Séance en hémicycle du 9 mai 2016 à 16h00

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La séance

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La séance est ouverte à seize heures.

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L’ordre du jour appelle la suite de la discussion, après engagement de la procédure accélérée, du projet de loi visant à instituer de nouvelles libertés et de nouvelles protections pour les entreprises et les actif-ve-s (nos 3600, 3675, 3626).

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Mercredi dernier, l’Assemblée a commencé la discussion des articles du projet de loi, s’arrêtant à l’amendement no 5 à l’article 1er.

suite

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Je suis saisi d’une série d’amendements identiques, nos 5 , 724 , 738 , 1200 , 1319 , 1882 , 1886 , 1889 , 1890 , 2070 , 2294 et 1878 , tendant supprimer l’article 1er.

La parole est à M. Gilbert Collard, pour soutenir l’amendement no 5 .

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Madame la ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social, à défaut de ma bienveillance député, vous pouvez compter sur ma bienveillance d’avocat car je sais combien il est difficile de défendre un mauvais client. Il arrive même que l’on se perde dans ses notes, tant la difficulté est grande.

Je qualifierai l’article 1er de viral, en ce sens qu’il porte en lui la mort de votre projet de loi. Vous renvoyez à une commission d’experts la refondation législative du droit du travail, remplaçant ainsi la démocratie parlementaire par l’« expertocratie ». Comment ce texte peut-il avoir un destin alors que le Parlement deviendrait une force de proposition pour une commission d’experts sensée se réunir une fois son vote acquis ? Cela en fait une loi improbable, une loi « expertale », c’est-à-dire un cas inouï dans l’histoire parlementaire.

Dans votre dernière intervention de la semaine dernière, avant que nous nous séparions, vous avez justement indiqué que « l’entreprise […] est une communauté humaine ». L’enjeu du débat est d’éviter que cette communauté humaine devienne une communauté inhumaine. Tout l’équilibre est là, toute la difficulté est là.

Or la suite des débats démontrera que de nombreux articles du texte introduisent une sorte d’inhumanité dans les rapports entre l’employé et l’employeur, entre le fort et le faible. Je me permets de vous rappeler une pensée qui est à l’origine de tout travail social : « Entre le fort et le faible, […] c’est la liberté qui opprime et la loi qui affranchit. »

Vous introduisez une différence de traitement inacceptable en faveur du patron, de l’employeur – et je n’ai pas le sentiment que les deux s’opposent nécessairement –, qui rend votre projet de loi complètement caduc du fait même de son existence.

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La parole est à Mme Marie-Lou Marcel, pour soutenir l’amendement no 724 .

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Madame la ministre, madame la secrétaire d’État chargée de la formation professionnelle et de l’apprentissage, l’article 1er renvoie la refondation du code du travail à une commission d’experts et de praticiens des relations sociales, qui proposera des conclusions au Gouvernement, comme l’a rappelé le rapporteur en commission des affaires sociales.

Considérant que la refondation du code du travail doit demeurer du ressort du législateur, je demande la suppression de cet article.

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La parole est à Mme Jacqueline Fraysse, pour soutenir l’amendement no 738 .

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Les années se suivent, les gouvernements se succèdent, les majorités changent mais le discours reste le même : il faudrait moderniser le dialogue social, pouvoir adapter les effectifs et le temps de travail à l’état réel des carnets de commande, donner de la souplesse aux entreprises, avancer en matière de flexibilité pour garantir des libertés aux chefs d’entreprise face aux conservatismes et aux blocages en tous genres, et faciliter la négociation au plus près de la réalité concrète du terrain, dans un pays qui ne parviendrait pas ou ne parviendrait plus à se réformer. Et je devrais encore évoquer l’« agilité », devenu le dernier mot à la mode. Voilà le vocabulaire que nous entendons. Ce discours que l’on nous rabâche à longueur de journée est devenu insupportable, je veux le dire ici. Quelle pauvreté, dans le propos comme dans les idées ! Cela fait trente ans maintenant que l’on entend le même discours, les mêmes termes, la même novlangue, vides de sens mais également vides de résultats positifs.

Comment peut-on prétendre incarner la modernité quand le projet que l’on défend est celui d’un recul social qui nous renvoie à la période d’avant-guerre ? Comment peut-on prétendre être innovant quand les orientations politiques retenues sont les mêmes depuis des décennies ? Comment peut-on prétendre simplifier le code du travail alors qu’il sera plus volumineux et apportera davantage de complexité ? Comment peut-on prétendre être efficace et pragmatique quand les solutions que l’on préconise échouent lamentablement depuis trente ans ?

Cette stratégie d’« OPA » sur les mots et les concepts, cet art de transformer les citrouilles en carrosses est d’une pauvreté indigente et ne risque pas de répondre aux grands défis de notre temps. C’est pourquoi nous souhaitons supprimer l’ article 1er.

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La parole est à M. Yann Galut, pour soutenir l’amendement no 1200 .

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Madame la ministre, je dois vous dire, en toute humilité, ma stupéfaction à la lecture de l’article 1er, que plusieurs de mes collègues ont déjà proposé de supprimer. Je n’ose imaginer quelle aurait été la réaction de notre majorité, de la gauche, si un gouvernement de droite avait présenté un tel article.

Celui-ci confie à une commission d’experts le soin de légiférer, de réfléchir à une réforme fondamentale qui déjà nous divise. Et l’on ignore comment ces experts seront nommés ni quelles seront leurs qualités. Le Parlement est déshabillé, le rôle du parlementaire est nié. Je dois avouer, madame la ministre, que je ne comprends pas comment vous avez pu présenter un tel article : je ne comprends ni son utilité ni la négation de l’existence du Parlement que vous exprimez à travers lui.

J’ose espérer que ce n’est pas une orientation qui va dans le sens que ce qui semble en préparation, à savoir, selon des bruits répétés dans la presse, le recours à l’article 49, alinéa 3, sur ce texte. Je dois vous dire, madame la ministre, que le Gouvernement prendrait une sacrée responsabilité s’il ne permettait pas au débat d’aller jusqu’au bout car nombreux sont les articles de ce texte qui n’entraînent pas l’adhésion, sur tous les bancs de cet hémicycle – et même le groupe socialiste est divisé.

Pourquoi ? Nous en débattrons de nouveau à l’article 2 : parce qu’ils sont totalement inacceptables et remettent en cause la philosophie même de l’engagement de la gauche depuis des années.

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Aller dans cette direction me paraît constituer, pour notre famille historique, un recul inacceptable.

Vous devez aussi entendre, tout simplement, ce que vous dit la gauche : l’article 1er traduit la volonté de déposséder le Parlement et la philosophie même de votre texte contient des reculs sociaux inacceptables. C’est pourquoi j’ai présenté un amendement de suppression de l’article.

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La parole est à M. Bernard Debré, pour soutenir l’amendement no 1319 .

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Madame la ministre, Ave Caesar, morituri te salutant, serais-je tenté de dire. Nous sommes effectivement devant un dilemme majeur puisque nous allons être dépossédés de notre pouvoir législatif.

Au tout début, en écoutant et en commençant à étudier le texte, j’ai cru qu’il contenait certaines avancées. Puis, au fil du temps, je me suis aperçu que ce texte était des plus édulcorés.

Certes, nous sommes là pour revoir le code du travail, cet immense code du travail : nous avons entendu des ministres nous dire qu’il fallait simplifier le code du travail et, benoîtement, nous étions prêts à le faire. Et voilà que, dès l’article 1er, nous apprenons la création d’une commission « d’experts et de praticiens des relations sociales ». Il ne s’agit pas de nous, qui ne sommes pas des experts mais simplement les représentants du peuple. Et, ces praticiens des relations sociales, s’agit-il de la CGT, qui, il y a quelques jours, a commis un sabotage en coupant des lignes téléphoniques ?

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Nous pourrions nous en tenir à l’article 1er et terminer là nos discussions puisque, de toute façon, une commission d’experts et de praticiens prendra notre place.

Mais j’anticipe peut-être car vraisemblablement, dit-on, dans quelques heures ou quelques jours, le Gouvernement recourra à l’article 49, alinéa 3, et nous n’aurons plus la parole. C’est pourquoi je demande la suppression de l’article 1er.

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La parole est à Mme Marie-George Buffet, pour soutenir l’amendement no 1882 .

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Madame la ministre, l’article 1er traduit un immense gâchis. Que nous ayons besoin de refonder le code du travail pour que de nouveaux droits accompagnent les mutations économiques, environnementales, pour que les salariés puissent être mieux protégés face aux multinationales mais aussi aux très petites entreprises – avec parfois des donneurs d’ordre qui obligent ces dernières à tirer au maximum sur les prix, donc sur les emplois et les salaires –, oui, je l’ai dit la semaine dernière. Refonder le code du travail en ce sens, tout le monde aurait été prêt à en débattre et vous auriez trouvé, chez les partenaires sociaux, des points d’appui, des idées, des propositions permettant d’élaborer une loi qui aurait marqué la gauche dans ses responsabilités.

Mais nous allons débattre, cette semaine, d’articles extrêmement dangereux, avec, pour commencer, l’article 1er, qui prévoit la mise en place d’une commission d’experts et de praticiens. Il aurait été tellement plus sage de retirer ce projet de loi et d’ouvrir le débat pour que l’ensemble des acteurs de l’entreprise puissent réellement concevoir le refondation du code du travail.

Dans ce même article 1er, il est question de donner une place centrale à la négociation. J’ai donné l’alerte, l’autre jour, sur les dangers que comporte la remise en cause de la hiérarchie des normes. L’action qui va s’engager chez les routiers, à l’appel de la CGT et de FO, donne justement à voir comment, dans des secteurs comme celui-là, la primauté de l’accord d’entreprise sur l’accord de branche peut aggraver les conditions de travail, en ce qui concerne les horaires mais aussi de la rémunération des heures supplémentaires.

Le présent amendement vise donc à supprimer l’article 1er et surtout à redonner la parole aux acteurs de l’entreprise, madame la ministre.

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La parole est à M. Marc Dolez, pour soutenir l’amendement no 1886 .

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Madame la ministre, ce week-end, j’ai relu avec attention votre réponse aux orateurs inscrits à l’article 1er, lors de la dernière séance de mercredi dernier. Je ne comprends vraiment pas votre obstination à prétendre qu’il n’y a pas d’inversion de la hiérarchie des normes ni de remise en cause du principe de faveur.

Pourtant, la nouvelle architecture proposée à l’article 2 en matière de durée de travail et de congés, qui a vocation à s’étendre à l’ensemble des domaines du droit du travail, prévoit, d’une part, l’inversion entre la loi et l’accord de branche, puisqu’elle crée des dispositions supplétives, et, d’autre part, l’inversion de la hiérarchie entre l’accord de branche et l’accord d’entreprise.

M. le rapporteur, dont chacun ici connaît le sérieux, la grande compétence sur ces sujets et l’honnêteté intellectuelle, établit clairement, à la page 192 de son rapport, la primauté de l’accord d’entreprise sur l’accord de branche : « Le projet de loi souhaite achever ce processus de renforcement du rôle de la négociation collective en entreprise, en accordant désormais un primat généralisé à ce dernier sur l’accord de branche, y compris pour fixer des règles moins favorables aux salariés ». Je répète : « y compris pour fixer des règles moins favorables aux salariés ». Si cela ne remet pas en cause le principe de faveur, il va falloir me l’expliquer !

Madame la ministre, je dois dire que je comprends d’autant moins votre obstination que les voix les plus autorisées du pays en ce domaine confirment mon analyse. Faut-il vous rappeler la position de la ministre de l’emploi et de la solidarité de Lionel Jospin, à laquelle nous devons les 35 heures ? Faut-il vous rappeler la position de ce grand ministre de François Mitterrand, Pierre Joxe, qui s’exprime en ces termes : « on dirait que ce gouvernement veut réécrire à l’envers les conquêtes sociales historiques de la gauche » ?

Permettez-moi enfin de citer vos propres mots, monsieur le rapporteur, tels qu’ils ont été retranscrits dans l’édition du Parisien du 28 avril…

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Ce n’est pas parce qu’ils ont écrit une « connerie » qu’il faut la reprendre !

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Ce n’est pas une « connerie » ! Vous avez déclaré, au sujet du patronat : « Je rappelle aussi qu’ils ont obtenu dans le projet de loi l’inversion des normes, autrement dit que les négociations se fassent désormais au niveau de l’entreprise ».

Mon amendement est défendu, monsieur le président.

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La parole est à M. Nicolas Sansu, pour soutenir l’amendement no 1889 .

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Madame la ministre, à l’occasion de la présentation de cet amendement de suppression de l’article 1er, je souhaite revenir, comme vient de le faire mon collègue Marc Dolez, sur la question cruciale, sans doute la plus grave, de l’inversion de la hiérarchie des normes. Je ne reviendrai pas sur le remplacement du Parlement par une commission d’experts, sujet à propos duquel j’ai eu l’occasion de m’exprimer mercredi dernier.

Madame la ministre, je n’ignore rien, vous le savez, de la réalité des entreprises, en particulier des TPE et des PME, qui, dans l’immense majorité des cas, se débattent dans un environnement concurrentiel bien souvent difficilement vécu par les dirigeants eux-mêmes. Je représente un territoire où l’industrie, particulièrement l’industrie mécanique, reste très présente. Ces PME sous-traitantes sont souvent pressurées par des donneurs d’ordre qui, chaque année, pour les mêmes productions, demandent une réduction de 2 %, 3 %, voire 5 % des coûts.

Je vous donnerai deux exemples concrets, pour vous démontrer que l’inversion de la hiérarchie des normes entre la branche et l’entreprise est très préjudiciable.

J’ai visité, il y a peu, la filiale d’un groupe américain qui emploie 186 personnes. Un des dirigeants de l’unité – salarié et non propriétaire, bien entendu – m’a expliqué que le coût du travail représentait 14 % du prix des pièces sorties d’usine. Il m’a également indiqué que le groupe lui demandait des efforts de coûts et que votre projet de loi permettrait de revenir en arrière sur certaines conditions de travail, notamment le paiement des heures supplémentaires ou le nombre de jours de RTT, comme le préconisent les actionnaires. Malgré la présence de syndicats structurés dans cette PME, ses salariés sont sans cesse sujets au chantage à l’emploi. Je vous laisse en tirer les conclusions qui s’imposent.

Mon deuxième exemple concerne une filiale de Total, groupe que vous avez cité, mercredi dernier, dans votre réponse aux orateurs, madame la ministre. Voilà quelques années, cette PME de 250 personnes a connu des moments difficiles, qui ont conduit à un accord de maintien dans l’emploi – ou plutôt de limitation du nombre de suppressions d’emplois –, avec un gel des rémunérations pendant 36 mois et une augmentation du temps de travail. Dans les faits, l’accord d’entreprise est venu se greffer à l’accord de branche, qui a joué son rôle de plancher. Demain, avec l’inversion de la hiérarchie des normes entre l’entreprise et la branche, les représentants des organisations syndicales, acculés par les difficultés, ne pourront pas résister à la signature d’accords socialement moins-disants, qui risqueront de faire jurisprudence dans toute la branche.

Je ne suspecte personne de vouloir délibérément dégrader les conditions de travail et de rémunération des salariés mais il suffit qu’un actionnaire exige plus, comme ce fut le cas dans mon premier exemple, ou qu’une difficulté économique apparaisse, comme cela s’est passé dans mon deuxième exemple, pour que les protections des salariés volent en éclat, de proche en proche, sous la pression du chantage à l’emploi. Voilà pourquoi vous vous trompez de chemin, madame la ministre.

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La parole est à M. Gaby Charroux, pour soutenir l’amendement no 1890 .

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Madame la ministre, madame la secrétaire d’État, mon amendement, comme ceux que mes collègues du groupe de la Gauche démocrate et républicaine viennent de défendre, vise à supprimer l’article 1er.

Vous proposez de créer une commission d’experts qui sera chargée de remettre un rapport de préconisations pour une refondation du code du travail. Je ne suis pas opposé, dans l’absolu, à ce que nous, parlementaires, travaillions avec les syndicats de salariés et d’entreprises, en nous appuyant sur des experts, pour réviser le code du travail dans le sens d’une plus grande protection des salariés. Mais la question est de savoir sur quelles bases et dans quel sens ladite commission travaillera.

Or, malgré les espoirs nés du rapport Badinter, tout démontre, y compris dans les autres articles du texte, que l’objectif de cette refondation est d’aller vers plus de flexibilité et moins de sécurité – dans tous les sens du terme – au travail, et surtout que le socle de cette refondation reste l’inversion de la hiérarchie des normes, c’est-à-dire la satisfaction pleine et entière des exigences du MEDEF.

C’est en cela d’ailleurs qu’est justifiée la demande de retrait pur et simple de ce texte, dans la rue et partout ailleurs – deux tiers des Français, principalement ceux qui ont élu François Hollande en 2012, y sont opposés. Quelle erreur de stratégie !

Alors que, dans le numéro du magazine Alternatives économiques de ce mois-ci, 150 personnalités se prononcent clairement pour les 32 heures, votre texte et le sens que vous donnez à la réflexion sur la refondation du code du travail vont à l’inverse de cette revendication moderne.

Ce chemin est le même que celui que vous avez suivi en matière de dialogue social en entreprise, avec la loi dite de « sécurisation de l’emploi » de 2013, avec la réforme des retraites de 2014, qui fait travailler plus longtemps, et avec la loi Macron de 2015. C’est une politique qui va contre l’intérêt des salariés, des jeunes, des commerçants et des petites entreprises.

Nous demandons par conséquent la suppression de cet article.

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La parole est à M. Francis Vercamer, pour soutenir l’amendement no 2070 .

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Le groupe de l’Union des démocrates et indépendants est toujours très surpris que le Gouvernement veuille réinventer les méthodes. En effet, l’article L. 1 du code du travail dispose que le Gouvernement, s’il souhaite réformer ledit code, doit transmettre un document d’orientation aux partenaires sociaux, qui s’en saisissent et engagent éventuellement le dialogue social. Quel est donc l’intérêt d’aller demander à une commission d’experts de faire la même chose ?

La commission d’experts que le Gouvernement envisage d’installer aura à réformer le code du travail ; on jette donc à la poubelle le dialogue social prévu par le code du travail et l’idée d’une réforme entreprise par le Gouvernement avec l’aide des partenaires sociaux, lesquels, disons-le, ont pourtant toute légitimité pour négocier une telle réforme.

Le Gouvernement propose donc « une commission d’experts et de praticiens des relations sociales ». Qui sont-ils ? On ignore ce que le Gouvernement a derrière la tête. En tout cas, il ne s’agit certainement pas des partenaires sociaux mentionnés à l’article L. 1 du code du travail, car il n’aura alors pas eu à proposer cet article.

Se pose aussi le problème de la nature de la disposition envisagée, qui est d’ordre réglementaire. Si le Gouvernement veut faire appel à une commission d’experts pour obtenir différents éclairages sur les modifications à envisager, rien ne l’empêche d’en nommer une par arrêté ministériel. Il ne peut cependant être question de demander au Parlement de se saborder. Je vous rappelle tout de même que le législateur, c’est le Parlement, composé de parlementaires, et non pas une commission d’experts. C’est pourquoi le groupe UDI propose la suppression de l’article 1er.

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La parole est à Mme Eva Sas, pour soutenir l’amendement no 2294 .

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Cet amendement vise, comme ceux de mes collègues, à supprimer l’article 1er, qui tend à instituer une commission d’experts chargée de réécrire le code du travail ou, plus précisément, de proposer une réécriture du code du travail. Nous proposons donc de supprimer cet article, à la fois inutile et dangereux.

Il est inutile, cela a déjà été dit, notamment, par notre collègue Vercamer, parce que la création d’une commission n’a rien à faire dans un projet de loi ; elle est au mieux d’ordre réglementaire.

Il est dangereux parce que, d’abord, la composition de cette commission reste floue et imprécise. Ensuite, et c’est sans doute le plus important, on ne peut déléguer une mission politique aussi primordiale que la réécriture du code du travail à une commission technique ; cette délégation constitue une quasi-démission de la part du politique. Enfin, l’objet de l’instauration de cette commission est délétère puisqu’il s’agit d’étendre à tout le code du travail l’inversion de la hiérarchie des normes que vous appliquez, dans l’article 2, à la question du temps de travail. Ainsi, vous voulez instaurer la possibilité, dans tous les domaines, de signer des accords d’entreprise voire des accords d’établissement dérogatoires aux accords de branche.

Voilà pourquoi nous refusons l’article 1er, voilà pourquoi nous refusons ce projet de loi.

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Monsieur Asensi, puisque vous venez de nous rejoindre, souhaitez-vous soutenir votre amendement no 1878 , qui aurait dû être appelé plus tôt dans la discussion ?

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Volontiers, monsieur le président.

Les députés du Front de gauche et les députés communistes demandent la suppression de l’article 1er. Qu’une commission d’experts soit chargée du travail des parlementaires est en effet inadmissible et inconstitutionnel.

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Sur les amendements identiques nos 5 , 724 , 738 , 1200 , 1319 , 1882 , 1886 , 1889 , 1890 , 2070 , 2294 et 1878 , je suis saisi par le groupe de l’Union des démocrates et indépendants et le groupe de la Gauche démocrate et républicaine d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à M. Christophe Sirugue, rapporteur de la commission des affaires sociales, pour donner l’avis de la commission sur ces amendements de suppression.

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Monsieur le président, madame la ministre, madame la secrétaire d’État, monsieur le vice-président de la commission des affaires sociales, madame la présidente de la commission des affaires économiques, chers collègues, lorsque je me suis exprimé, au début de nos travaux, à la tribune, j’ai appelé votre attention sur le fait que certains discours entendus portaient sur des éléments ne figurant pas dans le texte. À plusieurs reprises, j’ai insisté sur la nécessité de débattre à propos de ce qui est écrit. Il semble normal que le rapporteur puisse sonner l’alerte lorsque des prises de position ou des affirmations ne correspondent pas à la réalité du texte. Mais je n’imaginais pas que, dès l’article 1er, je serais amené à signaler à plusieurs de nos collègues que ce qu’ils évoquent n’est à l’évidence pas inscrit dans ses quatre alinéas.

Je me tourne donc vers certains députés qui se sont exprimés et leur demande de me signaler à quel endroit du texte ils ont pu lire que la commission légiférerait.

Exclamations sur divers bancs.

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Elle ne légiférera pas, pour deux raisons. Premièrement, ce ne sera pas sa vocation. Deuxièmement, je ne vois pas au nom de quoi une commission viendrait se substituer au Parlement pour jouer son rôle.

Revenons donc à la réalité du contenu de l’article 1er. Il procède de la volonté de travailler à une écriture du code du travail en partant de deux propositions : s’inspirer des principes formulés par notre ex-collègue Badinter ; mettre en place une commission.

La commission des affaires sociales a jugé utile d’ôter du texte les principes de la commission Badinter, pas forcément par désaccord avec ces soixante et un principes mais parce que ceux-ci sont de nature diverse, peuvent donner lieu à interprétations et auraient pu sembler, aux yeux de quelques-uns, s’imposer à nos débats – en dépit de leur retrait, je constate d’ailleurs, au travers d’amendements à venir, que d’aucuns raisonnent comme s’ils étaient encore à l’ordre du jour. Nous discutons donc d’un article qui prévoit clairement et exclusivement la mise en place d’une commission d’experts pour travailler à la réécriture du code du travail.

Cela signifie-t-il que les parlementaires sont dessaisis ?

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Assurément non, pour une raison simple. Là encore, je vous renvoie au texte, plus exactement à l’alinéa 4 de l’article 1er : « La commission remet ses travaux au Gouvernement dans un délai de deux ans à compter de la promulgation de la présente loi. » Ce n’est tout de même pas aux parlementaires aguerris présents ici – en tout cas je ne l’imagine pas – que je dois expliquer…

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Je vous ai écouté avec beaucoup d’attention, cher collègue.

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C’est d’ailleurs vous qui expliquiez que la commission envisagée aura une voix législative, ce qui, à l’évidence, ne figure pas dans le texte. Je rappelle donc que cette commission remettra un rapport au Gouvernement. Libre au Gouvernement, comme c’est d’ailleurs toujours le cas, de juger s’il devra ou non transcrire ses propositions dans un texte législatif.

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Libre au Gouvernement de juger si certaines conclusions pourront ou non être transcrites dans un texte législatif, dont l’examen permettra aux parlementaires de s’en saisir pour le faire évoluer, chacun peut le comprendre. Tout le monde le sait mais c’est tellement mieux de le rappeler !

À tous nos collègues affirmant qu’on ne peut pas voter l’article 1er parce qu’il prévoit une commission se substituant au rôle des parlementaires, je rétorque donc que c’est inexact.

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La rédaction de l’article est pourtant claire !

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Le deuxième argument qui nous est opposé consiste à prétendre que cette commission d’experts viendrait nous donner des leçons. Mais diable ! J’espère que nous n’avons pas la conviction de tout savoir tout sur tout. J’espère que les élus de la République que nous sommes n’ont pas la conviction d’être tellement parfaits qu’ils n’ont besoin d’aucun élément suggéré par une commission. D’ailleurs, soit dit entre nous, nous demandons souvent nous-mêmes l’institution de telles commissions et nous avons l’habitude de travailler avec elles.

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Un article de loi n’est donc pas nécessaire !

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La troisième critique qui nous est adressée, formulée dans des amendements à venir, est que l’on ne sait pas qui siégera dans la commission. Pardonnez-moi mais, pour ma part, je préfère que le texte préserve une certaine latitude afin d’obtenir une commission d’experts regroupant toutes celles et tous ceux qui sont de bons connaisseurs du droit du travail – et fort heureusement, dans ce pays, il y en a –, et associant les partenaires sociaux et les organisations syndicales, ce qui me semble indispensable et est d’ailleurs évoqué dans le texte.

Bref, si j’ai écouté les propos des uns et des autres, si j’ai entendu les arguments développés, je ne les partage pas. Pour toutes ces raisons, la commission émet un avis défavorable à ces amendements de suppression.

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La parole est à Mme la ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.

Debut de section - Permalien
Myriam El Khomri, ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social

Je demande une suspension de séance de dix minutes.

La séance, suspendue à seize heures trente-cinq, est reprise à seize heures quarante-cinq.

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Quel est l’avis du Gouvernement sur les amendements de suppression ?

Debut de section - Permalien
Myriam El Khomri, ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social

Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames et messieurs les députés, en application de l’article 96 du Règlement de l’Assemblée nationale, le Gouvernement demande la réserve des votes jusqu’à nouvel ordre.

Exclamations sur divers bancs.

Debut de section - Permalien
Myriam El Khomri, ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social

Permettez-moi maintenant de répondre à l’ensemble des interrogations relatives à l’article 1er. Si vous me voyez chercher dans mes fiches, monsieur Collard, c’est que je souhaite le faire avec précision car il est toujours important de respecter la représentation nationale.

Comme l’a dit l’excellent rapporteur Christophe Sirugue, cet article ne vise nullement à dessaisir le Parlement. Je voudrais revenir sur la genèse du projet de loi.

Le rapport demandé par le Premier ministre à Jean-Denis Combrexelle, qui a été remis a remis au Premier ministre à l’automne dernier, a dressé un constat lucide sur la place de la négociation collective dans notre pays. Le dialogue social y apparaît comme la meilleure voie pour mener à bien des réformes nationale et déterminer les meilleures règles applicables au niveau de l’entreprise. Mais il souffre de plusieurs faiblesses, sur lesquelles il me semble essentiel, à l’occasion de l’examen du présent projet de loi, de pouvoir échanger : poids et légitimité insuffisants des acteurs, champ de la négociation parcellaire ou corseté par la loi.

C’est à l’ensemble de ces faiblesses que le projet de loi, d’un même mouvement, entend répondre.

Il convient d’abord de renforcer les acteurs du dialogue social, d’abord en augmentant les moyens dévolus aux syndicats et en asseyant leur légitimité. Les accords signés dans l’entreprise doivent reposer sur un consensus suffisamment large. C’est pourquoi les accords majoritaires – signés par des syndicats représentant au moins 50 % des salariés – seront généralisés. Mais cela ne suffira pas, nous le savons tous et toutes : simultanément, il faut élargir le champ laissé à la négociation, lui laisser plus d’espace.

C’est en agissant sur l’ensemble de ces éléments, dont le rapport Combrexelle a mis en lumière l’interdépendance, que nous pourrons développer des souplesses, dans l’entreprise, par la voie de la négociation, et améliorer les droits des salariés.

C’est dans cet esprit que le projet de loi tend à réécrire toute la partie du code relative au temps de travail, selon le triptyque suivant : l’ordre public social, qui relève de la loi ; la négociation collective ; les dispositions supplétives. Si j’ai dit qu’il n’y avait pas d’inversion de la hiérarchie des normes,…

Exclamations sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et sur certains bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen

Debut de section - Permalien
Myriam El Khomri, ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social

…c’est parce que la loi continuera à définir le niveau le plus pertinent : c’est la loi qui prévoira les dispositions supplétives – à mes yeux essentielles – applicables faute d’accord au sein des entreprises ; et c’est la loi qui déterminera le champ le plus pertinent entre la branche et l’entreprise, pour permettre les adaptations.

Réécrire l’ensemble du code du travail est une tâche colossale, qui ne saurait être entreprise en peu de temps. C’est pourquoi le Gouvernement souhaite confier à une commission, pendant deux ans, le soin d’élaborer des propositions, dont il pourra s’inspirer pour déposer un projet de loi. Comme l’a dit le rapporteur Christophe Sirugue, cette commission n’a pas pour mission de légiférer sur le droit du travail. Elle sera composée de spécialistes, travaillera en lien avec tous les partenaires sociaux et l’ensemble des organisations syndicales, que cela vous plaise ou non, monsieur Debré !

Certains affirment que cette commission n’a pas à figurer dans la loi. Je ne suis pas d’accord : au regard de l’ampleur de la tâche, du caractère sensible et de la charge symbolique que revêt une modification du code du travail – les débats autour du projet de loi en sont la preuve –, il me semble important que cette commission soit instituée par la loi. Je souhaite aussi que cette commission travaille dans la durée, quels que soient les résultats des élections de 2017 ; l’asseoir dans la loi lui conférera une forme de stabilité. Enfin, la commission se trouve ainsi placée sous le contrôle du Parlement, à qui il reviendra de débattre et de voter la refondation du code du travail, c’est indispensable.

Un député a salué une grande ministre du travail, Martine Aubry. Je voudrais rappeler les mots que celle-ci a prononcés, en 1998, lors des débats parlementaires sur les 35 heures, grande conquête sociale : « Notre projet est souple. Il l’est tout d’abord parce qu’il s’appuie sur la négociation, seule à même de prendre en compte la diversité des situations. »

Debut de section - Permalien
Myriam El Khomri, ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social

« Ceux qui imaginent que l’on peut tout réglementer et encadrer par la loi méconnaissent la réalité des entreprises mais aussi la variété des aspirations des salariés. »

Il est essentiel, je crois, que nous revenions sur la place à donner à l’accord d’entreprise, dont nous avons beaucoup débattu. Il est légitime de vouloir mettre au centre la négociation dans l’entreprise.

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Il n’y a pas de débat, puisque l’on ne vote pas !

Debut de section - Permalien
Myriam El Khomri, ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social

Je vous demande, dans ce débat, d’être respectueux envers tous les points de vue, y compris celui du Gouvernement, qui a le droit de défendre ce projet de loi.

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Le Gouvernement ne respecte pas le Parlement !

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Monsieur Dolez, vous avez eu la parole et vous vous êtes longuement exprimé ; je vous prie d’écouter maintenant les autres orateurs. Madame Fraysse, vous prendrez bientôt la parole et je ne doute pas que vous apprécierez de vous exprimer dans le calme. Je vous remercie de bien vouloir laisser Mme la ministre poursuivre son propos, ainsi que le prévoit le Règlement.

Debut de section - Permalien
Myriam El Khomri, ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social

De nombreux thèmes du droit du travail touchent directement, bien sûr, à la vie de l’entreprise ; c’est le cas, en particulier de l’organisation du travail. Ainsi, la modulation du temps de travail est liée, par nature, au carnet de commandes de l’entreprise ; de même, des projets exigeant d’organiser le temps de travail sur plusieurs mois sont mis en oeuvre et décidés au niveau des entreprises. Il est donc nécessaire, à mon sens, que les questions relatives à l’organisation du travail soient discutées à ce niveau.

Dans la pratique, tous les acteurs, quels que soient les syndicats, ont du reste adopté la négociation au sein de l’entreprise. La CGT, dont il a été question tout à l’heure, signe plus de 80 % des accords d’entreprise. Ceux-ci, et c’est une bonne chose, progressent d’ailleurs irrémédiablement. Jugez plutôt : on en dénombrait à peine 2 100 en 1982 ; il y en avait 6 400 en 1998, puis 18 000 en 2002, après les lois Aubry ; en 2014, nous en sommes à 35 600 accords d’entreprise signés et 11 450 textes ratifiés par référendum. C’est bien la preuve que les accords d’entreprises répondent à des besoins aussi bien des salariés que des entreprises.

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Absolument ! En vertu du principe de faveur !

Debut de section - Permalien
Myriam El Khomri, ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social

C’est aussi au niveau de l’entreprise que les enjeux de compétitivité se font le plus directement sentir. Il faut comprendre que, dans un contexte de mutations économiques très soudaines, les questions de la rapidité, de la proximité et de la diversité sont centrales. C’est cette souplesse que permettent les accords d’entreprise. Et nos entreprises doivent pouvoir s’adapter à ces évolutions car il y va de la compétitivité – ce n’est pas un gros mot – de notre économie mais aussi de l’attractivité de notre pays. Nous le savons, le dialogue social, lorsqu’il est suffisamment fort, permet de répondre aux pics d’activité, aux nouvelles commandes. La négociation constitue donc un enjeu central.

Debut de section - Permalien
Myriam El Khomri, ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social

Et puis, regardons les choses en face : avec l’hyperfragmentation du monde du travail, le recours de plus en plus important au travail détaché et l’augmentation du travail indépendant, le droit du travail est contourné et nous manquons de capacité d’adaptation. Il est essentiel de manoeuvrer toutes ces clés dans le débat.

Enfin, en matière de dialogue social, l’entreprise est le niveau, le lieu le plus abouti.

Debut de section - Permalien
Myriam El Khomri, ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social

Je voudrais insister sur ce fait car j’entends beaucoup de critiques : les syndicats y sont sous pression, il y a du chantage à l’emploi existe et le rapport de force est beaucoup plus équilibré au niveau de la branche.

Debut de section - Permalien
Myriam El Khomri, ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social

Cette vision du monde de l’entreprise, à mon sens, est erronée. Depuis longtemps, l’entreprise est le lieu d’implantation privilégié des syndicats. Rappelez-vous les mobilisations du monde ouvrier, les grèves, les expériences de cogestion à la fin des années soixante-dix et les accords signés aujourd’hui sur la qualité de vie au travail, sans même parler de la cinquième semaine de congés payés : l’histoire nous montre que c’est dans les entreprises que sont nées certaines conquêtes sociales.

Renvoyer à l’entreprise, c’est renvoyer à un terrain où les syndicats peuvent agir. Si la représentativité syndicale est mesurée au niveau de l’entreprise, au travers les élections professionnelles, auxquelles participent près de deux tiers des salariés, c’est bien parce que l’on pense que c’est à ce niveau qu’ils peuvent et qu’ils doivent peser.

Par ailleurs, je le dis à l’attention de ceux qui prennent la parole de façon quelque peu sélective, grâce à cette loi, nous augmentons de 20 % les moyens dévolus aux syndicats. Car le poids et la légitimité des syndicats ne se décrètent pas, il faut leur donner davantage de force.

Nous renforçons également le principe majoritaire, qui est essentiel. Ce n’est que depuis 2008, rappelons-le, que les accords doivent recueillir la signature de syndicats représentant 30 % des salariés. Auparavant, il suffisait qu’un seul syndicat signe l’accord pour que celui-ci soit valide. Désormais, aucun syndicat minoritaire ne pourra plus signer un accord, le consensus devra être le plus large possible. J’y vois un verrou essentiel, qui garantit la protection des salariés. Il est important que nous ayons tous ces éléments en tête.

Contrairement à ce que j’ai pu entendre, renforcer la négociation au sein des entreprises ne signifie pas réduire la négociation au sein des branches. Cessons de toujours opposer les choses : l’économique au social, l’entreprise à la branche. Apprenons à raisonner de façon beaucoup plus équilibrée !

Ce projet de loi vise à construire un dialogue social dynamique, appuyé aussi sur les branches, que nous entendons d’ailleurs restructurer. Si nous mettons en place un comité de branche, si nous développons les accords type au sein des TPE, c’est bien parce que nous savons qu’ils sont essentiels pour les petites entreprises. Les expériences européennes le montrent, les deux piliers sont essentiels, même si nous avons la chance, en France, de disposer de la procédure d’extension, grâce à laquelle près de 95 % des salariés sont couverts par des accords de branche.

Tels sont les éléments, monsieur le président, que je souhaitais indiquer en réponse à cette première série d’amendements, sur lesquels le Gouvernement émet un avis défavorable.

Applaudissements sur certains bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et sur plusieurs bancs du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste.

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Avant de poursuivre les débats, je rappelle que, à la demande du Gouvernement, les votes sont réservés.

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La parole est à M. Francis Vercamer, pour un premier rappel au règlement.

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Je formule ce rappel au règlement au titre de l’article 58, alinéa 1, pour protester avec véhémence, madame la ministre.

La semaine dernière, le secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement nous a infligé un camouflet en estimant devant la presse, pour résumer, que nos amendements étaient des cavaliers…

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…et il a fait affront à la présidente de la commission des affaires sociales, qui appartient pourtant au groupe socialiste, je le rappelle, en insinuant qu’elle aurait laissé passer des amendements non pertinents, ce qu’elle a d’ailleurs déploré dans l’hémicycle.

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Et voilà que le Gouvernement applique le vote bloqué dès les premiers amendements de l’article 1er du texte, empêchant le Parlement de s’exprimer, ou du moins de voter sur les amendements présentés. Cette méthode augure mal de la suite des débats, madame la ministre.

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Cette décision témoigne aussi de votre fébrilité, en raison de la fragilité de la majorité à propos de ce texte :…

Debut de section - Permalien
Plusieurs députés du groupe socialiste, républicain et citoyen

Non !

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…le côté gauche de l’hémicycle a beau être plus garni que le droit, vous n’osez pas mettre ces amendements aux voix. La vérité est que vous n’avez pas la majorité et que nous nous dirigeons doucement vers un « 49-3 », ce qui serait dommage pour un texte censé promouvoir le dialogue social. Le dialogue parlementaire est tout aussi important.

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Merci, monsieur Vercamer, même si je n’ai pas bien compris en quoi votre intervention était un rappel au règlement…

La parole est à M. Bernard Debré, pour un deuxième rappel au règlement.

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je formule ce rappel au règlement au titre de l’article 58, alinéa 1, comme il est d’usage.

Je suis frappé, moi aussi, par la décision du Gouvernement de réserver les votes des tout premiers amendements déposés sur ce texte, nous empêchant ainsi de les voter. Certes, le vote n’est pas complètement empêché car nous devrions vraisemblablement pouvoir en discuter plus tard. Néanmoins, si, comme on le pense – peut-être à tort –, le Gouvernement s’apprête à recourir à l’article 49, alinéa 3, dans quelques heures ou quelques jours, la discussion n’a plus de raison d’être.

C’est cela qui me gêne et explique mon rappel au règlement : à quoi servons-nous ?

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Monsieur le rapporteur, vous avez, en réponse aux amendements précédents, évoqué cette commission d’experts et de praticiens. Dont acte, mais au moins aurait-il fallu qu’elle se réunisse préalablement pour que nous puissions en connaître les conclusions et débattre en connaissance de cause.

Exclamations sur plusieurs bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.

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Si ! Un rappel au règlement sert à inviter l’Assemblée à fonctionner correctement quand elle ne le fait pas, comme c’est le cas en ce moment. Faute de disposer des conclusions de cette commission, nous en sommes réduits à discuter, sans pouvoir voter, sur des mesures d’un projet de loi qui sera vraisemblablement remanié en profondeur par ladite commission.

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Le rappel au règlement se justifie amplement : à quoi servons-nous ?

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Nous ne sommes plus sous la IVe République, monsieur Debré !

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Votre intervention, pas davantage que celle de votre collègue, n’a constitué un rappel au règlement, mais une mise en cause des principes de la Constitution du 4 octobre 1958.

La parole est à M. Pouria Amirshahi, pour un troisième rappel au règlement.

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Au titre de l’article 58, alinéa 1, je proteste à mon tour contre la méthode du Gouvernement, même si je ne suis plus étonné par ses méthodes : il a usé de cet artifice procédural plus d’une fois et y recoure à nouveau, bridant ainsi les débats parlementaires. Je ne nie pas que les débats ont eu lieu mais le report du vote, pour la simple raison que le Gouvernement serait minoritaire, relève d’une drôle de conception de la démocratie, surtout au sein d’un Parlement qui devrait souverainement aller au bout de chacune de ses délibérations et s’en remettre à ce qui est décidé in fine par les députés de la nation.

Par ailleurs, et cela renvoie au règlement, aucune réponse n’a été apportée, sur le fond, aux contestations de l’utilité de l’article 1er. Rappelons tout de même qu’il prévoit de substituer au Parlement, chargé de fixer le cadre général de la loi, aussi bien qu’aux branches, censées en définir les modalités d’application, une commission Théodule composée d’experts, dont on peut craindre le pire, car ce sont souvent les mêmes. Et celle-ci décidera, en lieu et place des représentants du peuple, d’une réforme du code du travail concernant quelque 45 millions de personnes.

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La parole est à Mme Jacqueline Fraysse, pour un quatrième rappel au règlement.

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Je voudrais tout d’abord assurer Mme la ministre, ainsi que tous nos collègues, de notre respect à son endroit ; de ce point de vue, elle n’a aucun souci à se faire. En revanche, qu’il me soit permis de le dire, nous priver de vote, comme elle vient de le faire, c’est nous manquer de respect et manquer de respect au Parlement tout entier.

Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine, du groupe Les Républicains et du groupe de l’Union des démocrates et indépendants et sur certains bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et du groupe écologiste.

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Nous aurions ainsi le droit de venir ici, un lundi après-midi, pour bavarder, donner notre avis, faire un tas de choses, mais pas pour voter. Si quelqu’un manque de respect, c’est bien le Gouvernement à notre égard !

Monsieur Sirugue, bien sûr, nous réclamons des commissions parce que nous avons besoin que des gens compétents guident notre réflexion et nos choix mais, pour autant, un article de loi est-il nécessaire pour en convoquer une ? Je ne le pense pas. Pourquoi, dès l’article 1er, avez-vous proposé que soit créée une telle commission ? Je serais bien curieuse de connaître votre objectif car, vous l’avez dit vous-même, nous en créons une chaque fois que cela s’avère utile.

Madame la ministre, nous vous demandons d’assumer vos choix. Le débat ne porte ni sur le dialogue social ou la démocratie, puisque tout le monde est d’accord, ni sur les accords d’entreprise, qui sont nécessaires. Ce que nous contestons, c’est le fait que des accords d’entreprise puissent faire régresser la situation des salariés en dérogeant aux accords de branche. Le débat est là mais vous n’y répondez pas.

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Vous prétendez même ne pas revenir sur la hiérarchie des normes ou le principe de faveur, alors qu’il est bien évident que vous remettez en cause tous ces acquis. Assumez votre décision et ne dites pas le contraire à nos concitoyens !

Je vous demande une suspension de dix minutes, monsieur le président, pour que, avec mes collègues, nous réfléchissions à ce que nous faisons ici.

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Je rappelle à tous les députés que la réserve est de droit…

Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.

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…et que Mme la ministre l’a demandée conformément aux règles constitutionnelles.

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C’est aussi ce qu’ils diront pour le « 49-3 » !

La séance, suspendue à dix-sept heures dix, est reprise à dix-sept heures vingt-cinq.

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La parole est à Mme Jacqueline Fraysse, pour un rappel au règlement.

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Après avoir entendu la ministre nous signifier que nous avions le droit de parler mais pas de voter, notre groupe s’est interrogé sur l’intérêt de rester en séance. Nous avons finalement décidé, collectivement, majoritairement et même unanimement, de rester

« Ah ! » sur divers bancs

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car cela vaut la peine d’expliquer aux Français le contenu du texte…

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…et les contrevérités énoncées ici. Il faut aussi que les Français sachent que nous sommes privés de vote. Les journalistes demandent jusqu’à quand cela va durer. Nous ne le savons pas. « Jusqu’à nouvel ordre », c’est la nouvelle démocratie !

suite

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Sur la série d’amendements identiques, plusieurs collègues ont demandé à s’exprimer.

La parole est à Mme Marie-Françoise Bechtel.

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Notre débat est d’autant plus irréel que la disposition que nous n’allons pas voter n’a absolument aucune portée.

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Pour original que ce soit, nous comprenons bien que la présente discussion permet à chacun d’exposer sa vision générale du texte, ce qui a été le cas jusqu’à présent.

Pour ma part, je veux dire modestement que c’est le caractère hors sujet de ce projet de loi qui me frappe le plus. Son objet principal est en effet de faire peser sur les salariés les difficultés réelles affectant un grand nombre d’entreprises françaises, dans un contexte économique largement déprimé. Or nous ne nous donnons aucun moyen pour lutter contre cette dépression générale et créer une prospérité économique.

Dois-je rappeler que ni la question des travailleurs à bas coût ni celle de la concurrence fiscale que se font les pays de l’Union européenne n’ont été traitées,…

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…pas plus que celles du niveau trop élevé de l’euro – sur lequel les gouvernements ne peuvent agir, puisque seul M. Draghi y est habilité – ou, enfin et surtout, de l’abandon de la souveraineté populaire qui fait que notre pays est aujourd’hui privé des instruments budgétaire et monétaire sans lesquels on ne peut construire une prospérité économique et proposer des emplois ?

C’est dans ce contexte que l’on vient faire peser sur le salarié, considéré comme une variable d’ajustement, les difficultés réelles de l’entreprise, que nous observons tous sur nos territoires.

L’entreprise est d’ailleurs conçue un être mythique, qui va du petit plombier faisant tant bien que mal travailler ses deux salariés au groupe du CAC 40, en passant par l’entreprise moyenne. On organise, comme si le même cas de figure se présentait partout, un face-à-face entre un salarié, parfois doté de « munitions », si je puis dire, parfois totalement démuni, et un patron qui n’est pas toujours de mauvaise volonté mais qui peut l’être parfois.

Enfin, il est étonnant de constater que les opposants au texte ne le sont pas, je crois, pour les mêmes raisons. Cette loi, je l’ai dit, me semble hors sujet. Or une partie de ceux-là même qui la contestent ont une vision tout aussi « européiste » que celle du Gouvernement, si ce n’est davantage. Je ne dis pas cela pour mes collègues du Front de gauche, bien sûr, mais pour certains de mes collègues du groupe majoritaire, qui s’opposent au texte tout en étant aussi hors sujet que le Gouvernement.

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Je m’exprimerai sur cet article et pas sur autre chose, car nous sommes tout de même censés discuter du projet de loi article par article.

Je m’étonne que des positions aussi catégoriques soient prises pour condamner un dispositif somme toute assez classique, qui consiste à préparer différents textes en faisant appel à une commission d’experts. M. Debré, qui s’est malheureusement absenté, aurait pu se souvenir que la Constitution de la Ve République a été préparée selon cette méthode : un comité d’experts avait été constitué à la demande de l’Assemblée.

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Si je me souviens bien, notre collègue a un lien de parenté avec le ministre qui, à l’époque, suivait cette affaire…

Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.

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Monsieur Woerth, vous venez d’arriver ! rassurez-vous, vous aurez l’occasion de vous exprimer !

C’est aussi de cette façon qu’a été préparée la révision constitutionnelle de 2008. Je m’étonne donc de ces oppositions.

Il est évident que cette commission d’experts ne se substituera pas à l’Assemblée nationale ; personne ne peut croire cette fable. Le Parlement, qui détient la compétence législative, est évidemment seul à délibérer de la loi. Si une commission peut venir éclairer le Gouvernement pour l’élaboration d’un projet de loi, elle ne peut à l’évidence se substituer aux parlementaires.

Honnêtement, ces débats n’ont donc pas beaucoup d’intérêt et comportent beaucoup d’arguties. Je regrette que l’article 1er ne puisse pas être voté rapidement.

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Le groupe Les Républicains voulait voter ces amendements de suppression de l’article 1er mais, si j’ai bien compris, madame la ministre, nous allons être privés de vote – à main levée comme par scrutin public – « jusqu’à nouvel ordre ». C’est grave.

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On se demande si cela va continuer comme cela et, si tel est le cas, jusqu’à quand.

Sur le fond, l’article 1er avait originellement pour objet de lister les principes fondamentaux à faire figurer dans le préambule du code du travail. Des experts, et non des moindres, avaient travaillé sur le sujet et formulé des propositions – de nature diverse, vous l’avez dit, monsieur le rapporteur – dont il aurait été utile et opportun de débattre au fond ici, à l’Assemblée nationale.

Au lieu de cela, probablement parce qu’il vous est reproché d’avoir pris les organisations syndicales par surprise avec la première version de votre texte, de ne pas les avoir suffisamment associées à son élaboration, vous avez décidé de vider totalement l’article 1er de sa substance. Il se réduit désormais à la création d’une commission d’experts – probablement les mêmes que d’habitude – chargés de réécrire le code du travail dans les deux ans. Un projet de loi qui a pour ambition de donner davantage de liberté et de protection aux entreprises et aux salariés ne peut raisonnablement, dans son article 1er, instituer une commission.

Pour revenir à la procédure, madame la ministre, il faut vraiment nous dire si le Gouvernement a l’intention de réserver tous les votes.

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Probablement la majorité redoute-t-elle de se compter mais, par respect pour le Parlement et les législateurs, nous aimerions avoir une réponse, madame la ministre. Je suppose que vous en avez une à nous apporter.

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Entendre des gaullistes remettre en cause la Ve République, c’est toujours drôle !

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Il faut revenir au débat. Beaucoup se demandent si une commission d’experts doit être instituée par la loi. L’inscription de cette disposition à l’article 1er n’est pas neutre : il s’agit précisément d’en instituer le principe. Par ailleurs, on déplore souvent l’absence d’études d’impacts. Or, d’une certaine façon, le code du travail ne peut être réformé sans avoir fait l’objet d’une expertise, de la part de ses premiers usagers, quant à ses évolutions potentielles.

Et qui sont-ils ? Comme l’indique le texte, il s’agit des organisations nationales syndicales des salariés et patronales ainsi que des experts, car chacun de nous sait à quel point la complexité du droit peut nécessiter la présence et l’expression de ces derniers. Confier à une commission, dans le préambule même du texte, la mission de réfléchir, de travailler et de préparer des propositions me paraît revêtir une signification particulière. Telle est l’importance que l’on doit, à mon sens, lui reconnaître.

La qualité des membres de la commission est déterminée par le texte même, qui évoque des « experts », c’est-à-dire des maîtres dans l’art, en regardant du côté du droit social mais aussi de l’observation des comportements au travail et de l’évolution des nouveaux modes de travail. En étant plus précis, on restreindrait les possibilités, ce qui n’est certainement pas souhaitable.

Enfin, donner deux ans à cette commission pour remettre au Gouvernement un projet de réécriture qui, ensuite, comme l’indique là encore le texte, sera soumis au Parlement, ne dessaisit aucun de nous, me semble-t-il, de sa responsabilité propre.

C’est un article utile qui, d’une certaine façon, donne le la à un texte qui entend promouvoir le dialogue social. De fait, ce projet de loi se propose d’emblée de réunir ceux qui en sont la matière vivante, les experts ; leur travail devra permettra ensuite, qui au Gouvernement, qui au Parlement, de se saisir des conséquences de leur réflexion.

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Monsieur le président, madame la ministre, dans le projet de loi initial, l’article 1er contenait une déclaration solennelle reconnaissant, en quelque sorte, des principes généraux du droit situés probablement, dans la hiérarchie des normes, au-dessus de la loi elle-même. Cela partait d’un bon sentiment mais soulevait, à mes yeux, un problème constitutionnel, car cela aurait très vraisemblablement conduit à créer une norme supérieure à la loi. Par ailleurs, cela aurait soulevé des problèmes juridiques extraordinairement complexes car, dans chaque litige, on se serait rapporté à titre liminaire à cette déclaration solennelle et à ses soixante et un principes : il aurait fallu se prononcer sur la possibilité d’invoquer ces principes et sur leur caractère impératif au regard de la loi.

Le fait de supprimer cette déclaration a donc été une bonne décision, d’autant plus que, d’un point de vue global, elle était extraordinairement désavantageuse pour l’entrepreneur et extraordinairement avantageuse pour le salarié : sur soixante et un principes, cinquante-sept étaient favorables au salarié et trois à l’entrepreneur. Or la réglementation du travail, c’est autant les droit des salariés que leurs devoirs et obligations.

Pour autant, fallait-il conserver cette référence à une commission d’experts ? Je dois avouer que, de prime abord, il est un peu choquant que le premier article soumis à notre examen renvoie à une commission d’experts. On peut dès lors se demander si nous sommes encore des légistes et si l’expert a une qualification supérieure à celui du légiste. Je fais du droit du travail depuis trente-cinq ans, j’en ai été l’un des premiers spécialistes : sans être un expert, je crois le connaître un petit peu et je ne vois pas pourquoi il est nécessaire, en ce domaine, de renvoyer à une commission d’experts. Cependant, je ne demande pas mieux que d’être convaincu et j’attends bien évidemment vos explications, madame la ministre.

La semaine dernière, je n’ai pas pu être présent aux débats sur la loi travail car nous avons examiné et voté, en commission des lois, le texte sur la justice du XXIe siècle. Nous avons accompli, à cette occasion, révolution sur révolution en matière juridique. Je voudrais vous féliciter, madame la ministre, de votre compréhension du vécu, au quotidien, dans l’entreprise – votre opiniâtreté, que j’ai pu mesurer, l’atteste. Madame la ministre, tenez bon ! Tenez bon ! Je puis vous assurer que, si vous tenez bon, nous serons derrière vous. Nous voulons que cette loi conduise non pas à une économie administrée mais à une économie libérée, créatrice d’emplois.

Applaudissements sur les bancs du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste et sur certains bancs du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Si, à l’instar d’un certain nombre de collègues, j’ai déposé un amendement de suppression de l’article 1er, c’est pour plusieurs raisons, la principale d’entre elles étant qu’il n’a aucune portée normative. Il faut nous limiter, je crois, aux prérogatives qui nous sont conférées par la loi et laisser les exécutifs actuel et futurs désigner les commissions qu’il souhaite. Pour ce qui concerne les partenaires sociaux, l’article L. 1 du code du travail impose de toute façon une concertation préalable avec ces derniers lorsque des modifications du code du travail sont envisagées. Je déposerai d’ailleurs un amendement pour qu’ils soient saisis et invités à répondre de manière beaucoup plus formelle, afin que l’on sache s’ils souhaitent ou non négocier sur telle ou telle modification.

Si cet article n’a pas de portée normative, il a une visée symbolique. Or, pour le coup, madame la ministre, je suis en désaccord avec le symbole qu’il véhicule. Je n’ai pas d’a priori sur la question de savoir s’il faut étendre ou non le champ de la négociation collective, mais j’ai une petite idée : les entreprises devenant multisecteurs, les salariés ayant des parcours professionnels les amenant à changer de secteur d’activité, il faut plutôt des règles communes, qui ne peuvent être portées que par la loi ou l’accord interprofessionnel. Par conséquent, j’ai même un doute sur le symbole que vous mettez en valeur, sans parler de la notion de « dispositions supplétives », qui, contrairement à ce que vous avez répété à plusieurs reprises, madame la ministre, constitue bien une inversion de la hiérarchie des normes entre l’accord et la loi.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

En effet, il est dit que la loi devient supplétive par rapport à l’accord collectif.

Je voterai donc ces amendements de suppression. S’ils étaient repoussés et si l’on veut s’en tenir à un symbole, je défendrai des amendements allant dans un sens qui me paraît plus souhaitable.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Permettez-moi de revenir rapidement sur ces dernières interventions.

Madame Fraysse, vous m’avez demandé pourquoi la création de cette commission était l’oeuvre de la loi. C’est une question à mes yeux tout à fait pertinente.

Première raison, si nous ne le faisons pas, nous considérons que c’est au Gouvernement de le faire, par décret. Or j’ai considéré, au travers des amendements que j’ai déposés en commission des affaires sociales – où vous étiez d’ailleurs présente, madame Fraysse – que nous avions au contraire besoin de dire ce qu’était cette commission. J’en ai fait la proposition et j’ai été suivi par la commission. Nous avions besoin de dire, par exemple, que cette commission d’experts devait travailler à droit constant.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Je ne lui reconnais pas le droit d’aller au-delà, car cela relève de la responsabilité du législateur.

Par ailleurs, la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes a considéré que cette commission devait être paritaire, ce que nous précisons évidemment dans la loi.

Nous avons également considéré – tel est l’objet des quatre alinéas de l’article 1er – qu’il fallait définir les contours de sa mission. Voilà pourquoi ces dispositions figurent dans la loi.

Tout en étant d’accord avec vous et avec l’ensemble des collègues qui se sont exprimés pour dire qu’il n’est pas question de déléguer à une commission technique – sans que cet adjectif soit péjoratif – le soin de faire la loi, je considère que c’est au législateur de dire ce que doit être cette commission et de définir les modalités de son travail. Voilà pourquoi je considère que nous avons besoin de l’article 1er et j’ai exprimé, précédemment, un avis défavorable sur les amendements de suppression.

Debut de section - Permalien
Myriam El Khomri, ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social

Monsieur Tourret, après vous avoir remercié pour vos propos fort aimables,…

Debut de section - Permalien
Myriam El Khomri, ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social

…je voudrais répondre aux deux sujets soulevés par votre question.

Premièrement, nous avons été nombreux, en effet, à saluer le travail remarquable effectué par la commission présidée par Robert Badinter ; il me paraît essentiel de le rappeler ici. Les discussions en commission des affaires sociales vous ont conduits, en raison de l’existence d’un risque d’insécurité juridique, à souhaiter que les principes reconnus par la commission Badinter ne figurent pas dans la loi. Cela ne signifie pas que la commission de refondation ne s’appuiera pas sur ces principes pour mener à bien son travail et accorder une plus grande place à la négociation collective. Il est toujours important de souligner le travail important mené par la commission Badinter. Cela étant, je prends acte de la décision de la commission des affaires sociales. Il incombera aux parlementaires, en 2019, à l’issue des travaux de la commission d’experts, de décider ce qu’ils feront de ses propositions. Souhaiteront-ils que ces dispositions soient placées en préambule du code du travail ? Ce sera bien évidemment au législateur de le décider, à ce moment-là.

Deuxièmement, le Gouvernement aurait très bien pu ne pas mentionner la commission dans la loi mais, précisément, nous avons voulu faire les choses en toute transparence. Le rôle de cette commission sera en effet de soumettre au Gouvernement et au Parlement l’essentiel de ses propositions. Ce qu’a dit Christophe Sirugue à cet égard est tout à fait juste : comme lui, je considère que la commission doit travailler à droit constant, parce que son rôle n’est pas celui du législateur. Quoi qu’il en soit, c’est par souci de transparence que nous l’avons intégrée dans la loi.

Je me tourne à présent vers les autres orateurs. On peut s’interroger sur l’utilité du projet de loi, dès lors que plusieurs textes ont déjà privilégié le niveau de la négociation d’entreprise, ce dont je me suis d’ailleurs félicitée : je le répète, 36 500 accords d’entreprise ont été signés en 2014, ce qui montre que la négociation d’entreprise est vivante. Néanmoins, malgré l’augmentation du nombre d’accords, il apparaît, comme le montre le rapport de Jean-Denis Combrexelle, que les thèmes de négociation ne sont peut-être pas suffisamment nombreux, que celle-ci est parfois corsetée.

Notre objectif est donc d’élargir le champ de la négociation pour développer le plus possible la culture du compromis. Concrètement, j’examine chaque année le rapport de la DARES – la direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques du ministère du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social – relatif aux négociations d’entreprise : il en ressort que très peu d’accords sur l’emploi sont signés, alors que ce sujet constitue une préoccupation majeure.

Comparons l’impact de la crise de 2008 en France et en Allemagne : en 2010, au plus fort de la crise, les Allemands ont signé massivement des accords pour l’emploi, qui ont porté leurs fruits, grâce à l’existence de systèmes d’activité partielle et de formation meilleurs que les nôtres. Depuis lors, nous avons rattrapé notre retard, notamment en matière d’activité partielle. Nous avons recouru à ce système, récemment, après le dramatique attentat qui a frappé notre pays. Cependant, au plus fort de la crise, comment avons-nous ajusté notre marché du travail ?

Debut de section - Permalien
Myriam El Khomri, ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social

Par le chômage, en effet, et par des contrats de plus en plus courts. C’est aussi cette réalité qu’il faut regarder en face.

Au moment des lois Aubry, nous avons également signé de très nombreux accords sur le temps de travail, qui ont été très peu remis en cause.

Mais, entre-temps, est intervenue la révolution numérique, lourde de conséquences sur l’organisation du travail. Comment introduire de la souplesse, de la rapidité et répondre à la diversité de la demande sans accorder une place plus importante à la négociation d’entreprise ?

Tous les rapports relatifs au dialogue social en France montrent que, en dépit de l’augmentation des accords d’entreprise, il ne participe pas à la performance économique – contrairement à ce qui se passe chez nos voisins – et ne répond pas non davantage à certaines attentes des salariés.

L’association Dialogues, par exemple, a mené des enquêtes pour connaître les thèmes les plus importants aux yeux des salariés et ainsi savoir sur quoi ils aimeraient négocier. L’un des premiers est l’organisation du travail, que nous avons retenue en priorité dans le projet de loi en discussion aujourd’hui.

Nous devons arriver à donner plus de champ à la négociation. C’est pourquoi nous lui ouvrons de nouveaux thèmes. Le débat s’organise par items. De ce point de vue, le projet de loi apporte une nouvelle dynamique : nous partons du principe que les meilleures garanties des salariés sont autant la place laissée à la loi, en tant que niveau supplétif et pour ce qui relève de l’ordre public social, que le verrou constitué par l’accord majoritaire.

Actuellement, je le rappelle, les accords d’entreprise peuvent être signés par des syndicats représentant 5 % des salariés. Il suffit par ailleurs d’un accord à 30 % pour moduler le temps de travail. Demain, ces décisions seront régies par le principe majoritaire. Il est essentiel de le rappeler quand on évoque la question du principe de faveur. Pourquoi penser que les syndicats favoriseront forcément le moins-disant social ?

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Vous essayez de me troubler, monsieur Dolez, et, comme je suis toujours attentif à vos propos, j’ai pensé un instant que j’avais commis une erreur. Cependant, vous connaissez mieux que moi le Règlement de l’Assemblée : nous devons poursuivre la discussion.

Le vote sur les amendements identiques est réservé.

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Alors nous allons bavarder pour ne rien dire. Cela ne sert à rien.

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Je suis saisi de deux amendements, nos 1108 et 4774 , pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. Alain Tourret, pour soutenir l’amendement no 1108 .

L’amendement no 1108 est retiré.

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La parole est à M. Arnaud Richard, pour soutenir l’amendement no 4774 .

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Cela ne sert à rien, puisqu’on n’a pas voté les amendements de suppression !

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La loi n’a pas à prévoir, à titre de prolégomènes, un article prévoyant le renvoi à une commission d’experts, cela a été suffisamment dit : c’est au Parlement de voter la loi et, si nécessaire, le Gouvernement peut toujours s’adjoindre l’avis d’experts sans pour autant qualifier celui-ci de « refondation législative du code du travail ».

J’espère que l’Assemblée votera mon amendement mais je dois avouer, monsieur le président, que je suis un peu perdu : si le Gouvernement demande la réserve, c’est qu’il imagine qu’au temps t, les amendements de suppression seront adoptés. Dès lors, il me semble dommage de soutenir un amendement de repli.

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C’est du moins très compliqué. En la matière, le Gouvernement applique strictement le droit qui est le sien…

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Mes chers collègues, nous allons arrêter de nous raconter des histoires. La procédure que j’applique n’a pas été inventée aujourd’hui…

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J’allais le dire, monsieur le président. Le Gouvernement est totalement dans son droit…

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…et M. Dolez en connaît le fonctionnement comme le mécanisme.

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Le Gouvernement a parfaitement le droit de considérer que les amendements ne sont pas bons mais la réserve est une forme d’agression de la part de la majorité – c’est son problème – et même une agression tout court.

Quoi qu’il en soit, je trouve délicat de continuer à débattre d’un texte alors que, nous sommes bien d’accord, les amendements de suppression de l’article 1er seraient adoptés si nous votions maintenant.

En somme, toute la discussion relève de la mascarade : le Gouvernement veut seulement s’assurer qu’aucun amendement de suppression ne sera voté avant qu’il ne recoure à l’article 49, alinéa 3. Une telle obstruction gouvernementale est dommageable pour le Parlement.

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C’est vous qui faite de l’obstruction parlementaire !

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Je rappelle simplement que le Règlement a été adopté par l’opposition actuelle et non par la majorité.

Quel est l’avis de la commission ?

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Je trouve toujours extraordinaire qu’il nous soit reproché de ne pas prendre le temps d’examiner le texte alors que nous répondons à tous les amendements.

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Bien sûr ! Mais il y aura un vote, ne vous inquiétez pas, personne n’a encore dit le contraire.

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La question que vous posez, monsieur Richard, a déjà été soulevée tout à l’heure : avons-nous besoin d’une commission ou pas ? Je vous l’ai dit, je considère que oui. Je remercie d’ailleurs M. Tourret d’avoir retiré l’amendement no 1108 car nos positions ne sont pas contradictoires : nous ne voulons pas de confusion entre le rôle du législateur et celui de cette commission. Certains points ont été clarifiés, c’est établi : la commission travaillera à droit constant, elle entretiendra des relations avec les partenaires sociaux, elle formulera des propositions dans un environnement ciblé par l’article. Dès lors, il n’y a plus à s’interroger sur l’éventualité d’un risque législatif.

Monsieur Amirshahi, j’ai expliqué à l’instant pourquoi nous avions besoin de cette commission, notamment en répondant à Mme Fraysse : si la loi n’en mentionne pas l’existence, la décision reviendra au décret.

La commission des affaires sociales a voté des amendements à ce sujet car j’ai considéré qu’il fallait préciser certains points : la composition de la commission, ses objectifs et le fait qu’elle travaille à droit constant. C’est la commission des affaires sociales qui a proposé ces dispositions et les a intégrées au texte. Grâce à nous, la nouvelle commission sera encadrée et ne pourra pas s’emparer de prérogatives que nous ne lui reconnaissons pas. C’est tout l’intérêt de la mentionner dans le texte.

Rappelons qu’il n’y a aucune confusion possible : il s’agit d’une commission technique, qui mènera un travail technique, dans un cadre précisé par le législateur. Le moment venu, en 2019, elle rendra son travail au Gouvernement, auquel il reviendra de dire s’il suivra ses préconisations, en les transmettant au Parlement pour qu’il en débatte, ou s’il ne sera pas d’accord. Il pourra aussi n’être d’accord que partiellement, auquel cas il pourra ne transmettre qu’une partie des préconisations au Parlement.

Avis défavorable sur l’amendement no 4774 .

Debut de section - Permalien
Myriam El Khomri, ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social

Même avis.

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Vous n’arrivez pas à nous convaincre, monsieur le rapporteur.

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À mes yeux, c’est dans la loi que doivent figurer les principes fondamentaux, les normes sociales, l’ordre public, alors que la création d’une commission et sa composition relèvent du décret. Combien avons-nous voté de lois renvoyant au décret la création et la composition de commissions !

Pour qu’un texte donne plus de liberté et de protection aux entreprises et aux salariés, il serait bon que son article 1er, en préambule, prévoie les fondamentaux que nous devons décider ensemble. Cela me semblerait plus opportun, plus juste.

Je ne comprends pas qu’il en soit autrement. Ou plutôt si, je comprends : il faut bien un article 1er ; alors, pour le remplir, vous prévoyez l’existence de la commission. Mais j’estime que cela relève typiquement du réglementaire, alors qu’il appartient aux députés et, accessoirement, le moment venu, aux sénateurs – même si nous avons le dernier mot –, bref aux législateurs, de définir leurs objectifs.

Nous n’avons même pas discuté en commission des soixante et un de Badinter. Il aurait été utile de les examiner un par un, pour déterminer si nous les approuvions.

Mais, avec un article 1er qui crée une telle commission, vous n’arrivez pas à nous convaincre, monsieur le rapporteur.

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Monsieur le président, j’aimerais savoir si nous allons voter.

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Monsieur Vercamer, nous n’allons pas jouer à ce petit jeu-là !

La parole est à M. le rapporteur.

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Encore une fois, madame Le Callennec, vous avez déposé, en commission, un amendement tendant à retirer de l’article la mention aux soixante et un principes. On ne peut pas dire tout et son contraire.

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On ne l’a pas discuté parce que vous avez déposé un amendement de suppression ! Enfin ! Soyez cohérente avec vos propres positions !

Applaudissements sur certains bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.

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Bien sûr que si, je vous le confirme : comme moi, vous avez suggéré que les soixante et un principes du comité Badinter soient retirés du texte. Dans la rédaction qui nous a été soumise, ils avaient été supprimés du préambule.

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Madame la députée, nous discutons du texte déposé par le Gouvernement : ces principes ne figurant plus dans le préambule, j’ai développé un raisonnement que j’ai rappelé tout à l’heure.

Mon collègue et ami Christophe Cavard, ici présent, défendra un amendement tendant à réintroduire ces soixante et un principes dans le texte, mais, pour notre part, nous avons considéré que, s’ils ne figuraient pas dans le préambule, conformément au choix du Gouvernement, ils n’avaient pas à apparaître, par ailleurs, dans tel ou tel article, pour différentes raisons sur lesquelles je reviendrai.

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Finalement, le gouvernement et la majorité actuels sont fiers d’appliquer un Règlement qu’ils n’ont pas votée. C’est du moins ce qui ressort des propos du président.

Quoi qu’il en soit, prévoir l’existence d’un comité d’experts revient à renvoyer la réforme du travail aux calendes grecques. Pendant ce temps, il n’y aura toujours pas d’inspection du travail dans la fonction publique, alors que l’État, premier des employeurs, est certainement, faute de tout contrôle, le plus mauvais, excusez du peu.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Non, ce n’est pas idéologique.

Monsieur le président, nous aurions pu voter, après quoi vous auriez annulé le vote, comme au Brésil. Non ?

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Vous ne vous attendez tout de même pas à ce que le président de séance, quelle que soit son appartenance politique, ne respecte pas le Règlement ! Lorsque vous l’avez voté, monsieur Taugourdeau, vous ne vous êtes pas interrogé sur sa portée. J’applique ses dispositions telles que vous les avez votées.

Le vote sur l’amendement est réservé.

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La parole est à M. Gilles Lurton, pour soutenir l’amendement no 341 .

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Comme nous n’avons pas pu voter sur les amendements de suppression de l’article 1er, nous ne savons pas si la commission en question va être créée ou non, et il donc un peu délicat pour moi de défendre cet amendement no 341 . En effet, il s’agit ici d’un amendement de repli, qui vise à associer les parlementaires à la commission, à l’instar de ce qui se fait dans de nombreux organismes consultatifs. Ces parlementaires viendraient ainsi rendre compte aux commissions compétentes du Parlement de l’évolution du travail de la commission, si par malheur celle-ci venait à être créée.

Debut de section - PermalienPhoto issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia

Permettez-moi de préciser de nouveau l’ordre des choses. Un, nous mettons en place une commission technique pour les raisons que j’ai développées tout à l’heure. Deux, cette commission travaille pendant deux ans. Trois, elle remet au Gouvernement un rapport. Quatre, le Gouvernement choisit d’y donner suite ou de ne pas y donner suite – c’est sa liberté. S’il choisit d’y donner suite, alors les parlementaires se saisiront le moment venu du texte que leur transmettra le Gouvernement. Ils l’examineront, l’amenderont, considéreront le cas échéant que les travaux de la commission doivent être complétés, voire qu’ils ne sont pas bons. Dès lors, il paraît difficile d’imaginer que des travaux auxquels auront contribué des parlementaires puissent être remis en cause par leurs collègues. La logique me conduit donc à donner un avis défavorable à cet amendement.

Debut de section - Permalien
Myriam El Khomri, ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social

Même avis.

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Je ne suis pas convaincu par l’argument du rapporteur. Lorsque vous avez créé le Conseil national de la transition écologique, vous y avez bel et bien inclus des députés et des sénateurs, alors qu’il est habilité à examiner les textes de loi et les diverses propositions qui seront ensuite soumises au Parlement. Pourquoi ne pourrait-on pas faire dans le domaine du droit du travail ce que Mme Royal a fait dans celui de l’écologie ?

Connaissant l’urgence, mais aussi l’impatience de nos concitoyens sur ces sujets, il doit être quelque peu désespérant pour eux de s’entendre expliquer que le Parlement est incapable de discuter directement de la réforme du code du travail, et qu’il faut une nouvelle fois en passer par une commission. Quand on veut enterrer un dossier, on plante une commission. Tout cela n’est que de l’enfumage. Mieux vaudrait en venir directement au fond du sujet : effectivement, il faut libérer le travail dans notre pays.

Le vote sur l’amendement est réservé.

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La parole est à Mme Monique Orphé, pour soutenir l’amendement no 4939 .

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La commission d’experts et de praticiens des relations sociales que vise à créer l’article 1er est présentée comme une instance fondamentale de la refondation du code du travail, puisqu’elle sera chargée de proposer au Gouvernement une refondation de sa partie législative. Si celle-ci est adoptée, elle s’appliquera de fait aux départements et collectivités d’outre-mer, comme le prévoit l’article 73 de la Constitution, en vertu du principe de l’assimilation législative.

Or nos territoires présentent de nombreuses spécificités. À titre d’exemple, leur tissu économique est complètement différent de celui de l’Hexagone : entre 85 % et 90 % des entreprises comptent moins de onze salariés. À Mayotte, le droit local côtoie le droit national. Je disais la semaine dernière que nos particularités n’étaient pas – ou du moins étaient peu – prises en considération. Or une application sans adaptation de la législation à nos territoires peut avoir des conséquences néfastes. C’est pourquoi je propose que siège dans cette commission un expert des relations sociales dans les outre-mer.

Vous avez accepté que la commission soit paritaire, monsieur le rapporteur. En acceptant cet amendement, vous nous prouverez que vous êtes à notre écoute. Vous répondrez aussi à un espoir, celui de voir reconnaître par la commission les aspirations de nos territoires.

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Vous avez raison, madame la députée : il nous faut garder à l’esprit deux éléments. L’article 73 de la Constitution tout d’abord, qui dispose que les lois et règlements sont applicables de plein droit dans les départements et collectivités d’outre-mer, notamment pour ce qui concerne le droit du travail. Cela n’empêche cependant pas – et c’est le second élément – de reconnaître qu’il existe des spécificités, que vous avez rappelées à l’instant. Je n’ai pas souhaité que nous précisions dans le détail qui devra siéger dans la commission…

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…et ne souhaite pas davantage le faire pour les outre-mer. En revanche, je donnerai un avis favorable à un autre de vos amendements, l’amendement no 4958 , qui prévoit d’associer le ministère des outre-mer aux travaux de la commission – car il s’agit d’une disposition technique et votre souci mérite d’être pris en compte. Je souhaite donc le retrait de l’amendement no 4939 . À défaut, je me verrais contraint d’y donner un avis défavorable.

Debut de section - Permalien
Myriam El Khomri, ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social

Même avis. Il existe indéniablement des spécificités outre-mer, madame la députée, et nous avons d’ailleurs eu l’occasion d’échanger à ce sujet – notamment sur le fait que nombre de conventions collectives ne s’appliquent pas à l’outre-mer. Nous avons évoqué récemment la situation de Mayotte avec le ministère des outre-mer. Bien évidemment, ces spécificités doivent être prises en compte.

Le Gouvernement est lui aussi favorable à l’amendement no 4958  : il est essentiel que les partenaires sociaux locaux puissent être consultés dans le cadre de la commission. Mais inclure un expert spécifique dans la composition de la commission ne me semble pas de bonne méthode.

L’amendement no 4939 est retiré.

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La parole est à Mme Fanélie Carrey-Conte, pour soutenir l’amendement no 4433 .

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Je trouve moi aussi un peu curieux de devoir défendre un amendement de repli par rapport à un amendement de suppression qui n’a pas été mis aux voix préalablement. Si la réserve des votes demandée par Mme la ministre est juridiquement valable, elle n’en confirme pas moins le malaise politique…

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…qui existe sur ce texte, et dès cet article 1er.

Pourquoi ce malaise ? Parce que nous sommes ni plus ni moins en train de prévoir une réécriture de l’ensemble de la partie législative du code du travail, ce qui est tout sauf anodin, et de mandater pour cela une commission qui rendra ses travaux dans deux ans. Il me semble particulièrement irresponsable d’ouvrir de la sorte le sujet alors qu’on ignore qui aura la responsabilité de le clore.

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Cet amendement vise donc à cadrer davantage le sens dans lequel nous souhaitons que cette commission travaille, qui va à l’encontre de la logique que nous voyons malheureusement à l’oeuvre dans ce texte. Selon nous, la refondation du code du travail doit se faire non dans une logique d’inversion de la hiérarchie des normes, de mise à mal du principe de faveur, d’encouragement de l’augmentation du temps de travail, sujet très important dans ce texte et sur lequel vous ne nous avez pas encore répondu, madame la ministre, mais par une autre voie – consécration de la loi, consécration du principe de faveur et mise en place de nouvelles protections pour les salariés au XXIe siècle.

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J’espère, chère collègue, que la motivation de cet amendement ne tient pas seulement au fait que nous ignorons qui sera là dans deux ans pour acter les conclusions d’un débat dont nous avons un urgent besoin.

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J’ose imaginer que ce n’est pas le seul élément propre à orienter une réflexion d’ensemble sur un sujet important, celui de l’indispensable évolution du code du travail par rapport à celle du monde du travail. Car c’est bien à ce sujet que nous sommes confrontés. Or ce que vous proposez dans votre amendement, c’est finalement de faire travailler la commission sans lui permettre d’avancer sur les éléments visés par les articles 2, 3 et 4, à savoir ceux dont nous avons besoin pour donner de l’espace à la négociation collective, donc aux accords d’entreprise.

J’ai bien compris que vous étiez défavorable à ces accords d’entreprise. Vous corsetez les choses à travers cet amendement, en prévoyant que cette refondation du code du travail doit consacrer le principe de faveur. Pour ma part, je considère que nous avons besoin de donner de la souplesse aux accords d’entreprise. Nul ne peut nier que les entreprises ont beaucoup changé. Je suis issu d’un bassin industriel où une seule entreprise – en l’occurrence, dans le secteur de la sidérurgie – salariait tout le monde, et cela du début jusqu’à la fin de la carrière. Force est de constater qu’elle a disparu. Nous sommes aujourd’hui face à une multitude de petites entreprises qui participent de cette même industrialisation.

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Il nous faut tenir compte de ces évolutions : nous ne pouvons pas faire comme si elles n’étaient pas désormais des éléments déterminants.

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Justement ! Il faut protéger les salariés des petites entreprises !

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Permettez-moi de poursuivre, madame Buffet : je ne vous interromps pas lorsque vous vous exprimez !

Nous avons donc besoin de donner de la souplesse aux accords d’entreprise, en accompagnant le mouvement. Dans le même temps – M. Dolez a cité tout à l’heure mes propos, même s’il aurait pu en choisir d’autres…

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Ce n’était pas tout à fait ce que j’avais dit à la journaliste, mais je vous accorde que c’est ce qui était écrit dans la presse.

Il faut veiller à ce qu’avec la multiplication des accords d’entreprise ne surgisse pas un risque – car il existe, et je l’ai même écrit, comme vous l’avez rappelé tout à l’heure – de concurrence déloyale, de dumping. La question est donc d’assurer l’adéquation entre des accords d’entreprise dont nous avons impérativement besoin pour tenir compte du morcellement que nous constatons et la protection à apporter aux salariés. J’ai déposé des amendements ; l’un est encore en discussion. Il s’agit de définir à quel échelon doit intervenir la branche. Je ne fais pas partie de ceux qui considèrent que la branche doit être évacuée…

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C’est pourtant ce qui est écrit dans le projet de loi !

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Je vous renvoie à mes amendements, cher collègue.

La question, disais-je, est de savoir à quel niveau doit intervenir la branche pour jouer son rôle de régulateur. Mais ce que nous propose Mme Carrey-Conte, c’est de ne pas permettre d’accord d’entreprise.

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En ce qui me concerne, j’estime qu’il faut aussi bien l’accord d’entreprise que la régulation par les branches. Avis défavorable.

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Myriam El Khomri, ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social

Même avis.

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Moi aussi, je viens d’un bassin industriel, monsieur le rapporteur. Pourtant, votre argument me laisse sceptique. Ce n’est pas parce que les entreprises sont morcelées que l’on doit accepter que le droit des salariés le soit aussi.

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Car ce que va induire la multiplication des accords d’entreprise, ce sont des ruptures d’égalité entre les salariés. Certains salariés travaillant dans des entreprises soumises à la concurrence d’autres entreprises – à l’échelle du territoire ou du pays – seront soumis à des pressions ; ils auront peur de perdre leur emploi, surtout dans une période difficile comme celle que nous traversons aujourd’hui.

L’argument selon lequel l’évolution des entreprises doit nous conduire à des accords d’entreprise me semble donc très dangereux pour les salariés. Mais il l’est aussi pour les entreprises elles-mêmes. En effet, le rôle d’une PME est de produire des biens et des services, non de la norme sociale. Imaginez l’énergie qu’elles devront consacrer à la production de leurs propres normes.

Vous prétendez renforcer le dialogue social, mais cette multiplication des accords d’entreprise risque au contraire de tendre les relations sociales au sein des PME : on sera sans arrêt en train de négocier.

L’accord de branche présente l’avantage de se situer à la bonne distance. Il est le plus à même de protéger les droits des salariés, de définir des normes efficaces et justes tout en protégeant les entreprises de la concurrence.

Enfin, s’agissant de la demande de réserve des votes, on se demande pourquoi nous continuons à discuter : cela ressemble à un simulacre. Le projet de loi est censé renforcer le dialogue social, mais le Gouvernement est en train d’affaiblir le dialogue parlementaire. Il est vraiment dommage que, s’agissant d’un projet de loi si important, le Parlement soit totalement mis de côté.

Applaudissements sur certains bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen, sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine, du groupe écologiste, du groupe Les Républicains et du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.

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Nous aurions aimé pouvoir voter cet amendement mais nous n’en aurons pas le loisir puisque le Gouvernement a préféré ce simulacre de débat à une démocratie parlementaire assumée et à un vote responsable de chacun des membres de cette assemblée. Nous aurions aimé le voter, car je ne supporte pas que l’on laisse accroire que nous serions contre les accords d’entreprise. Personne n’a dit cela ! Chacun sait qu’il en existe des milliers. Mais ils se fondent sur les accords de branche, qui sont indispensables.

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Eh oui ! C’est toute la différence avec ce qui est proposé !

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Les propos de Mme Filippetti décrivaient parfaitement la réalité : ce projet de loi risque de mettre en difficulté de nombreux salariés et en concurrence de nombreuses entreprises. Il est très grave, par exemple, de donner la primauté à l’accord d’entreprise pour la rémunération des heures supplémentaires, comme il sera proposé tout à l’heure.

De plus, madame la ministre, l’article 1er prévoit une refonte du code du travail dans un délai de deux ans. Pourtant, on nous demande de légiférer dès maintenant et dans l’urgence sur les questions de rémunération et d’organisation du travail. Pourquoi une telle précipitation si la partie législative doit être refondue d’ici deux ans ?

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Madame la ministre, reprenons-nous ! Le Parlement doit pouvoir jouer tout son rôle et, à tout le moins, voter les amendements présentés. Mettons un terme au simulacre de démocratie que nous sommes en train de vivre, avec le recours à l’article 44, alinéa 3, qui précède sans doute de peu l’application de l’article 49, alinéa 3.

Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

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Tel est bien tout l’enjeu du débat : nous attendons l’application de l’article 49, alinéa 3. Il s’agit bien d’un simulacre de discussion parlementaire, qui n’honore pas l’Assemblée nationale. Le Gouvernement va donc faire durer les débats sur l’article 1er, pourtant fondamental, le temps de compter ses soutiens. Mais nous savons tous qu’il n’a pas de majorité ! Le simulacre de débat va donc perdurer jusqu’à ce que le Gouvernement sonne la fin de la récréation parlementaire et décide de trancher. C’est assez déplaisant pour nous, d’autant que les questions posées sont extrêmement intéressantes. Chacun devrait pouvoir s’exprimer, par exemple, sur le périmètre de l’accord d’entreprise, évoqué à l’instant par Mme Filippetti, et être libre d’adopter ou non des amendements à ce sujet.

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Tel n’est pas le cas : nous attendons l’application de l’article 49, alinéa 3, dans un simulacre de démocratie.

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Comme Mme Filippetti et M. Sansu, je tiens à dénoncer la part de démagogie qui sous-tend ce projet de loi. Certains disent que le code de travail est trop gros et qu’il faudrait le réduire, mais la multiplication des accords d’entreprise conduira à la création de dizaines de milliers de nouveaux codes du travail, chacun étant propre à une entreprise. Là est le danger. Au lieu d’un millier de pages, il y en aura des dizaines de milliers, car, pour se faire une idée de la réalité du code du travail en France, il faudra tous les compiler.

Je partage également l’avis de ceux qui, sur tous les bancs, dénoncent le simulacre de démocratie auquel nous assistons et qui est aussi perceptible par nos concitoyens. Ne les prenons pas pour des abrutis ! Ils voient très bien que, depuis la semaine dernière, nous piétinons, nous terminons à des heures impossibles, la discussion générale s’éternise et nous n’avons commencé qu’aujourd’hui la discussion des amendements à l’article 1er.

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Et, en réalité, la réserve des votes ne fait que retarder encore les choses.

« Eh oui ! » sur les bancs du groupe Les Républicains.

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Personne n’est dupe : si vous devez annoncer le recours à l’article 49, alinéa 3, faites-le vite, madame la ministre, afin qu’on mette un terme à ce simulacre et que l’on puisse faire quelque chose de plus intéressant.

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J’aimerais appeler votre attention, madame la ministre, sur l’image que nous donnons en ce moment même.

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La France est traversée par des mouvements sociaux. Des millions de personnes sont passionnées par ce débat sur le code de travail car cela concerne leurs conditions de travail au quotidien ; c’est de leur vie qu’il est question. Or, à peine le débat commencé, vous annoncez que nous ne pourrons pas voter. Des hommes et des femmes manifestent dans la rue, d’autres sont pour le projet de loi, mais les parlementaires ne peuvent pas voter. Nous continuons de débattre, sans savoir si l’article 1er sera adopté ou non et en défendant des amendements de repli tout en ignorant si les précédents vont être adoptés.

Mais ce n’est pas un jeu, ce n’est pas drôle, ce que nous sommes en train de vivre dans cet hémicycle.

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Cela aura des graves conséquences sur la perception qu’ont nos concitoyens de la nature du travail parlementaire et de la démocratie.

J’en viens aux accords d’entreprise. Bien sûr, nous acceptons les accords d’entreprise, inutile de nous faire sans cesse observer qu’il en existe déjà de nombreux ! Mais, à l’heure actuelle, ils ne peuvent prévoir que des dispositions plus favorables aux salariés que les accords de branche, qui eux-mêmes ne peuvent contenir que des dispositions plus favorables que la loi. Aujourd’hui, le système protège donc le salarié.

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Vous nous dites, monsieur le rapporteur, que le monde change et qu’il existe de nombreuses petites et très petites entreprises. Mais, précisément, les organisations syndicales peinent souvent à s’y implanter et les salariés ont besoin d’y être davantage défendus. En favorisant l’accord d’entreprise au détriment de la protection apportée par l’accord de branche, vous permettrez à des patrons de petites entreprises, soumis à la pression des donneurs d’ordre, toujours très forte, de faire eux-mêmes pression sur leurs salariés en leur disant que, sans baisse de salaire ou augmentation du temps de travail, l’entreprise concurrente acceptera la commande et la leur fermera. Que pourront faire les salariés ? Ils diront que c’est difficile, d’autant que les salaires ne sont déjà pas bien élevés, mais ils accepteront. La disposition proposée sera donc utilisée pour aggraver les conditions de travail des salariés des très petites entreprises.

Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine, sur les bancs du groupe écologiste et sur certains bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.

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Sur le plan juridique, vous rendez-vous compte de ce que vous infligez au pouvoir législatif, madame la ministre ?

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À ma connaissance – je vérifierai ce soir –, c’est sans exemple dans l’histoire.

Mme Buffet, ne sachant pas ce que sera la suite de la discussion – puisque vous avez demandé la réserve des votes – a commencé à parler de l’article 2, dont l’objet est complètement différent.

S’agissant de l’article 1er, vous nous demandez de reporter à deux ans le débat sur le code du travail, alors même que les choses peuvent très vite changer sur le plan économique, dans un contexte de mondialisation des échanges – je ne parle même pas de la situation politique. Vous nous demandez de temporiser tout en insistant sur l’importance du sujet.

Moi qui ai quelques connaissances juridiques, je me demande ce que pourront faire les experts dans deux ans. Seront-ils tenus de respecter les décisions législatives prises deux ans auparavant, dans un tout autre contexte ? Auront-ils la possibilité de les modifier ? Y aura-t-il un code de travail en vigueur et un autre en devenir, puisqu’incomplet ?

Madame la ministre, cette situation déconsidère quelque peu les partenaires sociaux, d’une part, et complètement le pouvoir législatif, d’autre part. Cette méthode de travail est hallucinante ! Je sais bien que le Parlement, sous le Ve République, n’a pas véritablement une place essentielle, mais là, non seulement vous déshabillez les parlementaires, mais vous les fouettez également !

Rires et exclamations.

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Nous aurons passé plusieurs heures à débattre sans voter et puis, quand l’article 49, alinéa 3, sera appliqué, nous voterons sans débattre, en quelque sorte. À quoi cela sert-il ? Nous faisons du commentaire de texte… sans texte.

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C’est quand même très compliqué ! C’est d’autant plus dommage que nous sommes lundi, que les députés sont mobilisés et qu’il existe de vraies divergences de fond. J’ai bien écouté les propos de Mme Buffet, que je ne partage évidemment pas, mais nous sommes justement ici pour en débattre.

Je suis favorable au « parlementarisme rationalisé », mais il ne s’agit pas ici de parlementarisme : c’est la négation même de la représentation parlementaire.

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Les représentants de la nation sont mobilisés pour occuper le temps et faire le spectacle. L’image que nous donnons n’est malheureusement pas très reluisante. Ne nous étonnons pas si les gens ne respectent pas les élections ou se défoulent en essayant de renvoyer dans leurs buts les élus de tous bords. Il faudrait peut-être abréger ou suspendre tout simplement nos travaux car tout cela ne rime à rien.

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Le débat que nous avons est très important car il témoigne de nos divergences de fond.

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Comme plusieurs orateurs l’ont rappelé, personne ne nie l’utilité de la négociation d’entreprise. L’amendement de Mme Carrey-Conte – et je défendrai tout à l’heure un amendement qui s’inscrit dans la même logique, cosigné par quarante membres du groupe SRC – se résume à la question suivante : voulons-nous que les accords d’entreprise soient plus favorables pour les salariés ou non ?

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Tout à fait ! C’est la seule question !

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Si vous le voulez, monsieur le rapporteur, émettez un avis favorable sur cet amendement, puisque Mme Carrey-Conte précise qu’il faut adapter le code du travail en raison des mutations économiques, ce qui paraît effectivement souhaitable. Si vous ne le voulez pas, c’est que nous avons un désaccord.

Pour ma part, je ne suis pas d’accord pour réécrire le code du travail dans un sens qui videra de leur contenu certains articles, aujourd’hui d’ordre législatif, et qui s’imposent donc aussi dans le cadre des accords d’entreprise.

Je suis souvent d’accord avec vous, monsieur le rapporteur, mais, en l’occurrence, je m’oppose à ce que les dispositions d’ordre légal deviennent les dispositions supplétives de demain, c’est-à-dire à la primauté de l’accord de branche. Cela peut être souhaitable dans certains cas, mais cela ne doit pas être un principe systématique. Par exemple, je souhaite que ni un accord d’entreprise ni un accord de branche ne puisse fixer un taux de majoration des heures supplémentaires inférieur à 25 %.

Applaudissements sur certains bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen, sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et du groupe écologiste.

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Nous avons un désaccord de fond, philosophique : assumons-le. Or comment fait-on pour trancher un désaccord, en démocratie ?

« On vote » ! sur de nombreux bancs.

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À défaut, ce n’est plus l’ubérisation de la société, mais l’« ubuesquisation » du Parlement.

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Comment faire pour trancher si l’on ne vote pas sur une question aussi fondamentale que celle de l’avenir du code du travail ? Le jour où nous aurons la chance de pouvoir voter, je voterai les amendements de suppression de l’article 1er et, s’ils ne sont pas adoptés, je voterai l’amendement de Mme Carrey-Conte.

Applaudissements sur certains bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen, sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine, sur les bancs du groupe écologiste et sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains.

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Je vous remercie, monsieur Germain, d’avoir rappelé que nous passerons au vote lorsque les dispositions prises par le Gouvernement le permettront.

Rires et exclamations sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et sur certains bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.

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Je tiens à revenir à quelques principes, en premier lieu à la place du contrat et à celle du règlement. Veut-on ou ne veut-on pas renforcer la place du contrat dans l’entreprise, alors que, chacun doit en prendre conscience, le mieux-disant social dépend d’un renouveau du contrat et de la discussion contractuelle, individuelle ou collective ? C’est le premier point qu’il convient de garder présent à l’esprit.

La négociation dans l’entreprise est donc un principe excellent qui, peu à peu, conduira nécessairement non pas vers la situation qu’a dépeinte Mme Buffet mais vers un mieux-disant social. Je ne comprends donc pas qu’on puisse affirmer que ces discussions tireront toujours le salarié vers le bas.

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Qu’est-ce qui l’empêchera de se réaliser ?

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En outre, il n’a pas été suffisamment souligné qu’en votant le texte qui nous est proposé nous créerons des droits, dont l’acquisition sera susceptible d’être remise en cause par une nouvelle majorité d’ici à un an. Cette menace fragilise de façon extraordinaire tout le droit de l’entreprise. C’est pourquoi il n’y a plus, à mes yeux, qu’une seule solution : que nous votions ce texte et que la majorité qui l’aura voté soit reconduite en 2017.

Rires sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.

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Je tiens à m’exprimer sur le débat que l’opposition tente de mener sur les questions de procédure.

Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.

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Vous n’allez tout de même pas justifier la réserve des votes ?

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Vous sortez, c’est bien !

Comment n’en serais-je pas étonné alors que je me rappelle les débats approfondis que nous avons eus lors de la révision constitutionnelle de 2008, ainsi que de l’examen des lois organiques et de la réforme du règlement de l’Assemblée nationale qui s’est ensuivi ? Nous avions alors débattu du « 49-3 » et de la réserve des votes. Je me rappelle même que la majorité de l’époque a repoussé des amendements tentant de restreindre certaines évolutions. Le recours au « 49-3 » lui-même a d’ailleurs été restreint. Je trouve donc incohérent que l’opposition d’aujourd’hui remette en cause des dispositions qu’elle a votées lorsqu’elle était la majorité…

Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains.

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…et qu’elle n’accepte pas que le Gouvernement utilise les différents instruments, dont chacun peut penser ce qu’il veut, mais qu’elle a mis à sa disposition. Telle est la réalité, aujourd’hui.

Je souhaiterais, moi aussi, que le débat porte sur le fond. Or je n’ai pas le sentiment que ce soient les partisans du texte qui monopolisent la parole depuis le début de notre discussion.

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La répartition du temps de parole montre au contraire que ce sont les opposants au texte qui s’expriment. Ils ont d’ailleurs raison puisqu’ils en ont la possibilité.

Exclamations sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine, du groupe de l’Union des démocrates et indépendants et du groupe Les Républicains.

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Essayons d’avancer ! Je souhaiterais commencer l’examen de l’article 2 et non pas, comme c’est maintenant le cas, discuter de l’article 2 en plein examen de l’article 1er.

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Comme la réserve est de droit et que vous ne pouvez pas la contester, avançons dans le débat et passons à l’article 2, qui me paraît bien plus important que l’article 1er du fait qu’il cristallise des discussions utiles.

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Demandez au Gouvernement de passer immédiatement à l’article 2 : je ne suis pas certain qu’il acceptera.

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Je crois qu’il faut toujours voir le côté positif des choses même lorsque la situation est celle que nous vivons aujourd’hui.

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Elle n’est pas désespérée, vous verrez !

Je remarque que si chacun défend, aujourd’hui, les accords d’entreprise, il a fallu auparavant beaucoup insister.

Exclamations sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

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Si, et ces accords sont une bonne chose.

Simplement, vous oubliez de rappeler que ces accords peuvent être signés aujourd’hui par les organisations syndicales de salariés ayant recueilli au moins 30 % des suffrages exprimés aux élections, et que le texte porte ce taux à 50 %. Pourquoi ne le dites-vous pas ? Je suis persuadée que, dans quelques heures, vous défendrez, vous aussi, cette disposition.

Vous arguez ensuite que les patrons des petites entreprises exerceront du chantage sur leurs salariés. Or ce chantage s’exerce déjà dans certaines entreprises et vous n’empêchez rien.

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Vous connaissez, j’en suis certaine, des petites entreprises auxquelles il arrive d’être confrontées à de vraies difficultés : nous ne les inventons pas. Vous connaissez aussi les accords passés avec les salariés de ces petites entreprises-là.

Parlons des autres, à savoir de celles qui exercent du chantage sur leurs salariés en les menaçant de les licencier. Aujourd’hui, lorsqu’une organisation syndicale existe dans l’entreprise, l’accord doit être signé. Pourquoi ne dites-vous pas que le texte prévoit le mandatement d’un salarié par une organisation syndicale lorsqu’il n’existe pas de représentation syndicale dans l’entreprise ? Je le répète : le texte prévoit cette disposition qui n’existe pas à l’heure actuelle. Pourquoi ne le dites-vous pas ?

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Je vais vous le dire : parce que, finalement, ce qui vous importe, c’est de discréditer le projet de loi ainsi que tous ceux qui le défendent. Nous ne nous laisserons pas faire aussi facilement.

Votre culture, qui est d’ailleurs partagée par certains des nôtres, est une culture hypercentralisée. Il n’est, à vos yeux, de protection qu’à partir du moment où elle entre dans une démarche centralisatrice. C’est désormais terminé !

Exclamations sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

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C’est le fondement du modèle républicain !

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C’est le fondement du modèle républicain !

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Monsieur Dolez, laissez Mme Iborra conclure.

Vous l’avez interrompue.

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Si j’ai bien suivi les débats, nous examinons actuellement l’article 1er, qui crée une commission. Que nous soyons favorables ou opposés à cette mesure, la force du Parlement est de pouvoir en discuter avant de trancher le débat par un vote. Celui-ci nous étant refusé, nous avons poursuivi l’examen de l’article et sommes arrivés à l’amendement no 4433 de Mme Carrey-Conte, qui vise à rédiger ainsi l’alinéa 2 de l’article 1er : « Cette refondation s’attache à renforcer le dialogue social, tout en respectant les fonctions de la loi et en consacrant le principe de faveur, à rendre le code du travail plus lisible et plus accessible, à mettre en place pour les salariés de nouvelles protections face aux mutations du travail au XXIème siècle. » Or, depuis vingt minutes, notre débat porte sur tout autre chose que cet amendement, à savoir non pas sur l’article 1er mais sur l’article 2. Nous dérivons en affichant des positions qui n’ont rien à voir ni avec l’article 1er ni avec l’amendement de Mme Carrey-Conte.

Certes, je ne soutiens pas cet amendement, mais Mme Carrey-Conte doit, au moins, pouvoir s’exprimer sur celui-ci et nous, nous devons pouvoir en discuter. Tel n’est pas le cas et je le regrette. C’est pourquoi je demande une suspension de séance d’un quart d’heure, afin de permettre à chacun de reprendre ses esprits pour examiner comme il convient l’article 1er avant de voter sur celui-ci.

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La suspension est de droit, même si je le regrette.

La séance, suspendue à dix-huit heures quarante, est reprise à dix-neuf heures.

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La séance est reprise.

La parole est à Mme Isabelle Le Callennec.

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Les suspensions de séance sont de droit. Elles durent même le temps que nous souhaitons : c’est formidable !

« Eh oui ! » sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

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La réserve des votes est également de droit. Mais à ce stade de nos débats, permettez-moi, madame la ministre, de vous poser une question innocente : quelle est la raison exacte de la réserve ?

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Le Gouvernement interdit tout simplement aux députés de voter maintenant sur les amendements qui viennent d’être défendus.

Question subsidiaire : qu’est-ce qui serait susceptible de lever cette réserve ?

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Si vous vous comptiez, vous sauriez s’il vous est possible de lever la réserve, puisqu’il s’agit manifestement d’un problème arithmétique.

Certes, nous débattons, mais je crois que nous nous sommes déjà tout dit sur ce sujet.

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Malgré vos arguments, madame la ministre, vous n’arrivez pas à convaincre, y compris votre propre majorité.

Du reste, cela n’est pas étonnant : s’il existe tant de différends entre vous, c’est que le Président de la République n’a pas été élu sur les positions que vous êtes en train de défendre.

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Il serait donc utile que le Président de la République lui-même se manifeste…

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…parce qu’il a rompu le contrat avec les Français. C’est la raison pour laquelle nous n’avançons pas.

À ce stade – et je vous pose à nouveau la question –, pouvez-vous nous dire une bonne fois pour toutes, compte tenu de la manière dont les débats se sont engagés – nous venons seulement de débuter l’examen des amendements à l’article 1er – si oui ou non le Gouvernement et le Président de la République ont l’intention de passer en force ?

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On voudrait connaître la réponse, en effet !

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Je veux en revenir à l’amendement de Mme Carrey-Conte. Comme le disait Jean-Marc Germain, il s’agit d’une question de fond : accepte-t-on que le contrat puisse déroger au principe de faveur ou non ?

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Bien sûr, et c’est même la seule question !

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Si l’article 1er n’est pas supprimé – c’est l’objet des amendements que nous avons examinés et sur lesquels il ne nous a pas été loisible de voter –, c’est la question qu’il faudra se poser à l’avenir – et qui se posera d’ailleurs dès l’article 2.

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Au groupe UDI, nous ne sommes pas des ayatollahs de l’accord d’entreprise par rapport aux accords de branche ou aux accords inter-entreprises. Nous pensons cependant que l’accord de branche doit être un régulateur s’agissant de la concurrence entre entreprises appartenant à une même branche. Cela nous paraît indispensable si l’on ne veut pas que cela soit la jungle.

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Si l’entreprise peut déroger comme elle le veut, il en résultera de la concurrence déloyale, du dumping social, voire des dispositions contraires aux règles déontologiques de la branche.

Pour ce qui nous concerne, au groupe UDI, nous sommes très pragmatiques. Nous pensons que les accords de branche peuvent déroger dans certains cas, sans tenir compte du principe de faveur et donc de manière plus défavorable, lorsque la branche en a besoin et qu’elle est en difficulté.

Je suis un élu du Roubaisis, haut lieu de l’industrie textile il y a vingt ans. Aujourd’hui, le secteur de l’industrie du textile a disparu pour avoir refusé de s’adapter à l’environnement, à la mondialisation et à la modernisation. Dans le Roubaisis, il n’y a quasiment plus de textile, excepté un peu de textile technique, et encore. Tout est parti au Pakistan, en Chine ou ailleurs.

Si cette industrie avait pu s’adapter aux règles internationales, en s’affranchissant d’un certain nombre de règles supérieures, peut-être existerait-elle encore aujourd’hui. En tout état de cause, plusieurs dizaines de milliers d’emplois ont disparu pour les raisons que je viens d’évoquer.

Il est important que la branche puisse s’affranchir d’un certain nombre de règles. En revanche, l’entreprise doit-elle pouvoir s’affranchir de la branche ? Peut-être, dans certains domaines, mais encore faut-il que la branche se positionne : une dérogation au principe de faveur par l’entreprise peut être envisagée lorsque la branche l’autorise, sur tel ou tel sujet. Il faut réguler la dérogation et ne pas en faire ni un principe dogmatique ni un principe automatique. Le pragmatisme doit prévaloir.

J’ai également demandé la parole car le propos de Mme Iborra m’a quelque peu interpellé. Il y a quelque temps, j’avais présenté un amendement qui allait dans ce sens au moment de l’examen de la loi Macron et j’avais reçu une volée de bois vert de la gauche de l’hémicycle. J’ai vraiment l’impression que nous sommes aujourd’hui à front renversé ! Ceux qui contestaient il y a peu ma proposition en sont aujourd’hui les plus ardents défenseurs. Cela me fait plaisir de constater que certains ont réfléchi depuis.

Sourires.

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Sans la réserve des votes, nous aurions bien entendu voté l’amendement de Mme Carrey-Conte relatif au principe de faveur lequel, je le rappelle, a été obtenu le 24 juin 1936 dans les accords Matignon sous la présidence du Conseil de Léon Blum. Ce rappel historique nous interpelle, pour le moins.

Mme Iborra a tenu des propos qui nous caricaturent. Nous sommes, chère collègue, pour la liberté d’entreprendre, pour la propriété privée : c’est dans la Constitution ! Alors je vous en prie, ne nous présentez pas comme des ultras qui veulent tout nationaliser, tout bureaucratiser, et développer une économie administrée. C’est de la caricature ! On n’en est plus là, même à Cuba.

Sourires.

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Nous connaissons les difficultés rencontrées par les TPE et les PME et nous savons que les petits patrons qui mènent admirablement leur entreprise ont des problèmes de trésorerie. Nous le savons, mais aujourd’hui, les carnets de commandes sont vides, madame Iborra. Pourquoi ? Parce que ces entreprises sont cannibalisées par les grands groupes. Un exemple : celui du secteur des travaux publics où les grands groupes capitalistes cannibalisent complètement les marchés et mettent ces entreprises petites et moyennes en difficulté.

J’ai dit que nous étions pour la propriété privée, mais au-dessus, nous mettons la défense des droits des salariés – c’est une règle à laquelle nous sommes très attachés – et l’universalité des droits des salariés. Nous ne voulons pas d’un code du travail déstructuré, dont le pilier central serait brisé, ce qui mettrait les salariés en difficulté.

Je tenais à faire cette mise au point. Nous n’avons pas à être caricaturés ainsi, nous sommes des gens réalistes. Parmi nous, il y a des maires – j’en fais partie –, et nous rencontrons tous les jours des chefs d’entreprise en difficulté qui viennent nous voir. Je puis vous assurer que nous faisons en sorte qu’ils puissent s’en sortir et aider leurs salariés.

Mais aujourd’hui, il faut absolument que les droits des salariés soient préservés dans les TPE et étendus.

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Pourquoi ne dites-vous pas qu’un mandatement est prévu ?

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À ce stade des débats, je voudrais, madame la ministre, m’adresser, à travers vous, au Gouvernement. Depuis quelques heures, nous vivons un contresens absolu. Je suis sûr que vous en prenez parfaitement la mesure, vous qui, le 1er mai, jour de la fête des travailleurs, disiez : « l’heure du Parlement est venue. Le débat sur le projet de loi Travail doit commencer ».

Pour beaucoup d’entre nous qui, c’est vrai, avions souhaité que, dans une première étape, ce texte soit retiré, afin qu’il soit remis à plat et réécrit, le temps du débat au Parlement était en effet venu.

Comme beaucoup de mes collègues, sur tous les bancs, notamment sur les bancs du groupe majoritaire, je suis extrêmement surpris de la façon dont vous utilisez des outils qui sont, il est vrai, prévus dans le règlement et la Constitution. Certes, il y a aussi la procédure parlementaire, mais il y a aussi les messages qui sortent de cet hémicycle et qui montent vers les citoyens.

Or le message envoyé est que le Gouvernement se réfugie derrière la procédure pour qu’il ne soit pas procédé à des votes démocratiques sur l’article 1er.

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Après tout, s’il n’y a pas de majorité au sein de l’Assemblée nationale sur l’article 1er, que cela soit vérifié. Mais n’utilisez pas de moyens dilatoires – à ce stade ou à un autre.

À un moment où le mot de « compromis » revient à tous les instants, et alors que, à l’article 1er comme à l’article 2, c’est des fondements de la démocratie sociale qu’il est question, vous devriez, à tout le moins, respecter la démocratie parlementaire.

Applaudissements sur certains bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

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Myriam El Khomri, ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social

La réserve des votes, madame Le Callennec, est une procédure prévue par le règlement et elle n’empêche pas le débat.

Exclamations sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et sur certains bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.

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Chers collègues, tout le monde s’est exprimé dans le calme. Veuillez écouter Mme la ministre.

Debut de section - Permalien
Myriam El Khomri, ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social

Vous ne pouvez pas dire que le Gouvernement reporte le moment du vote.

Debut de section - Permalien
Myriam El Khomri, ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social

Lors de précédente législature, vous avez à vingt reprises recouru à cet article du règlement de l’Assemblée nationale…

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Et alors ? Vous n’êtes pas obligée de faire pareil !

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Et alors ? Vous n’êtes pas obligée de faire pareil !

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Myriam El Khomri, ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social

…et quinze fois s’agissant de propositions de loi présentées par l’opposition. Vous l’avez même utilisé concernant le découpage des circonscriptions législatives, sujet hautement important s’il en est.

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Nous nous étions certainement exprimés sur le sujet à l’époque !

Debut de section - Permalien
Myriam El Khomri, ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social

Le débat a lieu dans l’hémicycle comme il a eu lieu en commission des affaires sociales où près de 23 % des amendements de la commission des affaires sociales ont été adoptés…

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On ne peut pas en dire autant des amendements des Républicains !

Debut de section - Permalien
Myriam El Khomri, ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social

…et ce débat va se poursuivre.

Pour ce qui concerne les interventions relatives au principe de faveur, je veux répondre précisément à vos interrogations, notamment à Mme Carrey-Conte, à MM. Germain, Paul et Vercamer.

L’objectif du principe de faveur est de faire en sorte que les salariés retirent le maximum de bénéfices des conventions collectives et des contrats de travail.

Debut de section - Permalien
Myriam El Khomri, ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social

Historiquement, les accords d’entreprise devaient forcément faire mieux que les accords de branche, lesquels devaient faire mieux que les dispositions de la loi. Ce système protège-t-il aujourd’hui suffisamment les salariés ? La réponse est non…

Exclamations sur certains bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

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Myriam El Khomri, ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social

…au regard de la précarité, des contrats courts, du chômage qui caractérisent actuellement le monde du travail.

Il est donc essentiel de réformer ce système pour améliorer le sort des salariés.

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Myriam El Khomri, ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social

Ne me faites pas dire ce que je n’ai pas dit : jamais je n’opposerai le droit du travail au droit au travail. Je n’ai jamais dit qu’en baissant les protections des salariés, on résoudrait la question du chômage. Jamais je n’ai employé de tels arguments.

Exclamations sur certains bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

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Myriam El Khomri, ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social

La question est aujourd’hui de définir des règles adaptées à la réalité des entreprises tout en garantissant les intérêts des salariés.

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Myriam El Khomri, ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social

À cet égard, nous considérons que la voie de la négociation collective et celle du renforcement des syndicats permettent de garantir les droits des salariés. Telle est la réalité et c’est ce que nous essayons de mettre en valeur dans le cadre de ce projet de loi. Lorsque les syndicats sont influents dans les entreprises – et c’est le cas lorsque l’on augmente de 20 % les heures de délégation syndicale, lorsque l’on améliore la formation des acteurs de la négociation, que l’on en appelle à la loyauté de la négociation et en mettant en place des accords de méthode – et qu’ils ont un intérêt à négocier, les salariés obtiennent des droits par leurs représentants qui sont les syndicats.

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Myriam El Khomri, ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social

Mais cela suppose un préalable, à savoir la transparence, la loyauté de la négociation, des moyens pour les organisations syndicales, de la formation.

Lorsque le champ de la négociation est étroit, soit parce que la loi ne lui fait pas suffisamment de place, soit parce que tout est verrouillé au niveau de la branche, son contenu est faible et l’on ne traite pas les vraies questions – c’est pour ces raisons que nous souhaitons élargir ce champ.

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Myriam El Khomri, ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social

La situation actuelle témoigne d’ailleurs de la défiance qui s’est développée entre les organisations syndicales et les salariés, ces derniers n’ayant pas le sentiment que les syndicats s’occupent de leur quotidien. Pour retrouver la confiance des salariés, il importe que les syndicats négocient sur les sujets les plus importants, notamment l’organisation du travail.

Il est vrai que, à la suite du rapport de Jean-Denis Combrexelle, nous avons commencé à nous pencher sur la partie relative à la durée du travail – c’est-à-dire le quotidien des salariés. Ce rapport, remis à l’automne dernier, faisait valoir qu’il faudrait quatre ans pour réécrire le code du travail. C’est pourquoi nous avons prévu d’instaurer cette commission de refondation du code du travail.

Nous devons donner de l’autonomie à la négociation d’entreprise, y compris par rapport à d’autres niveaux que celui de la branche.

L’accord de branche conserve une place prééminente dans quatre domaines : les salaires minima, la classification, la prévoyance collective et la mutualisation des fonds de la formation professionnelle. Or, nous ne touchons en rien à aucun de ces quatre domaines, qui sont également essentiels pour réguler la concurrence.

Pour ce qui est du renforcement de l’accord d’entreprise, les lois Auroux, en même temps qu’elles ont inscrit dans la loi le principe de faveur, ont également apporté les premiers aménagements en matière de temps de travail, qui étaient pour l’époque une évolution très importante, permettant aux branches de fixer un contingent d’heures supplémentaires différent de celui qui était fixé dans le décret – autrement dit, de permettre aux entreprises de mobiliser plus facilement les heures supplémentaires au-delà de la durée légale de 39 heures.

L’ordonnance de 1982 donnait aussi la possibilité, pour un accord d’entreprise ou un accord de branche, de déroger à la durée quotidienne, dans la limite de 12 heures, sans passer par une autorisation de l’inspection du travail. Elle créait aussi, pour la première fois, un régime de modulation du temps de travail conditionnée à la fois à un accord d’entreprise ou à un accord de branche qui permettait aux entreprises…

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Myriam El Khomri, ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social

C’est important, l’histoire !

Ce régime, disais-je, permettait aux entreprises une organisation du temps de travail avec des périodes hautes et des basses. Dans ce cadre, la durée effective pour le calcul des heures supplémentaires était calculée sur la moyenne de la période. L’accord pouvait donc déroger au mode de décompte des heures de travail défini par la loi.

J’émettrai à ce propos deux remarques. La première est que la philosophie est fondamentalement la même aujourd’hui. Jean Auroux avait compris que, pour les sujets touchant au quotidien de l’entreprise et pour la question de savoir ce qui est favorable et moins favorable, la réponse n’est pas binaire.

Augmenter le contingent des heures supplémentaires peut être perçu comme moins favorable pour une partie des salariés, ceux qui préfèrent des horaires fixes, mais cela peut aussi être perçu comme beaucoup plus favorable pour ceux qui y voient une source de pouvoir d’achat supplémentaire…

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Pourquoi ne pas augmenter les salaires, dans ce cas ?

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Myriam El Khomri, ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social

…et qui profitent des repos compensateurs pour leurs activités personnelles.

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Myriam El Khomri, ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social

La question n’est donc pas de savoir si l’accord est plus ou moins favorable, mais de donner des marges aux syndicats et aux entreprises pour négocier de bons accords.

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Myriam El Khomri, ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social

La deuxième remarque est que, si les lois Auroux ont représenté un pas considérable pour renforcer les droits des salariés et des syndicats dans les entreprises, il est clair qu’à cette époque, les accords étaient conclus avec des garanties bien moindres que celles que nous proposons.

À l’époque, en effet, comme vous vous en souvenez, la représentativité syndicale n’avait pas été réformée, ou très peu, depuis l’arrêté de 1966, de telle sorte que n’importe quel représentant d’un syndicat, pourvu qu’il fût affilié à l’une des cinq grandes organisations et confédérations historiques, pouvait s’installer dans une entreprise et signer un accord avec l’employeur. La logique majoritaire qu’il est proposé d’appliquer à la conclusion des accords n’existait pas non plus et le représentant syndical pouvait ainsi signer seul. Il existait donc assez peu de garde-fous pour s’opposer à un tel accord.

Si je reviens sur tous ces éléments, c’est parce qu’il faut prendre la mesure des choses. Le refus qui s’exprime aujourd’hui sur ce projet de loi aurait également conduit, à l’époque, à rejeter en bloc les lois Auroux.

Exclamations sur certains bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen, sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et sur les bancs du groupe Les Républicains.

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Myriam El Khomri, ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social

Le front syndical présente d’ailleurs une sorte de cohérence. De fait, s’il se manifeste une divergence sur ces sujets, je rappelle que nos propositions sont soutenues aussi par une grande majorité de syndicats, qui représentent la grande majorité des salariés,

Mêmes mouvements

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Myriam El Khomri, ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social

et qu’à l’époque, André Bergeron lui-même, secrétaire confédéral de Force ouvrière, critiquait les lois Auroux.

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Arrêtez d’invoquer tous ces grands noms : ces personnes méritent le respect !

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Vous voulez décidément passer dans l’histoire !

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Myriam El Khomri, ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social

Il est donc essentiel que nous ayons en mémoire tous ces aspects.

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Myriam El Khomri, ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social

Vous nous dites encore que le contexte a changé et qu’avec la crise et les difficultés, les syndicats sont affaiblis et risqueraient de signer le couteau sur la tempe.

Sourires.

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Myriam El Khomri, ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social

N’avons-nous pas entendu les mêmes critiques lors de l’examen de la loi de sécurisation de l’emploi, dont vous étiez rapporteur, monsieur Germain ? On a pu dire, dans le débat parlementaire – je l’ai lu –, que l’ensemble des syndicats allaient signer des accords au rabais. Or, sur le terrain, on constate que les accords sur les plans de sauvegarde de l’emploi sont très largement signés, y compris par des organisations syndicales qui se prévalent d’une ligne dure et qui s’élèvent aujourd’hui contre ce texte.

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Myriam El Khomri, ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social

Enfin, alors que de nombreuses déclarations laissent penser que le projet de loi proposerait l’unilatéral de l’employeur, je tiens à souligner que nous faisons un pas avec le principe majoritaire – dont la recherche figurait du reste dans la position commune de certaines organisations syndicales en 2008. Ce principe est un véritable verrou, une vraie garantie, et c’est précisément pour cette raison que nous l’instaurons. N’oublions pas, tout de même, qu’on peut aujourd’hui moduler le temps de travail par un accord à 30 % ! Notre proposition d’adopter le principe majoritaire est donc un pas important.

Nous n’envisageons d’élargir l’objet de la négociation qu’avec le principe majoritaire. Jamais en effet le Gouvernement ne proposerait de le faire autrement. La différence est donc que nous faisons confiance aux organisations syndicales, car nous sommes convaincus que c’est par le dialogue que les salariés sont le mieux protégés.

J’assume donc tout, y compris le fait de questionner le principe de faveur – mais, pour moi, être de gauche, c’est précisément chercher à transformer réellement les rapports sociaux.

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Remarquable exposé historique ! Vivent les conseillers techniques !

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Madame la ministre, vous nous expliquez, pour justifier la réserve des votes, que la droite y a recouru une vingtaine de fois. Or, nous pensions précisément pouvoir attendre d’un gouvernement de gauche qu’il ne fasse pas ce que fait un gouvernement de droite.

Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine. – « Exactement ! » sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains.

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Vous nous dites que le débat se poursuit mais, lorsqu’on construit la loi, il faut qu’il soit tranché et que des majorités se dégagent article après article, amendement après amendement. Or, nous débattons sans trancher et nous ne construisons pas, puisque nous n’actons pas d’articles ou d’amendements. Ce débat n’a donc pas de débouché. C’est une forme de procédure sans aucun intérêt au regard de ce que nos concitoyens attendent de notre travail.

Vous évoquez ensuite l’autonomie pour le code du travail. Mais qu’est-ce que cela signifie pour les autres codes, comme ceux de l’éducation ou de la santé ? L’autonomie serait donc valable pour les entreprises, mais pas pour le reste ? Vous allez, en fait, instaurer du dumping social.

Enfin, selon vous, les salariés pourraient voir augmenter leur pouvoir d’achat grâce aux heures supplémentaires. Or, ils doivent tout simplement pouvoir espérer qu’il augmentera par une augmentation des salaires et que leur temps de travail se réduira, en raison du progrès technologique et des progrès de la productivité. Ça, c’est un discours de gauche. Je croyais que le « travailler plus pour gagner plus », c’était fini !

Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine et du groupe écologiste.

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Les heures supplémentaires défiscalisées, ce n’était pas mauvais pour le pouvoir d’achat !

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Madame la ministre, il est une partie de vos propos à laquelle je ne puis que souscrire.

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Bien sûr ! Mais ça, nous le savions déjà !

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C’est notamment le cas de la dernière partie de votre exposé – où il était question, du reste, de tout autre chose que de l’amendement dont nous débattons –, dans laquelle vous présentiez l’accord majoritaire comme une garantie. Si donc nous votons sur ce texte au Parlement, nous aurons bien la garantie d’un accord majoritaire qui validera une décision. Je vous demande donc, madame la ministre, que nous le votions.

Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains. – Sourires sur divers bancs.

Le vote sur l’amendement est réservé.

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Je suis saisi de deux amendements, nos 1392 et 4604 , pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. Jean-Marc Germain, pour soutenir l’amendement no 1392 .

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Je ne vois pas comment pourra aboutir l’examen de ce projet de loi.

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Par quelle méthode tranchera-t-on ? Faute de négociation sociale, on ne pourra pas s’appuyer sur un accord entre patronat et syndicats. Trois organisations syndicales, représentant plus de la moitié des salariés, sont opposées à ce projet de loi – l’une de ces organisations l’a exprimé d’une manière plus pudique, mais non moins ferme. On nous dénie le droit de voter. Quant aux Français, lorsqu’ils sont interrogés, ils sont opposés à ce texte.

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Je ne vois donc vraiment pas quelle méthode permettra de trancher ces débats, dans lesquels les désaccords sont profonds.

Or, madame la ministre, les choses avancent. Vous venez en effet de déclarer que vous n’étiez finalement pas opposée à ce que soient signés des accords d’entreprise moins favorables pour les salariés – c’est le sens de votre refus de l’amendement de Mme Carrey-Conte.

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S’il est une raison pour laquelle on pourrait accepter cette idée, qui mérite tout de même débat, ce serait au nom de l’emploi. On pourrait en effet imaginer qu’il faille réduire la rémunération et les heures supplémentaires, et faciliter les licenciements, au motif que cela favoriserait l’embauche. Ce serait là un débat tout à fait noble, mais vous avez écarté cette hypothèse et Mme Iborra, responsable pour notre groupe, vient elle aussi de l’écarter oralement.

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Si donc il ne s’agit pas de l’emploi, pourquoi les hommes et femmes de gauche que nous sommes – on pourrait associer aussi à cette position de nombreux collègues de droite – accepteraient-ils que des accords d’entreprise soient moins favorables pour les salariés ? De fait, si ce n’est pas au nom de l’emploi, je ne comprends pas. Aucune étude n’a en effet démontré le moindre lien entre la protection du travail et l’emploi.

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Je suis donc opposé à ce que des accords d’entreprise soient globalement moins favorables pour les salariés. Il ne s’agit pas de refuser les négociations d’entreprise – nous y sommes tous favorables, comme vous l’avez du reste vous-même rappelé.

Je souhaiterais par ailleurs que l’on s’abstienne de revendiquer l’héritage des lois de Jean Auroux, de Léon Blum ou de Martine Aubry lorsqu’on fait le contraire de ce à quoi ils croient ou croyaient et sur quoi ils se sont exprimés publiquement.

Applaudissements sur certains bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

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Nos débats n’en sont pas moins éminemment respectables. Je souhaite donc que nous puissions les poursuivre et les trancher.

Il convient de répondre à une question importante posée par deux de nos collègues. Tout d’abord, il me semble que, si l’article 44, alinéa 3, de la Constitution permet effectivement la réserve des votes, le Gouvernement doit toutefois indiquer sur quels amendements porte cette réserve – en l’espèce, est-ce sur l’article 1er, sur les articles 1er et 2 ou encore sur les trente premiers articles du texte ? La réserve, qui porte sur tout ou partie de la loi, doit avoir un contour précis.

Ensuite, quelle en est la raison ? Nous sommes en effet très nombreux à gauche pour voter ce texte – j’ai même cru comprendre que ceux qui y étaient opposés étaient ultra-minoritaires. Les choses devraient donc pouvoir avancer.

Quant à mon amendement, que j’ai déjà défendu à l’occasion de l’examen de celui de Mme Carrey-Conte, dont il est très proche, il est très simple : il a pour objet d’accepter la négociation d’entreprise et la réécriture du code du travail, sous réserve de l’adoption d’un simple principe : les accords de branche doivent être plus favorables que les dispositions légales ou supplétives et les accords d’entreprise doivent être plus favorables que les accords de branche.

Applaudissements sur certains bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

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La parole est à M. Benoît Hamon, pour soutenir l’amendement no 4604 .

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Cet amendement vise à réinscrire le principe de faveur à l’article 1er – sur lequel nous aurons l’occasion de discuter à nouveau abondamment lors de l’examen de l’article 2.

Je tiens cependant à réagir sur quelques points de l’argumentation de Mme la ministre.

Je propose tout d’abord d’éviter les comparaisons avec les lois Auroux ou les lois Aubry. On pourrait en effet vous rétorquer, madame la ministre, que même si les lois Auroux n’ont pas créé immédiatement de consensus syndical, elles n’ont pas non plus fait descendre dans la rue des centaines de milliers de manifestants, dont l’intégralité ont vraisemblablement voté, au second tour de l’élection présidentielle, pour l’actuel Président de la République.

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Les lois Aubry ont en effet promu la négociation sociale – j’en ai, avec Jean-Marc Germain et quelques autres, quelque souvenir, car nous étions alors au cabinet de Martine Aubry. Cependant, dans les lois Aubry 1 et Aubry 2 – négociation d’abord et généralisation ensuite –, le principe de faveur prévoyait – et cela n’a jamais été remis en cause – que tout accord d’entreprise devait être, dans tous les cas, plus favorable que la loi.

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C’est de cela que nous parlons.

Pour ma part, je suis favorable aux accords d’entreprise dès lors qu’ils ne débouchent pas sur des conditions de travail plus défavorables aux salariés qu’elles ne l’étaient auparavant. C’est aussi simple que cela.

Vous savez aussi bien que moi, madame la ministre, ce que nous allons devoir assumer – hélas ! Même si les accords majoritaires sont un progrès de cette loi, que je salue,…

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…nous savons qu’en raison du climat social et de la crise économique, des accords seront signés entreprise par entreprise, dans lesquels l’heure supplémentaire, jusqu’ici majorée de 25 %, ne sera plus majorée que de 10 %. Ainsi, une heure rémunérée à 10 euros ne sera plus payée que 11 euros en heure supplémentaire contre 12,50 euros auparavant.

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J’ai écouté votre argumentation, qui était assez forte : contrairement à ce que vous dites, il y a bien, sur le plan philosophique, une rupture dans ce que vous proposez avec ce qui existait auparavant ; le Premier ministre lui-même le reconnaît.

Selon vous, les salariés d’une entreprise peuvent faire le choix d’augmenter la durée du travail et de s’organiser différemment. M. Woerth ne se serait pas exprimé autrement lors du vote de la loi en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat, dite « loi TEPA ».

Je vous pose donc la question : cela a-t-il été une erreur du quinquennat que de supprimer la défiscalisation des heures supplémentaires ?

« Oui ! » sur les bancs du groupe Les Républicains.

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Nous sommes-nous trompés en faisant le choix, au nom de l’emploi, de remettre en cause la défiscalisation des heures supplémentaires ?

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Elle avait au moins le mérite pour le salarié de se traduire par plus de pouvoir d’achat ; nous l’avons constaté dans nos territoires.

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Plus personne ne conteste que la présente loi aura pour conséquence que les entreprises négocieront des accords dans lesquels les heures supplémentaires seront moins bien payées qu’avant – et en plus, elles ne sont plus défiscalisées. C’est « perdant-perdant ».

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Il ne fallait pas supprimer la défiscalisation !

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Aucun d’entre nous n’a jamais affirmé à la tribune que l’augmentation du temps de travail et le recours plus facile aux heures supplémentaires se traduiraient par plus d’emplois – pas un seul d’entre nous. Le Gouvernement a-t-il donc changé d’avis sur ce point ?

Je souhaite savoir si le Gouvernement pense que l’allongement du temps de travail et le fait que les salariés travaillent plus…

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…en étant payés moins créeront un seul emploi ?

Applaudissements sur certains bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.

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Quel est l’avis de la commission sur ces amendements en discussion commune ?

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Tout se passe comme si la hiérarchie des normes et le principe de faveur protégeaient de tout.

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Permettez ! La réalité est tout autre, pour une raison aujourd’hui essentielle, qu’il nous faudra d’ailleurs analyser et traduire en choix politiques : il y a, dans notre pays, un développement de l’individualisation de la relation au travail.

Par conséquent, penser que nous aurions, par la loi, suffisamment de force pour encadrer des réactions individuelles dans la relation à l’entreprise me paraît être une illusion, même si la loi doit continuer à définir les barrières infranchissables.

Je cite régulièrement ce chiffre : il y a, chaque mois, 25 000 ruptures conventionnelles. Les partenaires sociaux, qui ont validé la rupture conventionnelle, n’imaginaient pas que les salariés utiliseraient cet outil pour réguler leurs relations avec l’entreprise.

Mes chers collègues, je vous le dis avec force, je partage l’idée que la loi doit préserver des principes auxquels il ne faut pas déroger. Si, dans les années 1980, nous disposions d’outils permettant d’encadrer l’ensemble de la relation à l’entreprise, nous ne pouvons plus ignorer que cette relation à l’entreprise a changé, à moins d’oublier l’objectif qui nous rassemble – conserver et protéger nos salariés.

Sur la question des heures supplémentaires, on a l’impression que c’est ce projet de loi qui permet de baisser à 10 % la majoration de la rémunération des heures supplémentaires : or cela existe déjà !

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D’accord, mais vous ne pouvez pas, dans votre argumentation, affirmer que l’on ne peut pas obtenir un tel accord puisque cela existe – dans une seule branche professionnelle, certes, mais cela existe ! Cela veut bien dire que…

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Jusqu’à preuve du contraire, j’ai écouté tout le monde : j’aimerais bien pouvoir à mon tour développer mon argumentation, même si j’entends les éléments avancés par les uns et par les autres.

Si nous partageons le même constat, je ne comprends pas que vous vouliez nous proposer des outils qui ne sont plus adaptés à la réalité du monde du travail. Voilà le problème de fond ! Il ne s’agit pas de s’envoyer des reproches à la figure sur le thème : « Qui est le plus ou le moins protecteur ? », mais de comprendre que le monde du travail a changé. Si vous n’intégrez pas cet élément, si vous ne trouvez pas les outils permettant de réguler, alors vous vous heurterez à un problème.

Aujourd’hui, notre débat doit porter sur ce que nous laissons à l’accord d’entreprise. Certains de nos collègues ont proposé une option au cours de nos échanges : il faut favoriser les accords d’entreprise tout en excluant certains éléments du champ de ces accords. On peut imaginer, par exemple, d’en exclure les heures supplémentaires – cela peut être une proposition.

Le problème est que, si vous sortez des éléments de la négociation, alors celle-ci se concentrera sur quelques sujets, qui ne sont pas forcément ceux attendus par les salariés et par les travailleurs de ce pays.

J’en reviens à la question des heures supplémentaires – sans m’attarder sur la défiscalisation, car je pense que nous avons bien fait ; je n’ai pas d’états d’âme sur ce sujet !

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Quand un pays a un tel nombre de demandeurs d’emploi, il n’est pas logique que la solidarité nationale, même s’il s’agit de pouvoir d’achat pour les salariés, vienne réguler un outil qui n’en avait pas besoin. Je partage donc votre avis, cher collègue Benoît Hamon.

Cela étant, la problématique posée par un accord d’entreprise est la suivante : pourquoi accepter que les heures supplémentaires soient majorées de 10 % plutôt que de 25 % ? Peut-être parce que sont intégrés dans l’accord d’autres éléments touchant également au pouvoir d’achat, tels que la prise en compte des frais de déplacement,…

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Permettez ! Cela peut être également la prise en compte des gardes d’enfant. Ce sont des éléments que les organisations syndicales peuvent vouloir réguler dans un accord d’entreprise : elles peuvent ainsi accepter une majoration des heures supplémentaires de seulement 15 % en contrepartie d’une meilleure prise en charge d’autres éléments relatifs au pouvoir d’achat. Il est donc nécessaire de donner du grain à moudre dans les accords d’entreprise si l’on veut qu’ils existent.

On peut acter des désaccords sur le fond : cela n’est pas interdit.

Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains et du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

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Chers collègues, tôt ou tard, il y aura un vote, alors arrêtons sur ce sujet !

Mêmes mouvements.

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Pour en revenir à votre démonstration, la question est de savoir si le fait de privilégier l’accord d’entreprise serait forcément plus défavorable aux salariés ou aux travailleurs : c’est cela, le sujet de fond.

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Ce n’est pas forcément défavorable, mais ça pourrait l’être !

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Merci de le dire : ce n’est pas forcément défavorable, mais ça pourrait l’être. Dès lors, quel outil de régulation prévoit-on ?

À vous entendre, j’ai le sentiment que les accords d’entreprise seront généralisés – point final. Or je vous rappelle qu’un accord d’entreprise, pour exister, doit d’abord être validé par des organisations syndicales représentant plus de 50 % des suffrages exprimés lors des élections professionnelles. S’il n’y a pas cela, il n’y a pas d’accord d’entreprise.

À ceux qui m’expliquent, comme Mme Attard, que nous aurions autant de codes du travail que d’entreprises, je réponds que la réalité est qu’il y a un accord ou qu’il n’y a pas d’accord ; et que s’il n’y a pas d’accord, il n’y a pas de modulation possible.

Vous semblez considérer que le rôle que nous donnons aux partenaires sociaux et aux organisations syndicales est suspect et que nous pensons par principe que, parce qu’ils représentent 50 %, ils iraient jusqu’à accepter des choses inacceptables. Il faut revenir à la réalité !

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Par ailleurs, la question du référendum est posée dans le cas où l’on est en dessous de 50 %. Contrairement à ce que j’ai pu entendre, il n’y a pas de référendum si l’accord est validé majoritairement. Si l’accord n’est pas validé majoritairement, il y a une possibilité de référendum, mais seulement sur une initiative des organisations syndicales, et à condition qu’elles aient recueilli au moins 30 % des suffrages exprimés lors des élections professionnelles.

Aujourd’hui, certains accords sont validés par des organisations représentant 30 % ; nous ajoutons le principe du référendum, qui permet aux salariés – ou aux travailleurs de l’entreprise, pour ne pas s’en tenir au seul salariat – de valider, ou pas, ce qui leur est proposé.

Certains voudraient laisser penser que nous chercherions, par principe, à obtenir un volume extraordinaire d’accords d’entreprise, lesquels seraient tous forcément défavorables aux salariés. La réalité est tout autre.

Le fond du sujet est là : la négociation collective a-t-elle du sens ? Fait-on confiance aux partenaires sociaux ? C’est ce que nous faisons puisque nous renforçons leurs moyens : le texte prévoit d’augmenter de 20 % les heures de délégation à la disposition des organisations syndicales. Nous montrons ainsi que nous avons compris qu’un bon accord suppose que les acteurs de cet accord disposent du maximum de forces, de capacités et de moyens possibles.

J’entends qu’il y a des risques – je l’ai même écrit. Personne de bonne foi ne peut nier qu’il existe des risques dès lors qu’il y a plus d’accords d’entreprise. La question est donc de savoir, une fois le principe de l’accord d’entreprise reconnu, comment réguler le risque.

Je vous renvoie aux amendements que j’ai déposés et à d’autres que je suggère, dont l’objet est de dire : « Oui aux accords d’entreprise », mais également : « Oui aux outils de régulation » : c’est tout l’enjeu du débat d’aujourd’hui.

La vision négative que d’aucuns ont de la négociation collective me semble contradictoire avec la réalité et avec ce qu’attendent les salariés dans les entreprises : ils le démontrent eux-mêmes par les outils qu’ils utilisent.

Applaudissements sur certains bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.

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Quel est l’avis du Gouvernement sur ces amendements en discussion commune ?

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Myriam El Khomri, ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social

Monsieur Hamon, vous m’avez interrogée sur la suppression de la défiscalisation des heures supplémentaires. Je n’étais pas membre du Gouvernement à ce moment-là, contrairement à vous ; mais, selon moi, cela a été une bonne décision, monsieur le député !

Par ailleurs, pour être bien claire sur le contingent des heures supplémentaires, j’ai demandé tout à l’heure qui pouvait dire si cela était favorable ou défavorable aux salariés. Pour ma part, je ne connais que les accords signés ou pas signés.

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Myriam El Khomri, ministre du travail, de l’emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social

Je considère, à l’instar de l’excellent rapporteur Christophe Sirugue, que c’est aux représentants, aux syndicats, de déterminer ce qui est favorable.

La logique de l’accord majoritaire ne vaut que si l’on élargit l’objet de la négociation. De nombreux écrits sur le dialogue social l’ont montré : dans le formalisme, il y a beaucoup de négociations, mais on ne négocie pas les choses les plus importantes. Plus on élargit, plus on a la capacité de trouver des compromis.

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Dix députés ont demandé la parole. Pour permettre à chacun de s’exprimer convenablement, je donnerai la parole à tous ceux qui se sont inscrits, en leur demandant de respecter les deux minutes que le règlement fixe et que nous nous devons de respecter.

La parole est à M. Pascal Thévenot.

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Je pourrais presque être d’accord avec la ministre ou le rapporteur sur certains points – en dehors peut-être du mandatement.

Nous passons du temps à discuter de l’article 2 plutôt que de l’article 1er, et surtout de ce qui est favorable aux salariés. Or cette notion est subjective et dépend de chacun.

Comment pouvez-vous imaginer qu’un accord signé par une centrale syndicale – pour celles qui en signent de temps en temps, car je rappelle que certaines n’en signent jamais ! – avec un entrepreneur, avec des salariés, soit obligatoirement défavorable aux salariés ?

Une entreprise, et en particulier une PME ou une TPE, repose avant tout sur un dialogue entre les salariés et un entrepreneur pour créer de la valeur. Avant de pouvoir partager, de défendre son emploi, il faut créer de la valeur.

Il faudrait autoriser des accords d’entreprise sans mandatement, car celui qui connaît le mieux son entreprise, c’est le salarié qui y passe ses journées.

Pour avoir un vrai débat, il faudrait cesser de parler de ce qui est favorable ou défavorable pour s’intéresser à l’accord entre les salariés et l’entrepreneur.

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Je donne acte à M. le rapporteur que la qualité des relations sociales dans un très grand nombre de PME que nous pouvons visiter dans nos territoires aboutira en effet à des accords d’entreprise favorables aux salariés.

Mais la lucidité et le réalisme, en cette période de chômage de masse et de concurrence exacerbée entre les entreprises, nous oblige à prendre tout de même en considération le risque que certains employeurs s’adonnent au chantage à l’emploi pour obliger les salariés à un ajustement à la baisse de leurs conditions de travail et de rémunération, et que cet ajustement à la baisse, par le mécanisme bien connu du dumping social, se généralise ensuite à l’ensemble de la branche.

Au-delà de ce débat factuel sur ce qui pourrait arriver, je suis opposé à cette inversion de la hiérarchie des normes parce que je considère qu’en renvoyant la fabrique du droit du travail au tête-à-tête entre l’employé et son employeur direct, entre le salarié et celui qui le fait vivre, nous prenons à rebours toute l’histoire de la construction du droit du travail. Celle-ci s’est fondée sur l’idée qu’il fallait une intervention extérieure pour réguler la relation entre employeur et employé.

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Je pense aussi que nous prenons le contre-pied de tout le projet social-démocrate dont vous aimez pourtant à vous réclamer, car celui-ci consiste à appliquer aux relations du travail la conviction républicaine résumée dans la fameuse formule de Lacordaire : « Entre le fort et le faible […], c’est la liberté qui opprime et la loi qui affranchit. »

Madame la ministre, je vous concède volontiers, puisque nous sommes en train de prendre date ici, que seule l’histoire pourra dire si vous avez été des modernisateurs éclairés au service du pays ou des liquidateurs aveuglés par l’idéologie dominante des élites de votre époque. Mais dans l’incertitude de ce jugement, pour ma part, je préfère rester fidèle à l’un des principes communs et fondamentaux de notre héritage.

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Une expérience devrait tout de même nous éclairer, puisque nous avons déjà eu ce débat sur le travail du dimanche.

Monsieur Hamon, vous aviez alors exposé les arguments que vous venez de développer : comme, dans les zones touristiques internationales, la loi renvoyait à un accord d’entreprise la possibilité d’ouvrir le dimanche, vous nous expliquiez que ces accords allaient livrer les salariés au bon vouloir des directions et des patrons des grands magasins.

Regardons ce qui se passe aujourd’hui : là où il n’y a pas d’accord, il n’est pas possible de travailler le dimanche, parce que les salariés ne le veulent pas. Nul n’est obligé de travailler le dimanche. La volonté des travailleurs s’exprime. Et là où il y a des accords, voyez les contreparties : dans certaines grandes enseignes, la rémunération est doublée, voire triplée.

On voit donc que l’accord d’entreprise a été très protecteur. Ce qui a été imaginé par le Gouvernement fonctionne bien, au bénéfice des salariés. Les craintes qui étaient les vôtres ne se sont pas réalisées.

Dernier point : je ne vois pas pourquoi des entreprises se livreraient au chantage à l’emploi, dès lors qu’elles disposent d’un moyen appelé l’accord de maintien dans l’emploi, qui leur permet de demander dès aujourd’hui des efforts à leurs salariés. Elles n’ont pas besoin d’autres dispositions.

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Je serai bref, monsieur le président. Je voudrais poser une nouvelle fois la même question à Mme la ministre, puisqu’elle ne m’a pas répondu : est-elle d’accord avec cette idée qu’un accord d’entreprise puisse être moins favorable aux salariés ?

Sans tergiverser, en arrêtant d’employer la langue de bois qui consiste à utiliser des arguments sinueux, à invoquer l’histoire, à s’envelopper d’oripeaux plus ou moins idéologiques pour finalement ne pas répondre : est-ce que, oui ou non, vous acceptez ce principe et vous assumez les conséquences d’une pareille philosophie ?

Je voudrais rappeler qu’en 1994, au moment de la loi Giraud dont date la remise en question du principe de faveur, puis en 2004 contre la loi Raffarin, puis en 2008 contre la loi Fillon, alors que nous étions tous du même côté de la barricade si j’ose dire – ce qui n’est plus vraiment le cas aujourd’hui –, nous avions systématiquement dénoncé ces dispositions régressives. À chaque fois, l’engagement avait été pris de revenir au principe de faveur : d’où l’importance des amendements qui viennent d’être défendus.

Au-delà des arguments agités et des postures tribunitiennes que les uns et les autres peuvent facilement adopter, répondez à une question simple : oui ou non, acceptez-vous l’augure de cette situation dans laquelle l’accord d’entreprise pourrait être défavorable aux salariés ?

J’ajouterai que votre mission est inverse, au regard de la philosophie que vous êtes censée incarner. Mais celle-ci ayant été répudiée, donnez-vous au moins pour boussole la Constitution et son bloc de constitutionnalité qui vous invitent, ainsi que tous les gouvernements, à rechercher l’épanouissement et le bonheur collectifs.

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J’interviens pour la première fois dans ce débat, parce que j’entends quelque chose qui m’inquiète un peu.

Je fais partie, je vous l’assure, de ceux qui croient au dialogue social comme moyen de faire évoluer le monde du travail, en apportant des réponses aux limites de la loi.

Nous parlons d’ailleurs de la loi en tant que parlementaires nationaux, mais je crois aussi à l’Europe et on sait qu’il y a des débats sur le poids des directives européennes, que je souhaiterais plutôt favorables, mais qui peuvent être défavorables.

La loi doit-elle tout régenter ? Dans une logique d’avant-garde, se veut-on les protecteurs des salariés contre les exploiteurs ? Il faut prendre garde à ces visions.

Tout à l’heure, Mme Buffet et M. Asensi ont dit que le problème tenait aux grands groupes : je suis d’accord sur ce point. Il existe même des chefs d’entreprise qui sont exploités par les donneurs d’ordre que sont souvent ces grands groupes, comme le souligne d’ailleurs le rapport Combrexelle. Celui-ci appelle en effet à distinguer les entreprises qui spéculent de celles qui produisent.

On nous oppose le droit constitutionnel. Faisons donc en sorte de faire évoluer notre Constitution pour rendre possible une telle différenciation qui permette de protéger les chefs d’entreprise exploités par les donneurs d’ordre et de s’attaquer à ceux qui profitent de la force de travail.

Je crois au dialogue social. Je défends l’économie sociale pour cette raison : je le dis à Benoît Hamon. Quand les salariés connaîtront mieux leurs droits, ils pourront mieux se défendre.

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Je ne voulais pas intervenir pour justifier la réserve des votes, qui est en général un mauvais procédé…

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…mais je vais le faire. Il y a en effet un lien étroit entre plusieurs articles du projet, ce qui suppose de les relier entre eux pour avancer et trouver un accord.

Quand on évoque le principe de faveur, encore faut-il se rappeler qu’il venait verrouiller un système social à une époque où l’accord majoritaire n’était pas la règle. Quand la règle change, les verrous doivent eux aussi évoluer.

Laurent Baumel a cité Lacordaire. Mais la loi continue à affranchir : elle est toujours là pour fixer l’ordre public social. Il y a par ailleurs des branches et des accords d’entreprise. À partir du moment où ces trois niveaux sont étroitement liés, il est logique que s’ouvre une discussion assez générale englobant trois points : le principe de faveur, l’accord majoritaire et le référendum.

La loi Macron nous dit – et je vois ici Richard Ferrand qui se souvient de cette phrase maintes fois répétée : « Pas d’accord majoritaire, pas de travail du dimanche. »

Tel était le verrou posé. La difficulté que nous rencontrons dans notre débat tient à ce que, pour l’instant, un verrou peut être levé par la voie référendaire. Il faut donc un débat d’ensemble : c’est l’équilibre général qui n’a pas encore été trouvé.

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C’est la première fois que je prends la parole dans ce débat, monsieur le président : je finis pour dire que seul un débat d’ordre général nous permet d’avancer, ce qui justifie à mes yeux que soit maintenue la réserve des votes, en vue d’une cohérence globale.

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Vous aurez l’occasion de reprendre la parole, monsieur le député.

La parole est à M. Claude Goasguen.

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J’ai beaucoup aimé la discussion, que j’ai suivie avec attention : elle est de grande qualité.

Je connais le rapporteur, M. Sirugue, qui est un homme sérieux. Pourtant, nous n’avons pas le sentiment que vous êtes véritablement sincères dans ce débat.

Vous avez demandé la réserve : c’est votre droit le plus absolu, sauf que ceux qui ont une certaine expérience parlementaire savent que d’habitude, la réserve permet d’examiner à la fin un article difficile.

Je doute quelque peu que ce soit utile sur l’article 1er, qui n’est pas le plus polémique. Vous avez passé beaucoup de temps à évoquer l’article 2 et l’article 3. Vous qui consacrez de si longues réponses à l’article 1er, pouvez-vous nous assurer que vous ne demanderez pas la réserve sur l’article 2 ? C’est cela qui est important.

Si vous demandez la réserve sur l’article 2, vous montrerez cette absence de sincérité que je soupçonne chez vous.

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Je voudrais réagir à ce qu’a dit le rapporteur avec, comme toujours, une grande intelligence : il maîtrise parfaitement ces questions.

Il a posé ainsi le débat : pourquoi faudrait-il croire qu’un accord d’entreprise serait forcément défavorable aux salariés ?

Je ne le crois pas, je veux vous rassurer. Ce débat n’oppose pas les pessimistes aux optimistes. Mais dans quel contexte parlons-nous ? Notre pays se situe en queue de peloton concernant le taux de syndicalisation dans l’OCDE : 7,9 %, contre 18 % en Allemagne, 25 % au Royaume-Uni et les deux tiers dans les pays scandinaves, modèles de démocratie sociale.

Pourquoi les salariés ne se syndiquent-ils pas ? Là aussi, nous disposons de nombreuses données, notamment issues de l’Observatoire de la discrimination et de la répression syndicales. Un Français sur deux assure ne pas se syndiquer. Par peur de quoi ? Des représailles et du frein que la syndicalisation pourrait représenter pour sa carrière. L’état des relations dans les entreprises est parfois totalement archaïque. Telle est la réalité.

Alors, faut-il être optimistes ou pessimistes ? Comme plusieurs membres du Gouvernement nous y invitent, il faut être réalistes eu égard aux conditions de déroulement de la négociation sociale.

Vous avez rappelé, madame la ministre, mon appartenance à un précédent gouvernement qui a eu raison de supprimer la loi TEPA. Je m’étonne, alors que nous disions qu’il ne fallait pas encourager le recours aux heures supplémentaires, que le gouvernement auquel vous appartenez l’encourage à travers cette loi.

Lorsque j’étais ministre de la consommation, j’ai eu l’occasion de travailler sur la branche de l’agroalimentaire : la chaîne de valeur est telle que la course à la productivité, la course au rendement poussent les PME à exiger de plus en plus de la part de leurs salariés.

Indépendamment de tout nouveau contexte économique, j’affirme que dans le secteur de l’agroalimentaire – où les conditions de travail sont déjà dures –, les heures supplémentaires seront payées non plus avec une majoration de 25 %, mais de 10 %.

Applaudissements sur certains bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen.

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Tout d’abord, je crois qu’il faut en prendre acte, la bonne foi se trouve partout.

Aujourd’hui, il est possible qu’un accord d’entreprise soit plus favorable qu’un accord de branche. Aujourd’hui, il est tout à fait possible de discuter des cycles de travail et de l’aménagement du temps de travail. Des accords offensifs, des accords de compétitivité sont possibles. Pourquoi définir un autre type d’accord ?

Le danger essentiel est celui de la concurrence. L’ennemi de la société du contrat, vers laquelle on avance, c’est bien la concurrence – qui est non pas une valeur, mais un fait.

Je vous le dis comme cela se ressent sur le terrain lorsque l’on connaît bien les entreprises : des accords temporaires de six mois ou un an peuvent être conclus pour mettre à genoux un concurrent. À cette fin, des accords visant à baisser le taux de rémunération des heures supplémentaires – même le seuil de leur déclenchement – peuvent par exemple voir le jour. Allons-nous, en France, favoriser des délocalisations ou un dumping social de ce type alors même que l’on tente de les réduire à l’échelle européenne ?

Second point : le comportement des donneurs d’ordre. Aujourd’hui, des donneurs d’ordre acheteurs commencent à évoquer un accord possible afin d’obtenir des prix plus bas. Ils disent à ces petites PME de l’agroalimentaire, de la métallurgie ou de bien d’autres secteurs qu’il serait par exemple possible de réduire la rémunération des heures supplémentaires afin d’obtenir des prix plus intéressants.

Nous ne sommes pas dans un monde de Bisounours et ce sont de telles possibilités qui m’effraient le plus. Au fond, si ce type d’accord n’est pas « sauvé » par un accord de branche, il peut devenir le meilleur instrument de dumping social qui soit.

Or, ce meilleur instrument de dumping, de concurrence, n’améliorera pas la valeur ajoutée des produits dans notre pays. Lorsque l’on met à genoux son concurrent d’en face, on récupère 30 % de son carnet de commandes quand 70 % partent ailleurs. Aucun emploi ne sera gagné non plus qu’aucune valeur ajoutée et l’on aura favorisé l’acceptation de ce genre d’accord par des personnes de bonne foi pour essayer de couler un concurrent, ce qui ne constitue pas pour nous un horizon de vie acceptable.

Applaudissements sur certains bancs du groupe socialiste, républicain et citoyen et sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

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Je n’ai toujours pas compris sur quels articles la réserve a été demandée.

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Or, comme M. Goasguen, je crois que c’est une question importante.

Ces deux premiers articles comportent deux erreurs – comme M. Hamon, je suis très sensible aux doutes dont notre rapporteur a fait part devant nous mais aussi à la façon dont ils les évaluent : face aux décisions que nous devons prendre, nous devons tous douter.

Première erreur – je m’adresse à notre collègue des Républicains qui s’est exprimé tout à l’heure : penser que la relation de travail pourra être contractuelle, que le code civil, au fond, pourra régler les affaires relevant du code du travail. Or, une telle relation est profondément déséquilibrée.

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Cela, nous le savons, Nous sommes réactionnaires mais pas à ce point-là !

Sourires.

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Ce n’est pas le salarié qui décide d’embaucher ou de licencier son patron. Or, avoir un travail, c’est fondamental pour trouver une place dans la société. Dire cela, ce n’est pas dénigrer les patrons ; c’est exprimer une réalité. Le code du travail, les accords d’entreprise et de branche n’existent qu’en raison de ce déséquilibre dans la relation de travail.

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Deuxième erreur : avoir voulu faire un grand chamboule-tout.

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Le principe de faveur, monsieur le rapporteur, permet une adaptation à une large palette de situations singulières. Comme Mme Lebranchu vient de le rappeler, il suffit que l’accord soit globalement plus favorable mais il est aussi possible, un jour, d’intégrer dans le forfait jours-heures des cadres que ces derniers peuvent, dans telle entreprise, choisir leurs jours de congé.

Nous ne nions pas la négociation d’entreprise mais cette loi renverse tout simplement la hiérarchie des normes alors que nous devrions discuter très concrètement des sujets qui relèvent de la négociation d’entreprise, de la négociation de branche ou de la loi.

Je ne suis pas quant à moi favorable à une majoration des heures supplémentaires inférieure à 25 %. Cela ne sert à rien pour les entreprises – on ne rapatriera pas les productions en France avec une diminution de 1,5 % du coût du travail – et cela est contre-productif dans la lutte contre le chômage.

Je ne suis pas non plus favorable à l’idée qu’il soit possible de travailler plus de 44 heures pendant des cycles qui seraient discutés au sein des entreprises. Cela ne sert à rien : lorsque l’on a besoin de travailler autant, on embauche.

Nous avancerions bien mieux si nous discutions de l’identification des problèmes concrets qui se posent…

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Ce débat devient déraisonnable ! J’ai entendu tout à l’heure une citation de Lacordaire. Arrêtez donc de citer ce prédicateur dominicain, catholique libéral, d’ailleurs favorable à la société de consentement et qui se méfiait beaucoup de la loi et des gouvernements. Relisez donc sa cinquante-deuxième conférence !

S’agissant du débat qui nous préoccupe, je précise tout d’abord que le principe de faveur n’est pas un principe de valeur constitutionnelle : le législateur peut très bien revenir dessus.

En outre, tout cela ne relèverait pas de l’histoire de la gauche. J’ai entendu dire que l’histoire entière du droit social français repose sur un tel principe. Dois-je rappeler que c’est une ordonnance de la gauche qui, en 1982, disposa que les organisations représentatives pouvaient conclure des accords collectifs défavorables aux salariés dérogeant à la loi ?

C’est donc la gauche qui, la première, a mis un coup de canif dans ce principe de faveur dont la définition exacte est qu’entre deux normes, il faut choisir la plus favorable – cela ne correspond d’ailleurs pas exactement à ce que vous proposez ici, qui est beaucoup plus rigide ; il s’agit même d’une interprétation complètement différente du principe de faveur.

Si nous voulons vraiment débattre, nous devons revenir à l’histoire législative de notre pays et comprendre que le mouvement en vigueur depuis 30 ans vise à assouplir un tel principe.

Sortez-nous de la réserve d’Indiens et sortez-nous de la réserve des votes !

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La parole est à Mme Marie-Lou Marcel, qui sera la dernière oratrice.

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Je souhaite revenir sur la question des heures supplémentaires.

J’ai bien entendu ce que vous avez dit, madame la ministre, monsieur le rapporteur.

M. Sirugue a affirmé qu’il était éventuellement possible d’envisager d’exclure les heures supplémentaires de l’accord mais en précisant que ce peut être en intégrant d’autres éléments. Or une telle hypothèse me gêne : il serait ou non possible d’intégrer d’autres éléments.

Ce dont nous sommes sûrs, en revanche, et qui sera intégré dans le texte de loi demain, c’est ce qui y sera écrit – en l’occurrence que le taux de majoration des heures supplémentaires ne pourra pas être inférieur à 10 %. Donc, il pourra lui être égal.

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Ces accords permettront de rémunérer des heures supplémentaires avec des majorations de 10 % et non plus de 25 % ou 50 %, comme cela se fait actuellement. Ils permettront aussi de définir le nombre d’heures supplémentaires. Ils permettront encore de définir la période de référence pour l’aménagement du temps de travail, laquelle pourra ne plus être annuelle – comme c’est actuellement le cas – mais triennale.

Des accords sur une rémunération des heures supplémentaires avec une majoration de 10 % existent, vous l’avez dit et c’est exact, mais ils n’existent qu’au travers des accords de branche et non d’entreprise. Or, les accords de branche, justement, permettent d’éviter le dumping social.

Le vote sur les amendements est réservé.

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La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

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Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures quarante-cinq :

Suite de la discussion du projet de loi visant à instituer de nouvelles libertés et de nouvelles protections pour les entreprises et les actif-ve-s.

La séance est levée.

La séance est levée à vingt heures dix.

La Directrice du service du compte rendu de la séance

de l’Assemblée nationale

Catherine Joly