Commission des affaires étrangères

Réunion du 18 janvier 2017 à 9h30

Résumé de la réunion

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La réunion

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Présentation, ouverte à la presse, du rapport de la Mission d'information sur la coopération européenne avec les pays du Maghreb (M. Guy Teissier, président et M. Jean Glavany, rapporteur

La séance est ouverte à neuf heures quarante-cinq.

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L'ordre du jour appelle l'examen du rapport de la mission d'information sur la coopération européenne avec les pays du Maghreb présidée par M. Guy Teissier et dont le rapporteur est M. Jean Glavany.

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Madame la Présidente,

Mes chers collègues,

En 2011, des soulèvements populaires dans le Maghreb et au Proche-Orient ont mis fin à des régimes que l'on croyait solidement implantés. Cette déflagration avait alors surpris les capitales européennes et ses meilleurs spécialistes, elle avait pour un temps, attiré l'attention des médias sur une région parfois délaissée au profit du Levant.

Il a nous a semblé judicieux de faire le point, cinq ans après, sur chacun des pays qui forment ce qu'on appelle le Grand Maghreb, soit le Maroc, l'Algérie, la Tunisie, mais aussi la Libye et la Mauritanie.

Tout d'abord en raison du caractère stratégique de cette région pour l'Europe, trop souvent oubliée par nos partenaires européens. L'actualité de cette région est parfois éludée par celle du Proche et du Moyen-Orient, ou de l'Afrique subsaharienne, mais les pays d'Afrique du Nord représentent un intérêt vital pour l'Union européenne. Au plan économique tout d'abord : les trois pays qui forment le petit Maghreb sont des pays émergents, qui constituent un espace de croissance potentielle vitale pour l'Europe ; c'est aussi une région où se joue son approvisionnement énergétique. Au plan politique ensuite : les pays du Maghreb, s'affirment de plus en plus sur la scène internationale, mais surtout, ils forment la porte de l'Afrique et sont donc incontournables dans nos relations avec ce continent. Enfin au plan sécuritaire : que ce soit la menace terroriste ou les crises migratoires ou encore le conflit libyen, la sécurité de l'Union européenne se joue au sud et avec les pays du Maghreb. Ce qui fait le caractère d'exception de cette région n'est pas assez intégré par la politique européenne dans la zone, alors que d'autres acteurs internationaux, notamment les Etats-Unis, ou encore la Chine ne s'y sont pas trompés et ont intensifié leur partenariat avec le Maghreb ces dernières années.

Mais l'accent a aussi porté sur les cinq pays qui forment le Grand Maghreb, en raison des liens d'exceptions qui unissent la France à chacun d'entre eux. Cependant, les travaux de la mission ont révélé deux éléments importants : notre connaissance de ces pays n'est plus aussi intime qu'autrefois, faute notamment d'un véritable investissement intellectuel ici, en France. Par ailleurs, il serait hasardeux de croire qu'un héritage historique, certes riche, suffit à préserver les relations privilégiées que notre pays entretient avec le Maghreb. Comme l'indiquait un interlocuteur de la mission, « la France pense que notre histoire partagée suffit à garder le lien, il n'en est rien ».

Nous nous sommes donc rendus en septembre dernier à Rabat et Casablanca, Nouakchott, Tunis et enfin Alger, où nous avons pu rencontrer un grand nombre de responsables politiques, mais aussi de représentants des milieux économiques et de la société civile.

Je laisserai M. Glavany insister sur ce qui fait la cohérence de cet espace géographique insulaire, qui n'a pas encore trouvé de traduction politique, pour me concentrer sur ce qui fait la spécificité de chaque trajectoire nationale. Depuis 2011 et l'onde de choc des « révolutions arabes », chaque pays tente en effet de trouver une voie qui lui est propre en répondant aux attentes de la population, tout en maintenant une certaine stabilité.

Je débuterai par les trois pays qui forment le coeur du Maghreb, la Tunisie, le Maroc et l'Algérie, avant d'évoquer rapidement la Mauritanie et la Libye.

La Tunisie tout d'abord, devenue le symbole des révolutions arabes. Il nous a semblé que si le pays a achevé le premier temps de sa transition, sa démocratie reste fragile, au plan social, politique et sécuritaire :

Tout d'abord, les revendications de dignité et de justice n'ont en grande partie pas trouvé satisfaction et beaucoup de Tunisiens ont vu leurs conditions de vie se dégrader depuis 2011.

Selon de nombreux interlocuteurs de la mission, le risque est grand de nouvelles éruptions sociales dans un contexte de « désocialisation » croissante de la colère populaire, et de chômage de masse des jeunes. En janvier 2016, le plus grand mouvement social depuis la révolution, parti de Kasserine, a essaimé dans toutes les régions intérieures, s'est accompagné de violences contre les symboles de l'État, notamment la police. Depuis décembre 2015, les chômeurs de Sidi Bouzid manifestent devant le ministère du travail; de même qu'à l'usine Petrofac de Kerkennah depuis janvier 2016. Les scandales de corruption dans le domaine de la santé ont aussi nourri le mécontentement populaire.

Or les autorités tunisiennes peinent à apporter une réponse rapide et efficace aux besoins de la population : le dialogue national sur l'emploi présenté fin mars n'a pas encore rempli toutes ses promesses, et le plan quinquennal censé présenter au public et partenaires internationaux les grandes orientations stratégiques du pays n'a été publié qu'en septembre 2016. Aux attentes de la population s'ajoutent les réformes économiques attendues par les bailleurs internationaux (code des investissements, réforme fiscale, assainissement budgétaire, amélioration de l'environnement des affaires) qui tardent à être mises en oeuvre et le sont parfois sans ordonnancement stratégique selon certains. L'adoption d'une loi sur les investissements visant à moderniser et à rationaliser le cadre juridique est cependant un signe encourageant. De même que le véritable succès de la conférence Tunisie 2020 organisée en novembre dernier.

Au plan politique, le pays connaît aussi des fragilités : un nouveau gouvernement dirigé par Youssef Chahed a été désigné, au sein duquel l'UGTT et la gauche ont fait leur entrée, et où Ennahda a obtenu des postes importants bien que non régaliens (avec l'économie, le commerce et le numérique, ils seront en charge des secteurs qui représentent près de 60 % du PIB tunisien). Le parti Ennahda, qui demeure le principal soutien du gouvernement, est sans nul doute devenu la première force politique au Parlement et dans le pays, notamment avec l'effritement du « parti » Nida Tounès. Cette coalition de circonstance a été fragilisée par la scission des partisans de Mohsen Marzouk. Or ceci n'est pas sans risque pour la stabilité gouvernementale, alors même que le pays a besoin d'une majorité forte pour mener des réformes urgentes...

Au plan sécuritaire, les risques de déstabilisation de la Tunisie sont très élevés : les trois attentats qui ont marqué l'année 2015 en Tunisie, dont certains préparés en Libye et l'attaque de Ben Gerdane en mars 2016, montrent que la situation est encore fragile. Il existe encore des maquis dans le Centre-ouest du pays. Mais la menace prend davantage le visage d'un terrorisme urbain, interagissant avec le djihadisme international et de plus en plus aligné sur la stratégie de l'Etat islamique. La tentative de prise de la ville de Ben Gerdane par un groupe affilié à Daech, préparée de longue date, l'a montré. Enfin, la présence de quelques 1500 djihadistes tunisiens en Libye et la perspective du retour de milliers d'autres en Syrie ou en Irak est un sujet de préoccupation majeur. Les forces de sécurité, malgré un effort de mise à niveau, n'ont pas toujours les capacités ou l'organisation adaptée pour répondre aux menaces terroristes et contrôler leur frontière.

Il est évident que les terroristes veulent voir le modèle tunisien tomber, il faut donc s'attendre à ce que les menaces s'accroissent et il faut accorder un soutien prioritaire au pays.

La mission s'est aussi rendue au Maroc, où la situation est bien différente. Le Roi a dès 2011 fait le pari de la réforme politique, qui s'est avéré gagnant. On peut voir là une forme de continuité avec le début d'ouverture engagé à la fin du règne d'Hassan II. Il reste que l'adoption par le Maroc d'une nouvelle Constitution dès le 1er juillet 2011, suivie d'élections législatives anticipées remportées par le parti PJD, marque un vrai tournant dans la dynamique de réforme des institutions.

Selon nos interlocuteurs, les élections du 7 octobre 2016 ont marqué un nouveau changement avec l'introduction d'une forme de bipartisme opposant des formations relativement neuves : ces élections se sont traduites par une nette victoire du PJD. Comme pour le parti Ennahda en Tunisie, ce succès confirme le profond enracinement électoral du PJD dans le pays. C'est aussi une victoire personnelle pour l'actuel chef du gouvernement, Abdelilah Benkiran, avec lequel nous nous sommes longuement entretenus. Le parti PAM s'impose quant à lui comme la deuxième force politique du pays : cette formation, même si elle demeure une coalition hétéroclite, sera le futur pivot de l'opposition.

Si sur le volet institutionnel la réponse a été rapide et menée avec succès, sur le terrain social, les demandes d'accès à la justice sociale, à l'éducation, à l'emploi, à la dignité et à la liberté n'ont pas toutes trouvé satisfaction, ce malgré des efforts qu'il faut saluer de la part des autorités marocaines. C'est à nos yeux le défi premier du Maroc aujourd'hui.

Depuis son avènement au pouvoir, Mohammed VI en a fait sa priorité. Des avancées importantes ont été obtenues : recul de la pauvreté ; baisse du taux d'analphabétisme ; nette amélioration de la couverture santé ; relogement de plus de la moitié des habitants des bidonvilles.

Cependant, les problèmes sociaux demeurent importants. Les inégalités sociales demeurent fortes. Une large frange de la classe moyenne reste en situation de vulnérabilité économique. Le système public d'éducation souffre de carences profondes, dont l'attrait des lycées français est parfois le reflet, et l'université produit trop de « jeunes diplômés chômeurs ». C'est le secteur informel, qui représente la moitié des emplois du pays, qui joue le rôle d'amortisseur social, ainsi que l'aide internationale de l'Europe, mais aussi des pays du Golfe.

Au final le Maroc semble bien engagé sur la voie des réformes.

La mission s'est rendue en Algérie, où, au plan politique, la question qui occupe tous les esprits est celle de la succession d'Abdelaziz Bouteflika, réélu le 17 avril 2014 dès le premier tour, avec 81,5% des suffrages, face à son ancien Premier ministre. De nombreux mouvements internes ont lieu dans les milieux administratifs, militaires et économiques, vraisemblablement pour préparer la succession du chef de l'État algérien. Les autorités ont effectué de nombreux remaniements depuis le mois de mai 2015, avec le remplacement très commenté du général Médiène et le remaniement de plusieurs portefeuilles ministériels. Plus récemment, le Président Bouteflika a procédé à la dissolution du DRS remplacé par une nouvelle structure, directement rattachée à la Présidence de la république.

Certains de nos interlocuteurs ont évoqué la possibilité que l'actuel Chef d'État-Major succède au Président. En réalité, tous ces mouvements sont aujourd'hui difficiles à interpréter tant leur finalité demeure opaque.

Autre élément d'incertitude, et non des moindres, la situation économique et sociale. La baisse du prix du pétrole met en danger le modèle d'économie de rente qui avait, avec le souvenir de la guerre civile, contribué – grâce à une redistribution notamment en direction des jeunes – à prémunir l'Algérie contre la vague de soulèvements populaires de 2011. Le gouvernement avait en effet répondu par un relèvement du SMIC, du minimum retraite et des primes aux fonctionnaires ainsi qu'une augmentation des subventions et des aides sociales.

Le choc pétrolier qui pèse sur l'Algérie depuis 2014 prive le gouvernement de cet amortisseur social. Comme dans tous les autres pays du Maghreb, le rythme de la croissance reste trop faible pour permettre au chômage de se résorber. Malgré les discours du gouvernement sur la diversification, les contraintes administratives continuent de peser sur le secteur privé en Algérie.

Au plan sécuritaire, le terrorisme a baissé jusqu'à un niveau sans commune mesure avec les années 1993-1998 et la situation semble aujourd'hui sous contrôle. En effet, dès son élection en 1999, le Président Bouteflika a mis en oeuvre une politique de réconciliation nationale, et fait adopter par référendum en 2005 une « Charte pour la paix et la réconciliation nationale », qui a permis de rétablir la paix dans le pays. Mais les crises régionales pourraient raviver la menace. Le groupe Al Mourabitoune (faction dissidente d'AQMI), entré par la frontière libyenne, a attaqué le 16 janvier 2013 le site gazier d'In Amenas faisant 67 morts avant d'être neutralisé par l'armée algérienne. Enfin, Daech attire certaines branches dissidentes d'AQMI, ce qui risque d'introduire une logique de surenchère entre les différents groupes terroristes. L'assassinat du français Hervé Gourdel à Tizi Ouzou confirme cette tendance.

La mission a aussi fait le choix de se rendre en Mauritanie, pays souvent négligé au sein du Grand Maghreb, mais qui a une importance stratégique capitale, étant à la fois ouvert sur le Maghreb et le Sahel, où la France est engagée.

Au plan sécuritaire, la Mauritanie a été le premier pays sahélien touché par le terrorisme. Le pays a su rapidement réorganiser ses forces de sécurité et de renseignement qui apparaissent aujourd'hui comme parmi les plus efficaces de la sous-région. Le président Aziz, que nous avons rencontré, a estimé que la contribution de la France avait été décisive au Mali et dans l'ensemble de la sous-région. Enfin, le G5 Sahel regroupant autour de la Mauritanie, le Mali, le Niger, le Tchad et le Burkina Faso est un outil certes perfectible mais essentiel pour assurer la sécurité dans la région, que la France doit encourager.

Si au plan sécuritaire, la situation est stabilisée, les fragilités de la Mauritanie résident plutôt au plan économique et sociétal et ne doivent pas être sous-estimées.

La chute durable des cours du secteur extractif notamment du fer, ont provoqué une forte diminution des revenus issus du secteur minier. Les autorités mauritaniennes n'ont pas engagé de diversification sérieuse de leur économie. Certes quelques tentatives ont vu le jour, comme en témoigne la zone franche de Nouadhibou, mais elles restent marginales et ne profitent pour l'instant qu'à quelques proches du pouvoir et à quelques firmes étrangères notamment espagnoles. En attendant, le pouvoir mauritanien compte beaucoup sur des appuis extérieurs, notamment des pays du Golfe, qui a pour conséquence une dépendance diplomatique inquiétante vis-à-vis notamment de l'Arabie Saoudite.

Enfin et surtout, la cohésion nationale est toujours en question. La question de l'esclavage et de ses séquelles et plus largement la question identitaire est une des questions essentielles qui agitent la société et la classe politique mauritanienne. Elle polarise encore la société entre Beidhan, tribus maures d'origine arabo-berbères, Harratin, descendants d'esclaves noirs et populations noires – mauritaniennes, peuls, soninké ou wolofs.

On peut légitimement s'inquiéter de la fracture grandissante entre les communautés. Le risque qu'elle fait courir rapproche la Mauritanie du Mali où la division entre populations du sud et Touareg du nord a provoqué l'instabilité que l'on connaît depuis 2012, instabilité encore accentuée par les risques récents de « sécession » des Peuls du Macina.

Enfin, je dirai quelques mots de la Libye.

Cinq ans après la chute du régime de Mouammar Kadhafi, la Libye est encore plongée dans des difficultés sécuritaires et politiques particulièrement préoccupantes.

Les accords de Skhirat ont eu la vertu d'acter la solution politique et le retour du gouvernement à Tripoli. La reconquête de Syrte grâce aux brigades de Misrata et aux frappes américaines, a permis également à M. Sarraj et à l'Ouest de consolider leur légitimité. Mais celui-ci peine à affirmer son autorité sur l'ensemble du pays, comme en témoigne récemment la tentative de prise de plusieurs ministères par des groupes armés.

Le Parlement réuni à Tobrouk, sous la présidence de M. Saleh a, à trois reprises, rejeté la liste du gouvernement d'entente nationale. Surtout, une offensive menée mi-septembre par le général Khalifa Haftar a détrôné Jadran et lui a permis de prendre possession des champs pétroliers, et de reprendre la main politiquement. Il a fait la preuve qu'il avait un projet pour la nation en remettant les clés des infrastructures à la Compagnie pétrolière nationale. Tout l'enjeu de la négociation est donc moins d'être pour ou contre Khalifa Hafter, que de trouver une solution pratique permettant d'accorder une place à ses forces, tout en veillant à ce qu'il soit maintenu sous l'autorité d'un gouvernement civil.

Il est d'autant plus urgent de trouver un accord que les divisions profondes du pays s'accroissent, de même que les risques sécuritaires. On assiste à la dangereuse (re) constitution de deux camps, Est et Ouest, Hafter contre Misrata : les deux autorités rivales sont à moins de 200 km l'une de l'autre. S'y ajoutent les affirmations claniques et la prédation économique qui conduisent chaque groupe à chercher à étendre son influence à partir de son territoire. Enfin, le risque terroriste est bien présent. Certes, les forces de Daech ont été éradiquées à Syrte. Mais on observe un retour des djihadistes à Sabratha, où leur camp avait été détruit par des frappes américaines. Or cette ville est située à 100km de la frontière tunisienne. Une implosion du pays répercuterait sur ses voisins, mais aussi l'Europe, je rappelle en effet que la question migratoire est loin d'être réglée : avec la fermeture de la route turque, la Libye est redevenue depuis avril 2016 le premier pays de départ des migrants vers l'Europe. Il y a donc urgence à stabiliser ce pays.

La situation de chacun des pays du Maghreb est donc bien différente, et il convient que notre diplomatie tienne compte de ces spécificités au plan bilatéral. Il n'en demeure pas moins que ces pays partagent des enjeux communs, qui appellent une réponse globale, et sur lesquels Jean Glavany va davantage insister.

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D'abord je voudrais dire le grand intérêt que j'ai porté à ce travail pendant six mois. C'était un voyage intellectuel dans le Maghreb contemporain véritablement passionnant.

Je commencerai par une formule toute faite, « le Maghreb existe mais nous ne l'avons pas rencontré ». L'UMA, l'Union du Maghreb arabe qui avait été créée à la fin des années 1980, est une réalité politique évanescente, sans aucune espèce de contenu politique, la faute à la sempiternelle cassure entre le Maroc et l'Algérie sur le dossier du Sahara occidental. Le Maghreb est une réalité géographique, mais nullement politique et à peine économique.

Pour introduire ce débat, je me contenterais de faire quelques réflexions.

Premier préalable, partout où nous sommes allés, dans tous les pays du Maghreb, on nous a dit : « l'Europe regarde trop à l'est, et pas assez au sud ». C'est vrai. Nos efforts ne sont pas assez entraînants vis-à-vis du Maghreb. Une des questions qui doit nous obséder, et sur laquelle le rapport insiste, est celle de la nécessité de faire mieux en direction du sud. Il faut reconnaître que seul le dispositif 5+5, fonctionne et demeure à enrichir, mais sur les autres volets de notre politique euromaghrébine, nous pouvons encore faire des propositions.

Deuxième préalable, la France ne connaît plus le Maghreb. Elle a longtemps vécu sur l'acquis et l'idée que l'on connaissait bien ces anciens pays de notre espace colonial, où beaucoup de Français avaient vécu (vécu qui alimentait les connaissances intellectuelles françaises). Cet acquis est épuisé et dépassé. L'enseignement supérieur et la recherche en matière de Maghreb décline en France, parfois d'une manière alarmante comme l'illustre la suppression de certaines chaires à Sciences Po notamment. Il n'y a aucun think-tank qui soit exclusivement consacré au Maghreb. Il est urgent et indispensable de réinvestir intellectuellement dans les relations France-Maghreb, et que ce sujet redevienne une obsession pour les politiques de demain.

Pourtant, ces cinq pays ont énormément de choses en commun, au-delà de la géographie. Ce sont nos premiers voisins du sud, et ils sont plus que jamais la porte d'entrée de l'Europe vers l'Afrique, certains parlent même de « hub ». Ce sont aussi les voisins du nord de la zone sahélienne, de tous les dangers, dans laquelle nous avons investi et investissons toujours sur le plan militaire. Dès lors, d'un point de vue stratégique, ces premiers voisins qui sont à la fois à nos portes et entre nous et l'Afrique, ne peuvent pas être autre chose qu'une priorité de la diplomatie française et européenne.

Deuxième point commun, ils sont au coeur d'une double instabilité politique et sécuritaire. Si l'on met à part la Mauritanie (satisfaisant d'un point de vue politique et sécuritaire, et avec laquelle notre coopération se passe bien) et la Libye (nous avons fait un rapport avec Nicole Ameline il y a deux ans intitulé « L'urgence libyenne », on devrait parler aujourd'hui de « l'extrême-urgence libyenne », plus préoccupante que jamais) et que l'on se focalise sur la trilogie Algérie-Tunisie-Maroc, on découvre cette double fragilité politique et sécuritaire. Je suis frappé de voir à quel point tout tourne parfois autour des hommes et de leurs fragilités : en Tunisie, le pouvoir exercé par Nidaa Tounes et par Béji Caïd Essebsi qui a atteint un âge avancé ; Abdelaziz Bouteflika en Algérie ; et au Maroc un roi courageux, moderne, visionnaire à certains égards. Pendant notre mission, j'ai notamment été frappé par le courage de cet homme dans un discours qui date du 20 août où, s'exprimant comme chef des croyants, il dénonçait avec une virulence extrême l'islamisme radical, dans des termes qu'aucun chef occidental n'aurait osé employer – et d'ailleurs je suis étonné que les médias français en aient fait si peu d'écho. Mais cet homme est un roi malade. Je ne suis pas porteur de secret médical, mais chacun sait qu'il est atteint d'une maladie à évolution lente, soignée à la cortisone. Lui aussi représente des pouvoirs personnels qui sont d'une grande fragilité, et sur lesquels pèsent de nombreuses interrogations.

Cette position stratégique des pays du Maghreb, à la fois entre la Méditerranée et la bande sahélienne, fait que la lutte antiterroriste est une oeuvre quotidienne des forces de sécurité et de renseignement de ces trois pays. J'ai été très marqué par des propos entendus dans les trois pays. Intellectuels, politiques, journalistes ou syndicalistes nous disaient : « vous êtes bien naïfs et bien gentils face au terrorisme en France, quand on voit les critiques adressées à certaines lois adoptées ici ». Cette double fragilité politique et sécuritaire est un enjeu majeur.

Troisième point commun : ils sont aussi aux prises avec le même défi démocratique face à l'emprise de l'islam sur la société, et aux risques de radicalisation. Nous nous sommes promenés dans les rues d'Alger ; sans faire d'allusion à notre actualité, on ne voit plus de femmes à la terrasse des bistrots en Algérie, comme d'ailleurs dans tous les pays du Maghreb. Cette emprise d'un islam qui peut être radical sur les sociétés se conjugue avec des expériences politiques qui sont menées au plan gouvernemental et parlementaire à partir du constat – que je ne fais pas forcément mien – que l'éradication ayant échoué, il convient de tenter l'assimilation démocratique. Ces forces politiques vont du parti PJD au Maroc – à ce propos, le Premier ministre marocain nous a accordé un long entretien sur le lien entre démocratie et islam où il nous a fait un numéro de charme très séduisant intellectuellement–, à l'Algérie, qui s'efforce d'exercer une forme de contrôle sur les imams et leur prédication, notamment le ministre des cultes – sans qu'il soit aisé d'en mesurer l'effectivité –, en passant par la Tunisie avec Ennahdha, qui a échoué au pouvoir avant d'être battu puis associé au gouvernement par Nidaa Tounes, dans le cadre d'un compromis peut-être historique mais qui pourrait potentiellement être source de dangers et de toutes les évolutions possibles. Ces pays au coeur du Maghreb ont ce même défi démocratique puissant, poignant, d'une radicalisation d'une partie de la société, et d'une traduction politique pour l'instant chancelante, que nous devons observer avec grande attention.

Dernier point commun, une grande fragilité économique assortie de troubles sociaux sous-jacents au quotidien, avec peut-être un petit bémol pour le Maroc, dont nous avons vu le boom autour de Rabat et Casablanca. Nous avons à ce titre visité une zone d'activité internationale. La chambre de commerce franco-marocaine a investi dans le foncier à l'aide des pouvoirs publics, ce qui donne une zone économique de plusieurs milliers d'hectares. C'est très encourageant pour le Maroc. Mais quoi qu'il en soit dans les trois pays subsiste ce même défi économique, qui fait que les troubles sociaux sont latents, et qu'à tout moment, ce que l'on a appelé pour d'autres pays la « révolution des ventres », pourrait s'exprimer.

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Merci beaucoup chers collègues, monsieur le président, monsieur le rapporteur. C'était un exposé tout à fait passionnant qui approfondit encore notre analyse en complétant celles des missions précédentes. Je voudrais juste faire deux remarques car vous savez à quel point je suis liée personnellement à ces pays – et pas seulement au Maroc où je suis née et où j'ai vécu jusqu'à l'âge de dix-huit ans. La première de ces remarques est la suivante : nous avons un lien avec ces pays, en particulier l'Algérie, la Tunisie ou le Maroc, lien qui est d'une part historique avec la proximité géographique et d'autre part surtout humain et culturel. Cela reste encore aujourd'hui un atout alors que ces pays redécouvrent dans leur enseignement l'usage du français qui a longtemps été minoré ou même mis à l'écart. C'est également un lien qu'il nous faut revivifier et je suis, comme vous, inquiète de la baisse – ou plutôt de l'insuffisance - des moyens face aux besoins qui sont exprimés en direction de nos instituts et de nos établissements d'enseignement – François Loncle a notamment fait plusieurs rapports là-dessus.

Nous devons absolument entraîner davantage les Européens et d'autres aussi dans cette entreprise. De ce point de vue, la conférence de Tunis a été un succès. Mais soyons par ailleurs attentifs au fait que nous devons entrainer les Européens non seulement vers le Maghreb mais en ayant bien présent à l'esprit que les pays en question sont de plus en plus – c'est surtout vrai du Maroc – un pont vers l'Afrique, et notamment l'Afrique subsaharienne. Cela serait donc pour la France et pour l'Europe un atout considérable, à condition que nous ayons la volonté de définir un nouveau partenariat qui tourne évidemment le dos à toute forme de néocolonialisme.

Enfin, je remercie le rapporteur d'avoir mentionné l'existence de la fondation Anna Lindh pour le dialogue entre les cultures que j'ai le privilège et l'honneur de présider depuis un an et demi. Elle a été créée dans le périmètre de l'Union pour la Méditerranée et regroupe près de 5000 ONG. Cette fondation est par ailleurs représentée dans chacun de ces pays par environ 250 ONG, qui vont dans les profondeurs des villes et des territoires ruraux afin de rassembler principalement des jeunes qui continuent de se tourner vers ces valeurs communes de l'humanité que nous partageons.

Il y a donc des fragilités mais nous avons nous aussi des points d'appui très importants que nous aurions intérêt à davantage faire connaître et valoriser.

Je passe tout de suite la parole à Guy-Michel Chauveau.

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Je voudrais féliciter le travail qui a été fait par nos rapporteurs et insister particulièrement sur votre dernière intervention Madame la présidente. Tout le monde peut constater que la crise ukrainienne et l'agression de Poutine ont renforcé les réactions des pays baltes et de la Pologne et, qu'au final au sein des institutions européennes, ce sont ces pays dont on parle le plus et pas forcément de nos amis de l'Europe du sud. Ceci dit, il y a une ouverture depuis quelques années avec la politique de voisinage ce qui est une excellente chose. Mais on aurait dû penser auparavant aux voisins des voisins, ce qui nous aurait permis de discuter avec d'autres en amont, sur la crise ukrainienne par exemple. Cette ouverture qui est faite par l'Union Européenne sur les voisins des voisins, pas forcément financière, consiste à mobiliser les 5+5+5 et notamment l'Afrique subsaharienne. Cela est un avantage considérable pour la France et une opportunité pour que l'Union Européenne s'occupe aussi de l'Afrique.

Cela permet aussi d'amplifier le travail réalisé au sein du 5+5 autour de la Méditerranée, travail dont Michel Vauzelle nous parle souvent. Il est important d'évoquer les thématiques autour desquelles on peut réunir ceux qui ne se fréquentent pas ou peu, que ce soit sur l'éducation, la culture et la sécurité. Ma question concerne donc ces thématiques avec bien sûr le problème du Sahara occidental. J'ai cru comprendre à propos de la régionalisation au Maroc que les moyens ne suivaient peut-être pas la politique de décentralisation. Est-ce que cette thématique de la régionalisation pourrait être étudiée par exemple dans nos relations avec l'Algérie ?

Ma troisième question concerne enfin nos entreprises qui travaillent en Algérie dans une confidentialité assez extraordinaire.

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Qu'en est-il de l'évolution de la Francophonie et des moyens mis à sa disposition ? Ma deuxième question concerne les ambitions du Maroc. Est-ce que la métaphore du pont entre l'Union Européenne, le Maroc et l'Afrique subsaharienne se traduit en une réalité concrète ? Troisièmement, s'agissant de l'Algérie dont la proportion de jeunes est sans doute l'une des plus élevées au monde, quel peut être l'espoir donné à ces populations ? Enfin, dernière question, le Maroc fait office de zone de transit pour les migrants venant d'Afrique subsaharienne, notamment via les enclaves de Ceuta et Melilla, quelle est donc la politique de coopération que l'Union Européenne doit conduire en liaison avec les autorités marocaines afin de mieux contrôler ces flux migratoires ?

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J'ai envie d'être davantage concret encore à propos des pistes à travailler entre les pays de la région, la France et l'Europe. Je me demande ainsi s'il ne faudrait pas envisager de prioriser notre relation en termes de développement sur les questions, par exemple, d'infrastructure. Au Maroc en particulier, à Casablanca ou à Tanger, les infrastructures essentielles ont été positionnées afin de permettre d'irriguer la totalité du pays. Ne faudrait-il pas – peut-être la France pourrait-elle pendre une initiative avec l'Union Européenne – envisager la création de nouveaux ports en eaux profondes ? Je pense notamment ici à l'Algérie. Ne faudrait-il pas également revoir la carte du ferroviaire ? On note que le Maroc a pris une longueur d'avance dans ce domaine. Par ailleurs, comment se fait-il que l'Algérie, qui a notamment une capacité de pénétration vers le Sahel, ne puisse pas être à l'origine de nouveaux réseaux ferroviaires qui permettraient de faire remonter vers l'Europe et donc vers les consommateurs un certain nombre de productions venant du Sahel ? Il s'agit là d'enjeux du 21ème siècle et la question est de savoir si nous sommes réellement en capacité de tracer des pistes sur ces enjeux-là. On voit venir la potentialité de révolutions du « ventre » comme vous l'avez signalé mais il s'agit avant tout d'un manque d'espoir, et pour faire renaître l'espoir il faut avoir des capacités de développement.

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Je voudrais vous remercier Madame la présidente et féliciter les rapporteurs car, non seulement ce rapport est tout à fait passionnant mais il s'agit également d'un sujet d'une urgence absolue. Je pense qu'il faudrait vraiment que la priorité de la stabilité en Méditerranée devienne un thème politique majeur en France et en Europe. Ce rapport a donc une grande utilité et il doit avoir une vocation à la fois nationale et européenne. Il faudrait d'ailleurs qu'il débouche sur une feuille de route qui puisse valoriser cette approche globale : sécurité, développement, gouvernance à l'échelle régionale. Nous voyons bien que la question de la sécurité est devenue la plus importante ; cela doit se traduire concrètement à l'avenir car il n'y a pas de sécurité pour le sud et même l'Europe entière sans sécurité dans cette région. Je pense donc que nous pourrions vraiment contribuer à cette prise de conscience nécessaire et le partenariat stratégique Europe-Méditerranée est ainsi une absolue nécessité.

Ma question plus précise concerne donc la partie sécuritaire. On remarque que le retour des djihadistes de Syrie se fait en grande majorité vers la Tunisie et la Libye actuellement. Est-ce que nous pourrions par exemple reformater l'opération Barkhane ? De plus, comment voyez-vous les missions d'assistance technique notamment de l'OTAN – ou plutôt des pays de l'OTAN si je peux apporter cette nuance – afin que cette région puisse faire face au défi terroriste qui reste aujourd'hui la préoccupation majeure ?

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Merci pour ce travail. Je reviens sur ce qui a été dit par Jean Glavany en ce qui concerne la médiatisation du discours du roi du Maroc. Il avait été organisé récemment une réunion des parlements de la Méditerranée à Marseille en présence de Martin Schulz et de votre mission. On y avait remarqué l'absence totale de médias français et l'absence d'intérêts pour ces coopérations qui se faisaient dans une ambiance difficile compte tenu du contexte. Je crois qu'il existe donc un vrai déficit d'appréciation et d'appropriation du sujet et j'espère que ce rapport sera lu au-delà des murs de notre commission.

Ma deuxième remarque concerne notre déficit de représentation. Je suis allé en Algérie lorsque je faisais partie du gouvernement afin de discuter de coopérations. Au sein d'une petite ville dont le nom m'échappe, j'ai trouvé un directeur de musée allemand, une représentation allemande et j'ai donc pu voir que la représentation allemande était forte, contrairement à la nôtre.

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Je crois que, s'il y a un point central à retenir de ce rapport, c'est la méconnaissance du Maghreb et nous devons donc en tirer toutes les conséquences. Il faut une prise de conscience du fait qu'il se passe certaines choses et que nous devons en faire véritablement la priorité des priorités. A cette fin, je crains qu'il ne manque quelque chose dans votre rapport, à savoir l'explosion démographique de tous ces pays qui s'en trouvent complètement déstabilisés. Je l'ai vu personnellement en Algérie dans les années 80. Les autorités ne prenaient absolument pas conscience du fait que cette explosion démographique allait entrainer des troubles. Je me souviendrai toujours que le PNUD était venu leur dire qu'il fallait être vigilant à ce sujet. Les autorités algériennes avaient écouté les représentants du PNUD puis les avaient reconduits à l'aéroport.

Deuxièmement, l'unité du Maghreb est un mythe. Il est donc nécessaire d'adopter une politique ciblée vis-à-vis de chacun de ces pays et de ne pas considérer le Maghreb comme un tout. Il faut donc faire du bilatéral. On ne peut pas s'adresser globalement à l'ensemble de cette région. Nous devons avoir une politique véritablement ciblée et propre à chaque cas en montrant qu'on est aussi amis avec les autres pays, cela va de soi.

Pour ce qui est de l'Algérie, Guy Teissier a employé une formule « je t'aime moi non plus » mais cela est totalement de notre faute car nous avons eu une attitude de mea culpa permanent vis-à-vis de l'Algérie. C'est la seule chose qu'il ne faut pas faire avec l'Algérie. S'ils prennent certaines mesures, c'est de leur responsabilité mais nous ne sommes pas d'accord et on va donc prendre des mesures en retour – ou des contre-mesures. De fait, à force d'être entrés dans une politique de repentance permanente vis-à-vis de ce pays, on en arrive à la situation de blocage d'aujourd'hui.

Je voudrais terminer par un point. Jean Glavany a dit tout à l'heure qu'il n'y avait plus de femmes dans les cafés en Algérie. Une source extrêmement fiable m'a rapporté cette anecdote : une journaliste couvrait une réunion politique dans une ville française des Yvelines, alors qu'elle terminait son papier dans la salle, le gardien vint la voir et lui dit « Madame, je vais fermer la salle ». La journaliste indiqua vouloir terminer son papier dans un café. Le gardien lui rétorqua que les femmes n'allaient pas au café dans cette ville. Telle est la réalité et je crois que, malheureusement, cette montée de l'islam va durer et nous devrons la traiter comme telle et n'avoir aucune faiblesse vis-à-vis de ce genre d'attitudes y compris chez nous.

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Dans mon département de Seine-Saint-Denis, spécialement dans la ville d'Aubervilliers, des femmes de culture musulmane ont pris en main cette question et ont décidé d'investir les cafés de la ville, notamment dans le quartier des Quatre chemins.

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Jean Glavany a eu parfaitement raison de rappeler que des personnes, quel que soit leur niveau social, de culture musulmane, affirment leurs droits dans la société qui est la nôtre et que le Roi du Maroc, commandeur des croyants ce qui a une portée politique et religieuse fondamentale, dans son discours remarquable du 20 août, a réaffirmé ce qu'était l'Islam et pas l'islamisme radical. Je pense qu'il ne faut pas toujours tout noircir.

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Je voudrais d'abord remercier Guy Teissier et Jean Glavany pour leur grande lucidité et leur grande précision dans l'analyse. Je souhaiterais comme Mme Lebranchu que ce rapport ait la plus grande visibilité possible, parce que cette analyse conditionne notre sécurité. Jacques Bainville racontait il y a longtemps la fable suivante, que je cite dans mon dernier livre : une femme dans le désert mange son repas et jette des noyaux de dattes, quand un génie arrive et lui dit que l'un de ses fils a reçu un noyau dans l'oeil et va mourir et que donc elle doit payer. Les peuples prennent des décisions, les jettent dans le vent de l'histoire et les payent bien plus tard. Quand je vois ce qui est en train de se passer au Maghreb j'en veux terriblement à tous ceux qui nous ont engagés dans cette aventure, de la Restauration à Napoléon III en passant par Jules Ferry : la fameuse mission civilisatrice. Elle se termine aujourd'hui par des régimes tenus par des gouvernements – disons les choses gentiment – autoritaires, souvent kleptocrates, qui ont raté les expériences postcoloniales d'indépendance et dont le seul avenir pour les enfants une fois diplômés est de partir ou bien de s'engager dans le terrorisme, comme en témoigne le nombre calamiteux d'engagements de plusieurs milliers de jeunes Tunisiens ou Algériens dans Daech et chez Al - Qaida. C'est juste terrible pour l'avenir de ces nations. Alors qu'est-ce qu'on fait ?

D'abord je note qu'il y a des pays qui ne s'en occupent pas. Les pays du Golfe ne s'en occupent absolument pas et il n'y a pas l'ombre d'un investissement dans des pays où ils pourraient faire la différence en dehors de construire des mosquées. Donc tout repose sur nous les Français et les Européens. Deuxièmement, Mme Guigou a dit que le Maghreb est un pont vers le Sahel, mais je crains que l'on ait un pont du Sahel vers l'Europe et pas l'inverse, avec la pression migratoire qui est derrière. Il y aura bientôt 200 millions de Sahéliens et on va avoir un problème migratoire majeur avec le Sahel et l'Afrique du Nord, qui va conditionner la sécurité et le devenir de nos pays. Depuis quarante ans au moins 5 millions de musulmans sont venus pour l'essentiel d'Afrique du Nord et cela continue à s'accroître tous les ans. Cela pose des problèmes de cohésion sociale, de sécurité publique et cela devient une urgence nationale. Cela devrait d'ailleurs nous amener à réfléchir davantage au rôle de la langue française qui pour ces jeunes est souvent le seul passeport possible vers un avenir. Est-on sûr que la stratégie de la francophonie est dans l'intérêt du pays ? C'est une question que je pose.

J'aurai quatre questions précises. Comment gèrent-ils les retours de djihadistes et avons-nous des relations sérieuses de coopération contre le terrorisme avec ces gouvernements ? Quid du cannabis qui tient l'économie du Maroc et en partie de l'Algérie. Pierre Vermeren, que je respecte beaucoup, a écrit un article sur l'économie du cannabis. C'est dommage que cette législature se termine car c'est un vrai sujet pour notre commission de savoir, au-delà des débats nationaux sur la pénalisation ou dépénalisation, comment gérer toute une économie de trafic liée à l'immigration et au terrorisme, qui commence dans le Rif et se termine à Anvers. Qu'en est-il des accords de réadmission ? On a publié hier des chiffres sur la baisse des reconduites, qui s'explique par le fait que ces pays, une fois qu'ils ont exporté leurs jeunes, ne veulent plus les reprendre. Quid donc des accords de réadmission et de leurs liens avec la politique d'aide au développement européenne ? Enfin, quid de la politique de natalité ? Le seul pays qui a eu une politique de contrôle des naissances est la Tunisie de Bourguiba, ce qui se voit dans les chiffres de la croissance, et pas les autres.

Voilà trois-quatre sujets prioritaires. Je ne vois pas cela en termes de mission civilisatrice ou même de politique d'influence, je vois ce voisinage comme un problème majeur pour la sécurité nationale dans les années qui viennent. C'est un problème majeur et on a intérêt à le regarder sous cet angle de la sécurité nationale et d'arrêter de se payer de mots. L'analyse de Jean Glavany passant en revue Essebsi, Bouteflika et Mohammed VI, la maladie, l'âge, en somme la faiblesse des gouvernants de ces pays est éclairante. Nous ne pouvons pas apporter de solutions. Il n'y a pas de solution localement. Cela veut dire que les conséquences sécuritaires pour nous sont considérables. Je vous remercie pour votre travail. Sur ces sujets on ne peut qu'avoir un consensus bipartisan, mais il y a un vrai problème pour la sécurité de notre pays.

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On avait parlé en 2011 du réveil des sociétés civiles dans ces pays, y voyant un réel espoir. Qu'en est-il aujourd'hui ? Leur liberté d'expression a-t-elle été étouffée ou ont-elles toujours un rôle ? Ma deuxième question concerne la francophonie. Vous parlez d'un redémarrage du français dans ces pays, ce qui est une bonne nouvelle. L'Algérie refuse toujours d'intégrer la Francophonie, ce qui est un vrai problème. Une députée algérienne me disait qu'on était très sévère à l'égard des étudiants algériens, puisque ce sont pratiquement les seuls quand ils viennent en France à ne pas avoir automatiquement un droit au travail. Cela date d'accord anciens, mais chaque député algérien rencontré me parle de cette discrimination. Peut-être pourrait-on trouver un moyen de régler cette situation et ainsi peut-être les inciter à rentrer dans la Francophonie ?

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Merci à Guy Teissier et Jean Glavany car c'est tout à fait passionnant sur un sujet éminemment stratégique. Tout a été dit sur cette relation majeure à établir entre le Maghreb et la Méditerranée occidentale. Nous avons fait avec Philippe Baumel un rapport sur l'Afrique francophone. Nous avions notamment entendu et découvert que nous n'avions plus d'africanistes en France, ce qui révèle un vrai effondrement de l'intérêt porté à ce continent, à ses cultures et ceux qui y habitent, au niveau de l'université et de la recherche. Vous nous dites qu'il en est de même pour le Maghreb. On ne s'intéresse plus au Maghreb. On se replie sur soi, on se regarde le nombril et même nos voisins immédiats, avec qui on a eu des relations historiques, culturelles et affectives aussi nourries, on ne s'en occupe pas.

Il me semble, dans la suite de ce qui a été dit sur la dimension culturelle, que les relations entre l'Europe et la rive sud de la Méditerranée ne doivent pas passer principalement par l'économie ni par les infrastructures, le problème n'est pas là. Le problème est surtout culturel, le « je t'aime moi non plus » né de l'Histoire et des mauvaises consciences partagées de part et d'autres, de la préférence culturelle des Méditerranéens, qu'ils soient du Nord ou du Sud, pour la confrontation plutôt que pour le consensus. Ce n'est pas un hasard s'il n'y a pas d'union des pays du Maghreb, de la même manière qu'il n'y a pas d'association de défense d'intérêt commun entre l'Espagne l'Italie, la France et la Grèce. En Méditerranée, le consensus est un concept étranger, anglo-saxon. Il faut trouver d'autres biais pour régler les problèmes. C'est le multi-bilatéralisme. C'est une dimension culturelle pour laquelle il me semble que la France a un rôle éminent à jouer pour retisser des liens avec les pays du Maghreb et ne pas laisser l'Europe avec son rouleau compresseur rationalisateur essayer de régler ces problèmes .

Ma question était : quel est le bilan de l'Union pour la Méditerranée ? Y a-t-il encore quelque chose à tirer de cette idée qui me semblait pertinente et féconde. J'ai l'impression que tout ceci est dissous. Quelle trace reste-t-il de cette approche au Maghreb ?

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Chantal Guittet a amorcé la question que je voulais poser. Elle concerne la francophonie que vous évoquez dans le rapport comme pouvant jouer un rôle dans le rapprochement des principaux pays du Maghreb. Je confirme que les Algériens n'ont toujours pas accepté de faire partie de l'Assemblée parlementaire de la Francophonie. Comment plus concrètement voyez-vous le rôle que peut jouer la francophonie et sommes-nous prêts en France à mieux développer l'enseignement de l'arabe ?

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Le nombre des observations et questions montre à quel point ce sujet nous passionne et démontre naturellement la richesse de votre rapport. Avant de vous passer la parole, je ferai juste une remarque pour faire suite à l'intervention de Pierre Lellouche. On a un défi de sécurité majeur commun. Je crois qu'un des défis fondamentaux que nous allons devoir affronter avec ces pays du Maghreb et avec l'Afrique, c'est comment concilier sécurité et mobilité. Bien sûr qu'il faut contrôler davantage nos frontières extérieures, coopérer en matière de renseignements, mais si nous ne trouvons pas une route nouvelle, légale, d'échanges et de mobilités, avec les populations de ces pays, ce n'est même plus la peine de parler d'influence culturelle. Les jeunes vont maintenant faire leurs études en Inde, en Chine, au Canada, depuis longtemps aux Etats-Unis… Je travaille beaucoup sur ces questions avec la Fondation Anna Lindh. C'est pour cela que je propose un Erasmus des associations. Il y a un vivier dans les sociétés civiles qui regarde vers l'Europe, qui partage nos valeurs et dont on ne parle pas assez car on parle surtout de ce qui ne va pas. La France a cette responsabilité-là et celle d'entrainer les Européens avec nous.

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Jean-Michel Chauveau a raison à propos du tropisme français et européen vers l'Est. Cette perception est d'ailleurs partagée par d'autres de nos partenaires. Je me souviens ainsi avoir entendu des Turcs, lors d'une réception à notre ambassade en Turquie, s'étonner de ce que nous faisions encore en Afrique et nous inviter à plutôt investir chez eux.

S'agissant des coopérations, les choses sont effectivement compliquées par l'écart entre ce que nos partenaires veulent et ce qu'ils nous laissent faire. La question du néo-colonialisme est toujours présente de manière sous-jacente. C'est particulièrement le cas en Algérie lorsque l'on est dans les cercles gouvernementaux.

Par ailleurs, les investisseurs, qui arrivent souvent avec des idées généreuses, connaissent de fortes déceptions du fait du caractère tatillon de l'administration. En Algérie du moins, il reste très compliqué pour les entreprises de s'implanter. Je le vois bien dans ma ville de Marseille, il y a un foisonnement d'associations, de débats, de rencontres, mais il est très difficile de passer des engagements et des promesses à la mise en oeuvre pour toutes sortes de raisons. Le résultat est que nous laissons la place à d'autres, comme les Etats-Unis et la Chine ; cette dernière est maintenant très présente alors qu'elle a été longtemps totalement absente.

La régionalisation est un fait, au moins au Maroc et en Algérie. Nous avons par exemple beaucoup de coopérations directes avec le port de Tanger, qui est un port remarquable et d'ailleurs un futur concurrent du port de Marseille auquel nous devrions prêter attention.

La francophonie est en recul, mais il y aussi une demande forte. La Tunisie demeure le pays le plus francophone, devant le Maroc, puis l'Algérie. Le problème est que tous ces pays, à moment ou à un autre, ont supprimé l'enseignement du français, ce qui était catastrophique. Il y a une revendication générale d'utilisation du français comme langue vernaculaire. Au parlement algérien, un député, un médecin, a évoqué avec nostalgie le temps de sa jeunesse, où toutes les communautés cohabitaient et où il allait à l'école avec Roger Hanin.

Pour Philippe Baumel, j'indique que les infrastructures se développent de manière remarquable au Maroc. Le TGV est en cours de construction et le pays a aussi développé la plus grande ferme solaire en Afrique ; le soleil est leur or noir. Nous avons aussi à Marseille des partenariats sur la gestion de l'eau. S'agissant de la Tunisie, la conférence de Tunis a récemment retenu dix grands projets.

Nicole Ameline a raison de mettre en avant le triptyque sécurité-développement-gouvernance. Nous avons avec ces pays de multiples coopérations, notamment administratives. Par exemple, nous avons rencontré un administrateur de l'Assemblée nationale en mission de coopération au parlement tunisien ; il est très bien accueilli même si son travail est parfois difficile. La coopération militaire est un sujet plus délicat. Avec le Maroc, elle est réduite et fonctionne surtout pour les armées de l'air, mais l'armée marocaine est très solide, bien équipée, présente sur de nombreux théâtres. En outre, il y a tous les ans une manoeuvre commune et les états-majors se parlent régulièrement, grâce notamment au partage de la langue française. La Tunisie est en demande de coopération sur le Renseignement, mais il est plus dur d'avancer. Avec l'Algérie, c'est beaucoup plus compliqué ; la coopération n'existe pas car les Algériens n'en veulent pas.

Jean-Claude Guibal a évoqué la complexité de notre relation avec les pays du Maghreb qui est affectueuse, voire passionnelle. Il y a aussi le problème du fossé culturel qui sépare, dans ces pays, le « vieil homme » et l'« homme nouveau ». Le premier est tourné vers les préceptes du passé et le second vers la culture mondialisée et il est très difficile de passer d'une culture à l'autre, c'est un frein réel au développement. Pour autant, les progrès continuent, notamment en matière de maîtrise de la démographie.

Les pays du Maghreb sont nos voisins les plus proches et notre avenir passe par leur développement. Nous devons donc intensifier nos coopérations avec eux.

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A propos de la francophonie, je dirais que je suis plutôt optimiste car il y a une prise de conscience dans les pays du Maghreb concernant le fait que l'arabisation excessive de l'enseignement a entrainé un appauvrissement culturel. On note cependant un certain changement. Un accord a été récemment trouvé entre les pouvoirs publics algérien et français pour l'ouverture de deux nouvelles écoles en Algérie à la rentrée prochaine, à Annaba et Oran. Cela ne s'est pas fait depuis des années. Aussi, pour entrer dans la logique des organisations de la francophonie, les villes d'Alger et d'Oran ont accepté d'adhérer à la fédération internationale des villes francophones. Par ailleurs, et ce même si l'Algérie n'est pas membre de l'organisation mondiale de la Francophonie, elle a accepté un tour de la francophonie afin de faire vivre la francophonie pendant un an de la richesse culturelle etc. Cela montre donc que les lignes sont en train de bouger.

J'ajoute comme souvenir de cette mission la visite que nous avons faite dans le coeur d'Alger à l'Institut français qui était rempli de jeunes Algériens faisant la queue pour s'inscrire à des cours de français. Il s'agit donc d'un établissement français au coeur d'Alger au rayonnement exceptionnel avec une bibliothèque extraordinaire. Ces jeunes Algériens viennent par centaines chaque jour d'après des responsables sur place. J'ai donc l'impression que des choses bougent et que tout n'est pas si négatif.

Pour le reste, notamment la politique de voisinage, l'une des leçons à retenir concernant l'Union Pour la Méditerranée est que « trop embrasse mal étreint ». Le fait de s'exposer aux conflits du Proche Orient a en particulier rendu la chose inopérante. L'idée de recentrer la diplomatie française et européenne autour de la Méditerranée occidentale à travers le 5+5+5, et avec la politique de voisinage, nous parait être le bon vecteur afin d'approfondir ces relations.

Sur les problèmes d'infrastructure il est vrai que le Maroc a fait et fait d'énormes efforts, non seulement d'un point de vue ferroviaire mais également au niveau autoroutier avec, par exemple, la déviation de Casablanca qui représente un immense chantier. En Tunisie, à travers la conférence des financeurs qui a eu lieu à la fin du mois de novembre où nous nous sommes rendus avec le président de l'Assemblée Nationale et la présidente de la Commission, l'idée du gouvernement tunisien a été de présenter aux financeurs un programme très infrastructurel qui s'avère donc plutôt positif.

Nous n'avons pas les mêmes informations que Jacques Myard. Il n'y a pas d' explosion démographique dans la région ou plus précisément en Algérie. Au contraire, la transition démographique – le fait pour des pays en développement de revenir à des taux de fécondité et de reproduction comparable à des pays développés - de ces pays est quasiment achevée.

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On n'est pas d'accord ! Il faut prendre en compte le poids de la religion.

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Il y a certes le poids de la religion dans les zones rurales mais on a rencontré un certain nombre de personnes, y compris des démographes, qui font le même constat.

Concernant la sécurité, le retour des djihadistes est une question centrale notamment pour la Tunisie pour laquelle on évoque le chiffre de 6000 djihadistes même si cela reste difficile à confirmer. Il s'agit donc d'un sujet de grande vigilance pour les forces de sécurité tout comme en Algérie où on se souvient du rôle des Afghans dans l'offensive radicale des années 1990. Je mettrais cependant un bémol aux propos de M. Tessier au sujet de la coopération entre les services de renseignement de ces pays avec la France. Cela n'est jamais facile mais je vais vous donner un exemple concernant la lutte contre le terrorisme au Sahel et la poursuite de bandes terroristes dans la bande sahélienne. Il peut parfois exister un problème de numéro de téléphone car il arrive que lorsqu'on essaye de prévenir les services algériens, ils ne répondent pas. Je veux simplement dire qu'il y a une coopération, probablement est-elle meilleure que jamais, mais elle reste tout de même insuffisante. Concernant une vision plus globale de cette thématique, la coopération est très bonne avec la Mauritanie, voire plutôt très bonne avec le Maroc, bonne mais avec les limites que je viens d'indiquer pour ce qui est de l'Algérie, assez bonne mais avec les limites qui sont liées à l'exposition de la Tunisie. On peut considérer que le bilan global est donc relativement bon.

Enfin, en ce qui concerne les flux migratoires, il faut noter qu'il n'y a quasiment plus de migrations du Maghreb vers l'Europe. Il s'agit simplement d'une zone de transition de ces flux migratoires depuis l'Afrique subsaharienne en particulier. Ces zones de transit sont mouvantes. Il a été fait allusion aux enclaves espagnoles, or il n'y a quasiment plus d'incidents aujourd'hui alors qu'on se rappelle de ces images épouvantables de ces centaines de personnes accrochées aux barbelés des centres de Ceuta et Melilla essayant de fuir. Il reste cependant le problème de la Libye et il existe des accords migratoires que l'Union Européenne passe avec ces pays et qui touchent notamment les problèmes de réadmission. Un accord de ce type a été signé avec le Maroc ou la Tunisie par exemple, mais pas avec l'Algérie à ma connaissance.

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Il s'agit d'un rapport absolument passionnant à lire. Je vous remercie chers collègues d'être intervenus avec autant d'intérêt dans ce débat et je vous fais remarquer qu'il est important de donner le maximum de visibilité à ce rapport.

La commission autorise la publication du rapport d'information à l'unanimité.

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Nous allons maintenant examiner, sur le rapport de M. Philippe Baumel, le projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant la ratification de l'accord relatif aux services de transport aérien entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République gabonaise

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Il me revient de vous présenter l'accord relatif aux services de transport aériens entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Gabon.

Je précise qu'il s'agit d'un texte technique qui n'a pas beaucoup de rapport avec la situation politique présente du Gabon.

Cet accord, qui est similaire à cinq autres accords examinés le 14 décembre dernier par notre commission sur le rapport de M. Michel Terrot, vise à établir un cadre juridique pour l'exploitation des services aériens entre la France et le territoire du Gabon.

Le trafic entre la France et le Gabon est actuellement régi par un accord bilatéral signé en 1977. Il concerne actuellement jusqu'à 144 000 passagers. Les liaisons aériennes entre la France et le Gabon sont évidemment importantes pour le Gabon, en raison des liens historiques et économiques entre les deux pays, mais elles le sont également d'un point de vue commercial pour Air France, qui est la seule compagnie française à desservir les lignes directes entre les deux pays, avec sept vols hebdomadaires Paris-Libreville.

Aucune compagnie aérienne gabonaise ne dessert en revanche la France, puisque tous les transporteurs aériens de la République gabonaise sont placés sur la liste noire européenne et ne peuvent desservir le territoire de l'Union. Il convient également de mentionner que l'aéroport de Port-Gentil ne peut pas être desservi, faute de certification de cet aéroport en termes de normes de sécurité et de sûreté aériennes.

Si les transports aériens entre États sont fréquemment régis par des accords bilatéraux, ces derniers doivent être conformes au cadre réglementaire mis en place par l'Organisation de l'Aviation Civile Internationale, l'OACI, qui a défini cinq objectifs : la sécurité ; la capacité et l'efficacité de la navigation aérienne ; la sûreté et facilitation des liaisons aériennes ; le développement économique du transport aérien et la protection de l'environnement.

C'est bien sûr le cas de l'accord soumis à notre examen, qui est formellement très proche du modèle du modèle d'accord bilatéral sur les services aériens élaboré par la Direction générale de l'aviation civile, lui-même issu du modèle que l'OACI a élaboré en application de ses principes. Cet accord est enfin conforme aux exigences de la politique européenne en matière de services de transport aérien puisqu'il contient les clauses types de désignation et d'assistance en escale, développées conjointement par les États membres et la Commission, qui ont permis à cette dernière d'autoriser la France à signer cet accord.

L'accord consacre la possibilité pour les parties contractantes d'exploiter les quatre premières « libertés de l'air » définies par l'OACI, c'est-à-dire les droits de survol, d'escale non commerciale, de débarquement et d'embarquement de passagers, fret ou courrier en provenance ou à destination de l'un des États contractants. Ils excluent, en revanche, les droits de cabotage qui font l'objet des 8ème et 9ème libertés).

Une clause de multidésignation permet aux deux parties de désigner plusieurs transporteurs aériens. Conformément aux règles européennes, la France peut donc désigner toute compagnie européenne établie en France pour des vols à destination du territoire du Gabon.

L'accord détermine le cadre juridique dans lequel les transporteurs peuvent exploiter les liaisons aériennes, conformément aux principes de l'OACI et de l'Union européenne. En matière de sûreté, l'accord détermine enfin les règles de consultation entre les parties, de suspension d'autorisation en raison du non-respect des normes de l'OACI, d'inspection au sol ainsi que les principes de coopération et d'assistance mutuelle.

Plus généralement, cet accord contribue à homogénéiser les règles en matière de transport aérien en créant un cadre juridique plus clair et conforme aux règles de l'OACI qui devrait faciliter les liaisons aériennes entre la France et le Gabon.

Je vous recommande par conséquent d'approuver sa ratification.

Après l'exposé du rapporteur, la commission adopte le projet de loi n° 2347 sans modification.

La séance est levée à onze heures quinze..