Commission des affaires étrangères

Réunion du 7 décembre 2016 à 9h45

Résumé de la réunion

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La réunion

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Pascal Saint-Amans, directeur du Centre de politique et d'administration fiscales de l'Organisation de coopération et de développement économique (OCDE) sur la coopération internationale en matière de lutte contre l'érosion des bases fiscales

La séance est ouverte à neuf heures cinquante-cinq.

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Nous accueillons M. Pascal Saint-Amans pour une audition ouverte à la presse. Ce n'est pas la première fois que nous vous recevons, monsieur le directeur, car vous menez depuis de longues années au sein de de l'Organisation de coopération et de développement économique (OCDE) un travail d'une extrême importance qui a fait bouger les choses. Vous ferez le point sur l'état d'avancement des travaux de l'OCDE et sur leur mise en oeuvre effective.

Nous examinerons après votre audition le projet de loi d'approbation de l'accord multilatéral entre autorités compétentes portant sur l'échange des déclarations fiscales pays par pays. Ce nouvel instrument mis au point par l'OCDE pour lutter contre l'érosion des bases fiscales complète les progrès réalisés en matière d'échange de renseignements. Le fait que cet échange devienne automatique représente un progrès considérable ; vous nous direz les retombées effectives de cette disposition qui semble désormais admise, y compris par les paradis fiscaux européens bien connus. L'accord multilatéral prévoit, selon des modalités que vous nous présenterez, une obligation de déclaration à l'administration fiscale par les grands groupes de leurs activités pays par pays ainsi que l'échange automatique de ces déclarations avec les administrations fiscales des autres juridictions parties à l'accord. La loi de finances pour 2016 a déjà institué cette obligation de déclaration et la possibilité d'un échange automatique ; la disposition était réclamée depuis très longtemps par nos magistrats et par notre administration fiscale, et s'il est un pays qui n'a jamais fait preuve de mauvaise volonté à ce sujet, c'est la France.

L'accord s'inscrit dans le cadre du projet de lutte contre l'érosion des bases d'imposition et les transferts de bénéfices dit BEPS. L'action 13 de ce projet tend à moderniser les outils de la lutte contre la manipulation des prix de transfert au sein des groupes multinationaux qui vise à localiser les profits dans les pays où l'on paye le moins d'impôts possible, sinon aucun. C'est un axe historique des travaux de l'OCDE.

Au-delà de l'opacité de certains montages réalisés avec des paradis fiscaux ou règlementaires, il existe toutes sortes de méthodes de soustraction à l'impôt. Ces transferts artificiels des bases imposables sont intolérables. Vous nous direz quelles autres actions sont avancées dans ce domaine, puisque quinze actions figurent dans le plan BEPS. Nous aimerions aussi connaître la réaction des multinationales.

La préservation des recettes fiscales et la transparence du système international font désormais l'objet d'un large consensus. Les normes et outils de l'OCDE sont partagés ou soutenus par un nombre de pays bien supérieur à ce que l'on aurait pu imaginer il y a dix ans. Pourtant, des scandales continuent d'éclater, qui concernent aussi bien des comptes privés au Panama ou dans les Îles Vierges que des multinationales américaines en Europe.

La législation française en matière de lutte contre la fraude et l'évasion fiscales, constamment améliorée, est maintenant très aboutie ; son réseau conventionnel est vaste et sa tradition de contrôle comme de coopération très ancienne. Vous nous direz quel regard porte l'OCDE à ce sujet. La pression est-elle assez forte pour que les États qui ont manifesté leur intention de s'engager sur cette voie le fassent réellement, et pour que ceux qui s'y sont engagés s'y conforment ? La coopération internationale est-elle suffisante ?

Je réitère mes félicitations pour l'action que vous menez depuis plus de vingt ans au sein de l'OCDE. Ce fut au départ sans beaucoup d'écho, sinon auprès de quelques gouvernements. Puis le sujet est passé de mode avant que la crise de 2008 ne le remette en pleine lumière. Entre-temps, il n'y avait plus guère eu d'impulsion politique à vos travaux, contrairement à ce qui avait été le cas à la fin des années 1990, lorsque nous avions fait ratifier la convention de l'OCDE sur la lutte contre la corruption d'agents publics étrangers dans les transactions commerciales internationales – un autre exemple d'extra-territorialité qui intéressera M. Pierre Lellouche, et une première tentative d'action.

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Pascal Saint-Amans, directeur du Centre de politique et d'administration fiscales de l'Organisation de coopération et de développement économique (OCDE) sur la coopération internationale en matière de lutte contre l'érosion des bases fiscales

Je suis heureux de traiter avec vous du cadre fiscal international dans lequel prend place l'accord multilatéral portant sur l'échange des déclarations pays par pays sur lequel vous allez être amenés à vous prononcer. Les mesures s'appliqueront aux entreprises multinationales dont le chiffre d'affaires est supérieur à 750 millions d'euros. Elles seront tenues de dévoiler leur stratégie fiscale en détaillant, pays par pays, où se réalise leur chiffre d'affaires, où se trouvent leur personnel et leurs actifs, où sont payés leurs impôts et quel montant de leurs bénéfices est alloué à chaque pays. Les administrations fiscales concernées pourront ainsi concentrer leurs contrôles non plus vers les transactions entre pays à haute fiscalité mais sur les flux qui, en finissant dans les paradis fiscaux, ne sont pas taxés du tout.

La lutte contre les stratégies fiscales agressives a commencé au cours des années 1990, quand l'OCDE a reçu mandat du G7 réuni à Lyon en juin 1996 de remédier à l'absence de transparence et à l'absence de fiscalité caractérisant les paradis fiscaux où, le renforcement de la mondialisation, la fin du contrôle des changes et la libéralisation de la circulation des capitaux aidant, les avoirs se concentraient.

Ces travaux ont été interrompus au début des années 2000 pour plusieurs raisons. La première a été le retrait des États-Unis après l'élection d'une nouvelle administration qui considérait qu'il n'y avait pas tant des paradis fiscaux que des enfers fiscaux et qu'en réalité les premiers maintenaient la pression sur les seconds – la France, avec un taux de prélèvement obligatoire élevé, étant souvent désigné comme un de ceux-là – en les obligeant à réduire leur fiscalité. D'autre part, l'Union européenne avait adopté une directive relative à la fiscalité de l'épargne qui permettait aux États membres de choisir la retenue à la source ou l'échange de renseignements. Cela rendait plus difficile les discussions avec les paradis fiscaux situés hors de l'Union européenne. Ainsi, lorsque je me suis rendu aux Bahamas en 2007, mes interlocuteurs ont eu beau jeu de me dire pour commencer que l'OCDE ferait bien d'inscrire la Suisse sur ses listes de paradis fiscaux, puis de me demander pourquoi les Bahamas devraient mettre fin au secret bancaire alors que l'on pouvait pratiquer la retenue à la source au sein de l'Union européenne. En bref, m'a-t-on dit, « commencez donc par établir des règles de concurrence équitables et nous reparlerons de tout cela ».

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Permettez-moi une incise. La réserve qui s'impose au haut fonctionnaire que vous êtes vous empêche de préciser que cette période était celle de l'arrivée de Georges W. Bush au pouvoir aux États-Unis et que les attentats du 11 septembre 2001 ont ralenti vos travaux, tous les efforts étant désormais consacrés à la lutte contre le terrorisme. D'autre part, on ne pouvait pas compter sur une Commission européenne dirigée par M. José Manuel Barroso pour progresser de manière significative en ce domaine.

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Pascal Saint-Amans, directeur du Centre de politique et d'administration fiscales de l'Organisation de coopération et de développement économique (OCDE) sur la coopération internationale en matière de lutte contre l'érosion des bases fiscales

La crise de 2007-2008 a eu pour effet la restauration d'un soutien politique très marqué à nos travaux ; cela a permis des changements spectaculaires. La gouvernance mondiale a été modifiée avec l'émergence du G20 au niveau des chefs d'État et de gouvernement et non plus seulement des gouverneurs des banques centrales et des ministres des finances. Le sommet du G20 réuni le 15 novembre 2008 a été le point de départ d'une impulsion politique très forte et, depuis lors, des progrès considérables ont été accomplis en matière de transparence d'une part, de lutte contre la planification fiscale des entreprises d'autre part.

Pour ce qui est de la transparence, nous nous sommes employés à mettre fin au secret bancaire. À la demande des chefs d'État et de gouvernement du G20, j'ai été chargé, le 2 avril 2009, de dresser la liste actualisée des juridictions non-coopératives. Dans cette liste, qui a été publiée en même temps que les conclusions du sommet du G20 réuni à Londres, figuraient des États membres de l'OCDE – les quatre pays à secret bancaire qu'étaient la Suisse, le Luxembourg, la Belgique et l'Autriche –, ce qui n'est pas une situation très facile. Sous la pression de cette publication, ces pays ont fait leur le principe de l'échange de renseignements à la demande, qui était la norme à l'époque. L'ensemble des juridictions financières ont donc accepté de se plier à cette norme.

L'OCDE a ensuite créé et hébergé en son sein le Forum mondial sur la transparence et l'échange de renseignements à des fins fiscales ; l'organisme rassemble sur un pied d'égalité cent trente-sept États membres, dont de nombreux pays en développement. Puis, en 2014, à la demande du G20 et sur proposition de l'OCDE, a été adoptée la nouvelle norme internationale d'échange automatique de renseignements relatifs aux comptes financiers en matière fiscale. Il en résultera, à partir du 1er juillet 2017, l'échange automatique des données relatives aux comptes bancaires ouverts au 31 décembre 2016 : solde, intérêts et dividendes perçus, tous autres revenus y ayant transité, et aussi toutes transactions intervenues, pour permettre de calculer les plus-values éventuelles. Ces renseignements collectés par le gouvernement du pays de résidence de l'institution financière où le compte est ouvert – qu'il soit détenu directement ou par le biais d'un trust ou d'une société off-shore – seront transmis automatiquement chaque année au gouvernement du pays de résidence du détenteur du compte, sous un format informatique standardisé et crypté, de manière bilatérale.

C'en est donc fait du secret bancaire.

À ce jour, cent un pays – tous les membres de l'OCDE ou du G20 et ceux qui sont des places financières – ont pris l'engagement d'échanger les renseignements bancaires de manière automatique, à dater du 1er juillet 2017 pour cinquante-cinq pays, du 1er juillet 2018 pour les autres, par le biais d'instruments que nous leur fournirons. Les États qui n'ont pas encore adopté la nouvelle norme sont des pays en développement qui n'ont pas la capacité technique de mettre le dispositif en oeuvre ; nous les y aidons pour qu'ils puissent se joindre au mouvement.

La condition pour accéder à l'échange de renseignements est d'être en mesure de préserver la confidentialité des informations reçues. Rien ne serait pire que des fuites : elles pourraient avoir des conséquences graves en certaines régions du monde, tels l'enlèvement avec demande de rançon de personnes dont la richesse serait ainsi divulguée ou le chantage. Parce que des fuites et leurs conséquences mettraient en danger le dispositif lui-même, nous prenons très au sérieux la protection de la confidentialité des données échangées.

La fin du secret bancaire est donc effective. Le Forum mondial vérifiera que ses cent trente-sept membres appliquent bien la norme ; ceux qui ne le font pas seront l'objet d'une dénonciation publique et d'un rapport au G20, qui les inscrira, si nécessaire, sur une liste de juridictions non-coopératives. Le dernier État en date qui s'est engagé à l'échange automatique d'informations financières est le Panama. Ce pays a beaucoup tergiversé, et ce que j'ai dit publiquement à ce sujet m'a valu certaines inimitiés sur place, mais la publication des Panama papers l'a finalement conduit à modifier sa législation et à mettre sur pied une administration fiscale apte à procéder à l'échange de renseignements en 2018.

La nouvelle norme a déjà un impact considérable ; près de 70 milliards d'euros d'impôts ont été collectés dans la vingtaine de pays qui ont créé, comme la France, des guichets auprès desquels les contribuables peuvent déclarer les comptes bancaires secrètement détenus à l'étranger moyennant une réduction des pénalités ou l'exemption de poursuites pénales. Le Brésil, par exemple, a annoncé il y a quinze jours avoir collecté 14 milliards d'euros d'impôts par ce biais. La collecte totale est bien supérieure aux 70 milliards d'euros dont j'ai fait état, tous les pays ne nous ayant pas donné d'informations à ce sujet.

Il reste à déterminer dans tous les cas quel est le « bénéficiaire effectif » d'un compte, tel que le définit le Groupe d'action financière (Gafi). Pour éviter que les 850 000 sociétés off-shore immatriculées aux Îles Vierges britanniques, les 100 000 qui sont immatriculées aux Seychelles et les 80 000 qui le sont à Panama ne servent d'écran pour dissimuler comptes bancaires et actifs immobiliers ou actifs d'une autre nature, il nous faut réviser la définition du bénéficiaire effectif et son application. Ce travail est en cours avec le Gafi, sous la houlette du G20. La première réunion du G20 sous présidence allemande a eu lieu la semaine dernière à Berlin au niveau des directeurs généraux du Trésor, et notre mandat à ce sujet a été confirmé.

Le second volet de l'action que nous menons contre les paradis fiscaux est le projet sur la lutte contre l'érosion des bases d'imposition et les transferts de bénéfices, dit BEPS. Référence avait été faite à ces travaux en juin 2012 dans la déclaration publiée à l'issue du G20 de Los Cabos. À la demande du G20, auquel nous l'avions proposé, nous avons accéléré nos travaux en 2013 pour donner suite au courrier conjoint du chancelier de l'Échiquier et de ses collègues ministres des finances allemand et français après qu'avaient éclaté au Royaume-Uni les affaires Starbucks, Google et autres.

Dans notre rapport de février 2013, nous soulignions le problème majeur que provoquent l'érosion de la base d'imposition et les transferts de bénéfices, ce que quelques exemples illustrent éloquemment. Ainsi, 27 % des investissements directs en Inde proviennent de l'Île Maurice. D'autre part, le montant des flux entrants d'investissements directs aux Pays-Bas équivaut à trois fois le volume du PIB néerlandais… tout comme celui des flux sortants. Autrement dit, cet État est davantage un pays de transit de flux d'investissements qu'un lieu où les investissements se font ; y est à l'oeuvre le chalandage fiscal destiné à contourner retenues à la source et autres impositions. Et encore : les Îles Vierges britanniques figurent au nombre des cinq premiers investisseurs en Chine ou en Russie…

C'est que les règles fiscales internationales sont soit inexistantes, soit défaillantes quand, conçues en 1928 par la Société des nations, elles n'ont pas été réactualisées à la vitesse de la mondialisation. Le principe du maintien de la souveraineté nationale en matière fiscale est légitime puisque le consentement à l'impôt est au coeur de la construction des États modernes. L'Histoire explique que l'on n'ait pas encore pu dépasser la règle de l'unanimité qui vaut pour les décisions prises en matière fiscale au sein de l'Union européenne. Mais quand les flux financiers sont mondialisés et les acteurs globaux, s'il y a des « îles fiscales », les entreprises profitent des interstices de la réglementation internationale pour loger leurs bénéfices dans certaines petites places financières extrêmement ouvertes, car elles y trouvent leur intérêt.

Paradoxalement, pour renforcer leur souveraineté en matière fiscale, les États doivent y renoncer pour partie en coopérant. Ce paradoxe avait bloqué les choses jusqu'au déclenchement de la crise financière. Il alors été admis qu'il était nécessaire de créer des ponts entre les États et de réviser les règles de fiscalité internationale pour colmater les brèches et empêcher les abus. Il convenait d'une part de restaurer le caractère bilatéral des conventions fiscales pour empêcher le passage par un État tiers, d'autre part de régler la question des prix de transfert. En obligeant les entreprises à jouer à la marchande pour que chaque État puisse taxer ce qui lui revient, on leur a donné une opportunité d'évasion fiscale massive : puisqu'il faut déterminer des prix de transaction interne entre les diverses entités juridiques d'un groupe, pourquoi ne pas localiser les bénéfices, par le biais d'arrangements contractuels, dans une juridiction où ils ne sont pas imposés ? C'est ainsi que 2 800 milliards de dollars de profits cumulés de sociétés américaines sont logés aux Bermudes et aux Îles Caïman, en toute légalité : il ne s'agit pas de fraude fiscale mais d'évasion fiscale.

Nous n'avons pas proposé de régler l'un ou l'autre des nombreux schémas d'optimisation fiscale connus mais de traiter le mal à la racine. Cela implique que des règles efficaces s'appliquent aux sociétés étrangères contrôlées. À ce sujet, les dispositions de l'article 209 B du code général des impôts (CGI) français doivent être renforcées pour limiter la possibilité de déduction des intérêts et combattre les pratiques fiscales dommageables. J'invite à cet égard le législateur français à se pencher sur l'article 39 terdecies du CGI, dont la rédaction est contraire à l'approche adoptée par l'OCDE avec l'accord de la France. Cet article institue un régime incitant à localiser la propriété intellectuelle en France alors même que l'activité qui l'a créée a eu lieu ailleurs. Il y a là un effet d'aubaine pour les entreprises et cette disposition vole de la base taxable à d'autres pays sans vraiment créer de nouveaux emplois en France. J'espère que ce régime, récemment défini comme dommageable par l'OCDE, sera modifié comme ont été modifiés les régimes britannique et néerlandais dont les caractéristiques étaient semblables.

Traiter le mal par la racine signifie aussi en finir avec les produits hybrides. Chaque État appliquant son droit fiscal propre, les qualifications divergent : par exemple, ce qu'un pays considère comme les intérêts d'un prêt – déductibles de l'impôt sur les sociétés – peut être qualifié par une autre administration fiscale de dividendes – exonérés d'impôt – si le prêt est fait sous la forme d'obligations convertibles en actions. Les deux pays appliquant leur droit fiscal respectif, l'entreprise qui multiplie les prêts de cette sorte à ses filiales y gagne beaucoup : elle est doublement non imposée. Il faut neutraliser les produits hybrides ; c'est à quoi s'attache le premier volet du BEPS.

Le deuxième volet du projet tend à combler les failles du système fiscal international en introduisant dans toutes les conventions fiscales bilatérales des clauses empêchant le chalandage fiscal dont je vous ai rapporté quelques exemples marquants. Il vise aussi à empêcher les entreprises, notamment celles de l'économie numérique, d'user des lacunes de la définition de « l'établissement stable » pour fragmenter artificiellement leurs activités ou transformer dans la nuit un distributeur en commissionnaire. C'est l'objet de l'action 7 du plan, et cela ne sera plus possible à partir de demain. Enfin, le BEPS modifie les règles relatives aux prix de transfert pour empêcher qu'une entreprise loge ses profits dans un pays donné quand l'activité créant ce profit n'est pas exercée dans le même pays ; en d'autre termes, c'en est fini des profits ingénieusement abrités dans des coquilles vides aux Bermudes ou ailleurs.

Le projet BEPS comprend un troisième volet, relatif à la transparence, qui vous est soumis aujourd'hui. L'action 13 du plan vise à mesurer l'impôt payé par les entreprises multinationales. Les pays, États-Unis exceptés, ne collectant pas de données sur la taxation des multinationales, on dispose actuellement de très peu de renseignements à ce sujet. On évalue à 250 milliards d'euros au moins l'évaporation annuelle d'imposition induite par l'érosion des bases imposables et les transferts de bénéfices, mais elle est sans doute bien plus forte. Nous avons prévu la possibilité d'imposer aux entreprises multinationales des déclarations obligatoires sur la répartition mondiale de leur revenu, de leur activité économique et des impôts payés dans chaque pays où elles opèrent. Cette obligation s'ajoute au reporting pays par pays, la mesure qui aura peut-être le plus d'impact immédiat.

Il est en effet prévu que pour leurs comptes de 2016, les entreprises dont le chiffre d'affaires est supérieur à 750 millions d'euros – soit 20 % des multinationales en nombre mais qui sont à l'origine de 80 % du chiffre d'affaires réalisé par les multinationales – devront déclarer, pays par pays, leur chiffre d'affaires, leurs bénéfices, les impôts payés, le nombre de leurs employés et leurs actifs. Cette obligation permettra d'avoir une vision exacte de leur planification fiscale : on saura ainsi quelle entreprise détient des milliards de dollars aux Bermudes alors qu'elle y a trois employés, que ses ventes se font en Europe et que sa propriété intellectuelle a été développée aux États-Unis, où sont ses chercheurs.

Ces dispositions auront un impact majeur car les directeurs juridiques et fiscaux des entreprises considérées devront désormais expliquer à leurs présidents comment le groupe pourra justifier que tous ses profits soient abrités aux Bermudes. Je pense que l'obligation de reporting pays par pays entraînera une forte autorégulation en raison du risque de redressement fiscal encouru mais aussi en raison du risque de dommage à la réputation de l'entreprise.

Nous sommes allés vite : en deux ans, nous avons modifié toute la réglementation fiscale internationale s'appliquant, sur un pied d'égalité, aux 44 pays de l'OCDE et du G20, et l'accord s'est fait en novembre 2015. À ce jour, 90 pays – bientôt 100 –, dont de nombreux pays en développement, ont ralliés ce cadre inclusif.

Les comptes 2016 des sociétés concernées feront l'objet d'un reporting pays par pays en 2017 et d'un échange de renseignements en 2018. Les États-Unis et le Japon ne voulaient pas que les renseignements collectés soient rendus publics ; sans doute, pour ce qui est du Japon, les nombreuses entreprises japonaises qui ont créé des co-entreprises en Chine ne tiennent-elles pas à ce que leurs partenaires chinois aient une information précise sur la profitabilité des activités conduites en Chine. Même si l'on voit bien l'intérêt pour les organisations non gouvernementales, les journalistes et les parlementaires de disposer d'informations nominales, on comprend que la publicité de certains renseignements puisse nuire au secret des affaires.

L'accord trouvé est que les informations feront l'objet d'un échange entre l'État de résidence de la multinationale et les États où sont implantées des filiales ou des établissements stables. Le reporting pays par pays ne sera donc pas public, contrairement à ce que souhaite la France, dont je sais qu'elle a des projets en ce sens. L'OCDE le regrette car de telles dispositions violeraient l'accord obtenu au G20 avec les États-Unis, au risque qu'ils se retirent. Or, si les entreprises multinationales refusent de donner aux autorités compétentes les informations qu'elles seront tenues de donner, on aura besoin de l'État d'établissement pour les vérifier. Les petits pays en développement ou les grands pays du G20 qui, tel le Brésil, ne sont pas membres de l'OCDE souhaitaient eux aussi que ces informations soient rendues publiques mais ils sont conscients que leur intérêt réel est que leurs administrations fiscales disposent de ces renseignements et que, pour cela, ils ont besoin des États-Unis. Aussi ont-ils indiqué qu'ils ne violeraient pas l'accord et ne demanderaient pas la publication des données recueillies. Je mesure l'exigence politique de publicité et de transparence, mais il faut garder cet élément à l'esprit.

Les chefs d'État et de gouvernement du G20 réunis à Antalya se sont prononcés en faveur d'une application ferme du texte, demandant que tous les paradis fiscaux se plient à l'exercice. Nous avons créé, au sein de l'OCDE, un organe auquel adhèrent à ce jour quatre-vingt-dix pays, dont dix-sept pays africains, chargé de vérifier l'application du plan BEPS et de continuer à renforcer les normes – notamment les normes relatives au prix de transfert. L'OCDE se transforme donc en profondeur.

Parallèlement, nous menons deux actions transversales. La première a trait à l'économie numérique. L'accord s'est fait pour renforcer les règles relatives à la TVA de manière que cette taxe soit effectivement acquittée sur les activités commerciales entre entreprises et consommateur final, dites Business to consumer. Le principe de la taxation par le pays de destination, approuvé par plus de cent pays, est en voie d'application. Reste pendante la question du lieu de paiement de l'impôt sur les sociétés par les entreprises de l'économie numérique telles que Google : est-ce aux États-Unis, où se trouve l'algorithme, ou est-ce là où les internautes cliquent sur la publicité qui leur est proposée ? Comment le droit de taxer ces profits est-il partagé entre les pays ? L'accord ne s'est pas fait à ce sujet pour l'instant.

Notre seconde action transversale concerne l'harmonisation des conventions fiscales. De deux à quatre ans s'écoulent entre le moment où une convention fiscale est négociée, conclue et ratifiée. La France à elle seule en ayant négocié cent vingt, il lui faudrait trente ans pour les renégocier toutes, le délai s'allongeant encore pour parvenir à la ratification. Si l'on procède de la sorte, la planification fiscale agressive continuera d'avoir de beaux jours devant elle. Tout le monde jugeant qu'il faut mettre fin à l'usage abusif des conventions fiscales bilatérales, nous avons proposé d'introduire une clause en ce sens dans le modèle de convention fiscale de l'OCDE, de manière à négocier une convention multilatérale. Cela a été fait en un an, comme nous nous y étions engagés et, il y a quinze jours, un groupe de plus de cent pays s'est accordé sur un texte qui devrait être signé en juin 2017. Après quoi, il vous sera demandé de ratifier cette convention multilatérale qui d'une pierre ferait plus de 2 000 coups.

Nous sommes donc entrés dans une dynamique nouvelle. La planification fiscale demeurera, mais de manière marginale, sans plus être le coeur de la stratégie de certaines entreprises. Quant à la fraude par dissimulation d'avoirs dans un paradis fiscal, elle est vraiment terminée, sauf en cas d'activités criminelles telles que les trafics d'êtres humains ou de stupéfiants qui impliquent le recyclage d'argent sale, mais c'est une autre histoire. On ne pourra plus abriter secrètement quelques centaines de milliers ou quelques millions d'euros en Suisse ; demain, cela sera pénalisé. Le changement est fondamental.

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Merci beaucoup de cet impressionnant travail. La rapidité des résultats obtenus montre que la diplomatie multilatérale est bien utile par moments, et que nous ne pouvons pas nous en remettre simplement au travail bilatéral, vous avez bien fait de le souligner.

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En France, le projet de loi de finances pour 2016 prévoit l'obligation de déclaration pays par pays et l'échange automatique d'informations. Sa mise en oeuvre dépendra néanmoins de la liste des États qui auront notifié l'application de l'accord, après avoir créé l'obligation de déclaration dans leur droit interne, ne serait-ce que pour savoir quelle entité de chaque groupe est astreinte à déclarer dans quel pays. Avez-vous des éléments de calendrier en ce qui concerne les autres signataires ? L'horizon 2018 vous semble-t-il réaliste ?

L'accord ouvre la possibilité à un certain nombre d'États de refuser la réciprocité. Un pays peut donc être partie à l'accord, mais adresser les déclarations qu'il a recueillies sans réciprocité. Pourquoi cette possibilité a-t-elle été ouverte ? Des États ont-ils déjà manifesté leur volonté d'exercer ce droit ?

La situation est complexe lorsqu'une société-mère n'est pas enregistrée dans un État partie à l'accord. Quand le groupe n'a pas désigné un autre pays pour cette déclaration, les déclarations ne seront sans doute pas exhaustives faute d'accès à la société-mère sur son territoire.

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Merci, monsieur, nous nous sommes sentis intelligents à vous écouter, car nous comprenions. Néanmoins, j'ai quelques questions complémentaires.

Les États-Unis n'ont pas signé l'échange automatique d'informations. C'est tout de même un gros trou dans la raquette ! La Chine a signé, mais mon expérience de l'application des conventions internationales par cet État n'est pas encourageante. Quelle est votre appréciation sur l'engagement de la Chine ?

Avec Pierre Lellouche et Karine Berger, nous avons bien examiné la convention OCDE sur la corruption qu'Élisabeth Guigou a mentionnée initialement. Nous nous sommes aperçus que la « lutte anticorruption » était utilisée à d'autres fins que la seule lutte contre la corruption. Certains États – les États-Unis pour ne pas les nommer – ont utilisé un certain nombre des renseignements recueillis dans ce cadre pour mettre la main sur des entreprises étrangères. Avons-nous la garantie que le transfert automatique d'informations sera utilisé uniquement à fin de redressement fiscal, ou pourra-t-il être utilisé à d'autres fins moins avouables et moins légitimes ? C'est la raison pour laquelle je me méfie toujours de l'automaticité. Parfois, des enjeux diplomatiques et stratégiques peuvent dépasser le seul cadre de l'information administrative ou fiscale.

Par ailleurs, si je vous ai bien compris, vous préconisez indirectement aux conseillers fiscaux de se recycler ? Leur profession serait sinistrée ? C'est bon à savoir, je n'avais pas choisi cette profession !

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Merci de votre travail, fondamental, car s'y joue la capacité du politique à maîtriser le destin des peuples.

Ma première question porte sur le commerce. Par les factures de carte bleue, nous nous rendons compte que de plus en plus de transactions réalisées sur le sol français sont facturées à l'étranger. Par exemple, la location d'un box à Paris peut être facturée au Royaume-Uni et considérée comme une transaction internationale. L'OCDE travaille-t-elle sur ce sujet ?

Vous considérez que fixer le seuil des déclarations pays par pays à 750 millions d'euros de chiffre d'affaires est un élément positif, car les entreprises concernées réalisent 80 % du chiffre d'affaires de l'ensemble des multinationales. Je pense au contraire qu'il est notoirement insuffisant, car ramené au chiffre d'affaires de l'ensemble des sociétés, c'est marginal. Il est possible d'organiser juridiquement les sociétés pour qu'elles ne répondent pas à ce critère, même si de fait, leur chiffre d'affaires est supérieur à 750 millions d'euros.

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À mon tour, je tiens à faire part de mon admiration à M. Saint-Amans pour sa connaissance du sujet, et pour l'enthousiasme qu'il manifeste. Cela prouve que l'on peut être passionné par les affaires fiscales – ce qui n'est pas mon cas, surtout au moment de déclarer mes impôts !

Trois questions me préoccupent, deux concernent les États-Unis, une l'Europe.

Les États-Unis ont bâti leur système par une série d'accords bilatéraux. Ils ont bilatéralisé le jeu, et en usant du rapport de force, ils ont forcé les États qui ne le voulaient pas – notamment la Suisse – à entrer dans des systèmes de déclaration automatique, souvent déséquilibrés puisqu'ils ne prévoient pas de réciprocité. J'avais soulevé ce point ici même lorsque nous avions ratifié l'accord FATCA, convention fiscale qui n'est rien d'autre que la transposition d'une loi américaine, à la virgule près, dans le droit fiscal français. C'est sans précédent à ma connaissance. Il nous a été dit qu'une convention internationale suivrait l'adoption de ce texte, nous y sommes, mais les États-Unis n'en font pas partie.

Dans cette affaire, j'ai donc l'impression d'avoir été trompé deux fois. D'une part, dans une convention bilatérale, on nous refuse la réciprocité en prétendant que c'est pour la bonne cause – dans l'intérêt de la transparence et de la lutte contre la fraude fiscale. Nous avons donc signé un accord complètement déséquilibré. Mais lorsqu'une convention multilatérale impose l'échange d'informations, les Américains n'en sont pas partie. Tout ce qui nous a été dit à l'époque ne tient donc pas, et cela pose un gros problème.

Ma deuxième question porte sur le coeur de l'économie américaine aujourd'hui. Il ne s'agit plus de Boeing ou de General Electric, mais des GAFA – Google, Amazon, Facebook, Apple. L'industrie des hautes technologies gouverne le monde, et sur les vingt premières entreprises de ce secteur, quatorze sont américaines, six sont chinoises. Beaucoup d'entre elles ont des chiffres d'affaires supérieurs au PNB de certains pays européens, et vont décider de l'avenir des hommes. Tout cela se fait souvent sans contrôle des États, car ces entreprises sont plus fortes que nous.

Vous avez d'une certaine manière rappelé la règle « pas de taxation sans représentation ». C'est le fondement même des États. La seule façon d'obtenir un contrôle public de ces énormes entreprises est de rendre le reporting public, car la seule sanction possible, si Google triche ou pratique l'optimisation fiscale, est de le faire savoir à ses clients puisque les États n'ont pas de contrôle sur Google. Or, c'est justement ce qui est exclu de votre dispositif.

Il y a donc deux problèmes du côté des États-Unis : d'abord ils ne jouent pas le jeu au niveau multilatéral, ensuite la seule sanction possible contre les énormes entreprises qui sont en train de gouverner le monde aujourd'hui est la sanction du public, or cette dernière n'est pas possible, car l'information ne lui est pas donnée.

Enfin, ma troisième question concerne l'Europe, mais elle ne porte pas sur votre métier, plutôt sur le nôtre. Il faut mettre fin à la concurrence fiscale suicidaire entre États européens. Il n'est pas possible d'avoir une monnaie commune et des politiques sociales et fiscales différentes faisant le jeu de multinationales qui choisissent le moins-disant fiscal. On ne peut pas continuer comme ça. Ce type de questions devrait figurer parmi les enjeux de la campagne électorale pour les élections présidentielles. On ne peut pas continuer à voir les multinationales américaines telles que Google décider de payer l'impôt en Irlande alors qu'elles gagnent énormément d'argent en France, en Allemagne ou dans les grands pays.

Comme Mme Guigou, je vous tire mon chapeau et je reconnais qu'un certain nombre de progrès importants sont faits pour contrôler la mondialisation en matière fiscale. C'est bien, mais l'acteur principal ne joue pas le jeu – les Chinois et les Russes non plus – et l'Europe n'est toujours pas en ordre de marche pour gérer ces problèmes. Les conventions fiscales sont bien belles, mais elles ne règlent pas notre problème.

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Élisabeth Guigou. Lorsqu'en 2011 nous avons décidé de sauver l'Irlande – pays qui n'avait aucun déficit public mais qui était plombé par les opérations aventureuses de ses banques – je n'ai jamais compris pourquoi pas un seul responsable politique a sein de l'Union européenne n'en a profité pour poser la question de l'harmonisation fiscale. Nous leur avons tout de même donné plus de 80 milliards d'euros.

Les mentalités sont en train de changer, mais les actes tardent à suivre.

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Merci de votre travail, je sais que vous êtes très engagé sur ce sujet, dans le cadre contraint de l'OCDE. Le problème est que nous avançons au rythme des chars à boeufs alors qu'il faudrait enclencher le turbo. Personne ne croit que les paradis fiscaux vont bientôt disparaître.

Comme l'ont demandé un certain nombre de mes collègues, qu'en est-il du rôle des États-Unis ? M. Donald Trump s'est engagé dans la politique du moins-disant fiscal, puisqu'il a annoncé son intention de faire passer le taux de l'impôt sur les sociétés de 35 % à 15 % et de faire rentrer les repentis fiscaux en leur accordant des faveurs ; ce sont 2 600 milliards de dollars qui sont ainsi placés dans le monde. Dès lors, tout le monde s'inscrit dans cette logique : la Grande-Bretagne veut baisser à 18 % le taux de l'impôt sur les sociétés, tandis que j'ai lu qu'il était de 9 % en Hongrie. Autant dire qu'un jour, nous serons dans des pays sans impôt. Que deviennent les États dans ce cas ?

Je suis en faveur d'un reporting public. De quels moyens contraignants disposez-vous pour assurer qu'il soit au moins effectif ? Dans une déclaration récente, un dirigeant de la banque UBS a indiqué qu'il n'était pas question de donner des informations. C'est une chose d'écrire la fin du secret bancaire sur une feuille de papier, mais « la preuve du pudding, c'est qu'on le mange ». Concrètement, entre les écrits et les actes, il y a des marges importantes.

Que peut-on faire, par exemple, quand Apple négocie avec le gouvernement irlandais une taxation à 0,005 %, et qu'une fois rattrapé par la patrouille européenne, le gouvernement irlandais déclare qu'il ne veut pas des 13 milliards d'arriérés d'impôts ? Cette somme représente 20 % du budget de l'Irlande.

Vis-à-vis des multinationales du numérique, les fameux GAFA, qui dominent le monde entier – il y a 1,6 milliard d'utilisateurs de Facebook – que peut-on faire au niveau européen ?

Vous êtes enthousiaste, mais il ne faut pas faire rêver les gens : un vrai combat doit être mené. L'harmonisation fiscale, nous en parlons mais rien n'arrive. Sans harmonisation fiscale ni harmonisation sociale, l'Europe ne peut pas exister. Nous devons faire avancer d'autres ambitions, car le problème ne sera pas réglé aussi facilement, malgré le bon travail de l'OCDE.

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Je ne reviendrai pas sur l'absence de participation des États-Unis et les problèmes qu'elle pose. J'ai trois questions, très rapides.

Tout d'abord, où sont stockées toutes ces informations ? Je pense que le paradoxe est que les États-Unis ne sont pas partie à l'accord d'échange automatique d'information, mais que les informations sont stockées sur leur territoire.

Ensuite, il semble que nous allions vers une course au moins-disant fiscal au niveau européen. Agissez-vous à cet égard, ou est-ce hors de vos compétences ?

Enfin, quel est le statut de Hong Kong et de Singapour ?

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Après le Brexit, que nous allons devoir régler, ou parallèlement à celui-ci, nous devons faire avancer la zone euro. Je retiens deux propositions à cette fin, qui ne seront pas simples à réaliser : créer la fonction de Secrétaire général de la zone euro et réaliser l'harmonisation fiscale, qui est une priorité pour ne pas connaître à nouveau les crises que nous avons connues.

J'ai assisté hier au discours d'Angela Merkel pour le lancement de sa campagne électorale. Elle y a insisté sur la fraude fiscale, je voulais savoir si elle jouait un rôle important dans cette lutte.

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Pascal Saint-Amans, directeur du Centre de politique et d'administration fiscales de l'Organisation de coopération et de développement économique (OCDE) sur la coopération internationale en matière de lutte contre l'érosion des bases fiscales

Je vais regrouper vos questions autour de quelques thèmes.

S'agissant du rôle des États-Unis, M. Lellouche a eu raison de dire qu'ils ont imposé unilatéralement et extra-territorialement la législation FATCA. Leur poids économique est tel que les mesures de rétorsion qu'ils ont prévues à l'encontre des banques qui ne respecteraient pas leur réglementation ont incité les pays européens à s'adresser à l'OCDE pour protéger leurs banques en donnant l'information eux-mêmes, plutôt que d'exposer leurs établissements bancaires. C'est ce qui a été négocié, sans une réciprocité complète.

Par ailleurs, en matière d'échange de renseignements à la demande, les États-Unis ont quelques défaillances. Notamment, dans l'État du Delaware, il n'existe aucune obligation de déclarer le bénéficiaire effectif d'une société unipersonnelle à responsabilité limitée –single limited liability partnership. Les États-Unis ne pratiquent donc qu'une réciprocité partielle. Mais cela concerne l'échange de renseignements bancaires, qui est différent du reporting pays par pays dont vous êtes saisis aujourd'hui.

Concernant l'échange de renseignements bancaires, les États-Unis pratiquent une forme de réciprocité, notamment avec la France. L'OCDE souhaite que cette réciprocité devienne complète, ce n'est pas le cas aujourd'hui. En tout cas, grâce à la législation FATCA, la France va obtenir les informations de la Suisse. L'Union européenne n'ayant jamais été capable de parler d'une seule voix à ce sujet, il a fallu l'intervention des États-Unis pour mettre fin au secret bancaire absolu dans certains États.

Que l'on y croie ou non, les faits sont là : 500 000 contribuables ont déclaré des comptes à l'étranger, dont 48 000 en France. Il est toujours possible de dire qu'il ne se passe rien et que les paradis fiscaux continuent à exister, il faut regarder les faits, et ne pas s'en tenir à des représentations.

En ce qui concerne le reporting pays par pays, les États-Unis sont dans le circuit, ils ont adopté les réglementations qui leur permettent d'obtenir l'information et ils utiliseront les conventions fiscales bilatérales pour le faire. Il n'est donc pas nécessaire de passer par le multilatéral, le bilatéral peut suffire. Je crois que la future administration ne modifiera pas la pratique en vigueur jusqu'alors : les États-Unis échangeront les informations, mais de manière bilatérale, pas dans un cadre multilatéral.

Les États-Unis ont donc adopté les mesures réglementaires nécessaires pour commencer à échanger les informations, avec six mois de retard. Néanmoins, pour les États-Unis et les autres – la Suisse a dix-huit mois de retard – nous avons mis en oeuvre un mécanisme de déclaration volontaire des multinationales. Si leur gouvernement n'échange pas les renseignements, elles peuvent déposer leurs déclarations dans les pays où elles opèrent. Nous le verrons en 2017, ce mécanisme sera très largement utilisé, car les entreprises prennent cela au sérieux, dans la mesure où notre dispositif prévoit que si l'échange ne prend pas place, les États peuvent demander l'information unilatéralement, comme dans FATCA. Cette mesure de rétorsion incite les entreprises à déclarer dans le pays où elles opèrent, même si l'État de siège n'est pas prêt à faire de l'échange de renseignements. Cette mesure a été sécurisée dans l'accord pour éviter les asymétries du type FATCA.

Plusieurs d'entre vous ont mentionné la Chine. Elle soutient totalement ces travaux, et applique les mesures décidées. Hong Kong est une juridiction séparée. Techniquement, c'est une région administrative spéciale de la Chine, indépendante d'un point de vue fiscal. Hong Kong et Singapour sont donc partie aux travaux, et ont pris tous les engagements. Les cent un pays pratiquant l'échange automatique de renseignements incluent naturellement toutes ces places financières. Je ne dirais pas que nous avons toutes les places financières s'il manquait Singapour ou Hong Kong.

L'Allemagne joue un rôle clé, notamment par la présidence du G20. Le ministre des finances Wolfgang Schäuble a été extrêmement actif et apporte son poids politique.

Naturellement, la question des GAFA et de l'économie numérique reste entière. Ayez en tête que le volet TVA est en train d'être appliqué. C'était un sujet majeur, notamment pour les distributeurs qui n'étaient pas référencés dans les recherches de prix sur internet car ils facturaient la TVA tandis que leurs compétiteurs ne le faisaient pas. La règle a été clarifiée : la TVA doit être acquittée dans l'État de consommation. Cela permet non seulement de récupérer de l'impôt mais aussi de mettre fin à cette inégalité de traitement entre les différents acteurs, car le fait de ne pas être référencé ou de n'apparaître qu'à la cinquantième page fait perdre des clients.

La concurrence fiscale existe, c'est un problème qui n'a pas été résolu. Je n'ai pas à me prononcer sur l'harmonisation européenne. Je vous invite juste à réfléchir sur le sens de l'harmonisation fiscale, car il y a un déficit de réflexion sur ce point. Harmoniser, mais quoi ? L'impôt sur les sociétés, l'impôt sur les personnes physiques, la TVA ? Harmoniser pourquoi ? Harmoniser la base, les taux ? Les taux de prélèvements obligatoires ne sont pas les mêmes dans l'Union européenne, donc si l'on souhaite harmoniser la fiscalité, il faut regarder les dépenses.

Je fais beaucoup d'auditions, dans beaucoup de pays, et j'ai beaucoup de respect pour les représentants de la nation, quelle que soit la nation. Lorsque je vais en Irlande, je suis dans un pays souverain, face à des représentants souverains qui estiment que leur souveraineté leur permet de fixer un taux d'imposition des sociétés à 12,5 %. J'entends la France qui estime que sa souveraineté lui permet de fixer un taux à 35 %, mais comment articule-t-on ces différentes souverainetés ? Je ne suis pas contre l'harmonisation, mais il ne suffit pas de dire qu'il faut harmoniser, il faut une véritable réflexion, en profondeur.

Ainsi, l'Union européenne s'apprête à dresser la liste de pays qui n'ont aucune fiscalité, estimant que ce n'est pas normal. Cela paraît de bon sens, mais si nous inscrivons les Bermudes ou les Bahamas – qui n'ont aucune fiscalité – que devront faire ces États pour sortir de la liste ? Mettre en place un impôt sur les sociétés ? Sur quelle base, à quel taux, et qui fera la police ? Le problème n'est-il pas plutôt que l'Union européenne n'a pas de frontières extérieures ? Il a été mis fin aux frontières intérieures, il n'y a pas de retenue à la source sur un dividende qui part en Irlande, et l'Irlande n'a pas de retenue à la source lorsque le flux part aux Bermudes. N'est-ce pas là le problème, plutôt que de dire que ces États ont tort de ne pas avoir de fiscalité ? Après tout, ce sont aussi des États souverains, et aux Bahamas et aux Bermudes, j'ai été auditionné par des ministres et des parlementaires qui ne souhaitent pas se faire dicter ce qu'ils doivent faire. Il est facile d'appeler à agir, mais je trouve qu'il manque aujourd'hui une réflexion, et vous avez un rôle clé à jouer à cet égard.

La concurrence fiscale existe aujourd'hui. Avant l'adoption de BEPS, elle permettait juste, par arrangement contractuel, de placer de l'argent aux Bermudes avec un taux d'imposition nul. Ça, c'est vraiment terminé. Vous évoquez le rythme des chars à boeufs, mais modifier toutes les règles de fiscalité en deux ans, avec l'accord de quarante-quatre pays membres, en respectant les procédures législatives, c'est plutôt rapide. Mais la concurrence fiscale qui va en résulter sera encore plus âpre. Si l'on plaçait auparavant des profits aux Bermudes à un taux d'imposition de 0 %, il faudra demain placer des activités pour bénéficier de ces taux, ce qui entraîne une pression à la baisse de l'impôt sur les sociétés. Du fait de la souveraineté des États, nous n'avons pas encore de réponse à cette question qui porte sur l'avenir de l'impôt sur les sociétés.

Vous m'avez interrogé sur le seuil retenu –750 millions d'euros de chiffre d'affaires – pour la déclaration pays par pays. Il est effectivement relativement élevé, mais il sera revu en 2020. Notre préoccupation principale était de le voir fonctionner, et lorsque l'on entre dans le détail, c'est extrêmement complexe. Demander à de plus petites entreprises de l'appliquer faisait courir le risque d'une mise en oeuvre peu harmonisée. Nous ne souhaitons pas maintenir ce seuil à ce niveau, mais commencer à mettre le dispositif en oeuvre avec des acteurs avec lesquels nous pouvons discuter avant de faire baisser ce seuil. C'est une approche pragmatique.

Sur le calendrier, nous sommes plutôt confiants sur l'entrée en vigueur de ces mesures, et pour les pays en retard, des déclarations volontaires seront faites. L'accord qui vous est soumis est un accord multilatéral, mais ensuite, la France devra dire avec quels autres pays elle activera l'accord multilatéral. Elle devra indiquer à l'OCDE la liste des pays avec lesquels elle compte mettre en oeuvre l'échange d'informations, les autres pays feront de même, et nous mettrons ces déclarations en relation pour faire entrer l'accord en vigueur. Nous sommes confiants quant au fait que tous les pays signataires vont se nommer les uns les autres, du fait de l'existence du dispositif anti-abus : les États ont la possibilité de demander unilatéralement, c'est une incitation forte. Il n'y a pas de réciprocité systématique car certains États n'ont pas d'impôt sur les sociétés.

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Merci infiniment, ce sujet nous intéresse énormément, depuis longtemps, et vous nous avez beaucoup éclairés par la simplicité de vos explications sur un sujet aussi complexe.

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Nous examinons maintenant, sur le rapport de Mme Valérie Fourneyron, le projet de loi autorisant l'approbation de l'accord multilatéral entre autorités compétentes portant sur l'échange des déclarations pays par pays.

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Je ne rappellerai pas le contexte de l'accord qui nous est soumis puisque M. Saint Amans vient de présenter les évolutions sur ce sujet au plan international et particulièrement le rôle de l'OCDE avec ces trois périodes, années 1990, crise de 2008 et l'accélération de ces dernières années, pour lutter contre l'érosion des bases fiscales et notamment les manipulations des prix de transfert.

Je veux souligner que la France dispose déjà en droit interne de l'outil lui permettant de mettre en oeuvre cet accord, à savoir l'obligation pour certaines entreprises de déclarer à l'administration fiscale la répartition pays par pays des bénéfices et des principaux agrégats économiques, comptables et fiscaux.

L'article 121 de la loi de finances pour 2016 a en effet créé cette obligation déclarative, sanctionnée par une amende de 100 000 euros maximum, pour les exercices ouverts à compter du 1er janvier 2016, et prévu l'échange automatique de ces déclarations avec les administrations fiscales étrangères ayant adopté un dispositif équivalent. La rédaction retenue, issue d'un amendement de notre groupe, est la transposition fidèle de l'action n°13 du plan d'action adopté par l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) pour faire face à l'érosion de la base d'imposition et de transfert des bénéfices – ce fameux BEPS.

Sont donc concernées toutes les entreprises ou les groupes dont le chiffre d'affaires est supérieur à 750 millions d'euros. A l'échelle mondiale, ce seuil permettrait de couvrir les 10 % d'entreprises multinationales réalisant environ 90 % du chiffre d'affaires mondial. La déclaration sera souscrite par trois types d'entreprises : les entités mères françaises ; les entités françaises de groupes dont la société mère n'est pas soumise à une telle obligation dans son Etat de résidence et qui ont été désignées en substitution ; et les entités qui sont tenues à la déclaration car le groupe n'a désigné aucune entité de substitution. Au total, cela pourrait concerner en France environ 200 sociétés mères et viser 1 200 filiales.

Ces déclarations, dont les premières seront transmises en 2017 à l'administration, viennent compléter un arsenal juridique très complet, qui va des dispositifs de taxation de revenus localisés ou en lien avec l'étranger aux outils de contrôle des groupes.

En matière de contrôle, les entreprises relevant de la Direction des grandes entreprises ont toutes depuis 2010 des obligations de documentation relatives aux prix de transfert intra-groupes, en outre renforcées pour les transactions avec des entreprises associées établies dans un territoire non coopératif. L'article 45 de la loi relative à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière du 6 décembre 2013 a ajouté une obligation de déclaration annuelle qui s'applique aux mêmes entreprises et correspond en pratique à une version allégée de la documentation. Par ailleurs, pour certains secteurs spécifiques, l'obligation de publier – et pas seulement déclarer – la répartition de leurs revenus pays par pays a été introduite. C'est le cas des établissements de crédit et des entreprises de l'industrie extractive.

La nouvelle obligation de déclaration pays par pays qui s'appliquera dès l'an prochain permettra de renforcer les moyens des équipes de contrôle, en accroissant les informations disponibles. Néanmoins, eu égard aux obligations déjà existantes en France, le saut qualitatif ne sera véritablement obtenu que lorsque la France pourra obtenir des informations aussi complètes recueillies par des Etats tiers.

Si la France dispose désormais d'un immense réseau conventionnel lui permettant d'échanger des renseignements sur demande, la transmission spontanée ou automatique demeure l'exception. Or, la difficulté à suspecter des anomalies sur la base des seules informations recueillies sur le sol national est limitée.

Les accords multilatéraux de l'OCDE constituent dès lors des outils précieux pour compléter les facilités bilatérales ou régionales, avec par ailleurs des standards internationaux, qu'il s'agisse des formats, du cadre légal ou des procédures. D'une part, la qualité, l'exhaustivité et l'exploitabilité de l'information recueillie sont assurées, quand beaucoup de pays ne disposent aujourd'hui d'aucune législation contraignante. D'autre part, le caractère automatique des échanges confère une grande puissance au dispositif, dont le degré effectif dépendra du nombre d'Etats participants. 49 pays sont déjà signataires et d'autres devraient les rejoindre prochainement.

Tel est l'enjeu de la ratification de l'accord qui nous est soumis : resserrer les mailles du filet sur les groupes multinationaux par les voies d'une coopération internationale aboutie, qui garantisse également la confidentialité des informations échangées. Pour toutes les parties, l'identification des transferts anormaux de masse taxable d'une juridiction à l'autre sera facilitée par l'accès à la déclaration consolidée de la répartition des bénéfices et du chiffre d'affaires, à des données fiscales complètes de chaque filiale des multinationales et le recoupement avec les bases taxées.

L'accord s'appuie sur l'article 6 de la convention multilatérale sur l'assistance administrative mutuelle en matière fiscale de l'OCDE et du Conseil de l'Europe du 25 janvier 1988 modifié en 2010 et qui prévoit le principe de l'échange automatique d'informations, ainsi en vigueur en France depuis le 1er avril 2012. Un pays qui a signé la convention ne sera considéré comme concerné par l'accord que lorsqu'il sera devenu partie à la convention de 1988. Concernant les dispositions de l'accord soumis, je relèverai les points suivants :

D'abord, la déclaration pays par pays est définie conformément au rapport de 2015 sur l'action 13 du projet BEPS. Cela concerne notamment les seuils. La version de ce rapport telle qu'amendée à la suite du réexamen qui est prévu en 2020 est explicitement visée. Les éventuelles modifications seront donc automatiquement incorporées.

L'échange automatique se fera selon une fréquence annuelle au bénéfice de tous les États dans lesquels sont implantées les entités constitutives du groupe multinational. Cependant, il n'y aura pas de transmission des déclarations aux autorités des États ayant choisi d'être inscrit sur la liste des États pour lesquels il n'y a pas de réciprocité. Ces États transmettent les déclarations mais ne reçoivent pas celles des autres États. Ce n'est évidemment pas le cas de la France. Cette disposition a été introduite, non pas pour contourner l'accord, mais pour répondre au cas des Etats qui ne disposent pas de fiscalité directe.

Les déclarations devront être échangées dans un délai de quinze mois à partir de la date de clôture de l'exercice. Cette période est allongée à dix-huit mois pour la première année.

L'échange de déclarations est informatisé (XML) et les autorités compétentes des États doivent s'accorder sur des méthodes communes de cryptage. Tous les renseignements échangés sont soumis aux obligations de confidentialité stricte et de protection des données.

Les informations transmises ne peuvent ainsi être utilisées comme fondement d'un redressement, car elles ne sauraient remplacer une analyse pour une transaction ou une rémunération particulière, mais il n'existe aucune restriction à l'utilisation des renseignements figurant dans les déclarations comme point de départ d'un examen approfondi.

Il est prévu une procédure de notification entre les partenaires permettant de corriger la communication d'informations supposée erronées ou incomplètes ou si une autorité suspecte qu'une entité déclarante ne respecte pas son obligation de déclaration. Dans le cas où il est conclu à une défaillance systémique, le secrétariat avise l'État défaillant et l'ensemble des autorités compétentes parties à l'accord.

L'application de l'accord peut être suspendue en cas de manquement grave à ses dispositions par un partenaire, notamment en cas de non-respect des obligations de confidentialité et de protection des données, d'usage inapproprié des informations, d'inaction face à un ajustement aux effets économiquement indésirables ou encore de défaut de communication en temps voulu des renseignements à échanger. Cette suspension est à effet immédiat et se poursuit jusqu'à ce que l'autre autorité compétente établisse d'une façon satisfaisante qu'il n'y a pas eu de manquement grave ou qu'elle a pris les mesures appropriées pour remédier à un tel manquement.

L'accord prend effet entre deux autorités lorsqu'elles ont manifesté leur intention d'échanger automatiquement les renseignements l'une avec l'autre et ont satisfait aux obligations de notifications. La notification indique :

– la législation en place en matière de déclaration par pays ;

– les infrastructures et le cadre juridique garantissant la confidentialité et la protection des données ;

– les méthodes de transmission des données, cryptage inclus ;

– le choix éventuel de figurer dans la liste des juridictions sans réciprocité ;

– la liste des juridictions des autorités compétentes à l'égard desquelles la juridiction a l'intention que l'accord prenne effet ou une déclaration exprimant l'intention que l'accord prenne effet avec toutes les autorités compétentes qui adressent une notification. Il s'agit d'indiquer avec quels pays l'échange automatique aura lieu.

Indépendamment de la formalité requise, il est bien précisé que l'échange entre deux autorités compétentes ne s'applique que si l'accord a pris effet dans les deux autorités compétentes, que leur Etat est doté d'une législation qui prévoit le dépôt des déclarations pays par pays pour l'exercice concerné et que cette législation est conforme à la portée de l'échange prévue.

Enfin, il est possible de dénoncer l'accord, avec le respect d'un préavis écrit adressé au secrétariat. La dénonciation prend effet seulement le premier jour du mois suivant l'expiration d'un délai de douze mois à compter de la date du préavis.

Pour conclure, je vous invite mes chers à collègues à adopter le projet de loi de ratification, qui par-delà ces aspects techniques, constitue un maillon important dans notre arsenal juridique. Particulièrement investie dans la mise au point des dispositifs de lutte contre la fraude et l'évasion fiscales, la France n'a eu de cesse de soutenir l'action déterminante de l'OCDE. Elle dispose déjà de la législation lui permettant d'assurer l'échange automatique de déclarations pays par pays à partir de 2018. Cet échange lui assurera des moyens supplémentaires potentiellement considérables pour affiner et renforcer ses contrôles en matière de prix de transfert. Il en confèrera aussi à ses partenaires.

J'ajoute qu'il est essentiel de maintenir la mobilisation collective qui a prévalue à la signature de cet accord en manifestant l'attachement à sa mise en oeuvre effective, avec à la clé une capacité de contrôle d'autant renforcée que le nombre de parties sera élevé et peut-être un effet dissuasif non négligeable sur un certain nombre de groupes.

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Je vous remercie beaucoup pour ce rapport extrêmement précis sur ce sujet fondamental.

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Peut-on chiffrer l'effet attendu de cet accord en matière d'évasion fiscale qu'il permettrait d'éviter ?

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Le montant correspondant à l'érosion des bases fiscales à l'échelle mondiale est évalué à 240 milliards d'euros.

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Je préfère m'abstenir car le « trou dans la raquette » me pose problème.

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Oui, mais je pense que l'on n'est pas à la hauteur.

Suivant l'avis de la rapporteure, la commission adopte le projet de loi n° 4181 sans modification.

Informations relatives à la commission.

Au cours de sa réunion du mercredi 7 décembre 2016 à 9h45, la commission des affaires étrangères a nommé :

– M. Michel Terrot, rapporteur sur le projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Panama relatif aux services aériens (n° 4210),

– M. Michel Terrot, rapporteur sur le projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation de l'accord relatif aux services de transport aérien entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République démocratique du Congo (n° 4209),

– M. Michel Terrot, rapporteur sur le projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Congo relatif aux services aériens (n° 4205),

– M. Michel Terrot, rapporteur sur le projet de loi autorisant l'approbation de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République des Philippines relatif aux services aériens (n° 3383),

– M. Michel Terrot, rapporteur sur le projet de loi autorisant l'approbation de l'accord relatif aux services de transport aérien entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de l'Union des Comores (n° 3384).

La séance est levée à onze heures quinze