Commission des affaires étrangères

Réunion du 14 février 2017 à 17h00

Résumé de la réunion

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La réunion

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Patrick Calvar, directeur général de la sécurité intérieure au ministère de l'intérieur, sur la lutte contre le terrorisme

La séance est ouverte à dix sept heures.

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L'audition de M. Patrick Calvar est fermée à la presse, ce qui va nous permettre d'échanger en toute liberté.

Monsieur le directeur général, je vous propose de commencer par un exposé d'une vingtaine de minutes sur l'état de la menace et les réponses que vous êtes en mesure d'y apporter. L'actualité est chargée sur le plan du terrorisme : l'attentat du Louvre, le projet d'attentat déjoué dans l'Hérault, ainsi que les mises en garde répétées du Premier ministre et du ministre de l'intérieur sur la gravité de la menace qui reste très élevée. Votre analyse, à la lumière des derniers renseignements que vous avez rassemblés, sera d'un grand intérêt pour nous.

Quel type d'évolution avez-vous constaté depuis votre dernière audition par notre commission ? Devant la commission de la défense, en mai 2016, vous aviez expliqué que les attaques avaient été planifiées en Syrie. Vous aviez donnés les chiffres suivants : 400 ressortissants français, dont vingt mineurs, participent à des opérations militaires, 201 sont en transit, 244 sont revenus de la zone syro-irakienne et 818 manifestent l'intention de s'y rendre. Ces données sont-elles toujours exactes ? Qu'en est-il des flux de retours, qui sont sans doute accélérés par les gains militaires sur ces territoires ?

Comment analysez-vous la mission de votre service par rapport aux autres services compétents dans la lutte contre le terrorisme ? Pourriez-vous faire un bilan de votre activité et de vos moyens ? Je crois savoir que trois plans de recrutement ont été décidés par le Gouvernement, qui doivent porter l'effectif de la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) à 4 000 agents, c'est-à-dire une augmentation de près de 40 % sur cinq ans. Où en est l'application de ce plan ?

En ce qui concerne votre bilan, vous avez annoncé en mai, devant la commission d'enquête relative aux moyens mis en oeuvre par l'État pour lutter contre le terrorisme, que vous aviez déjoué quinze projets terroristes en France depuis août 2013. De mon côté, j'ai entendu le chiffre de dix-sept. Pourriez-vous nous apporter des précisions sur ce point ?

Quelle est, à vos yeux, la qualité de la coopération internationale dans le domaine de la lutte contre le terrorisme ? Devant la commission d'enquête, vous avez dit que cette coopération était fluide, mais que c'étaient les différences entre les systèmes légaux qui faisaient obstacle à une parfaite communication. Pourriez-vous également nous en dire plus sur ce point ? Quelle est votre appréciation sur les efforts entrepris pour coordonner le renseignement au niveau européen ? Nous avons l'impression qu'il y a une marge de progression importante en la matière.

Enfin, quelles mesures nationales et internationales vous paraissent nécessaires pour améliorer l'efficacité de votre action au plan national ?

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Patrick Calvar, directeur général de la sécurité intérieure au ministère de l'intérieur, sur la lutte contre le terrorisme

Je vais commencer par vous donner des précisions sur l'état de la menace terroriste qui vise aujourd'hui notre territoire. J'évoquerai également les défis que nous avons collectivement à relever pour être en mesure de mieux lutter contre cette menace. Certains de ces défis relèvent de notre responsabilité nationale, d'autres de l'Union européenne, voire de la communauté internationale. Pour terminer, j'évoquerai les défis auxquels la DGSI est confrontée dans un monde qui connaît bien d'autres menaces que celle du terrorisme.

Le niveau de la menace terroriste reste particulièrement élevé. La question n'est pas de savoir si nous serons à nouveau frappés, mais quand et où. Les derniers événements, à savoir l'attaque contre des militaires au Louvre et le démantèlement, à Montpellier, par nos camarades de la police judiciaire, d'un réseau prêt à passer à l'action le démontrent s'il en était besoin.

Qui nous menace aujourd'hui ?

Des organisations, tout d'abord, au premier rang desquelles Daech. Mais il convient de ne pas oublier ni sous-estimer la menace représentée par Al-Qaïda qui est présente en Syrie, au Yémen, en Afrique du Nord et dans le Sahel. Daech est notre première source de menace. Pour vous donner une idée de l'ampleur de cette menace, je vais actualiser les chiffres que vous avez indiqués.

À notre connaissance, il y a aujourd'hui en Syrie 692 Français ou individus partis de France engagés dans les organisations terroristes. Parmi ces individus, on dénombre 291 femmes et vingt mineurs combattants, et 173 individus en transit, soit ayant quitté la Syrie pour revenir sur notre territoire, soit en chemin pour la Syrie.

À cet égard, nous constatons qu'il est désormais quasi impossible d'entrer en Syrie, pour plusieurs raisons. D'abord, l'action préventive qui vise à empêcher les départs de France joue son rôle. Ensuite, la coordination entre les services européens est de plus en plus forte, et elle existe aussi avec les services turcs. Enfin, la situation dégradée en Syrie a également un effet dissuasif sur les gens qui voudraient s'y rendre. Il ne faut pas non plus négliger la crainte de Daech d'être pénétré par des espions, ce qui amène l'organisation à intercepter toute personne qui souhaite la rejoindre.

Il en est de même pour sortir de Syrie. Daech soupçonne de traîtrise toute personne qui, aujourd'hui, souhaite quitter la région. Je vous laisse imaginer le traitement réservé à ces personnes. Aujourd'hui, seuls sont autorisés à partir de Syrie ceux qui ont une mission. On peut penser que ce sont ceux chargés de commettre des attentats à l'étranger.

Sur notre territoire, 207 individus sont d'ores et déjà revenus, qui font, pour la quasi-totalité d'entre eux, l'objet de procédures judiciaires ; 977 individus continuent à manifester leur intention de se rendre en Syrie. C'est notamment dans cette catégorie que l'on trouve les personnes les plus sensibles aux appels à l'action violente lancés par Daech. Enfin, 244 personnes sont mortes sur zone. Ces chiffres sont à relativiser, dans le sens où nous n'avons pas obligatoirement connaissance de tous les départs ni de tous les retours. Les attentats du 13 novembre 2015 nous l'ont prouvé. S'agissant des morts, il est vraisemblable que le chiffre soit supérieur à celui que je vous ai indiqué, compte tenu de la violence des combats, notamment à Mossoul, mais aussi de l'intense campagne de bombardement actuellement en cours dans d'autres parties de l'Irak et de la Syrie.

À l'image de ce qui s'est passé en France le 13 novembre 2015, l'organisation a démontré sa capacité à planifier dans le temps, avec professionnalisme, patience et pugnacité ses actions terroristes, utilisant tous les moyens à sa disposition, comme les filières d'immigration, les communications cryptées, les réseaux logistiques, y compris dans les milieux du banditisme, pour acquérir des armes.

Des projets élaborés par Daech, du même type que l'attentat du 13 novembre 2015 à Paris, ont été stoppés, mais nous savons que d'autres sont en cours. La situation militaire compliquée de Daech oblige néanmoins l'organisation à privilégier désormais les appels à la violence sur notre sol par une propagande soigneusement organisée.

Je ne reviendrai pas sur les tentatives avortées, mais, par rapport aux chiffres que vous avez indiqués, le service que je dirige a pu empêcher, pour la seule période de 2016, la commission de dix-sept actions violentes. Elles sont notamment mais pas uniquement le fait d'individus isolés ou en petits groupes, pour qui tous les moyens sont bons, ce qui n'empêche pas des conséquences dramatiques, comme on l'a vu lors de l'attentat du 14 juillet dernier à Nice.

Daech n'est pas la seule organisation terroriste à vouloir nous frapper. Al-Qaïda doit aujourd'hui redorer son blason en commettant une action spectaculaire à forte portée symbolique. Al-Qaïda est présente en Syrie, mais également au Yémen – où l'un des frères Kouachi a été formé –, ainsi qu'en Afrique du Nord, avec Aqmi, qui affirme toujours que la France reste l'ennemi numéro un. Pour l'instant, leurs cibles sont locales, mais ils n'ont pas perdu l'espoir d'exporter la violence. Ils l'ont déjà fait en 1995, sur notre territoire, avec une longue campagne d'attentats.

Cela pose la question du retour de Syrie des combattants. Certains essaieront de s'établir en Afrique du Nord et en Lybie, faisant peser sur ces pays des risques de déstabilisation. D'autres reviendront en Europe, et nous devrons les neutraliser judiciairement. La menace ne vient pas uniquement des Français ou de personnes parties de France. Nous sommes obligés de prendre en considération tous les francophones susceptibles, de ce fait, d'accéder à notre territoire. De très nombreux Tunisiens, Marocains, voire Algériens, combattent aujourd'hui en Syrie et en Irak.

Un mot sur la stratégie que nous mettons en oeuvre pour lutter contre la menace. Pour nous, en tant que service intérieur, seule la neutralisation judiciaire est envisageable, et je tiens à souligner que les relations que nous entretenons, tant avec le procureur de la République de Paris qu'avec les magistrats instructeurs spécialisés, sont exceptionnelles. Depuis 2013, la seule DGSI a interpellé 641 personnes, dont 374 ont été mises en examen : 294 ont été écrouées et 80 placées sous contrôle judiciaire.

Je voudrais maintenant vous dire quelques mots sur les défis que nous devons relever pour lutter contre le terrorisme.

Le principal est celui du renseignement et de son mode d'acquisition. On ne peut plus ignorer que nous sommes confrontés aujourd'hui, du fait de la révolution numérique, à des problèmes considérables de captation des échanges et d'exploitation des données recueillies. Régulièrement dans la presse, on me dit fasciné par les moyens technologiques à mettre en oeuvre, au détriment du renseignement humain de proximité qui marcherait bien mieux. Il n'y a pas de moyen privilégié pour recueillir le renseignement, et l'on ne peut pas faire abstraction du monde dans lequel on vit. Aujourd'hui, y compris dans les affaires de droit commun, chaque perquisition amène la saisie de très nombreux moyens de communication, le plus souvent chiffrés de manière incassable. Et cela ne va pas aller en s'améliorant.

Ces appareils contiennent des milliers de données qu'il convient en outre d'exploiter. Avec la loi relative au renseignement, nous avons désormais le droit de procéder à des attaques informatiques. C'est un progrès considérable. Compte tenu de l'avancée rapide des technologies de la communication, il conviendra de s'assurer que le droit suive ces évolutions. Il faudra donc, à un moment ou à un autre, que la loi soit revue.

Quant à l'analyse des données, seuls des outils de big data permettent aujourd'hui de le faire. Nous sommes en train de nous doter d'un tel outil : un contrat est signé, et l'installation et la formation des personnels sont actuellement en cours. À cet égard, je voudrais prévenir que nous n'avons pas trouvé sur le marché de solution française ou européenne satisfaisante, mais seulement une solution américaine ou israélienne. Aujourd'hui, nous travaillons avec de grandes entreprises françaises pour faire émerger, dans un délai court, une solution souveraine.

Reste la coopération nationale avec nos amis du renseignement territorial, du renseignement de la préfecture de police, de la police judiciaire, mais aussi de la Direction générale de la sécurité extérieure (DGSE), de la Direction du renseignement militaire (DRM), de la Direction du renseignement et de la sécurité de la défense (DRSD) – ex-DPSD, Direction de la protection et de la sécurité de la défense –, de Tracfin et de la Direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières (DNRED). Quant à la coopération internationale, contrairement à ce que l'on peut lire ici ou là, elle fonctionne très bien.

À cet égard, il faut prendre en compte la situation européenne, et notamment le suivi des personnes suspectes ou le contrôle des frontières. Qui peut croire aujourd'hui qu'un contrôle efficace peut se passer de biométrie, de reconnaissance faciale, d'interconnexion des fichiers, à charge pour tous de les alimenter ? Contrôler sur la base d'une déclaration ou de papiers d'identité souvent falsifiés n'a guère de sens. En réalité, la question qu'il faut poser est la suivante : quel prix la société est-elle prête à payer pour sa sécurité ?

Un autre défi est celui du trafic d'armes. Plusieurs affaires nous ont démontré que les candidats à l'action violente sont nombreux mais qu'ils se heurtent à des problèmes logistiques, en particulier pour acquérir des armes. Ce sujet très important fait désormais l'objet d'une meilleure prise en compte au niveau européen. Il n'y a pas de solution miracle, mais nous pouvons renforcer nos capacités d'action.

Pour en revenir à la question des enfants, mon service estime qu'il y a aujourd'hui en Syrie environ 450 enfants non combattants, nés de parents français ou partis de France. Leur endoctrinement et leur entraînement en font des bombes humaines. J'aurais pu vous apporter deux vidéos récemment tournées en Syrie, qui montrent des enfants, pour certains à peine âgés de cinq ans, égorgeant des prisonniers ou vidant des chargeurs dans la tête de prisonniers détenus par Daech. Vous avez peut-être vu des photos diffusées par Daech, sur lesquelles un enfant d'environ deux ans est en train de décapiter, son nounours en peluche avec un poignard de combat. Il y en a d'autres, à peine plus âgés qui se roulent par terre parce qu'ils n'ont pas pu regarder leurs vidéos de décapitation, qu'ils sont habitués à voir toute la journée.

La question du traitement de ces enfants se pose déjà pour certains de ceux, très peu nombreux, revenus sur notre sol. Quand ces enfants seront plus nombreux, nous devrons faire face à un problème de société de grande ampleur. Vous connaissez ma position : on ne peut pas combattre le terrorisme uniquement par des moyens sécuritaires, car on risque de ne pas traiter les causes du mal et de le voir empirer.

La DGSI est un service de sécurité intérieure à compétence judiciaire, comme d'autres services en Europe, au Danemark, en Suède ou en Norvège, par exemple. Elle est compétente en matière de lutte, non seulement contre le terrorisme, mais aussi contre l'espionnage et la prolifération. C'est un service qui a pour mission cardinale la défense des intérêts fondamentaux de la nation. Si, aujourd'hui, la lutte contre le terrorisme islamiste est une priorité absolue, il n'en reste pas moins que d'autres menaces constituent des atteintes particulièrement graves contre notre souveraineté. Il s'agit de protéger notre économie, notre recherche, notre diplomatie, nos forces armées.

Les révélations d'Edward Snowden et la récente polémique aux États-Unis sur l'action supposée des services russes lors de la campagne électorale nous rappellent que l'espionnage n'a pas disparu. Simplement, les modes opératoires ont évolué et, désormais, ce sont les attaques cybernétiques qui sont privilégiées. Le terrorisme ne doit pas nous faire oublier ces menaces aux conséquences particulièrement graves pour notre pays. Je suis définitivement persuadé que la France a besoin d'un service de sécurité fort. Vous l'avez dit, madame la présidente, nos autorités nous ont dotés de nouveaux moyens et de nouvelles capacités, mais l'effort doit se poursuivre.

Le défi est immense pour un service comme le nôtre qui, depuis 2007, a connu de nombreuses évolutions, voire révolutions, avec la fusion de la Direction de la surveillance du territoire (DST) et de la Direction centrale des renseignements généraux (DCRG), et la création de la DCRI, puis de la DGSI. Entre 2013 et 2018, face à une menace terroriste d'une ampleur jamais égalée, nos ressources humaines devraient avoir crû de près de 36 %. Alors que nous n'avions que 5 % de contractuels en 2013, nous en aurons près de 17 % en 2018. Nous pourrons ainsi disposer d'ingénieurs, de techniciens, d'analystes, de traducteurs, dont nous avons un impérieux besoin pour remplir nos missions.

L'enjeu est considérable. Il nous faut définir nos besoins, un plan stratégique, recruter des profils recherchés dans un monde concurrentiel, former les intéressés, les professionnaliser, les fidéliser. J'ajoute que le défi culturel est également important. Il faut s'assurer que ces personnels venus d'horizons divers puissent travailler en synergie au sein d'une maison qui est et restera marquée par une très forte présence policière.

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Monsieur le directeur général, j'ai entendu dire que vous alliez bientôt quitter votre poste, ce qui me permettra de vous poser une première question à caractère personnel.

Nous n'utilisons pas les moyens déjà prévus par la loi française. L'article 23-8 du code civil permet de déchoir de la nationalité tout Français qui prendrait les armes contre la France, et les articles 411-1 et suivants du code pénal prévoient de leur infliger trente ans de prison et 450 000 euros d'amende. Pourquoi ces textes ne sont-ils pas appliqués ? À titre personnel, pensez-vous qu'il soit utile que votre successeur recommande au prochain gouvernement d'y avoir recours ?

Je m'étonne que certains djihadistes français désireux de revenir puissent être si bien reçus au consulat d'Istanbul où ils viennent se renseigner sur les conditions d'accueil. Une fois de retour en France, après un passage chez les policiers, ils rentrent chez eux, touchent les minima sociaux et tout se passe très bien pour eux.

Je m'interroge sur le big data mining et le contrat passé, si j'ai bien compris, avec Palantir, aux États-Unis. Par définition, toutes les données ainsi produites vont être partagées avec d'autres. Est-ce bien sage ? Que suggérez-vous en termes de cybercapacités pour notre pays ? Le gouvernement israélien a lancé, depuis dix ans, un énorme programme national en la matière. Prévoyez-vous, dans votre document « testamentaire », si j'ose dire, de conseiller au prochain Président de la République de lancer un véritable effort de réarmement cyber pour la France ?

Dans le cadre de l'élaboration d'un rapport sur l'extraterritorialité de la législation américaine, ma collègue Karine Berger et moi-même avons appris qu'en matière de corruption internationale, l'Office of Foreign Assets Contrôl (OFAC) et le ministère de la justice américain bénéficiaient de l'apport des dix-sept agences de renseignement sur une base routinière, c'est-à-dire que la Central Intelligence Agency (CIA), la National Security Agency (NSA) et d'autres alimentent le travail des procureurs américains sur les entreprises étrangères. Nous avons aussi constaté, en interrogeant Mme Houlette, que ce n'était pas nécessairement le cas avec nos services. Pouvez-vous nous faire part de vos réflexions sur la façon d'améliorer le renseignement économique et la défense contre les opérations de pillage économique, y compris par nos alliés ?

Enfin, un des candidats à la Présidence de la République se plaint d'avoir subi, de la part de la Russie, des opérations cyber qui pourraient peser sur le cours de la campagne électorale française. Les services russes, et peut-être d'autres, font-ils peser une vraie menace sur notre campagne pour l'élection présidentielle ?

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Je voudrais, quant à moi, vous interroger sur l'état de nos relations en matière de renseignement avec les pays du Maghreb, sujet sur lequel j'ai travaillé plusieurs mois avec mon collègue Guy Teissier. Que pensez-vous de l'efficacité de nos relations avec le Maroc, l'Algérie et la Tunisie ? Dans quel domaine pensez-vous que l'on puisse progresser ?

La Tunisie est sans doute le pays du Maghreb le plus exposé au risque terroriste, dans la mesure où, d'après les informations dont nous pouvons disposer, c'est celui qui a le plus exporté de djihadistes – on parle au bas mot de 6 000 Tunisiens sur les théâtres syrien et irakien. Nombre de responsables de la sécurité en Tunisie redoutent un phénomène de retour des « Afghans » tel qu'en a connu l'Algérie il y a une vingtaine d'années. Avez-vous des informations qui pourraient alimenter notre réflexion ?

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Je voudrais d'abord rendre hommage aux forces de l'ordre en général, et plus particulièrement à l'action du renseignement intérieur, ô combien nécessaire aujourd'hui dans la situation que nous connaissons.

Le tristement fameux Rachid Kassim est originaire de mon département de la Loire, plus précisément de Roanne. On a annoncé aujourd'hui qu'il aurait été tué par un drone. Qu'en est-il exactement ?

Vous avez eu une belle réussite avec l'arrestation, à Montpellier, de quatre personnes que vous suiviez depuis un certain temps. Vous avez parlé de projets en cours ; combien pourraient être imminents ?

Enfin, sachant que ces gens-là sont prêts à tout, avez-vous des moyens spécifiques pour assurer la protection des centrales nucléaires ?

Je termine en vous remerciant, monsieur le directeur général, pour le travail que vous effectuez avec vos services. Je peux témoigner de leur efficacité dans mon département de la Loire.

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Vous avez beaucoup développé le thème des techniques les plus sophistiquées utiles à maîtriser aujourd'hui pour le renseignement. La collecte par la police de proximité reste-t-elle, à vos yeux, un élément intéressant ou est-elle dépassée ?

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En Turquie, les services d'État sont totalement désorganisés en raison des purges menées par le régime, or beaucoup de djihadistes quittant la Syrie ou l'Irak risquent de passer par ce pays. N'y a-t-il pas un risque que la Turquie se serve de l'accord qu'elle a avec l'Union européenne sur les migrants pour nous refiler discrètement tous les djihadistes qu'elle récupère ? Quelle est votre coopération réelle avec les services turcs ? Pensez-vous qu'ils soient fiables ?

Vous avez indiqué que le droit devait suivre l'évolution. Qu'en est-il de vos possibilités de surveillance des messageries privées telles que Viber, Whatsapp et autres Telegram ? Le droit doit-il continuer à progresser ?

J'ai entendu avec satisfaction que le terrorisme était rarement russe, plus islamique. Il apparaît, en Turquie, qu'un certain nombre de terroristes viennent d'Asie centrale, notamment d'Ouzbékistan et du Tadjikistan. En matière de lutte contre le terrorisme, quelles sont vos relations avec les services russes ?

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Monsieur Calvar, je tiens d'abord à vous féliciter pour l'action des services de la DGSI sous votre direction. En tant que membre de la commission d'enquête évoquée plus haut, j'ai pu entendre des journalistes et d'autres critiquer l'action de prévention que vous aviez conduite. Pour ma part, j'ai toujours dit que si la lutte contre le terrorisme était une science exacte, on aurait éradiqué tout le monde depuis bien longtemps.

Certains d'entre nous ont été alertés par la caisse d'allocations familiales au sujet de l'individu qui est revenu récemment avec ses quatre femmes et ses enfants, via la Turquie et en se faisant passer pour un « repenti ». Est-il exact que sa famille percevrait actuellement 4 800 euros d'allocations familiales ? Si cette information était avérée, nous serions face à un véritable scandale d'État – je pèse mes mots –, et j'interrogerai le Premier ministre dans les prochains jours à ce sujet.

Les « opérations définitives » des services du renseignement extérieur ou de vous-même – je parle des frappes de drone qui permettent d'assassiner tous les malfaisants qui sévissent sur cette planète – sont-elles menées sur initiative française ou proprio motu par les services américains ? En général, ce sont eux les exécuteurs de ces excellentes oeuvres. La question est évidemment difficile ; vous est-il possible de répondre en ce sens ? En tout cas, espérons que ce genre d'opérations se multipliera.

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Les difficultés que rencontre Daech sur les théâtres syrien et irakien, sont-elles de nature à modifier l'intensité de la menace dans des pays comme le nôtre ? Comment envisagez-vous l'évolution de cette problématique ?

Comme Thierry Mariani, je m'interroge sur les liens entre djihadisme et flux migratoires. Comment distinguer les éventuels djihadistes des autres migrants qui franchissent les frontières, protégées mais poreuses ?

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Lorsque vos services savent qu'un Français se trouve en Syrie ou ailleurs, en tout cas qu'il ne réside plus sur le sol français, les services sociaux sont-ils prévenus ? Je suis président d'un conseil département où, à l'occasion de contrôles, on s'est aperçu que l'on continuait à verser des prestations à des gens qui ne vivaient plus depuis des années sur le sol national. Y a-t-il croisement des fichiers ? Ce type d'information, sans avoir forcément une connotation terroriste, permettrait de mettre à jour les fichiers des prestations sociales.

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Dans leur rapport, Jean Glavany et Guy Teissier ont indiqué que nos services de renseignement ont eu parfois du mal à obtenir rapidement des informations des services algériens. Les personnes compétentes que j'ai interrogées en Algérie m'ont répondu que la coopération en matière de lutte antiterroriste est satisfaisante, sauf pour ce qui concerne les échanges de renseignements sur les groupes terroristes qui sévissent sur les frontières mouvantes du Sahel, au sud de l'Algérie, et sur la situation à l'Est, avec la Libye. Nos services de renseignement français au Sahel ont des difficultés à obtenir des services algériens des réponses appropriées, à la fois en action et en suivi. Quelle est votre appréciation en la matière ?

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Il me semble problématique, alors que certaines caisses d'allocations familiales, en relation avec vos services, obtiennent des renseignements à leur demande, que d'autres n'en aient rien à faire et continuent à verser des allocations à ces familles. Il faudrait peut-être envisager l'établissement de relations permanentes entre vos services et ces caisses afin d'identifier tous les djihadistes qui perçoivent ces allocations.

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A propos des cibles qui font l'objet de frappes de drones. On s'interroge chaque fois sur ce qui s'est réellement passé. Au Sahel, on a annoncé six fois la mort de Mokhtar Belmokhtar et l'on ne sait toujours pas s'il est mort.

Vous avez évoqué nos rapports et notre coopération positive avec la Turquie. Il y a quelques années, trois femmes kurdes ont été assassinées, rue Lafayette, au siège parisien de l'association des Kurdes. L'exécutant présumé, qui a été arrêté, est récemment mort en prison. Toute l'enquête révèle que l'assassinat avait été commandité mais l'on ignore totalement à quel niveau de l'État turc. La mort de l'exécutant inquiète ceux qui auraient aimé connaître la vérité sur ce sujet. Où en était-on de l'identification du commanditaire ? On est allé jusqu'à mettre en cause le chef d'État turc.

Êtes-vous compétent dans le traitement des équipes professionnelles de casseurs qui sévissent systématiquement en France lors des manifestations ? Sur vingt-cinq manifestations contre la loi El Khomri, vingt-trois se sont terminées par des actes d'une très grande gravité perpétrés par une bande de cent à deux cents casseurs professionnels – dont certains viennent de Belgique ou d'ailleurs. Très peu d'entre eux sont arrêtés, on ne sait jamais d'où viennent ces individus ni qui ils sont. Le mystère plane et le Parlement, qui a pourtant une mission de contrôle, est très peu informé de cette réalité.

Samedi, à Rennes, entre vingt-deux heures et une heure du matin, une trentaine d'hommes plus ou moins jeunes, en uniforme et cagoule noirs, munis de barres de fer et de matraques, ont tabassé dans des cafés tout ce qui ressemblait à des Maghrébins ou à des personnes de couleur. Cela a été décrit, pour la première fois, comme une manifestation de fascistes. Que savez-vous de ces individus ?

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Patrick Calvar, directeur général de la sécurité intérieure au ministère de l'intérieur, sur la lutte contre le terrorisme

La séance est levée à dix huit heures.