamment grâce à l’ajout de nouveaux motifs de refus, le risque est de voir, en contrepartie, l’importation et la mise en culture d’OGM facilitées sur certains territoires de l’Union européenne.

Bien entendu, la France pourra continuer de réglementer les cultures d’OGM comme elle le souhaite. Pour autant, cette nouvelle directive pose plusieurs questions.

Tout d’abord, le groupe UDI regrette que sur cette problématique primordiale, les pays de l’Union européenne n’aient pas réussi à harmoniser leurs politiques. Cette harmonisation était pourtant importante, alors même que les exemples de distorsion de concurrence entre les agriculteurs européens sont de plus en plus prégnants. Nos agriculteurs, et plus particulièrement nos éleveurs, connaissent une crise sans précédent, étranglés par un empilement normatif absolument indécent. L’État leur demande toujours plus, sans réellement se préoccuper de ce qui se passe chez nos voisins européens, beaucoup plus souples sur certains points.

Et si notre politique agricole est souvent un gage de qualité, il faut désormais apprendre à valoriser notre savoir-faire dans ce domaine. Mais comment espérer le faire lorsque les règles ne sont pas les mêmes pour tout le monde ?

Cette absence de règles communes sur les OGM fragilisera assurément notre agriculture qui, elle, se veut respectueuse de notre environnement et de notre santé.

Deuxième point : comment comptons-nous éviter la dissémination des OGM depuis un pays qui en a autorisé la culture vers son voisin qui l’a refusée ?

Enfin, avec cette directive, nous risquons de voir les étals de nos supermarchés remplis de produits OGM ou de produits contenant des OGM. Le Gouvernement a-t-il des pistes pour sensibiliser, et surtout mieux informer, le consommateur sur ce sujet ? La question reste posée.

Monsieur le secrétaire d’État, ce texte est loin d’être une simple formalité liée à l’urgence avec laquelle nous devons transposer des directives européennes. Au contraire, il traite de sujets qui auraient mérité des débats plus approfondis. En effet, plusieurs points restent particulièrement flous, laissant présager des interprétations délicates.

Pour toutes ces raisons, et comme en première lecture, le groupe UDI s’abstiendra sur ce projet de loi.

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Monsieur le président, le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous sommes réunis pour procéder à la transposition de plusieurs directives et règlements issus de l’Union européenne, destinés à renforcer la protection face aux risques environnementaux.

Dans le cadre d’une loi de transposition des normes communautaires, notre marge de manoeuvre est réduite. Il n’est certes pas question de procéder à des « sur-transpositions » ou de légiférer en contradiction avec les normes européennes, mais vous n’êtes pas sans savoir que la France s’apprête à accueillir la COP21, et que notre pays se doit d’être un modèle et un moteur dans tous les domaines de la protection environnementale. Le contexte appelle tout notre bon sens et toute notre audace.

Il serait plus que souhaitable de profiter de l’occasion qui nous est offerte pour tendre avec ambition vers le « mieux disant environnemental », c’est-à-dire faire le choix de la solution la plus écologiquement intéressante et devenir le fer de lance de l’excellence environnementale, pour reprendre les termes du Président de la République. En outre, il serait bienvenu de profiter de l’examen du présent texte pour procéder à un renforcement opportun et significatif du principe de précaution.

Le groupe écologiste et moi-même sommes favorables à la majorité des transpositions qui nous sont proposées. Vous n’ignorez pas l’impact extrêmement néfaste de l’émission de gaz fluorés. Nous soutenons en conséquence la directive sur la baisse des gaz à effet de serre fluorés, dont la transposition a été enrichie à l’Assemblée : le montant de la sanction en cas de dépassement de quotas, fixé à 75 euros la tonne, pourra évoluer corrélativement à l’évolution de la composante carbone de la TICPE, pour laquelle la loi sur la transition énergétique fixe une trajectoire à 100 euros en 2030. Nous nous en félicitons.

Le groupe écologiste et moi-même ne sommes toutefois pas entièrement en accord avec la façon dont le texte traite la problématique de l’utilisation des biocides.

L’alinéa 15 de l’article 15 permet au ministre de l’écologie d’autoriser les biocides interdits préalablement par l’Union européenne, et cela nous paraît contradictoire avec l’esprit du texte et certaines de ses dispositions. Nous avons souhaité restreindre et conditionner cette possibilité à des situations de péril imminent pour les êtres vivants et les végétaux : cet amendement va dans le bon sens, et nous nous en félicitons.

Néanmoins, nous aurions voulu qu’une évaluation des risques permette de faire émerger un tel péril imminent. Associer le Parlement à cette démarche aurait donc relevé du bon sens, même s’il est question de situations d’urgence. Une solution aurait consisté à former un organe parlementaire mobilisable à tout moment pour y procéder.

Je ne peux également m’empêcher de vous faire part de mon étonnement à propos de l’abandon du contrôle des biocides avant leur utilisation.

Sur ce point, le projet de loi se place aux antipodes de la prévention des risques écologiques avec le régime transitoire qu’il souhaite mettre en place. Alors que la logique voudrait que le contrôle des biocides avant leur utilisation soit renforcé, le texte supprime toute vérification des risques toxicologiques et écotoxicologiques dans le régime transitoire.

Il est prévu qu’un nouveau régime de contrôle soit instauré à la suite des conclusions européennes sur le sujet, mais celles-ci sont attendues au plus tôt pour l’année 2018. Nous ne pouvons pas nous permettre d’attendre aussi longtemps. Il est inconcevable de ne pas contrôler les industries et leur utilisation des biocides pendant plusieurs années : la pratique nous montre bien trop souvent que le manque de contrôle provoque des catastrophes aux conséquences irréversibles. Nous les avons tous en tête.

J’aimerais donc interpeller encore une fois le Gouvernement, monsieur le ministre, sur l’absence d’un quelconque contrôle sur les biocides avant leur utilisation et leur mise sur le marché, et vous alerter sur les dérives irrémédiables que susciterait l’absence de contrôle.

C’est sur la question des organismes génétiquement modifiés que les interrogations des écologistes sont les plus fortes. Je ne pourrai pas vous faire part de toutes nos inquiétudes, mais souhaiterais porter deux problèmes à votre connaissance.

La directive OGM ou 2015412 permet un régime d’autorisation à la carte à travers les pays de l’Union. Les écologistes souhaiteraient une politique européenne harmonisée et intégrée sur le sujet, notamment à l’échelle continentale. En effet, un risque important de contamination transfrontalière des champs nous guette, et nous devons être vigilants.

À ce sujet, et nous le répétons, la commande d’un rapport au Gouvernement sur ces différents risques de contamination nous paraît nécessaire, et ce même si nous attendons un avis du Haut conseil des biotechnologies prochainement. Nous insistons sur ce point.

Nous aurions soutenu un texte prévoyant l’étiquetage des produits issus d’animaux nourris aux OGM. Près de 80 % de l’alimentation des élevages est constituée d’OGM. Les consommateurs l’ignorent totalement, et ne sont donc pas en capacité de se positionner de manière éthique, contrairement à ce qu’ils peuvent faire pour les autres produits contenant des OGM. Outre le fait que le risque sanitaire est avéré, nous voudrions insister sur le fait qu’un tel étiquetage est réclamé par près de 200 000 citoyens, dont de nombreux agronomes, qui ont signé la pétition « Consommateurs, pas cobayes ! ».

Le Gouvernement a estimé qu’un tel débat n’était pas opportun lors de l’examen du présent texte. L’argument avancé était que l’étiquetage était un aspect entièrement réglé par le droit communautaire. Mais dès lors que nous avons des législations différenciées en Europe, il serait logique que l’étiquetage soit lui aussi adapté aux choix nationaux. Nous estimons qu’il aurait été cohérent, dans l’esprit du texte, d’insérer de telles dispositions, tout comme d’associer de façon plus large le public aux projets d’autorisation de mise en culture.

À l’heure où nos concitoyens sont dans l’angoisse pour leur sécurité face à un terrorisme barbare, il importe de les rassurer sur nos activités industrielles, et plus particulièrement sur l’exploitation d’hydrocarbures et le stockage souterrain de gaz. Nous devons dépasser le seul argument administratif, celui du coût, et nous montrer plus exigeants. Nous vous suivons sur ce point.

Malgré le fait que le présent texte nous paraît à bien des égards aller dans le bon sens, le volet relatif aux OGM suscite chez les écologistes des inquiétudes qui ne sont pas encore levées. En conséquence, le groupe écologiste et moi-même avons choisi de nous abstenir sur le texte de la commission mixte paritaire.

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Monsieur le président, le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, madame la rapporteure, chers collègues, le projet de loi qui nous réunit ce soir est relatif à la transposition en droit interne de plusieurs textes européens rassemblés sous une seule thématique de la prévention des risques.

Il nous parvient après l’accord établi en commission mixte paritaire, un accord raisonnable dont les députés du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste se félicitent.

C’est donc la dernière étape du parcours législatif de ce texte, et nous ne ferons pas durer le suspense : nous annonçons dès maintenant que nous le voterons, car il constitue globalement une avancée considérable dans le domaine de la prévention des risques.

Nous le voterons aussi car nous ne devons pas perdre de temps sur ces sujets. La méthode des projets de loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne, les DDADUE, permet de gagner un temps précieux ; elle est devenue courante depuis plusieurs années ; elle est utile et efficace. Depuis quelques années, les transpositions effectuées sous cette forme nous permettent de bâtir ensemble l’édifice juridique européen commun que les députés du groupe RRDP soutiennent.

Il s’agit du septième « DDADUE » que nous examinons dans cet hémicycle depuis le début de la législature, le deuxième pour la commission du développement durable après la loi du 16 juillet 2013. C’est un exercice auquel nous sommes désormais rompus.

Transposer des directives européennes dans le domaine de la prévention des risques nous paraît d’autant plus fécond que l’Union européenne est clairement l’échelon le plus pertinent. Cela dit, ce n’est jamais anodin. Le texte réforme en effet profondément le code de l’environnement, le code des transports et le code minier, en attendant l’examen du projet de loi spécifique à la réforme du code minier, toujours dans sa phase préparatoire. Un jour, peut-être…

Sur la méthode, je voudrais aussi saluer la création d’un comité de liaison avec le Parlement pour les transpositions. Cela participe du renforcement, au moins formel, de la contribution des parlementaires à l’écriture du projet de loi, notamment pour définir le périmètre le plus cohérent et approfondir des thématiques.

L’intégration de la législation européenne dans l’ordre juridique national dans les délais impartis est une obligation nécessaire et inhérente à l’appartenance de la France à l’Union européenne. Tout manquement à ces obligations nous exposerait d’ailleurs à des sanctions de la Cour de justice de l’Union européenne.

L’adoption du présent texte est un signe d’autant plus appréciable pour la protection de l’environnement que la COP21 va débuter dans quelques jours. C’est un engagement supplémentaire en faveur de la lutte contre le dérèglement climatique.

Une législation efficace pour améliorer la prévention des risques marque la volonté politique européenne de s’engager avec détermination en faveur d’un développement durable.

Pour prévenir les risques, nous disposons de toute une filière, constituée d’acteurs insuffisamment connus ou reconnus. Permettez-moi de citer, en France, dans différents secteurs, des institutions de très haut niveau comme l’Institut national de veille sanitaire – l’INVS –, l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire – l’IRSN –, l’Autorité de sûreté nucléaire – l’ASN –, l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail – l’ANSES –, ou encore le remarquable Institut national de l’environnement industriel et des risques – l’INERIS –, grâce auxquels la France est certainement le pays le plus à la pointe dans le monde en matière d’études et d’analyse des risques. L’évaluation la plus fine possible des risques est d’ailleurs essentielle : si le nombre d’accidents et de catastrophes est en augmentation, il ne s’agit pas non plus d’éliminer tous les risques, en paralysant notre économie et notre société. Deux exigences se contredisent : évaluer les niveaux des risques et les minimiser autant se faire se peut pour éviter les accidents et les catastrophes. C’est un calibrage fin, consistant à prévenir au mieux sans normes inutiles et sans contrainte superflue.

Le projet de loi s’articule autour de quatre titres principaux. Le titre Ier concerne la sécurité des opérations pétrolières et gazières. Il a pour origine la catastrophe ayant frappé la plateforme de forage Deepwater Horizon en 2010. Personne n’a oublié cette catastrophe écologique sans précédent : 780 millions de litres de pétrole furent répandus en mer. La France est directement concernée en raison de ses activités offshore en Guyane et sur les pôles. Ces opérations pétrolières et gazières seront plus sécurisées ; les pécheurs seront davantage protégés ; le public sera mieux informé sur les risques ; les indemnisations des dommages éventuels seront plus rapides ; enfin, le régime de responsabilité sans faute sera appliqué pour la réparation. Par ailleurs, l’article 9, supprimé lors de la lecture au Sénat, a été réintroduit en CMP sur proposition de notre rapporteure, ce dont il faut se féliciter.

Le titre II concerne les produits et équipements à risques, plus précisément les équipements marins et les équipements sous pression. Il s’agit de moderniser notre droit pour permettre la certification de nouveaux équipements, l’interdiction de certains produits très dangereux sur notre territoire, la mise en place des procédures de contrôle préalable et le renforcement des sanctions en cas de manquement.

Le titre III est consacré aux gaz à effet de serre fluorés et aux biocides, des produits chimiques nocifs que nous devons, entre autres choses, réguler et réduire, en particulier les gaz à effet de serre fluorés utilisés dans les systèmes de climatisation. L’objectif est de les réduire de 80 % dans les quinze ans à venir en leur substituant des fluides moins nocifs.

Enfin, le titre IV est, si ce n’est le plus polémique, à tout le moins le plus discuté : il est consacré aux OGM. Il confère la possibilité aux États d’interdire ou de restreindre la culture des OGM, ce qui fait débat. Il permet de les interdire tout en laissant une liberté de manoeuvre, ce qui est peut-être préjudiciable, car tous les États n’ont pas les mêmes armes économiques et démocratiques pour faire face aux pressions des industriels qui cherchent à développer les cultures d’OGM. Au Sénat comme à l’Assemblée, les OGM constituent le principal sujet de débat de ce texte. C’est probablement lié au fait que notre marge de manoeuvre, en notre qualité de législateurs, est limitée. Plusieurs corrections rédactionnelles, plusieurs clarifications ont été adoptées lors de l’examen dans les deux chambres. Ces corrections ont nettement amélioré la lisibilité, et donc l’intelligibilité du texte, qui constitue une composante essentielle de la sécurité juridique, comme l’a souligné le Conseil d’État dans son rapport public de 2006. Si les amendements adoptés au Sénat comme à l’Assemblée introduisent principalement des corrections formelles, ils n’en demeurent pas moins importants et permettront de lever des ambiguïtés que la simple traduction des directives laissait en suspens.

À titre personnel, je le répète, je suis opposé aux OGM. Nous sommes nombreux sur ces bancs, du moins je l’espère, à regretter ce recul de l’Union européenne en la matière. Ce sentiment fut partagé en commission, à l’Assemblée. Nous déplorons que l’Union européenne n’ait pas réussi à trouver une position commune sur cette question pour limiter plus fortement, voire interdire les OGM dans l’ensemble des États membres.

Au-delà de la question d’être pour ou contre les OGM, cette législation va – c’est une évidence – être la source de contentieux. Elle va faciliter l’importation d’OGM sur notre territoire. Elle présente donc des risques importants de dissémination et, surtout, elle va de nouveau accentuer les distorsions de concurrence et affaiblir nos agriculteurs.

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En ce cas, il fallait garder la réglementation précédente !

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Nous devons entendre les craintes exprimées lors des rassemblements et manifestations en septembre. Renforcer la compétitivité de l’agriculture consiste d’abord à permettre à nos agriculteurs de se battre à armes égales avec leurs concurrents européens. S’agissant des OGM, des normes sanitaires, administratives, sociales, du coût du travail, des produits phytosanitaires et les pesticides, les règles du jeu doivent être les mêmes pour tout le monde, ou au moins pour les pays européens. Sur ce sujet comme sur beaucoup d’autres – l’actualité tragique du vendredi 13 nous le rappelle s’agissant de la sécurité et des forces armées – il nous faut plus d’Europe. Il faudrait également interdire l’exploration et l’exploitation des hydrocarbures non conventionnels. Oui, nous avons besoin de plus d’Europe mais, là encore, nous sommes déçus de constater l’incapacité de nos institutions à adopter une position forte et commune à l’ensemble de l’espace européen.

La culture d’OGM présente aujourd’hui des risques potentiels trop importants pour laisser les grandes firmes décider seules. La boussole scientifique doit seule nous permettre de décider : tant que des preuves scientifiques n’auront pas démontré l’innocuité et une absence de risques avérée des OGM, il serait plus sage d’adopter un principe de précaution et, surtout, de le respecter.

N’oublions pas que les mêmes firmes qui commercialisent les OGM en soulignant leur caractère inoffensif proposent des produits très dangereux, non seulement pour les hommes, comme en témoigne le procès récent gagné par un céréalier charentais, mais aussi pour la nature, et donc pour notre terre. Il est urgent d’améliorer la traçabilité et l’information des consommateurs sur la présence d’OGM dans notre alimentation. En l’état actuel du texte, nous n’avons pas progressé, comme le rappelait avec pertinence François-Michel Lambert, dont je partage le point de vue.

Monsieur le secrétaire d’État, nous vous l’avons dit, nous approuvons très largement ce projet de loi DDADUE, mais nous regrettons les progrès trop timides sur la traçabilité et l’information des consommateurs concernant les OGM. Après avoir cité Alexandre Dumas tout à l’heure, je reviens à Jean de La Fontaine, fabuliste et philosophe de notre modernité, qui, dans la fable Le Chat et un vieux rat employait des mots très justes, dont la pertinence est tristement valable aujourd’hui et dont il nous appartient de nous inspirer : « Méfiance est mère de sûreté ».

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Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission du développement durable, madame la rapporteure, ce projet de loi, que nous avons examiné, en première lecture, en septembre dernier, vise, pour l’essentiel, à transposer des directives européennes. Je citerai en particulier deux d’entre elles : celle du 12 juin 2013, relative à la sécurité des opérations pétrolières et gazières en mer, qui a été adoptée à la suite de l’accident survenu sur la plateforme mobile Deepwater Horizon, le 20 avril 2010 dans le golfe du Mexique, et celle du 11 mars 2015, qui modifie une précédente directive de 2001 relative à la dissémination volontaire d’organismes génétiquement modifiés dans l’environnement.

Le texte voté par notre assemblée a fait l’objet d’un débat similaire au Sénat, qui a adopté quelques amendements rédactionnels ou de coordination. Cela ne veut pas dire que les questions traitées soient de second ordre. Bien au contraire, le sujet traité – la prévention des risques et la sécurité – est important et la transposition de ces directives permet des avancées, même si elles demeurent imparfaites. C’est pourquoi la CMP a abouti à un accord et à un compromis acceptables.

Je ne reviendrai donc pas sur le fond, à un point près – qui mérite attention car nos décisions concernant les OGM risquent, à terme, d’être remises en cause : je veux parler des dispositions relatives à l’encadrement de la mise en culture des organismes génétiquement modifiés. Une première directive avait été adoptée en mars 2001 sur le sujet mais son application n’a pas été satisfaisante car les points de vue des États membres divergeaient sur les conditions de l’autorisation et de l’interdiction des OGM. Aucune majorité qualifiée ne s’est dégagée au Conseil lors de la discussion des processus d’autorisation de mise sur le marché. Ainsi, les gouvernements ne pouvaient déroger à ces autorisations que dans le cadre des mesures d’urgence ou des clauses de sauvegarde prévues par la réglementation. Il ne pouvait s’agir que de mesures temporaires fondées sur la démonstration d’un risque grave mettant en danger de façon manifeste la santé ou l’environnement. Le dispositif se révélait extrêmement périlleux et complexe pour les États membres qui ne souhaitaient pas la culture d’OGM sur leur territoire.

Il convenait donc de conférer aux États de nouveaux moyens juridiquement solides pour interdire la culture d’OGM, dès lors qu’ils en avaient la volonté. C’est ainsi que nous avons abouti à la directive du 11 mars 2015, modifiant la précédente directive, qu’il nous appartient de transposer dans notre droit national. Aux termes de ce texte, un État membre peut demander, lors d’une sollicitation de mise sur le marché d’un OGM ou d’un groupe d’OGM, que son territoire national en soit exclu, selon des modalités que définit le projet de loi dans ses articles 18 et 19. Il s’agit incontestablement d’une avancée dans le respect des souverainetés nationales.

Néanmoins, cet équilibre pourrait être remis en cause dans le cadre de l’accord de libre-échange du partenariat transatlantique de commerce et d’investissement négocié entre l’Union européenne et les États-Unis. Cet accord, pour ce que nous en savons – car le secret entoure les négociations – institue un redoutable mécanisme de règlement des différends entre entreprises et États. Déjà présent dans plusieurs traités bilatéraux ou internationaux de libre-échange, ce mécanisme vise à accorder aux entreprises le droit d’attaquer un État devant un tribunal arbitral. Ainsi, une multinationale qui se verrait interdire l’accès de ses OGM au territoire national d’un État membre de l’Union sur le fondement d’une décision souveraine de cet État, pourrait demander des compensations susceptibles de s’élever à plusieurs millions de dollars, qui seraient prises dans la poche des contribuables via le Trésor public.

Un tel dispositif piétinerait non seulement le droit européen et les droits nationaux mais constituerait également une menace pour la sécurité alimentaire et l’environnement. Non seulement l’encadrement de la mise en culture des OGM et la liberté des États seraient menacés mais une série d’autres conséquences s’ensuivraient. Les nouvelles règles de passation des marchés publics interdiraient toute discrimination basée sur la qualité de la production, ce qui signifie qu’il serait impossible de mettre en place des programmes publics favorisant l’utilisation d’une alimentation biologique, durable et produite localement, par exemple dans les cantines scolaires. Par ailleurs, l’étiquetage des aliments contenant des OGM ne serait pas autorisé, et il pourrait en être de même en ce qui concerne tous les éléments de traçabilité des produits mis sur le marché.

Enfin, si l’on observe les effets de l’accord de libre-échange nord-américain – l’ALENA –, conclu entre les États-Unis, le Canada et le Mexique, on constate que plus d’un million et demi de fermiers mexicains ont fait faillite parce qu’ils n’étaient pas en mesure de rivaliser avec le maïs transgénique américain, qui envahissait le marché mexicain. Vingt ans après la conclusion de l’ALENA, le Mexique, autrefois autosuffisant en maïs, est contraint, à présent, d’importer au moins le quart de cet aliment de base et 40 % des produits nécessaires à l’alimentation de sa population. L’accord commercial transatlantique – en anglais, Transatlantic Free Trade Agreement ou TAFTA – est une sorte de copier-coller de l’ALENA. De fait, les mêmes causes produisent les mêmes effets : les dispositions que nous votons aujourd’hui, qui confortent les souverainetés nationales – ne boudons pas notre plaisir, tant les évolutions institutionnelles européennes nous ont plus habitués à un renforcement de la supranationalité – risquent, demain, d’être remises en cause, ce qui entraînerait tous les effets que j’ai évoqués.

En conséquence, ce que nous nous apprêtons à voter ressemble fort à un marché de dupes. En même temps, notre vote permettra de prendre date et de signifier au Gouvernement que la représentation nationale réprouve le traité transatlantique en négociation, qui piétinerait ce en faveur de quoi nous nous serons prononcés. Sous réserve de ce point, nous voterons ce projet de loi.

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Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission, madame la rapporteure, mes chers collègues, nous sommes réunis ce soir pour voter le projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne dans le domaine de la prévention des risques, dans sa version élaborée par la commission mixte paritaire qui s’est réunie le 10 novembre dernier. Après la discussion au Sénat, dix-neuf articles sur vingt-cinq ont été votés conformes, cinq ont été modifiés par le Sénat – non pas sur le fond mais sur la forme – et un seul article, l’article 9, a été supprimé par les sénateurs. Sans divergences de fond insurmontables, nous avons pu nous mettre d’accord sur un texte.

Nous pouvons peut-être regretter que ce texte, qui traite pourtant de sujets importants et épineux tels que la sécurité des opérations pétrolières et gazières en mer ou la possibilité pour les États de restreindre ou d’interdire la culture d’organismes génétiquement modifiés sur leur territoire, n’ait pas reçu la publicité qu’il méritait. Ces textes de transposition doivent être considérés comme des opportunités pour débattre publiquement des décisions prises à Bruxelles et pour apporter à nos concitoyens des informations parfois difficiles d’accès.

Concernant les OGM, le titre IV du texte transpose la directive 2015412UE mettant en place des critères harmonisés pour que tout État puisse restreindre ou interdire la culture d’OGM sur son territoire. Cette transposition est l’aboutissement d’intenses débats au sein de l’Union européenne et nous pouvons nous féliciter de voir qu’un cadre juridique clair est à présent adopté. Comme l’avait déclaré Mme la ministre de l’écologie, ce cadre normatif doit faciliter « la mise en oeuvre de la volonté d’un moratoire national durable concernant la culture de semences génétiquement modifiées ». Les États membres pourront donc interdire la culture d’OGM sur leur territoire sur la base de critères d’intérêt général ; environnementaux, socio-économiques ou de coexistence des cultures.

Même si je partage la déception quant à l’absence d’un accord européen global, je me réjouis que dix-neuf États membres aient déjà demandé l’interdiction de la culture d’OGM sur tout ou partie de leur territoire, parmi lesquels l’Allemagne, le Luxembourg, l’Italie, la Bulgarie, la Grèce, la Croatie, la Belgique pour la Wallonie et, bien sûr, la France. Dix-neuf États, c’est deux tiers de l’Union européenne, ce qui prouve l’intérêt de ce texte, s’il en était besoin.

Enfin, je tiens à saluer certaines mesures simplificatrices, tant pour l’administration que pour les entreprises, qui se traduisent notamment par un allégement de charges sans pour autant remettre en cause la sécurité et la protection de nos citoyens.

L’article 9, qui avait été supprimé par le Sénat et qui, lors de la commission mixte paritaire, a été réintroduit dans la version issue du vote de l’Assemblée, a pour sa part un but de clarification. Simplifier ne veut pas dire déresponsabiliser. J’entends bien l’argument selon lequel les entreprises devront provisionner le risque, ce qui ne manquera pas d’apparaître dans leur bilan. Cependant, nous parlons ici d’investissements très importants, portés par des grands groupes internationaux. Quand une entreprise mène une activité de ce type, il est logique de provisionner le risque dans sa globalité et de ne pas reporter le risque sur d’autres. Sur des investissements de cette nature, je ne vois pas comment nous pourrions justifier auprès de nos citoyens qu’après un délai de dix ans la responsabilité de ces sites de stockage incombe à l’État, donc à la charge des citoyens. C’est plutôt une clarification, une harmonisation des règles liées au risque environnemental qui est ici introduite.

Pour conclure, la prévention des risques est une problématique qui devrait nous rassembler. Je ne peux donc que vous inviter à voter ce texte. Je souscris également aux propos de Jacques Krabal – je lui adresse un clin d’oeil –, qui a exprimé la volonté de réformer le code minier, volonté affichée depuis très longtemps par notre président et largement soutenue sur nos bancs.

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Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission, madame la rapporteure, nous sommes appelés à reprendre nos travaux sur le texte issu de la commission mixte paritaire sur le projet de loi d’adaptation au droit de l’Union européenne dans le domaine de la prévention des risques.

Félicitons-nous tout d’abord que la commission mixte paritaire soit parvenue à un texte commun. À chaque fois que cela est possible, il faut chercher et trouver un accord entre les deux chambres de notre Parlement. Cependant, si l’accord trouvé a entériné des dispositions avec lesquelles nous étions d’accord, il va également à l’encontre de certaines de nos propositions.

Tout d’abord, s’agissant du titre Ier, nous étions favorables à son adoption. Nous devons harmoniser la politique européenne en matière d’activités offshore pour les hydrocarbures. Nous transposons ainsi la directive offshore, ce qui est une bonne chose. Nous devons tout mettre en oeuvre afin d’éviter un accident sur ces plateformes d’hydrocarbures, ce qui serait un désastre pour notre environnement et pour les populations humaines et animales. Nous gardons toujours en mémoire la catastrophe dans le golfe du Mexique sur la plateforme Deepwater Horizon. La transposition de cette directive va dans le bon sens et nous l’avons approuvée. C’est une réelle avancée que ce titre ait été voté conforme par le Sénat, comme viennent de le souligner mes collègues Stéphane Demilly et Antoine Herth.

Par ailleurs, en première lecture, nous avions mis en garde la représentation nationale contre l’impact du titre III de ce projet de loi. Nous n’avions pas été suivis par la majorité, et le texte de la commission mixte paritaire ne nous convient pas. Disons les choses : le titre III est une surtransposition, dont nous sommes certainement les champions européens. Les mesures que nous prenons avec ce texte ne sont pas une obligation européenne.

C’est d’autant plus regrettable que des effets pervers sont à redouter. Comme nous l’avions expliqué, nous ne souhaitons pas que la prise de décision des autorisations de mise sur le marché soit transférée à un organisme d’expertise technique et que le pouvoir politique abandonne ses prérogatives.

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C’est bien au pouvoir politique de prendre les décisions de mise sur le marché et de gérer l’équilibre entre les risques et les bénéfices, car il est le seul à être responsable devant le peuple. Ces décisions doivent naturellement se fonder sur l’avis des experts de ces organismes indépendants. Nous avons sur ce sujet une véritable différence de point de vue. C’est la raison pour laquelle nous nous opposons de la manière la plus forte aux articles 14 et 15.

Nous avons également donné l’alerte sur l’article 16. Cet article va supprimer le dispositif d’autorisation de mise sur le marché transitoire. Cette disposition est pourtant essentielle pour un très grand nombre de produits. Les utilisateurs de ces produits n’y auront plus accès et des pans entiers de notre production industrielle, souvent déjà mise à mal, sont concernés : des insecticides, des désinfectants et d’autres produits d’hygiène. Nous nous opposons avec la plus grande fermeté à cet article. Malheureusement, le Sénat l’ayant voté conforme, il n’a pas pu faire l’objet de débat en commission mixte paritaire.

Toutes ces surtranspositions seront néfastes pour notre pays et nous ne pouvons pas nous y associer. Le Président de la République lui-même a mis en garde contre toute surtransposition, une pratique qui devient vraiment une habitude bien française.

Enfin, en ce qui concerne les OGM, nous regrettons une nouvelle fois le manque d’harmonisation au niveau européen, alors que l’agriculture est l’un des piliers de l’Union européenne. Nous allons voir émerger une Europe à deux vitesses, celle qui autorisera les OGM et celle qui ne les autorisera pas.

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Toutefois, profitons de cette liberté donnée en matière d’autorisation des OGM pour relancer notre recherche, notamment sur les biotechnologies végétales ou encore la chimie verte. Le Président de la République lui-même s’est exprimé en ce sens au salon de l’agriculture au cours d’une conversation très précise. Nous devons accompagner ces nouvelles technologies.

Monsieur le secrétaire d’État, madame la rapporteure, vous comprendrez que notre position n’a pas changé depuis la première lecture ; le vote du Sénat et l’accord trouvé en commission mixte paritaire n’ont pas effacé nos doutes sur ce texte. Nous sommes donc dans l’obligation de voter contre, comme l’a dit Antoine Herth voilà quelques instants.

Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.

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Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission, madame la rapporteure, chers collègues, je vous épargnerai un nouvel exposé sur le travers de la transposition de dispositions européennes en droit français. Le parcours de ce texte montre assez combien la fabrique législative bruxelloise va contre les intérêts de notre peuple et contre notre conception du droit et de la nation.

Entre nous soit dit, il est assez évident que ce processus est inconvenant, inefficace et dangereux. Il est complètement à regretter que le Gouvernement propose la procédure accélérée sur ce genre de textes. Nous devons aller vers toujours plus de contrôle de la marchandisation de la terre, des semences et de la culture que le cosmopolitisme essaie de nous imposer. À ce titre, faire passer ce genre de textes et négocier en même temps dans le dos des peuples le partenariat transatlantique de commerce et d’investissement entre l’Union européenne et les États-Unis, autrement dénommé TAFTA, relève de la mauvaise foi législative. Il n’est jamais fait référence à ces négociations dans nos débats et dans les explications des textes qui nous sont présentés.

Qu’est le TAFTA ? Concrètement, il vise à mettre en place une gigantesque zone de libre-échange correspondant à un marché de plus de 800 millions de consommateurs. Comment pouvez-vous nous laisser croire que cela n’aura aucun impact sur la protection du vivant ? Quand on voit que l’article L. 533-6 du code de l’environnement revient à laisser une institution supranationale décider des mises en vente dans notre pays, on mesure à quel point la santé des Français n’est que peu défendue.

Si l’on reste d’ailleurs sur l’article 18 du texte, se pose la question de l’autorité sur notre territoire. Est-ce à des technocrates parisiens ou bruxellois de décider de la mise en culture d’une partie de la France ou bien au pays réel, au peuple qui, lui, connaît ses paysages et sa nature ? Nous en revenons aux mêmes questions politiques qui provoquèrent par exemple la crise des bonnets rouges et d’autres problématiques prouvant que la France est une nation forte de ses provinces et des organes indépendants de sa nation.

En des temps moins obscurs que les nôtres, aucune puissance décisionnaire n’aurait pu imposer depuis la capitale des bouleversements agricoles ou culturels sans convocation des parlements locaux. Le cosmopolitisme gagne cependant toujours à s’allier au jacobinisme.

À l’inverse, il faudrait aujourd’hui communiquer nos décisions pour avis à la Commission européenne. C’est de la politique hors-sol contre les parties charnelles. C’est la victoire des experts sur les paysans, l’apothéose des marchands contre les producteurs. Et ce n’est pas un référendum électronique qui viendra améliorer cette situation. La politique n’est pas soluble dans les consultations informatiques.

Nous touchons donc bien là à un affrontement politique qui marquera le vingt et unième siècle : l’affrontement entre, d’un côté, les tenants du capitalisme néolibéral, prêts à supprimer l’ensemble des médiations qui constituent le cadre de vie des sociétés humaines et, de l’autre, la nation, la famille, la terre, la parcelle, la tradition, les passionnés de l’enracinement, qui ne cesseront de rappeler que les principes ne sont pas des valeurs éternellement négociables ou modifiables.

Je regrette que le Gouvernement n’en profite pas pour aborder la question essentielle des semences, lesquelles sont aujourd’hui mises en danger par des appétits financiers privés qui voudraient breveter l’ensemble du vivant. Or, les semenciers français sont représentés par le même organisme selon qu’ils fassent de la culture biologique ou qu’ils travaillent pour Monsanto ; c’est inconcevable !

Permettez-moi de dire quelques mots sur la culture des OGM. Il est indiqué dans de nombreux rapports que le maïs MON 810, seul OGM actuellement autorisé dans l’Union européenne, est cultivé dans trois États : 110 000 hectares en Espagne, 9 000 au Portugal et 3 000 en République Tchèque. Or, le Haut conseil des biotechnologies indique clairement dans son avis du 23 juin 2015 qu’une série de risques est avérée au sujet de cet OGM. J’entends bien que votre projet dispose d’éléments permettant d’éviter certaines pollutions de notre espace agricole, mais comment la France peut-elle laisser se développer ce type de risques majeurs dans une Europe dont elle voudrait être pionnière ?

Il est important que les dirigeants politiques acceptent cette écologie concrète, locale, qui ne s’embarrasse pas de consortiums internationaux pour reconnaître les bienfaits d’un retour au respect des cycles de la nature et du savoir-faire des paysans.

Je ne résiste pas à l’envie de vous citer mon compatriote provençal Jean Giono dans sa Lettre aux paysans sur la pauvreté et la paix : « La monnaie donne à l’État la force des droits sur votre vie. Mais c’est vous qui donnez la force à la monnaie ; en acceptant de vous en servir. Or, vous êtes humainement libres de ne pas vous en servir : votre travail produit tout ce qui est directement nécessaire à la vie. Vous pouvez manger sans monnaie, être à l’abri sans monnaie, assurer tous les avenirs sans monnaie, continuer la civilisation de l’homme sans monnaie. » Ce que Giono nous dit là, c’est l’exact inverse de ce que proposent les gouvernements successifs au monde agricole. En France, on entend : « Soumettez-vous aux normes internationales, aux accords de Doha ou de Dubaï », « Soyez convaincus que Bruxelles connaît mieux vos vignes que vous, que les commissaires savent entretenir vos haies ». Il faudra que l’État et la loi déguerpissent un jour de ces sphères qu’ils n’entendent pas, qu’ils ne comprennent pas, et qu’au final ils détruisent. On n’a jamais vu un énarque produire un bon Châteauneuf ; on en a vu en revanche ne pas savoir les déguster.

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Je ne voterai cependant pas contre ce texte, qui à bien des endroits donne quelques espoirs de prise de conscience du monde qui nous entoure comme un ordre qu’il faut cesser de blesser. Nous n’allons jamais à l’abîme pour des raisons très originales : l’orgueil législatif, les pulsions diverses, les passions tristes, les violences faites à l’ordre. Espérons que nous finissions par sortir des matrices institutionnelles qui nous y conduisent systématiquement.

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Monsieur le Président, monsieur le secrétaire d’État, madame la rapporteure, chers collègues, il nous est proposé ce soir d’approuver le projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne dans le domaine de la prévention des risques. À la veille de la COP 21, l’examen de ce projet de loi est pertinent. En effet, la protection de la biodiversité et de l’environnement marin constitue une exigence au même titre que la lutte contre le réchauffement climatique. Les autorités de l’Union européenne l’ont bien compris et nous ont invités, au lendemain de l’explosion de la plateforme pétrolière DeepWater Horizon dans le golfe du Mexique au printemps 2010, à adapter notre législation relative à la surveillance des plateformes gazières et pétrolières en nous assurant que tous les outils juridiques tels que les audits et les contrôles ainsi que le matériel sont sécurisés afin d’éviter de nouvelles catastrophes écologiques.

L’activité off-shore de la France concerne particulièrement nos territoires d’outre-mer et nos terres australes et antarctiques. Nous facilitons le travail de grandes entreprises telles que Total ou Shell auxquelles nous attribuons des permis exclusifs de recherche. Ces recherches maritimes de matières premières représentent un enjeu économique considérable pour notre pays. Il est indispensable d’en faire évoluer le cadre réglementaire qui date des années soixante et soixante-dix. Nous devons nous assurer, lorsque nous octroyons un permis d’exploitation, que le pétitionnaire est en mesure de faire face techniquement et financièrement à des imprévus à l’impact important et néfaste sur l’environnement. La puissance publique doit attribuer ces permis en toute connaissance de cause, consciente des dangers potentiels comme de leur maîtrise.

Par ailleurs, je tiens à saluer la sagesse de nos collègues sénateurs qui ont accepté de soumettre les stockages souterrains d’hydrocarbures ou de produits chimiques à la réglementation des installations classées pour la protection de l’environnement. Ce classement est une mesure de protection de nos populations et constitue aussi une affirmation de la responsabilité des entreprises qui exploitent les gisements. Elles en ont les moyens car, comme le rappelait Sophie Errante, ce sont des grandes entreprises et non des TPE ou des PME.

Le projet de loi comprend également des dispositions relatives aux produits chimiques visant à prendre en compte les règlements européens relatifs aux gaz à effet de serre fluorés, aux produits biocides et à l’exportation et l’importation des produits chimiques dangereux. Il s’agit là de transposer le règlement mettant en place un mécanisme de réduction des quantités de gaz à effet de serre à fort potentiel de réchauffement global, ce dont tout le monde se félicite, tout en renforçant les obligations de formation et de certification des personnels. D’autre part, le projet de loi confie à l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail l’activité de gestion des autorisations en sus de son activité d’évaluation. Certains d’entre nous s’insurgent contre ce dispositif. Je tiens à souligner qu’il s’agit d’un dispositif de simplification que nous appelons de nos voeux sur tous les bancs.

Enfin, le projet de loi comporte un volet important relatif aux OGM. La directive prévoit en effet que les États membres disposent de nouveaux moyens pour interdire la culture d’OGM sur leur territoire. Je tiens à rassurer certains de nos collègues en rappelant que l’interdiction des cultures OGM s’étend en Europe. À ce jour en effet, dix-neuf États y interdisent la culture d’OGM. Une telle protection ne peut que valoriser notre agriculture tout en nous rassurant au sujet de notre alimentation. Je remercie nos collègues, en particulier Mme la rapporteure, Viviane Le Dissez, et nos collègues sénateurs, Michel Raison en particulier, d’avoir su trouver un accord lors de la CMP. J’aimerais que nous fassions preuve ce soir de la même sagesse que celle ayant présidé à ses travaux.

Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.

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Je mets aux voix l’ensemble du projet de loi, compte tenu du texte de la commission mixte paritaire.

L’ensemble du projet de loi est adopté.

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L’ordre du jour appelle la discussion, sur le rapport de la commission mixte paritaire, de la proposition de loi tendant à consolider et clarifier l’organisation de la manutention dans les ports maritimes (no 3208).

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La parole est à M. Philippe Duron, rapporteur de la commission mixte paritaire.

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Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, monsieur le rapporteur pour avis, chers collègues, l’Assemblée nationale a examiné en juin dernier une proposition de loi tendant à consolider et clarifier l’organisation de la manutention dans les ports maritimes signée par l’ensemble des membres du groupe socialiste, républicain et citoyen. Le Sénat a examiné le texte au mois d’octobre et la commission mixte paritaire, réunie mardi dernier, a abouti à un texte commun qui concrétise une concertation ayant réuni tous les acteurs de la manutention portuaire. Il trouve son origine, comme vous le savez, dans un conflit qui a éclaté à Port-la-Nouvelle en 2013 au sujet du non-respect des règles relatives à l’emploi des ouvriers dockers par un manutentionnaire local.

Cette affaire a entraîné une prise de conscience des difficultés d’interprétation des textes sur ce sujet et un groupe de travail a été mis en place. Il a rassemblé autour de Mme Martine Bonny, inspectrice générale de l’écologie et du développement durable, l’ensemble des acteurs du secteur de la manutention portuaire : syndicats de dockers, représentants des entreprises de manutention, représentants des entreprises utilisatrices de transport de fret, autorités portuaires, membres de l’administration en charge du transport maritime et personnalités qualifiées. Il faut souligner ici l’esprit constructif et la qualité du travail effectué dans le cadre institué par M. le secrétaire d’État chargé des transports. Le rapport publié à l’issue du processus de concertation peut être considéré comme une véritable étude d’impact de la proposition de loi.

Je ne rappellerai pas ici les spécificités du régime d’emploi des ouvriers dockers défini par la loi du 6 septembre 1947 et modifié en 1992 et 2008 par les lois Le Drian et Bussereau. Ces sujets ont été abondamment évoqués en première lecture. Je me contenterai de rappeler les deux axes qui structurent la proposition de loi. En premier lieu, le texte vise à améliorer la rédaction des articles du code des transports définissant le régime d’emploi des ouvriers dockers. En effet, le conflit de Port-la-Nouvelle a fait craindre aux acteurs portuaires que la disparition du dernier docker intermittent sur un port donné n’y implique la suppression de la priorité d’embauche dont y bénéficient et les dockers professionnels mensualisés créés par la loi du 9 juin 1992 et les dockers occasionnels.

Or la disparition des dockers intermittents est programmée. Il n’en existe plus que 149 dont 83 seulement sont opérationnels. Il fallait donc modifier la réglementation. Tel est le sens des articles 1 à 5 et des articles 7 et 8 de la proposition de loi qui lèvent toute ambiguïté à ce sujet. Il n’est désormais plus possible de considérer qu’il existe une corrélation entre l’existence d’un régime de priorité d’emploi des ouvriers dockers et la présence de dockers intermittents sur une place portuaire.

En second lieu, le texte vise à clarifier le périmètre de la priorité d’emploi des dockers. Tel est l’objet des articles 6 et 9. Cette évolution est d’autant plus nécessaire que la loi du 4 juillet 2008 a entraîné d’importants changements dans le domaine de la construction et de la gestion des outillages en distinguant l’infrastructure de la superstructure, c’est-à-dire les quais, laissés à des opérateurs privés, ce qui a rendu obsolètes les notions employées jusqu’alors pour définir le périmètre d’activité des dockers.

Le texte constitue aussi l’occasion de réaffirmer que l’existence d’une priorité d’embauche des dockers pour certaines tâches est justifiée par l’exigence de sécurité des personnes et des biens. Par ailleurs, un mécanisme novateur a été créé pour traiter du cas des travaux de manutention portuaire effectués pour le compte propre du titulaire d’un titre d’occupation domaniale comportant le bord à quai. La loi prévoit désormais que les conditions dans lesquelles ils sont réalisés sont fixées conformément à une charte nationale, c’est-à-dire un droit souple. Celle-ci doit favoriser le dialogue entre les acteurs portuaires au sujet des projets de nouvelles implantations industrielles.

Lors de son examen à l’Assemblée, la proposition de loi a fait l’objet d’une dizaine d’amendements rédactionnels. Un article 9 a par ailleurs été créé. Il prévoit la remise au Parlement, dans un délai de deux ans, d’un rapport sur la mise en oeuvre de la charte. Il s’agit d’évaluer une nouvelle forme de droit sur laquelle nous manquons peut-être un peu de recul. La proposition de loi a été adoptée à l’unanimité en première lecture. Il en est allé autrement au Sénat. Certains articles y ont été votés conforme. Il s’agit des articles 1 à 4 et de l’article 8. Mais le Sénat, considérant que la proposition de loi doit se limiter à des corrections rédactionnelles, a supprimé les articles 6 et 9 et modifié la rédaction des articles 5 et 7. Nous avons eu l’occasion de débattre en commission mixte paritaire des raisons de ces modifications.

Je tiens ici à rassurer nos collègues de l’autre assemblée : le texte ne doit susciter aucune crainte. Tout d’abord, contrairement à ce que certains pensent, il existe déjà une priorité d’embauche des dockers occasionnels semblable à celle applicable aux dockers professionnels. L’équilibre des textes n’est donc pas bouleversé par les articles 5 et 7. Je me réjouis que la commission mixte paritaire ait voté leur rétablissement dans leur rédaction issue des débats de l’Assemblée nationale. Par ailleurs, la charte est un instrument souple qui s’adaptera à la réalité de chaque port. À ce sujet, je suis heureux de constater que les articles 6 et 9 ont eux aussi été rétablis par la commission mixte paritaire dans leur rédaction résultant des débats de l’Assemblée. Enfin, le texte vise à renforcer la stabilité sociale dans nos ports et à en améliorer la compétitivité, car leurs résultats progressent moins vite que ceux des ports européens concurrents. Ce point a fait l’objet d’un consensus du groupe de travail présidé par Mme Bonny. C’est pourquoi je vous invite, chers collègues, à approuver le texte issu des travaux de la commission mixte paritaire.

Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.

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La parole est à M. le secrétaire d’État chargé des transports, de la mer et de la pêche.

Debut de section - Permalien
Alain Vidalies, secrétaire d’état chargé des transports, de la mer et de la pêche

Monsieur le président, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mesdames et messieurs les députés, les ports constituent des maillons essentiels de notre chaîne de transport. L’emploi direct qu’ils génèrent est estimé à 40 000 emplois. Le Gouvernement a mis en place une stratégie globale de développement de l’attractivité, de la compétitivité de nos ports pour transformer l’essai de la réforme portuaire en réussite et donner à la France, en métropole et dans les outre-mer, une place de premier rang dans le commerce international.

Cette dynamique a d’ailleurs été confortée et amplifiée par le conseil interministériel de la mer, qui s’est tenu le 22 octobre à Boulogne-sur-Mer, sous la présidence du Premier ministre. Vous connaissez tous ici le contexte qui a amené à légiférer sur le statut des dockers et la démarche qui a permis d’aboutir à cette proposition de loi. La mission conduite par Mme Bonny a débouché sur un texte équilibré entre les positions des différents acteurs oeuvrant pour le développement de nos ports : les entreprises de manutention, les industriels implantés sur les terminaux et les représentants des ouvriers dockers. Cet équilibre a été obtenu par un dialogue riche et constructif, avec près de trente réunions de travail, tenues entre février et juillet 2014.

L’objectif était de concilier des enjeux essentiels à l’attractivité de nos ports et à leur développement économique : la sécurité des personnes et des biens, fondée sur la qualification et le professionnalisme des dockers ; la liberté d’entreprendre ; le respect des travailleurs et de leurs conditions d’emploi.

C’est cet équilibre complexe et nécessaire qui a été conforté le 25 juin. l’Assemblée nationale a alors adopté à l’unanimité le texte de cette proposition de loi, seuls quelques amendements rédactionnels et un amendement prévoyant la remise au Parlement d’un rapport sur le bilan de la mise en oeuvre de la charte instaurée par l’article 6 ont été ajoutés au texte initial. Je tiens à souligner ce signal positif envoyé par votre assemblée, dans un contexte où il importe de consolider et de clarifier de manière urgente l’organisation de la manutention dans nos ports maritimes.

Malheureusement, et je le regrette vivement, le Sénat ne l’a pas entendu de la sorte. Lors de la première lecture, il a introduit de nombreuses modifications sur les articles 5, 6, 7 et 9. Une commission mixte paritaire, réunie le 10 novembre, a finalement adopté l’ensemble des dispositions restant en discussion dans la rédaction de l’Assemblée nationale. Je me félicite bien évidemment de cette issue positive et vous engage, par le vote que vous allez émettre sur les conclusions de la CMP, à confirmer la position on ne peut plus claire que vous avez exprimée en première lecture.

Comme j’ai déjà eu l’occasion de vous le dire, l’objectif de cette proposition de loi est de sécuriser juridiquement le régime de priorité d’emploi, pour pérenniser l’emploi des dockers dans un cadre modernisé répondant aux enjeux de développement de nos places portuaires.

Le savoir-faire et l’expérience de cette profession sont un atout précieux en matière de sécurité pour nos ports. Il s’agit ainsi de contribuer à améliorer la fiabilité et la compétitivité de nos ports, dans un environnement fortement concurrentiel.

Dans ce contexte, la question qui nous est posée n’est pas d’ordre juridique – nul ne songe à contester à quiconque l’exercice de la plénitude de leurs droits –, mais politique. Il importe de faire en sorte que l’équilibre de cet accord entre partenaires sociaux soit préservé et sécurisé. Par ce vote, vous donnerez un signal fort allant dans le sens de l’apaisement, du compromis, et surtout du respect de l’accord des partenaires sociaux. Telle est l’attente des organisations patronales et salariales signataires de l’accord ; telle est l’attente du Gouvernement.

Je souhaite que l’Assemblée nationale vote en faveur des conclusions de la CMP et qu’un signal clair soit par là même envoyé au Sénat. Ce dernier doit revenir sur la position exprimée en première lecture, une position de principe consistant à s’exonérer du respect de l’accord entre les employeurs et les salariés, et bouleversant l’économie générale du dispositif. Je crains, hélas, qu’il n’en aille pas ainsi ; cela nous obligerait à procéder à une nouvelle lecture de cette proposition de loi, et retarderait d’autant l’adoption de ces dispositions.

La volonté et la détermination du Gouvernement sont aussi, je le sais, celles de l’Assemblée, souvent unanime sur cette question : nous poursuivrons la procédure législative pour donner une issue favorable au travail effectué en amont par votre assemblée – je salue votre rapporteur et M. Denaja, l’auteur de la proposition de loi –, par Mme Bonny et par l’ensemble des partenaires sociaux. Ces derniers nous ont adressé un message de confiance. Ce n’est pas si fréquent. Votre assemblée, et j’espère le Sénat demain, y répondront en faisant ce geste d’apaisement, pour la modernisation du statut des dockers, et le développement de nos ports.

Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.

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Dans la discussion générale, la parole est à M. Christophe Priou.

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Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, chers collègues, cette proposition de loi est censée améliorer la sécurité juridique, tout en réaffirmant le lien entre la priorité d’embauche et le statut d’intermittent. D’après la majorité et le Gouvernement, elle s’appuie sur une charte nationale, sur laquelle il y aurait accord des partenaires sociaux.

Sauf que cette proposition de loi part d’un constat incomplet de la situation. Lorsque la majorité nous dit que, malgré la réforme du 9 juin 1992, les règles d’emploi des dockers restent adossées au statut de l’intermittence, elle oublie de préciser que, des trois ports maritimes les plus importants – Le Havre, Marseille et Dunkerque – seul celui de Marseille a encore des dockers intermittents. Ceux-ci représentent moins de 6 % des effectifs des dockers travaillant dans les ports.

Cette proposition de loi fait également preuve d’un manque d’explications. Si un nombre élevé de ces dockers n’ont pas été mensualisés en 1992, c’est parce qu’ils sont restés au statut de l’intermittence par leur volonté individuelle ou collective. Ils avaient la priorité absolue de mensualisation, comme de très nombreux dockers aujourd’hui mensualisés, dans tous les ports et notamment à Marseille.

Les dysfonctionnements sociaux dans quelques ports ne sauraient justifier une nouvelle loi. II faut, au contraire, faire en sorte que la loi de 1992, défendue par Jean-Yves Le Drian, soit correctement appliquée.

Le texte fait état de la nécessité de créer une charte nationale et de l’adosser à la loi. Avant de légiférer, les parlementaires devraient d’abord inciter les partenaires sociaux à travailler sur la charte. Si on attache un minimum d’importance au dialogue social, et aux accords de branche que vous privilégiez dans d’autres discussions, on doit considérer que c’est le contenu de cet accord-cadre qui doit guider l’écriture parlementaire, non l’inverse.

Si on peut envisager la création d’une charte nationale, il faut qu’elle reste un accord-cadre souple, connecté à la réalité locale, permettant un « sur-mesure », port par port, et non un carcan qui s’appliquerait de façon indifférenciée à chaque port. Je regrette au passage que, dans le cadre de la loi NOTRe, le Gouvernement n’ait pas accepté un amendement du Sénat qui prévoyait de confier la gestion des grands ports aux régions.

Enfin, s’agissant des résultats de la CMP, notamment de l’article 5, le Sénat avait supprimé la définition des dockers occasionnels proposée dans le texte, au motif qu’elle risquait de perturber le fonctionnement de certaines entreprises. Nous partageons cette préoccupation et pensons que l’objectif de ce texte doit se limiter à apporter les modifications rendues nécessaires par l’insécurité juridique.

D’autres modifications, sans étude d’impact économique préalable, pourraient avoir des incidences négatives sur les ports français et les entreprises utilisatrices.

Par ailleurs, les industriels positionnés sur les ports doivent pouvoir faire effectuer les opérations de manutention par leur personnel. Il est très important, au nom de la compétitivité française et de la nécessité de créer de nouvelles filières d’import-export en France, de garantir la liberté de l’opérateur ou de l’industriel de choisir son mode opérationnel.

Cette proposition de loi est, au mieux inutile, au pire dangereuse. S’il n’y a pas lieu de modifier la loi actuelle, ce texte risque de générer du conflit social, en opposant les catégories de travailleurs entre elles, en multipliant des contentieux sans fin, des blocages de l’économie et de la logistique du transport. Il risque de créer des contraintes supplémentaires, qui aggraveront le déficit de compétitivité de nos ports au lieu de les rééquilibrer, et freineront le développement du transport maritime, en forte croissance aujourd’hui. Tout le contraire de ce que l’on devrait faire ! Le groupe Les Républicains ne votera pas ce texte.

Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.

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Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous sommes réunis ce soir pour débattre d’un texte qui a réussi à faire consensus, après l’épreuve de la CMP entre nos deux assemblées.

Si cette proposition de loi est loin de révolutionner la problématique des dockers, elle nous paraît néanmoins essentielle pour lever les ambiguïtés qui pouvaient subsister quant à leurs régimes. Alors que la loi de 1992 était censée simplifier et adapter les différents régimes, force est de constater que certaines lacunes demeurent. Ce texte était donc nécessaire pour éviter des interprétations dangereuses.

À la demande du Gouvernement, un groupe de travail s’est formé au cours de l’année 2014, pour mener une réflexion sur la situation des ports maritimes en France. Présidé par Martine Bonny, inspectrice générale de l’administration du développement durable, ce groupe a formulé un certain nombre de propositions, visant à adapter nos ports maritimes français à la réalité portuaire. Parmi ces recommandations figure la volonté de pérenniser le statut de l’ouvrier docker, ce qui nous semble absolument primordial.

Cette proposition de loi est donc une première réponse pour consolider, adapter mais aussi encadrer l’organisation de la manutention dans les ports maritimes.

En première lecture, nous avions déjà rappelé que seuls 70 dockers intermittents sont encore en activité. Tous devraient partir à la retraite d’ici 2018. Un tel changement doit être anticipé. Car si cette transformation est vraisemblablement une bonne chose pour la stabilité de l’emploi des dockers, elle doit être convenablement préparée pour éviter tout risque d’incidents.

Le conflit qui a eu lieu à Port-la-Nouvelle en 2013 a montré la nécessité de sécuriser davantage le régime de travail des ouvriers dockers. Cela nous paraît d’autant plus important que les dockers jouent un rôle absolument fondamental dans l’attractivité de nos ports maritimes. En effet, la mondialisation des échanges maritimes requiert des professionnels qualifiés, capables d’assurer la qualité du service, et donc le rendement économique de nos ports.

Monsieur le secrétaire d’État, en octobre 2014, vous aviez justement rappelé l’importance de soutenir et de mener à bien la modernisation de nos grands ports maritimes, notamment en développant leur compétitivité. En 2014, le port du Havre a obtenu le titre de « meilleur port européen », pour la quatrième année consécutive, devançant ainsi Hambourg, Rotterdam et Anvers. Ce savoir-faire, absolument essentiel pour l’économie de notre pays, doit être davantage valorisé.

Malheureusement, il est difficile de voir la stratégie du Gouvernement sur ce sujet. Notre pays est pourtant dans une situation difficile : nos ports maritimes sont de plus en plus concurrencés par ceux de nos voisins européens. Pour le groupe UDI, seul un renforcement de nos principaux ports permettra d’asseoir notre légitimité en Europe. Cela passe, par exemple, par des investissements dans des technologies plus pointues.

Aujourd’hui, 80 % du commerce mondial s’opère par voie maritime. La France doit donc relever ce nouveau défi, en redynamisant nos activités portuaires. C’est pourquoi nous saluons la position du Sénat, lequel a choisi d’aborder directement la question de la compétitivité des ports.

Par ailleurs, le groupe UDI souhaite rappeler une nouvelle fois la nécessité de connecter davantage nos territoires à un grand port maritime, en assurant de nombreuses dessertes.

A l’heure de la globalisation, les ports ont assurément un rôle à jouer dans le désenclavement de nos territoires, des territoires souvent isolés qui ont pourtant le droit de profiter des transformations mondiales, comme le font les grandes métropoles.

Ce sera le cas demain avec le tant attendu canal Seine-Nord-Europe, pour lequel, monsieur le secrétaire d’État, nous avons besoin de votre soutien franc et massif.

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La proposition de loi relative à l’économie bleue, discutée en commission du développement durable il y a quelques jours, représente un premier pas nécessaire vers le renforcement de notre politique maritime renforcée. Malheureusement, comme l’a si bien dit notre collègue Jean-Christophe Fromantin, ce texte passe à côté d’enjeux fondamentaux.

L’émergence d’une croissance bleue ne pourra se faire sans une stratégie maritime efficace et compétitive. Dois-je rappeler que notre pays possède le deuxième domaine maritime mondial, après les États-Unis ? Nous avons une ressource extraordinaire, que nous devons davantage exploiter et valoriser.

Nous espérons donc que les annonces que vous avez faites, monsieur le secrétaire d’État, le 22 octobre dernier lors du comité interministériel de la mer, le CIMER, seront suivies d’effet.

Mes chers collègues, si ce texte ne révolutionne pas la situation des dockers, ni ne réforme notre modèle portuaire, il a le mérite de lever les ambiguïtés qui pouvaient subsister quant au régime des dockers. Les récentes grèves démontrent l’importance de construire un dialogue social pérenne avec les dockers.

À la fin du XIXe siècle, la grève des dockers de Hambourg avait représenté l’un des conflits sociaux les plus importants de l’époque et avait eu des répercussions économiques désastreuses. Si nous sommes loin de connaître des conflits aussi virulents en France, le port de Marseille est régulièrement bloqué par les dockers pour des raisons diverses telles que leur statut, leur régime de travail, ou encore la nature de leur activité.

Ainsi, en 2013, ils avaient manifesté pour récupérer la manutention des bagages des croisiéristes, assurée par une compagnie privée.

Ces blocages ont des répercussions terribles sur notre compétitivité. Si nous ne voulons pas rester dans un statu quo parfois délicat, ces questions devront, un jour ou l’autre, faire l’objet d’un débat plus approfondi. Les dockers représentent un maillon indispensable de la chaîne des échanges maritimes, un maillon qu’il faudra consolider si nous voulons conserver notre compétitivité dans ce domaine.

Le texte que nous étudions aujourd’hui représente finalement un premier pas dans la voie du dialogue social, déjà engagé avec les ouvriers dockers, mais il ne saurait constituer une fin en soi. Nous devrons donc continuer le travail déjà mené sur ce sujet.

Cette proposition de loi permet, finalement, d’appréhender la fin programmée des dockers intermittents, en sécurisant le principe de priorité d’embauche des dockers, fixé par la loi de 1947.

L’affaire de Port-la-Nouvelle a montré les difficultés d’interprétation qui pouvaient exister en matière d’embauche. Ainsi, pour certains, la règle de la priorité d’embauche était liée à l’existence de dockers intermittents. Il était donc primordial de préciser le code des transports, en rappelant que l’absence d’ouvriers intermittents ne remettait pas en question l’application de la règle de priorité d’embauche.

Cette précision participera, indéniablement, à la sécurisation de l’emploi des dockers, qui sont reconnus pour leur professionnalisme et leurs compétences spécifiques. Un professionnalisme qui participe directement au rendement économique de nos ports, tout en assurant la sécurité de ces lieux, souvent très dangereux pour des personnes inexpérimentées.

Pour le groupe de l’Union des démocrates et indépendants, il est absolument impensable que des personnes dépourvues des qualifications requises pour ce métier exercent des activités aussi risquées et difficiles.

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Nous nous félicitons donc que les questions de sécurité soient abordées dans ce texte. Un décret en Conseil d’État déterminera les travaux de chargement et de déchargement prioritairement effectués par des ouvriers dockers.

Monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, notre groupe renouvelle son souhait d’avoir un débat plus approfondi sur l’avenir de notre activité portuaire. Pour autant, ce texte est un premier pas non négligeable vers la pérennisation du métier de docker, socle de notre compétitivité maritime.

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C’est pourquoi le groupe de l’Union des démocrates et indépendants votera, comme en première lecture, en faveur de ce texte.

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Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, chers collègues, dans le contexte de souffrance et de tragédie que nous connaissons, notre réponse face au terrorisme passe aussi par la poursuite de l’examen et le vote des textes législatifs pour moderniser notre droit. Tout stopper reviendrait à capituler.

Cette proposition de loi relative aux dockers est l’aboutissement d’un travail assidu et consensuel.

L’accord obtenu en commission mixte paritaire le démontre et les députés du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste s’en félicitent.

Des voix se sont élevées pour regretter l’absence d’étude d’impact, nous les comprenons car elle aurait été utile. Mais cet argument se retourne contre le Parlement et aboutit à se lier les mains puisqu’une étude d’impact accompagne uniquement les projets de loi. Cela revient à dire que les initiatives parlementaires ne valent que dans les domaines où l’étude d’impact n’est pas utile, soit quasiment aucun.

De surcroît, la proposition de loi reprend les propositions du groupe de travail dirigé par Mme Martine Bonny, ancienne présidente du directoire des grands ports maritimes de Rouen et de Dunkerque.

Dans ce groupe de travail, toutes les parties prenantes de la question de la manutention dans les ports maritimes ont activement participé à la recherche de solutions pérennes, dans une volonté d’échanges féconds. Ils ont été accompagnés par des experts compétents et indépendants.

Ce travail a permis de montrer les points de consensus entre les acteurs portuaires. Les députés du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste, tiennent d’ailleurs à saluer ce processus de concertation. C’est un bon exemple de démocratie participative, un bon exemple de consultation réussie, en préalable du processus législatif stricto sensu.

Cela dit, aussi utile que fut cette consultation pour parvenir à transcrire dans la loi des équilibres parfois subtils, et aussi précieux que peut être un assentiment général pour bâtir un texte de loi efficace et pragmatique, le temps du Parlement reste le plus important car le plus légitime.

Les députés du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste sont partisans de l’écoute des corps intermédiaires, monsieur le secrétaire d’État. Si nous avons même de l’affection pour la démocratie collaborative, nous conservons un grand respect pour la légitimité de la démocratie représentative.

Certes, nous devrions en repenser le modèle, j’en conviens volontiers, mais prenons garde à ne pas réduire l’examen au Parlement à une réunion supplémentaire du groupe de travail mis en place. C’est le Parlement qui fixe de façon définitive la législation des conditions d’emploi des dockers.

Le texte issu de la commission mixte paritaire reprend la rédaction des travaux de l’Assemblée nationale. Les sénateurs enrichissent souvent avec beaucoup de pertinence et de justesse les textes, mais en l’espèce, ils ont privilégié la productivité maximale des ports au détriment des avancées obtenues pour harmoniser le cadre juridique du travail de manutention dans les ports.

La proposition poursuit en effet trois objectifs : ajuster l’encadrement juridique de la manutention dans les ports au vieillissement des dockers qui ont encore un statut d’intermittent, clarifier le champ d’intervention des dockers dans le port, donner une traduction législative aux propositions émises par le consensus des parties prenantes.

Il ne s’agit pas de faire une législation d’exception pour une profession, mais bien d’adapter le droit à des conditions d’emploi spécifiques.

Dans les ports il existe une ressource humaine exerçant de nombreux métiers, opérant pour des employeurs et sous des statuts très variés. Ces métiers eux-mêmes ne sont pas toujours bien délimités et se transforment au gré des évolutions technologiques, économiques et juridiques.

C’est le cas des dockers. Ces ouvriers travaillent dans les ports de marchandises. Ils sont chargés d’approvisionner les navires, de préparer le matériel nécessaire aux opérations de chargement, de guider les conducteurs et d’effectuer le déplacement des caisses et des colis, à la force de leurs bras. Ce métier requiert des compétences très particulières. Un docker doit faire preuve d’une bonne résistance physique, d’une concentration et d’une précision élevées, de capacités techniques et mécaniques, mais aussi de ponctualité et de rapidité car certains chargements ou déchargements obéissent à des contraintes exigeantes en termes de délai.

Ce n’est pas un hasard si, dans l’immense majorité des pays du monde, depuis l’Ancien régime, ce métier est régi par des normes spécifiques.

L’enjeu est de bénéficier d’une main-d’oeuvre stable, avec une gestion adaptée aux fortes fluctuations de l’activité portuaire. Il faut concilier les deux impératifs de stabilité et de flexibilité.

En France, aujourd’hui, le droit social applicable aux dockers ne résulte pas d’un dispositif unique. Il ressemble plutôt à une forme de syncrétisme, un enchevêtrement de statuts élaborés par des législations successives, d’époques et d’inspirations différentes. Les dispositions législatives relatives à la manutention portuaire ont connu un point d’ancrage avec la loi de 1947 qui a créé une carte professionnelle et instauré une gestion de l’intermittence : en contrepartie de la fluctuation de l’activité, une priorité d’embauche fut mise en place.

Pour les périodes d’intenses suractivités ponctuelles, les employeurs pouvaient recourir à des dockers « occasionnels », c’est-à-dire des dockers non professionnels. Ces derniers avaient moins de contraintes et moins de garanties.

Ainsi, pour les tâches à réaliser dans le port, il découlait de cette organisation que les dockers professionnels intermittents bénéficiaient d’une priorité d’emploi sur les dockers occasionnels, eux-mêmes bénéficiant d’une priorité d’emploi sur les autres personnels.

Depuis 1947, l’évolution des méthodes de travail et la modernisation des techniques a progressivement rendu désuète l’intermittence. Ainsi, il y a plus de vingt ans, en 1992, la loi dite Le Drian a encouragé la mensualisation avec la priorisation de l’emploi en CDI, en laissant aux dockers préférant le régime de l’intermittence la possibilité de le conserver.

Compte tenu des évolutions démographiques, il reste aujourd’hui moins de soixante-dix dockers intermittents en activité en France et ce régime est appelé à s’éteindre prochainement.

Mais le droit positif comporte aussi un certain nombre d’ambiguïtés. Elles furent à l’origine d’un conflit qui eut lieu en 2013 à Port-la-Nouvelle, dans la belle région chère aux radicaux qu’on pourrait appeler prochainement le Languedoc-Pyrénées. C’est d’ailleurs à la suite de ce conflit que fut mis en place le groupe de travail avec les acteurs du secteur.

Ne nous méprenons pas : Port-La-Nouvelle n’est pas qu’un prétexte pour écrire un texte. C’est aussi un signal d’alarme pour tous les ports français, afin d’apporter une réponse complète avec une réforme globale.

Le texte de l’Assemblée est basé sur un consensus précieux entre le patronat et les syndicats. Nous devions clarifier et conforter le statut social des dockers ainsi que leurs conditions d’emploi pour éliminer les ambiguïtés rédactionnelles, dans la perspective de la fin de l’intermittence.

Le texte que nous allons adopter permettra de sécuriser juridiquement le régime de priorité d’embauche et la pérennisation de l’emploi des dockers professionnels. Le régime de priorité d’emploi des dockers est clarifié par la rédaction de l’article 3 alinéa 1 : « Les employeurs […] recrutent en priorité les ouvriers dockers professionnels mensualisés parmi les ouvriers dockers professionnels intermittents, puis parmi les ouvriers dockers occasionnels […]. »

Ensuite, le périmètre de la priorité d’emploi des dockers devait aussi être clarifié, compte tenu du maintien dans le cadre des transports des notions de « poste public » et de « lien à usage public », devenues largement obsolètes.

Deux principes sont retenus. Tout d’abord, la priorité d’emploi doit être proportionnelle aux objectifs poursuivis de sécurité des biens et des personnes et elle s’applique donc pour les travaux où les risques sont les plus importants. Par ailleurs, elle ne peut s’imposer aux titulaires de titres d’occupation domaniale comportant le bord à quai, le plus souvent des industriels, dont les besoins de manutention sont liés à l’exploitation même de leur activité.

Enfin, les différentes catégories de dockers sont redéfinies, en référence à la nature de la relation avec leur employeur. L’alinéa 2 de l’article 3 le précise : « Les ouvriers dockers professionnels mensualisés sont les ouvriers qui, afin d’exercer les travaux de manutention portuaire […] concluent avec une entreprise ou un groupement d’entreprises, un contrat de travail à durée indéterminée. "

Lors de l’examen du texte, des amendements rédactionnels ont été adoptés, notamment un amendement portant la création d’un rapport sur la mise en oeuvre de la charte nationale dans le domaine des relations sociales, dans la manutention portuaire, une innovation juridique et pratique prévue par l’article 6. Ce rapport apparaît utile pour évaluer précisément, et si besoin améliorer, la rédaction et le fonctionnement de la charte.

Au final, compte tenu des tensions et des relations sociales complexes dans certains ports, la proposition de loi nous semble équilibrée. Elle apporte des garanties robustes pour apaiser le climat social et favoriser la compétitivité. En effet, plusieurs ports maritimes français souffrent de la crise économique. Les clarifications juridiques de ce texte étaient nécessaires, elles vont renforcer leur attractivité.

Dans ces conditions, monsieur le secrétaire d’État, vous pourrez compter sur le soutien des députés du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, j’ai une nouvelle fois le plaisir de défendre à cette tribune, au nom du groupe socialiste, républicain et citoyen, une proposition de loi qui consolide, renforce, clarifie et protège l’emploi des ouvriers dockers, tout en assurant à tous les acteurs une meilleure lisibilité du cadre juridique applicable à la manutention dans les ports maritimes français. Il y avait nécessité, si ce n’est urgence, à agir. Grâce à ce texte utile, le Gouvernement et la majorité traduisent leur volonté conjointe de permettre des avancées concrètes en la matière.

Le rapporteur l’a rappelé, le cadre d’emploi des dockers a connu de nombreuses réformes depuis la Seconde Guerre mondiale, de la loi de 1947 à la loi Le Drian de 1991 et à la réforme portuaire de 2008, qui a permis de doter la manutention d’un commandement unique, ce qui n’était pas le cas jusqu’alors. Aujourd’hui, nous sommes confrontés à des problématiques nouvelles, au premier rang desquelles le caractère prochainement obsolète de l’intermittence des dockers, statut auquel est justement subordonnée, dans les textes actuels, la priorité d’embauche des ouvriers dockers. Il ne reste en effet que quelques dizaines de dockers intermittents, et tous auront pu faire valoir leurs droits à la retraite en 2018. Il y a donc bien urgence à agir.

S’ajoute à cela, comme nous l’avons relevé au cours de nos débats, une ambiguïté de rédaction de certains articles du code des transports régissant la priorité d’embauche des dockers, priorité à laquelle nous tenons et dont nous souhaitons être les protecteurs. Un incident a éclaté en juillet 2013 à Port-la-Nouvelle, dans ma région, le Languedoc-Roussillon. Il s’agissait, en l’occurrence, d’un problème de concurrence déloyale entre deux entreprises de manutention portuaire et de non-respect du code des ports maritimes, notamment de l’article fixant la liste des travaux pour lesquels les ouvriers dockers bénéficient d’une priorité d’embauche.

Le cas de Port-la-Nouvelle soulève une question plus générale d’interprétation de certaines dispositions législatives et réglementaires. Comme je l’ai indiqué en commission mixte paritaire et comme vient de le rappeler Olivier Falorni, ce n’est pas là un prétexte à légiférer, contrairement à ce que pensent certains sénateurs, mais bien un signal d’alarme. La contagion pourrait s’étendre à l’ensemble des places portuaires françaises, ce qui ajoute à l’urgence qu’il y a à adopter ce texte.

C’est sur ce constat et après de nombreux échanges avec les parties prenantes que le ministère, notamment sous la conduite de Frédéric Cuvillier, avait confié à Mme Bonny la délicate mission de rédiger un rapport. C’est en nous appuyant sur ce travail considérable, auquel nous nous sommes référés abondamment, que nous sommes conduits à examiner ce texte. J’y insiste, car nos débats ont amené certains sénateurs à soulever l’inexistence d’une étude d’impact. Olivier Falorni vient d’en rappeler les raisons juridiques – il s’agit d’une proposition et non d’un projet de loi –, mais le rapport Bonny, par son ampleur, vaut étude d’impact.

Notre ambition, je l’ai dit, est de consolider et de sécuriser la situation des ouvriers dockers, avec priorité d’embauche, de pérenniser cet emploi et, dans le même temps, d’offrir stabilité et lisibilité à l’ensemble des acteurs portuaires, car nous sommes également soucieux de la compétitivité de nos ports. Du reste, ce texte est attendu par l’ensemble des acteurs portuaires, qu’il s’agisse des ouvriers dockers ou des acteurs patronaux, qui ont besoin de lisibilité quant au cadre dans lequel ils ont à intervenir.

Grâce à la clarification qu’opère l’article 1er, il n’y aura plus aucune ambiguïté au sujet de la priorité d’emploi. Sur ce point, nous sommes d’accord avec le Sénat.

Il était nécessaire, et la CMP l’a fait, de rétablir la rédaction protectrice de l’article 5. Nous pouvons nous en féliciter.

L’article 6 a constitué le point dur de nos discussions. La charte nationale qu’il prévoit est une véritable innovation dont nous aurions tort de nous priver, d’autant qu’elle pourrait inspirer le droit du travail et faire école dans d’autres domaines. D’une certaine manière, les ports français se trouveront à l’avant-garde des nouvelles modalités d’un dialogue social apaisé dans bien des situations. C’est pourquoi il serait particulièrement préjudiciable au secteur que nous adoptions un texte amputé de cette innovation juridique. Nous savons en effet l’importance du dialogue social non seulement pour sécuriser les acteurs portuaires, mais aussi pour leur donner la garantie qu’en cas d’implantation nouvelle – car c’est surtout à ce titre que la charte trouve son intérêt –, ils pourront affronter avec sérénité le quotidien de leurs activités.

Pour ces raisons, le groupe socialiste, républicain et citoyen vous invite, comme d’autres orateurs à cette tribune, à voter ce texte, en espérant que nos collègues sénateurs entendront l’appel à la sagesse du secrétaire d’État. Retarder davantage cette adoption apparaîtrait comme dilatoire, d’autant que l’Assemblée nationale aura de toute façon le dernier mot. Nous souhaitons faire à nouveau oeuvre de consensus. C’est à l’unanimité que l’Assemblée avait adopté la proposition de loi en première lecture : j’espère qu’il en ira de même s’agissant des conclusions de la commission mixte paritaire.

Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Je mets aux voix l’ensemble de la proposition de loi, compte tenu du texte de la commission mixte paritaire.

L’ensemble de la proposition de loi est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures trente :

Discussion, en deuxième lecture, de la proposition de loi visant à protéger les sportifs de haut niveau et professionnels et à sécuriser leur situation juridique et sociale.

La séance est levée.

La séance est levée à vingt heures cinq.

La Directrice du service du compte rendu de la séance

de l’Assemblée nationale

Catherine Joly